La science de la navigation
Qualité de l’information, précision de la mesure et algorithmes
Au cours de l’Histoire, l’essor des techniques de navigation a toujours accompagné les grandes explorations humaines. Les instruments de navigation tels que la boussole (Chine, I er siècle après JC), l’astrolabe (adapté à la navigation maritime par les Portugais au XIVe siècle), le sextant (XVIIIe siècle) ou le chronomètre de marine (XVIIIe siècle) ont permis aux voyageurs et aux aventuriers de tirer parti des repères naturels (étoiles, champ magnétique terrestre) pour déterminer leur position géographique avec une précision croissante. Aujourd’hui, chacun d’entre nous peut bénéficier d’une assistance par le système GPS (Global Positioning System) lors de ses déplacements automobiles quotidiens.
Ces différentes techniques de navigation ont pour point commun d’être basées sur la mesure de la position d’éléments extérieurs par rapport au système d’observation. Tout voyageur voulant déterminer sa position géographique devra tout d’abord posséder une information a priori sur la localisation des objets observés. Pour les étoiles ou les satellites (GPS ou Galileo), cette information est un éphéméride. Pour la navigation terrestre, ce sont des cartes indiquant la position des éléments remarquables de la géographie. Ensuite, notre voyageur devra disposer d’un système de mesure permettant de se localiser par rapport aux objets observés. Cette localisation est souvent partielle et indirecte : elle se limite pour la plupart des systèmes à des mesures de distance ou des mesures angulaires. Dans le système GPS par exemple, seule la distance des satellites au récepteur est accessible. Avec un sextant, seule l’élévation d’un astre est mesurable. Enfin, une opération de calcul est nécessaire pour estimer sa position géographique à partir des diverses observations à sa disposition. Les mathématiques ont ici un rôle de première importance à jouer. L’équipage des grandes expéditions maritimes du XVe au XVIIIe siècle comptait toujours un officier avec de solides compétences en mathématiques et en astronomie. Sa tâche consistait à combiner les différentes mesures (sextant, compas, chronomètre, corde à noeuds) afin d’estimer la position du navire avec le plus de précision possible.
Aujourd’hui, la problématique de la localisation géographique est renouvelée par le développement croissant d’assistances à la navigation et d’engins totalement autonomes (robots ou drones). Les capteurs électroniques ont remplacés les instruments traditionnels et les yeux des navigateurs, les mathématiciens embarqués ont cédé la place à des microprocesseurs. Cependant, les trois points fondamentaux décrits précédemment – information a priori, système de mesure, calcul d’estimation – restent valables. En conséquence, l’extension des performances d’un système de localisation peut donc se décliner selon ces mêmes axes. Une première voie consiste à améliorer la qualité de l’information a priori sur les objets observés : meilleure cartographie ou création de nouveaux objets (balises radio, satellites GPS). Une seconde direction est l’amélioration de la qualité et de la précision des instruments d’observations. La troisième consiste à optimiser les algorithmes assurant la combinaison des différentes sources d’information dans un objectif de précision, de fiabilité ou de disponibilité.
Le recalage altimétrique des aéronefs autonomes et le filtre particulaire
Dans le contexte des engins volants autonomes, la navigation à court terme, c’est àdire sur un horizon de quelques minutes à quelques dizaines de minutes, est réalisée sur la base des mesures accélérométriques et gyrométriques d’une centrale inertielle. Cependant, une estimation uniquement inertielle n’est pas satisfaisante pour des missions de plus longue durée, car le phénomène de dérive induit une erreur de localisation croissante avec le temps. Il est alors nécessaire de coupler la centrale inertielle avec des capteurs additionnels fournissant une information supplémentaire sur la position géographique. Ce procédé est appelé recalage, à la manière d’une montre que l’on remet à l’heure périodiquement sur une horloge de référence. Une solution classique est l’utilisation d’un récepteur GPS. Plus originale est l’utilisation d’un radar altimétrique mesurant la hauteur du sol situé à la verticale de l’engin, et d’une carte altimétrique du terrain survolé.
Pour illustrer le principe de recalage altimétrique, imaginons-nous les yeux bandés, avec pour mission d’ effectuer un parcours prédéterminé sur un terrain montagneux. Supposons que nos sens pour nous localiser se réduisent à notre oreille interne, organe qui permet d’estimer les accélérations et les changement de direction. On peut faire l’analogie entre une centrale inertielle et cet organe. Au fil du parcours, la précision de suivi du parcours se dégrade inévitablement à cause des erreurs de jugement sur les distances parcourues et les changements de direction. Pour nous aider, munissons-nous d’un altimètre et d’une carte topographique sur laquelle sont indiquées les lignes de niveaux. La simple mesure de l’altimètre à un instant donné réduit déjà la zone des localisations possibles. De plus, les variations d’altitude au cours du temps comme des passages de crêtes fournissent des éléments encore plus précis. Ainsi, il est possible d’affiner notre localisation pendant le parcours. Cette expérience n’est pas totalement théorique. En effet, des techniques reconnues d’orientation en montagne telles que la méthode dite de la tangente à la courbe sont basées sur un principe similaire et permettent de se guider par temps de brouillard.
