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Processus liés à l’humidité du sol
Les échanges d’eau et d’énergie se font principalement par le biais de l’humidité du sol, à l’interface surface-atmosphère. L’humidité du sol est alors contrôlée par les différents apports d’eau augmentant et diminuant sous l’effet du haussement de la température, du drainage et de l’infiltration, de l’irrigation et de la précipitation. Les mobilités de l’eau sont donc régies par les différences d’énergies potentielles afin d’atteindre un certain équilibre. Ces flux d’énergies sont principalement liés à l’évaporation du sol et la transpiration des végétaux, ce qui conditionne les transferts de masse et de chaleur entre la Terre et l’atmosphère.
L’humidité du sol constitue alors une variable d’état fondamentale dans plusieurs disciplines telles que l’hydrologie, l’agronomie, la météorologie et la gestion des catastrophes naturelles. Une bonne description des processus de surface, c’est-à-dire des échanges entre la surface superficielle et l’atmosphère, est essentielle pour les applications météorologiques ou climatiques par exemple.
Les processus météorologiques
Les modèles de prévision météorologiques sont conditionnés tant par les variables climatiques que par l’humidité du sol, puisqu’elle participe dans le parcours du cycle de l’eau. En météorologie, l’humidité du sol est importante pour prévoir la température de surface et les précipitations, elle est notamment utilisée comme paramètre dans le bilan hydrique et le bilan d’énergie (Koster et al., 2004 ; Seneviratne et al., 2010 ; Sun et al., 2011). D’autre part, elle influence les variables géophysiques comme l’humidité relative et la température de l’air (Brocca et al., 2017 ; Whan et al., 2015).
Plusieurs études ont montré que l’humidité du sol est fortement liée à la température (Al-Kayssi et al., 1990 ; Cochran, 2010 ; Lakshmi et al., 2003 ; Miralles et al., 2012). Lorsque l’humidité du sol atteint des niveaux élevés accompagnée d’une hausse de température, le taux d’évaporation augmente. Bien que la température croie au cours de la journée, l’évapotranspiration la maintient en baisse. Des valeurs élevées d’humidité du sol auront tendance à augmenter le point de rosée. La condensation (processus de réchauffement) se produit alors lorsque la température tente de descendre en dessous du point de rosée, la nuit.
Il existe également de fortes corrélations entre l’humidité du sol et les précipitations (Guillod et al., 2015 ; Koster et al., 2016 ; Koster et al., 2004 ; Pellarin et al., 2013 ; Tuttle & Salvucci, 2014). Outre, les précipitations sont très affectées par la variabilité de l’humidité du sol. S’il y a de l’humidité dans l’air en raison de l’évaporation du sol, des systèmes à basse pression condenseront l’humidité et des précipitations se produiront. Si le sol est très sec, il y aura moins d’humidité disponible dans l’air et il est moins probable que des précipitations se produisent.
Il existe plusieurs façons de déduire l’humidité du sol dans une région de prévision. L’une des méthodes consiste à étudier chaque jour les cartes de précipitations sur un lapse de temps précis. À partir de ceux-ci, il est possible de déterminer quels endroits ont des sols humides ou secs. D’autres méthodes sont basées sur l’inversion de l’équation du bilan hydrique, utilisant des observations de l’humidité du sol pour estimer directement les précipitations (Brocca et al., 2014). Les mesures de l’humidité du sol sont alors d’une valeur inestimable pour d’innombrables modèles environnementaux (Eltahir, 1998 ; Lorenz et al., 2015 ; Whan et al., 2015).
D’autre part, l’humidité du sol se libère dans l’atmosphère sous l’effet de l’évaporation du sol et de la transpiration de la végétation, qui résulte des processus d’interaction sol-végétation- atmosphère. Cette variable est donc utilisée dans différents modèles Soil Vegetation Atomosphere Transfer (SVAT) (SURface EXternalisée (SURFEX), Interaction Sol-Biosphère-Atmosphère (ISBA), Simple Soil Plant Atmosphere Transfer (SiSPAT), etc.), qui sont généralement couplés avec des modèles météorologiques dans le cadre de prévisions climatiques (Martens et al., 2015 ; Miralles et al., 2011 ; Seneviratne et al., 2006).
