Apport de la tomographie par cohérence optique dans l’étude de l’angle irido-cornéen chez les glaucomateux

Le terme glaucome regroupe un ensemble de maladies qui ont en commun une neuropathie optique caractéristique associée à une perte de la fonction visuelle [58]. Bien que l’élévation de la pression intraoculaire (PIO) soit un des premiers facteurs de risque, sa présence ou non n’a pas de rôle dans la définition de la maladie chez la plupart des individus. Les modifications du nerf optique et du champ visuel observées dans le glaucome sont déterminées à la fois par le niveau de la PIO et par la résistance des axones du nerf optique. Le facteur de risque principal et contrôlable par un traitement est l’hypertonie intraoculaire. D’autres facteurs tels que l’âge, la couleur de peau, le diabète, les antécédents familiaux, la myopie et les variations de pression artérielle, prédisposant les axones du nerf optique à des lésions bien caractérisées, mais moins facilement accessibles. Bien que les modifications progressives du champ visuel et du nerf optique soient généralement en relation avec une PIO élevée, dans les cas de glaucome à pression normale, la PIO reste dans des valeurs statistiquement normales. Cependant, la progression des lésions nerveuses peut continuer malgré l’abaissement de la PIO dans les cas faisant intervenir d’autres mécanismes physiopathologiques qui peuvent également affecter le nerf optique. A cet effet, dans le cadre du bilan et du suivi du glaucome, la gonioscopie à intervalles réguliers reste un examen indispensable. Après chaque examen gonioscopique, une classification doit être réalisée, il en existe plusieurs : Speath, Shaffer et Etienne, Van Erick [58].

L’analyse de l’angle irido-cornéen (AIC) est un élément fondamental. Bien que la gonioscopie demeure un examen de référence, les coupes ultrabiomicroscopiques (UBM) et en tomographie en cohérence optique du segment antérieur (OCT-SA) apportent une aide précieuse dans l’analyse de l’angle mais aussi des rapports entre les différentes structures du segment antérieur. L’OCT-SA a rendu cette analyse plus simple et plus facile d’acquisition que l’UBM.

RAPPELS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES 

Anatomie de l’AIC

L’angle irido-cornéen est la portion anatomique formée par la jonction cornéosclérale, le corps ciliaire et la racine de l’iris. Il évacue plus de 80% de l’humeur aqueuse (HA), le reste étant drainé par la racine de l’iris et les espaces interstitiels du muscle ciliaire: voie uvéo-sclérale ou extra-canaliculaire accessoire. L’AIC forme une espèce de dièdre courbe, avec deux parois et un sommet .

– La paroi antéro-externe qui est le versant interne de la jonction cornéosclérale en avant. Le versant cornéen constitué en majeur partie par l’anneau de Schwalbe (limite antérieure de l’AIC) qui correspond à la condensation de collagène de la membrane de Descemet marquant la limite entre l’endothélium et le trabéculum. C’est une ligne fine, blanche, translucide, un peu brillante, en relief, parfois proéminente (embryotoxon postérieur) parfois pigmentée. C’est la structure la plus périphérique de l’AIC. En arrière le versant scléral est composé de deux lignes : le septum scléral et l’éperon scléral séparé par une gouttière sclérale (gouttière annulaire à coupe triangulaire contenant le canal de Schlemm et tapissé par le trabéculum cornéo-scléral). L’éperon scléral est une ligne blancjaunâtre, nacrée, directement en arrière du trabéculum. C’est un repère capital : si l’éperon scléral est reconnu, on a la certitude que l’AIC est ouvert et que l’HA peut atteindre le canal de Schlemm.
– Paroi postéro-antérieure : c’est l’insertion de la racine de l’iris sur le corps ciliaire. L’iris est plus fin (épaisseur 0,1mm) et moins pigmenté au niveau de sa racine. C’est une limite postérieure de l’angle en regard de l’anneau de Schwalbe immédiatement en arrière de la racine de l’iris. La bande ciliaire (partie visible du muscle ciliaire en gonioscopie) est le sommet de l’AIC, formé par le muscle ciliaire et les fibres iriennes. C’est une ligne lisse, plus ou moins pigmentée, de couleur sombre dominante, de gris à marron, traversée parfois par quelques segments rouges (grand cercle artériel de l’iris). La bande ciliaire est plus visible en cas de myopie, d’aphakie, de traumatisme. Elle est plus étroite ou absente en cas d’hypermétropie.
– Sommet : c’est le muscle ciliaire avec ces trois chefs musculaires : externe, interne, circulaire. L’AIC est tapissé dans sa totalité par le trabéculum. L’étude histologique montre que le trabéculum est formé de quatre parties qui sont de dehors en dedans :
– Le trabéculum cribriforme est constitué de deux à trois strates de lamelles. C’est la partie la plus externe du trabéculum, dernier obstacle trabéculaire à l’écoulement de l’HA. Il est situé entre le mûr interne du canal de Schlemm et le trabéculum cornéo-scléral et mesure 5 à 10 micromètres en largeur. Il est formé d’un tissu conjonctif lâche sans stratification et de deux à cinq couches cellulaires disposées de manière aléatoire au sein d’une substance fondamentale.
– Le trabéculum cornéo-scléral : il est formé de feuillets conjonctifs superposés, perforés, orientés parallèlement au limbe et à disposition circulaire. Il s’étend du mésus à l’éperon scléral. Il a une intense activité de phagocytose. De forme triangulaire, son nombre de feuillets constitutifs augmentent progressivement d’avant en arrière, de quatre couches à l’insertion antérieure à l’anneau de Schwalbe, jusqu’à 15 à 20 couches à son insertion postérieure sur l’anneau de l’éperon scléral (120 µm environ).
– Le trabéculum uvéal : il est en rapport direct avec l’humeur aqueuse. Il est perforé de petites alvéoles à activité de phagocytose importante, histologiquement semblable au trabéculum cornéo-scléral. Il est formé de piliers de 5 à 12 µm de diamètre, entrecroisés, constitués de fibres collagènes, centrales parallèles à son grand axe et de périodicité 640Å. Autour de ces fibrilles se disposent des cellules endothéliales de 0,3 µm d’épaisseur, reposant sur une basale.
– Les procès ou trabéculums iriens : ce sont des ponts de tissus mésodermiques tendus depuis l’iris et le corps ciliaire jusqu’à l’éperon scléral.

