Les différentes approches en mécanique des fluides et leurs limites de validité
En mécanique des fluides, la description la plus communément utilisée est la mécanique des milieux continus (MMC). Celle-ci consiste à décrire l’évolution spatiotemporelle des champs macroscopiques de densité, d’impulsion et d’énergie par les équations de Navier-Stokes [Lan90,GHP01]. Ces champs sont, du point de vue de la physique statistique, à l’équilibre. Or, par définition, un système à l’équilibre ne peut évoluer dans le temps. L’évolution temporelle de ces champs macroscopiques nécessite donc l’introduction d’équations représentatives de l’éloignement du système à l’équilibre, source de l’évolution du système. Ces équations s’appellent équations constitutives et nécessitent l’introduction de quantités empiriques appelées coefficients de transport . Cependant, ces équations d’évolutions, dans le cadre de la MMC, ne représentent que de très faibles écarts à l’équilibre. Or, il est possible que dans certaines circonstances, un fluide puisse s’éloigner fortement de l’équilibre, et que, dans ce cas, les équations de la mécanique des milieux continus ne suffisent plus. Il est alors nécessaire d’utiliser une description plus fine de notre fluide. Nous pourrions par exemple considérer l’ensemble de toutes les molécules, ou atomes, qui le constitue. La résolution des équations du mouvement de cet ensemble de molécules, appelé problème à N corps, permet de retrouver le comportement des fluides, y compris lorsqu’ils s’éloignent fortement de l’équilibre. Cependant, une telle description est lourde et ne permettra la simulation de systèmes constitués que d’un petit nombre de molécules.
Entre ces deux descriptions (en terme de complexité), on trouve la théorie cinétique, qui consiste essentiellement en une description statistique du problème à N corps. La statistique permet d’une part de réduire considérablement le nombre de degrés de libertés du système, et permet d’autre part de passer d’un problème discontinu (les N corps), à un problème continu. Les N corps sont remplacés par une fonction de distribution statistique, qui bien que continue, conserve les caractéristiques discrètes sous-jacentes, à l’exception des fluctuations . L’évolution de cette fonction de distribution est gouvernée par une équation aux dérivées partielles, l’équation de Boltzmann, qui est similaire aux équations rencontrées dans le cadre de la MMC et pour lesquelles les techniques numériques sont très développées.
Coexistence de différents régimes au sein d’un même milieu
Illustrons maintenant la possibilité que plusieurs régimes d’écoulement puissent coexister. où l’on considère une structure confinante formée de deux canaux connectés. L’un est de taille L1 et l’autre de taille L2 < L1. Supposons alors qu’un gaz, dans des conditions normales, s’y écoule. Le libre parcours moyen d’un gaz dans ces conditions est toujours de l’ordre de la centaine de nanomètres, soit λ ∼ 10−⁷ m. Si nous considérons que l’écoulement dans le canal de taille L2 est en régime de glissement, avec Kn 2 ∼ 0,1, alors cela implique que L2 ∼ 10 λ ∼ 1 µm. Pour que deux régimes coexistent, il suffit que l’écoulement dans le canal de taille L1 soit en régime hydrodynamique, soit que Kn 1 & 0,01, d’où L1 & 10L2 ∼ 10 µm. Une telle situation n’est pas exceptionnelle dans nombre de matériaux poreux. Comme exemple, donnons le cas du charbon, dont les pores les plus petits ont une taille de l’ordre du nanomètre [RdS02] et pour lequel les effets de confinement modifient la perméabilité aux gaz .
Éléments de théorie cinétique
L’objet de ce chapitre est de présenter le formalisme et les concepts fondamentaux utiles à la compréhension de ce mémoire. Il s’agit donc d’énoncer les bases de la physique statistique, qui est le formalisme utilisé pour décrire les systèmes mécaniques à grand nombre de degrés de liberté, aussi qualifiés de thermodynamiques. La physique statistique est une branche de la physique moderne, initiée par Ludwig Boltzmann à la fin du dix-huitième siècle, dans le but de comprendre comment les propriétés des corps à l’échelle que nous percevons, qualifiée de macroscopique, peuvent s’expliquer à partir de celles de leurs constituants microscopiques, que sont les atomes, les molécules, les électrons, etc.
Espace des phases – Équations de Hamilton
L’espace des phases est l’espace le plus adapté à l’étude des systèmes thermodynamiques. Il s’agit d’un espace abstrait qui, pour un gaz de N particules (indicées par k), est engendré par l’ensemble des coordonnées xk et des impulsions mkvk des particules du gaz ; chaque point de cet espace représentant un état du système considéré. On appellera le sous-espace des positions de l’espace des phases, l’espace des configurations et le sous-espace des impulsions, l’espace des impulsions.
Fonction de distribution d’équilibre
Un état macroscopique particulier des systèmes thermodynamiques est l’état d’équilibre. Cet état d’équilibre peut être atteint localement ou globalement, on parlera alors respectivement de systèmes à l’équilibre thermodynamique local (ETL) ou global (ETG). L’équilibre thermodynamique global est caractérisé par l’homogénéité et la stationnarité du système dans son ensemble, la fonction d’équilibre est alors indépendante du temps et de l’espace. Signalons qu’à l’ETG, bien que la fonction de distribution soit stationnaire, le point représentatif de l’état du système évolue sous les équations de Hamilton dans l’espace des phases. En particulier, les particules du système collisionnent et la fonction de distribution d’équilibre devra être compatible avec les propriétés de ces collisions.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Approches en mécanique des fluides et leurs limites de validité
1.2 Coexistence de différents régimes au sein d’un même milieu
1.3 Plan de la thèse
2 Éléments de théorie cinétique
2.1 Espace des phases – Équations de Hamilton
2.2 Fonction de distribution dans l’espace des phases
2.2.1 Fonction de distribution à N particules
2.2.2 Fonction de distribution réduite
2.2.3 Fonction de distribution et grandeurs macroscopiques
2.2.4 Fonction de distribution d’équilibre
2.3 Évolution de la fonction de distribution dans l’espace des phases
2.3.1 Équation de Liouville
2.3.2 Opérateur de collisions
2.4 Gaz dilués – Limite de validité de l’équation de Boltzmann
3 Limite hydrodynamique de l’équation de Boltzmann
3.1 Hiérarchie des moments
3.2 Invariants collisionnels
3.3 Équations de bilan local sur les invariants collisionnels
3.3.1 Bilan de masse
3.3.2 Bilan de quantité de mouvement
3.3.3 Bilan d’énergie interne
3.4 Équations hydrodynamiques
3.5 Temps de relaxation
3.5.1 Temps de relaxation local
3.5.2 Temps de relaxation et nombre de Knudsen
4 Écoulements glissants et transitionnels
4.1 Conditions aux bords
4.1.1 Conditions aux bords cinétiques
4.1.2 Modèle de Maxwell
4.2 Vitesse de glissement à la paroi
4.3 Écoulement de Poiseuille avec glissement
4.3.1 Profil de vitesse
4.3.2 Vitesse débitante
4.4 Saut de température et transpiration thermique
4.4.1 Saut de température
4.4.2 Transpiration thermique
5 Conclusion
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