Apport des réalités virtuelles et augmentées dans la planification et le suivi in situ de travaux de rénovation

De nos jours l’innovation dans l’AIC (Architecture Ingénierie Construction) a révolutionné la conception du projet architectural. L’utilisation de modèles 3D intelligents est en passe de devenir une pratique courante en phase de conception. Ceux-ci, agrégés ensemble, forment la maquette numérique. L’approche technique va bien au-delà de la CAO (conception assistée par ordinateur) conventionnelle si bien que le secteur de la construction a appelé ce modèle le BIM (Building Information Modeling). Le BIM témoigne de cette approche innovante en ce sens qu’il décrit l’ouvrage tout au long de son cycle de vie, depuis sa conception jusqu’à sa gestion patrimoniale en passant par la phase de construction, en garantissant le travail collaboratif entre les acteurs du projet. De plus, le perfectionnement toujours plus rapide de l’informatique permet d’envisager l’accès et la manipulation de cette maquette numérique sur le site même des travaux : Des périphériques mobiles tels que Smartphones ou tablette tactile peuvent servir d’outil d’aide à la planification de séquences de travaux, au suivi des écarts entre versions « tel que planifié » (as planned) et « tel que construit » (as built), ou encore à la visualisation de détails de forme de n’importe quel composant 3D, ou enfin à l’analyse de simulations nécessaires avant et pendant le processus de construction.

A titre d’illustration et utilisé pour nos expérimentations, la réhabilitation d’un site patrimonial du XVIIIème siècle a servi de cas test. Les concepts et méthodes développés sont ainsi mis en œuvre à travers ce cas d’étude : L’école d’ingénieur « Arts et Métiers Paris Tech » loge à Cluny dans les anciens bâtiments abbatiaux. L’isolation thermique demeure sommaire, occasionnant une consommation énergétique annuelle déraisonnable. Nos investigations ont proposé un scénario de rénovation sur l’une des centaines de fenêtre de l’édifice. Sur les conseils d’un architecte, nous avons choisi un sur-fenêtrage et un doublage de l’isolation existante (laine de verre). La menuiserie existante est conservée, ce qui garantit une esthétique extérieure inchangée du monument historique. La configuration intérieure du bureau est compatible avec l’ajout d’une cloison surmontée d’une nouvelle fenêtre.

CONSTAT DES LIMITATIONS DU PROCESSUS PAPIER

Les écueils rencontrés avec le processus papier consistent notamment en :

-La gestion de l’obsolescence de la donnée : Avec la croissance du nombre de collaborateurs et les multiplications des réglementations toujours plus drastiques, les circuits de validation de l’information sont devenus plus complexes et longs à parcourir. Entre le moment où une information est validée et où elle arrive entre les mains de l’ouvrier sur le chantier, il se peut qu’elle ait changé de nouveau. Un arbitrage, bien que nécessaire (et déjà existant), peine à juguler cette surenchère tant les occasions d’éditions (réunion de chantier, échanges téléphoniques, réalité du terrain) et les acteurs potentiels (architectes, ouvriers, ingénieurs calculs de structure, géomètres…) sont nombreux. Le défi consiste à optimiser les circuits de prises de décision.

-Les actions de (res)saisie engendrant des erreurs : L’édition d’une information, par exemple une note prise sur un coin de plan, a dans une certaine mesure des conséquences sur les connaissances mises en œuvre pour le projet. L’absence d’interopérabilité dans le processus papier entraine des opérations de ressaisie qui, outre leur coût en temps, peut générer des erreurs. [O’Connor et al, 2004] .

-Un manque de souplesse du processus papier. L’information sur le papier (un plan par exemple) n’est pas exhaustive : Une mise en plan peut apparaitre incomplète selon les besoins du terrain et le temps mis pour accéder à l’information engendre des surcoûts qui pourraient être évités en manipulant directement le système d’information. De plus, le temps nécessaire à une annotation effectuée sur le chantier pour être connue de l’ensemble des collaborateurs est long et l’opération fastidieuse. Le National Institute of Science and Technology (NIST) a mené en 2004 une enquête d’analyse des surcouts dus au manque d’interopérabilité dans les flux de travail du secteur de la construction [O’Connor et al, 2004]. Les résultats de cette étude prônent un flux de travail alternatif qui optimise les échanges entre les partenaires du projet.