En termes globaux annuels, plus de 60% des précipitations sur les terres résultent de l’évapotranspiration des terres, qui résulte (à son tour) des interactions de l’humidité du sol, des plantes et de l’atmosphère (Brocca et al., 2017). Une surveillance opérationnelle constitue une étape importante de l’assimilation des données pour les applications de prévisions numériques au cours du temps. Cependant l’utilisation de ces données pour ce genre d’applications nécessite une représentation spatiale des hétérogénéités pour des estimations à grande échelle. Influencée par les conditions atmosphériques du milieu, elle dépend également des conditions de surface (type de sol, végétation, rugosité de surface, etc.)
D’autre part, l’humidité du sol est l’un des principaux facteurs contrôlant l’évapotranspiration. En effet, la transpiration est le processus physiologique naturel par lequel l’eau stockée sous forme d’humidité du sol est extraite par les racines des plantes, passe à travers leur corps et est évaporée par les stomates de leurs feuilles. Pour l’évaporation, l’eau stockée dans le sol se diffuse dans l’atmosphère sous l’effet de la température. Néanmoins, ces flux sont potentiellement importants car ils modifient le profil d’humidité du sol, agissant sur l’infiltration et les prélèvements racinaires, et déterminent les quantités de remontées capillaires.
Les processus climatiques
Avec un suivi à long terme, l’humidité du sol donne un aperçu sur des modifications éventuelles du climat. L’effet de serre est par exemple, responsable en grande partie du changement climatique actuel, où les niveaux de la température globale sont de plus en plus élevés du à l’augmentation du dioxyde de carbone (CO2). En outre, le cycle global du carbone, la météo et le climat sont fortement influencés par l’humidité du sol. En effet, le sol peut être à la fois une source majeure de CO2 atmosphérique et un important réservoir de stockage de carbone, l’humidité y jouant un rôle moteur.
En fait, la quantité d’émission de CO2 du sol est dix fois supérieure à celle des émissions de combustibles fossiles d’origine humaine. Une grande partie du CO2 généré se diffuse du sol (la respiration du sol) dans l’atmosphère et dans les eaux. La respiration du sol et donc la production de CO2 est alors affectée par la texture, la température et l’humidité du sol. Par conséquent, ces principaux facteurs jouent un rôle important dans le transport du CO2 dans l’environnement, leurs mesures est d’une valeur inestimables pour d’innombrables modèles de prévisions climatiques et environnementales (Seneviratne et al., 2010).
Pour les applications climatiques, les interactions entre les variables climatiques, les flux et l’humidité du sol ont fait l’objet de plusieurs études (Bisselink et al., 2011 ; Koster & Suarez, 2001 ; Seneviratne et al., 2010 ; Whan et al., 2015). L’une des tendances futures des changements climatiques est l’intensification du cycle hydrologique. La hausse des températures à long termes augmentera l’évaporation du sol et la transpiration des végétaux, augmentant de ce fait la probabilité de sécheresse, ainsi que des feux de forêts dans certaines régions du globe. Cette intensification du cycle de l’eau touchera principalement les zones semi-arides et arides, où cette évaporation accrue réduira la disponibilité de l’eau et prolongera les périodes de sécheresse. D’autre part, l’augmentation de la vapeur d’eau entraînera des pluies intenses et donc des inondations dans d’autres parties du globe. En moins de 188 ans, l’humidité du sol devrait provoquer une redistribution globale avec des changements très importants impliquant plusieurs variations (Seneviratne et al., 2010).