La navigation terrestre
Le terme de navigation terrestre désigne ici la navigation par rapport au globe terrestre. Elle concerne aussi bien des engins évoluant sur terre, sur mer ou dans les airs. En navigation terrestre, on cherche à connaître la position géographique d’un objet, son orientation dans l’espace, ainsi que ses paramètres d’évolution, c’est-à-dire son vecteur vitesse et son vecteur rotation. Ce sous-chapitre précise les repères utilisés et définit les grandeurs cinématiques utilisées en navigation terrestre. L’ensemble du mémoire y fera référence.
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Table des matières
Table des matières
Introduction
La science de la navigation
Contexte de la thèse
Démarche et objectifs
Organisation du mémoire
Notations et symboles
1 Navigation et fusion d’information
1.1 Introduction
1.2 La navigation terrestre
1.2.1 Définition des repères
1.2.2 Grandeurs cinématiques
1.3 Structure de commande d’un véhicule autonome
1.3.1 Hiérarchie
1.3.2 La fonction pilotage
1.3.3 La fonction guidage
1.3.4 La fonction navigation
1.4 Exigences pour une mission autonome
1.4.1 Précision de positionnement
1.4.2 Disponibilité
1.4.3 Fiabilité
1.5 Les sources d’information
1.5.1 Navigation inertielle
1.5.2 Positionnement par satellites
1.5.3 Imagerie
1.5.4 Recalage altimétrique
1.6 Conclusion
1.6.1 Complémentarité des sources
1.6.2 La navigation hybridée
2 Cadre bayésien et méthodes numériques
2.1 Introduction
2.2 Inférence bayésienne
2.2.1 Caractérisation statistique d’une grandeur
2.2.2 Cadre bayésien pour l’estimation
2.2.3 Estimateurs
2.2.4 Cas des systèmes dynamiques
2.3 Filtrage linéaire
2.3.1 Estimateur linéaire optimal
2.3.2 Filtre de Kalman
2.3.3 Filtre de Kalman étendu (EKF)
2.3.4 Unscented Kalman filter (UKF)
2.4 Filtrage particulaire
2.4.1 Représentation particulaire d’une densité de probabilité
2.4.2 Principe du filtrage particulaire
2.4.3 Principe de la Rao-Blackwellisation
3 Filtrage optimal pour le recalage altimétrique
3.1 Introduction
3.2 Identification d’une position par mesure altimétrique
3.3 Outils mathématiques associés
3.3.1 Modèle de dérive inertielle
3.3.2 Modèle de mesure altimétrique
3.3.3 Solution optimale dans un cadre bayésien
3.3.4 Difficultés de mise en œuvre pratique
3.3.5 Représentations de la densité de probabilité filtrée
3.3.6 Illustration du fonctionnement d’un filtre particulaire pour la navigation
3.3.7 Potentialités du filtre particulaire
3.4 Filtrage pour le recalage altimétrique : état de l’art
4 Évaluation comparatives de filtres non-linéaires gaussiens
4.1 Cadre de l’étude
4.1.1 Comparaison de filtres non-linéaires pour la phase de poursuite
4.1.2 Contraintes d’intégration à un système de navigation
4.2 Filtre de Kalman étendu
4.2.1 Mise en œuvre
4.2.2 Choix des paramètres
4.3 Unscented Kalman Filter
4.3.1 Mise en œuvre
4.3.2 Choix des paramètres
4.4 Filtre à grille
4.4.1 Principe
4.4.2 Mise en œuvre
4.4.3 Choix des paramètres
4.5 Filtre particulaire gaussien
4.5.1 Principe
4.5.2 Mise en œuvre
4.5.3 Choix des paramètres
4.6 Démarche de comparaison
4.6.1 Critères d’évaluation
4.6.2 Définition des scénarios
5 Mise en œuvre pratique et exemples de résultats
5.1 Outil de simulation numérique
5.1.1 Introduction
5.1.2 Les éléments de la simulation
5.1.3 Détails d’implémentation
5.2 Exemple de résultats : filtre particulaire gaussien
5.2.1 Construction de la distribution d’importance
5.2.2 Évaluations comparées
Conclusion générale
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