Moyens d’exploration de l’AIC 

La gonioscopie : la gonioscopie demeure un examen de référence pour évaluer le segment antérieur et l’AIC.

Principe : En pratique courante on réalise à la lampe à fente une gonioscopie indirecte à l’aide d’un verre posé sur la cornée après anesthésie de contact. Pour ce faire un verre de Goldmann (un ou trois miroirs) ou un verre à quatre miroirs (Posner, Zeiss) peut être utilisé. Ce dernier, de diamètre inférieur à celui de la cornée, permet une gonioscopie dynamique .

Technique : La gonioscopie directe est réalisée avec un microscope binoculaire, une fibre optique éclairante, et une lentille à gonioscopie directe, comme la lentille de Koeppe, de Barkan, de Wurst, de Swan-Jacob, ou de Richardson. Elle est beaucoup plus facilement réalisable sur un patient en position allongée, et elle est généralement utilisée au bloc opératoire pour l’examen des yeux des enfants sous anesthésie. La gonioscopie indirecte est plus fréquemment utilisée en pratique clinique courante. Les verres à un seul miroir nécessitent une rotation pour une observation entière de l’angle. Les verres à gonioscopie de Posner, de Sussman et de Zeiss, à quatre miroirs, permettent une visualisation des quatre quadrants de l’angle sans qu’il ne soit nécessaire d’effectuer une rotation de la lentille pendant l’examen. Il est important de réaliser la gonioscopie dans une pièce faiblement éclairée et avec un faisceau lumineux fin et court afin de réduire au minimum toute contraction pupillaire à l’origine d’une modification de l’aspect périphérique de l’angle qui pourrait alors donner un faux aspect d’angle ouvert, et empêcher ainsi l’identification d’un angle étroit ou fermé.

Structures vues par cette méthode : Cornée postérieure, ligne de Schwalbe, réseau trabéculaire, éperon scléral, bande ciliaire, iris, fibres zonulaires, pupille et cristallin.

OCT-SA 

Principe : Le principe de fonctionnement de l’OCT est en réalité similaire à celui de l’échographie mais avec émission d’une onde lumineuse au lieu d’un ultrason [67]. En utilisant une longueur d’onde de 1310 nm, il a été rapidement possible d’obtenir un signal de structures situées en arrière de la sclère [27, 42]. Sinon l’utilisation des OCT conçues pour l’exploration maculaire avec des longueurs d’onde aux alentours de 850nm est aussi possible.

Technique : Il s’agit d’une technique d’imagerie non contact sur un patient assis. Il est facile de faire des acquisitions en conditions photopiques et scotopiques afin de faire varier la dilatation pupillaire et d’analyser de manière dynamique les structures angulaires. L’OCT de segment antérieur réalise environ 2048 acquisitions à la seconde, permettant ainsi de réaliser des images en temps réel et de bonne résolution, de l’ensemble de la chambre antérieure et de la cornée.