La pérennisation de l’information tout au long du cycle de vie du bâtiment. Le problème du processus papier est qu’il ne garantit pas la sécurité de l’archivage de l’information. Depuis sa construction jusqu’à sa destruction, le cycle de vie d’un bâtiment aura été jalonné d’étapes (rénovation, réhabilitation…) qui d’une part nécessiteront une connaissance précise du bâtiment dans son état avant travaux et d’autre part génèrera une information actualisée après travaux. Le stockage numérique de ces étapes clés du cycle de vie du bâtiment est vital. Les données doivent être normalisées de sorte à garantir leur lisibilité dans le temps. L’ère du stockage papier a montré ses limites : On en observe aujourd’hui les conséquences dans la construction/rénovation de bâtiment : Une donnée imprécise du cadastre ou une connaissance approximative de la configuration d’un édifice entraîne parfois des surprises (comme la découverte de réseaux insoupçonnés)…

-Les surcoûts engendrés : Outre la gestion des versions de plans qui fait croitre de manière exponentielle les impressions hebdomadaires de documentation (jusqu’à 4000 impressions par semaine ), une énergie phénoménale est dépensée à retrouver une information ou à la générer à nouveau, à détecter puis corriger les erreurs, à arbitrer selon les prérogatives de chaque partenaire du projet…Une étude détaillée [1.1] développe, entre autre, ce point crucial.

Ces constats mettent en lumière les limites d’une méthodologie basée sur le papier pour obtenir une donnée constructive contextuelle, précise et pertinente ce qui a de lourdes conséquences sur le processus de construction. Ceci nous encourage à proposer une approche innovante : la donnée dématérialisée colocalisée, à travers l’accès sur site à toutes les données métriques et paramétriques du prototype virtuel du projet : De quelle manière impacte-t-elle la gestion/planification du chantier ? Dans ces travaux nous nous sommes appliqués à étudier cette question à travers le cas d’étude d’une rénovation de bâti ancien.

La réalité augmentée dans la construction

AR4BC (Augmented Reality for Building and Construction – VTT Technical research Centre of Finland) : la réalité augmentée pour le bâtiment et la construction est un projet mené par le centre technique de recherche VTT entre 2008 et 2010. Il avait pour objectif d’explorer le flux de travail de mise à disposition sur site de la maquette virtuelle d’un projet de construction. Il s’attachait à l’aspect temporel (la maquette 4D) de manière à comparer les tâches prévues (« as planned ») avec l’état réel des travaux (« as built ») [Woodward et al, 2010]. Ils ont d’ailleurs développé leur architecture logicielle [Hakkarainen et al, 2009] permettant de géopositionner la maquette et de la visualiser en fonction du point de vue en surimpression d’un flux vidéo capté par une caméra. Le laboratoire continue d’explorer [Woodward, Hakkarainen, 2011] les possibilités d’amener sur un périphérique léger mobile le projet BIM. Les limites de leur solution tiennent en une utilisation en environnement extérieur sur une construction neuve. Or, dans nos recherches nous focalisons sur de la préparation et du suivi en intérieur de travaux de réhabilitation d’un bâti ancien. Cependant, les passerelles développées argumentent en faveur de la pertinence d’un tel outil.

D4AR (4D Augmented reality): Ce projet de collaboration entre les universités de l’Illinois et du Michigan met en évidence l’apport du BIM 4D c’est à dire la prise en compte de l’aspect temporel dans la caractérisation d’une base de donnée architecturale. L’article dont il est question [Golparvar-Fard et al, 2009] focalise sur le suivi temporel du projet de construction, par la capitalisation de prises de vues quotidiennes, automatiques et géo référencées du projet tel que construit. Ainsi ces clichés collectés représentent un outil permettant une comparaison poussée du « as planned » et du « as built » de sorte que les déviations sont rapidement détectées.

Le projet C2B (prononcé “see to be”) était porté par l’organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée TNO [Berlo et al, 2009].Ce système permet la diffusion sur site du projet de construction de sorte que les ouvriers aient une vision simple et claire de l’avancée des travaux. Il vise principalement à éviter les erreurs de construction ainsi qu’à limiter les risques de sécurité. Il combine des éléments virtuels avec un flux vidéo généré par une caméra : On parle de chantier augmenté dans le sens où les éléments virtuels apportent de la connaissance à l’opérateur sur site, notamment sur le phasage des travaux. Ce projet fut pionnier dans ce créneau de recherche et a considéré la maquette virtuelle et non plus seulement la maquette numérique. La maquette virtuelle ajoute à la maquette numérique les aspects d’immersion et d’interactions avancées  .

Arviscope (University of Michigan). Ce mémoire de thèse de doctorat [Behzadan, 2008] propose une approche où la réalité augmentée sert de support à la visualisation de simulation d’opérations sur le chantier. La solution se décline en deux briques : La brique réalité augmentée et développement logiciel (Arviscope); la brique périphérique mobile (Rover) et les solutions technologiques qui lui sont liées. Cette approche limite la modélisation 3D au projet uniquement ; elle réduit les tâches de collecte de données. Ainsi ce gain peut être réinvesti dans la génération d’un modèle plus convaincant visuellement et donc à partir duquel il est plus facile de communiquer.