Structures visibles par cet examen : La cornée, la chambre antérieure et l’iris sont facilement visualisés en OCT-SA. L’éperon scléral est un élément clé de l’évaluation de l’AIC en OCT et en UBM. Il est situé juste en arrière du trabéculum, sa visualisation permet d’analyser le dégré d’ouverture de l’angle, la présence d’une apposition irido-trabéculaire ou l’existence de synéchies antérieures périphériques [65]. Une analyse dynamique de l’AIC peut être réalisée en plaçant le patient en condition scotopique ou photopique de façon à observer le jeu pupillaire et les modifications induites sur l’AIC. Cette analyse dynamique est très importante afin de détecter des fermetures de l’AIC lors de variations du diamètre pupillaire [54]. Dans le cas d’un AIC normal, celui-ci reste ouvert en condition scotopique.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. RAPPELS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
I.1. Anatomie de l’AIC
I.2. Moyens d’exploration de l’AIC
I.3. Physiologie de la pression intraoculaire
I.3.1. La sécrétion de l’HA
I.3.2. L’excrétion de l’HA
I.3.3. Composition chimique de l’humeur aqueuse
I.3.4. Propriétés physiques
I.3.5. Les facteurs de variation de la pression intra oculaire
I.3.6. Régulation de la PIO
II. RAPPELS CLINIQUES
II.1. Classification
II.2. Formes cliniques de glaucomes
II.2.1. Glaucome à angle ouvert
II.2.1.1. Glaucome primitif à angle ouvert (GPAO)
II.2.1.2. Glaucomes secondaires à angle ouvert
a)Syndrome pseudo-exfoliatif
b) Glaucome pigmentaire
c) Glaucome de cause cristallinienne
d) Autres causes rares
II.2.2. Glaucome à angle fermé
II.2.2.1. Fermeture primitive de l’angle avec bloc pupillaire
a) Fermeture aiguë primitive de l’angle
b) Fermeture subaiguë ou intermittente de l’angle
c) Fermeture chronique de l’angle
II.2.2.2. Fermeture secondaire de l’angle avec bloc pupillaire
II.2.2.3. Syndrome d’iris-plateau
II.2.2.4. Fermeture secondaire de l’angle sans bloc pupillaire
a) Glaucome néovasculaire
b) Syndrome irido-cornéo-endothélial
c) Fausse route de l’humeur aqueuse
d) Décollement de rétine non rhegmatogène et effusions uvéales
e) Prolifération épithéliale et fibreuse
f) Chirurgie rétinienne et maladies vasculaires rétiniennes
g) Nanophtalmos
h) Persistance du vitré primitif
i) Chambre antérieure plate
j) Glaucome secondaire par fermeture de l’angle induit par des médicaments
II.2.3. Glaucome congénital
II.2.3.1. Glaucome congénital primitif
II.2.3.2. Glaucome congénital secondaire
a) Malformations oculaires associées
b) Syndromes et malformations générales associées
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. MATERIEL ET METHODE
I.1. Matériel
I.1.1. Cadre d’étude
I.1.2. Type et Population d’étude
I.1.2.1. Critères d’inclusion
I.1.2.2. Critères de non inclusion
I.2. Méthodes
II. RESULTATS
II.1. Paramètres épidémiologiques
II.1.1. Sexe
II.1.2. L’âge
II.2. Paramètres cliniques
II.2.1. Motifs de consultation
II.2.2. Antécédents personnels
II.2.3. Acuité visuelle initiale
II.2.4. Réfraction automatique
II.2.5.Tension oculaire sous traitement
II.2.6. Test de Van Herick
II.2.7. Gonioscopie selon SHAFFER
II.2.8. Fond d’œil (CUP/DISC INITIAL)
II.3. Paramètres paracliniques
II.3.1. Champ visuel
II.3.2.OCT-sa
II.3.3.OCT du segment postérieur
II.4. Paramètres thérapeutiques
III. DISCUSSION
III.1. Aspects épidémiologiques
III.1.1. Le sexe
III.1.2. L’âge
III.2. Aspects cliniques
III.2.1. Les motifs de consultations
III.2.2. Les antécédents personnels
III.2.3. Acuité visuelle
III.2.4. Réfraction automatique
III.2.5. Pression intra-oculaire
III.2.6. Test de Van Herick
III.2.7. Gonioscopie
III.2.8. L’examen du fond d’œil
III.3. Les aspects paracliniques
III.3.1. Le champ visuel
III.3.2. L’OCT-SA
III.3.3. L’OCT-papillaire
III.4. Aspects thérapeutiques
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES

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