Notre étude vise l’évaluation de nouveaux usages des réalités mixtes dans la planification et le suivi de travaux de rénovation dans un bâtiment dit « ancien ». Nous ciblons à moyen terme une application industrielle de la réalité augmentée puisque la performance des technologies (de calcul, de géopositionnement…) ne cesse de croitre. Nous aurons une démarche mettant en œuvre des tests utilisateurs de sorte à démontrer l’avantage de la mise à disposition sur site de la base de données dématérialisée. Notre approche est partie du constat que des travaux de rénovation dans un bâtiment pouvaient être considérés comme des opérations analogues à celles rencontrées dans la maintenance industrielle : ces interventions incluses dans le cycle de vie de l’ouvrage entrainent des modifications du « produit » bâtiment et nécessitent de maîtriser la connaissance de sa configuration courante. Les investigations ont débuté par l’analyse de méthodes de maintenance grâce à la réalité augmentée [Henderson, Feiner, 2009][Hugo Alvarez et al, 2011] .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1 CONTEXTE DE LA THESE
2 PROBLEMATIQUE DE LA THESE
3 ORGANISATION DU DOCUMENT
CHAPITRE 1 ETAT DES LIEUX D’UNE METHODOLOGIE LIMITEE
1 INTRODUCTION
2 CONSTAT DES LIMITATIONS DU PROCESSUS PAPIER
3 CONTEXTE
3.1 Rénovation du bâti ancien
3.2 Modélisation des données du bâtiment (BIM)
3.3 La réalité augmentée dans la construction
CHAPITRE 2 ETAT DE L’ART
1 LE BIM, UN SYSTEME DE GESTION DES DONNEES DU BATIMENT
1.1 Enjeux
1.2 Définition
1.3 Discussion
1.4 Conclusion et perpectives
2 LA REALITE MIXTE : COMMENT LE NUMERIQUE ENRICHIT LA CONNAISSANCE DE L’ ENVIRONNEMENT
2.1 Introduction
2.2 La réalité augmentée
2.3 La réalité virtuelle, un outil pour la représentation des données numériques
3 UNE INTERFACE HOMME MACHINE TOUTE EN MOBILITE
3.1 Introduction – Usages
3.2 Systèmes existants
3.3 Principe de fonctionnement
4 CONCLUSION
CHAPITRE 3 PROBLEMATIQUE : INTERACTION IN SITU AVEC LES DONNEES CONSTRUCTIVES
1 VERROUS SCIENTIFIQUES
1.1 Disponibilité de la donnée constructive
1.2 Accessibilité depuis le chantier via un périphérique léger
1.3 Visualisation de résultats de simulations
2 METHODES D’INTERACTIONS PROPOSEES
3 QUESTION DE RECHERCHE
3.1 Problématique scientifique : Gestion et interaction avec la donnée constructive
3.2 Question de recherche : Les défis de la manipulation sur site du système d’informations
CHAPITRE 4 APPROCHE PROPOSEE
1 INTRODUCTION
2 METHODE PROPOSEE
2.1Comparaison de trois ateliers
2.2 Description de l’interface utilisateur
3 FLUX DE TRAVAIL GENERIQUE
4 CHOIX TECHNOLOGIQUES – IMPLEMENTATION
CHAPITRE 5 EXPERIMENTATIONS
1 EXPERIMENTATION 1 : VISUALISATION ET INTERACTION SUR SITE AVEC DES DONNEES CONSTRUCTIVES
1.1 Tâches soumises aux candidats et objectif poursuivi
1.2 Variables mesurées
1.3 Population prenant part aux tests
1.4 Protocole expérimental – Déroulement d’une séance
1.5 Rappel des hypothèses de travail
1.6 Résultats
1.7 Dépouillement des données et analyse statistique de la variance (ANOVA)
1.8 Discussion
2 EXPERIMENTATION 2 : VISUALISATION DE RESULTATS DE SIMULATION THERMIQUE EN CONTEXTE DE REALITE VIRTUELLE
2.1 Objectif de l’expérimentation
2.2 Eléments d’implémentation
2.3 Variables mesurées
2.4 Populations prenant part aux tests
2.5 Protocole expérimental – Déroulement d’une séance
2.6 Rappel des hypothèses de travail
2.7 Dépouillement des résultats
2.8 Discussion
2.9 Conclusion
CHAPITRE 6 CONCLUSION

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