La gestion des catastrophes naturelles (suivi et prévision des sécheresses et inondations)
D’autre part, l’humidité du sol intervient pour améliorer les prévisions des catastrophes naturelles (sécheresse, inondation, incendies, érosion, etc.). Si les sols sont saturés par les eaux de ruissellements trop importants par exemple, une dégradation des sols peut avoir lieu par érosion ou par lessivage. Vu les ravages que les inondations peuvent provoquer, l’observation et la mesure des eaux contenues dans les sols sont donc essentiels aux études hydrogéologiques. En effet, les inondations sont les catastrophes les plus dangereuses et les plus couteuses avec d’importants dommages agricoles et économiques. Des hausses de précipitations extrêmes engendrent une saturation des sols, ce qui induit à des inondations. L’humidité du sol est une variable clé dans la répartition des précipitations en infiltration et ruissellement, jouant par conséquent un rôle fondamental dans la prévision des inondations (Massari et al., 2014 ; Temimi et al., 2011 ; Wanders et al., 2014). En effet, le suivi de l’humidité du sol peut atténuer les risques des inondations, notamment à travers les modèles pluie-ruissellement. La disponibilité de mesures d’humidité du sol, également pour une longue période, permet de mettre en œuvre des procédures robustes et fiables pour fournir des directives générales ou des règles permettant une assimilation correcte des données dans les différents modèles hydrologiques et des modèles de prévision.
En ce qui concerne les sécheresses, le phénomène est croissant, il est du au réchauffement climatique planétaire. L’humidité du sol obtenue par satellite peut jouer un rôle multiple dans la gestion des sécheresses en raison de son importance dans le cycle hydrologique globale et sa valeur ajoutée pour l’estimation du début, de la gravité, de la durée et de la fréquence de la sécheresse (Amri et al., 2012 ; Narasimhan and Srinivasan, 2005). L’humidité de surface peut aider également à anticiper un stress hydrique, qui touche principalement les rendements et les productions.
L’humidité du sol est alors assimilée dans des modèles pour améliorer la surveillance de la sécheresse agricole. Elle est notamment utilisée en tant qu’outil pour les prises de décisions et en tant que source d’informations pour lutter contre cette catastrophe. Par exemple, inverser l’équation du bilan hydrique pour estimer et valider les quantités de précipitations via des observations satellites de l’humidité du sol est une approche prometteuse pour tenter de combler les déficits pluviométriques critiques en début de saison. En outre, le suivi de la sécheresse agricole nécessite des informations sur la réponse des cultures (par exemple, via des indices de végétation dérivés de satellites) avant et pendant la saison agricole. Les travaux de Qiu et al. (2014) soulignent l’importance de l’humidité de surface pour surveiller la sécheresse, utilisant l’indice SWI « Soil Water Index » et démontrent que l’humidité superficielle mesurée à l’aide de données micro-ondes (à 5 cm de profondeur) peut tout aussi être utilisée pour des applications de surveillance de la sécheresse, comparée à l’humidité mesurée en profondeur (entre 8 et 68 cm). Paredes-trejo et Barbosa (2017) ont basé leurs prévisions de la sécheresse sur des séries historiques du SWDI « Soil Water Deficit Index », un indice uniquement dépendant de l’humidité du sol et de la profondeur du sol.
Les processus hydrologiques
La gestion des bassins versants nécessite la mise au point de stratégies pour la préservation de la quantité d’eau et la gestion des apports d’eau et des problèmes de recharge. La connaissance de la distribution spatiale de l’humidité du sol est un préalable indispensable à la modélisation de nombreux processus hydrologiques et dans la partition de l’eau en infiltration et ruissellement, et donc dans la prévision des inondations et des érosions. L’assimilation de l’humidité de surface dans des modèles hydrologiques est utile pour diverses applications (Lievens et al., 2015). Les mesures de ce paramètre sont utilisées afin d’améliorer les prévisions des modèles de ruissellement et les modèles pluie-ruissellement à l’échelle du bassin versant (Brocca et al., 2010 ; Tramblay et al., 2010). D’autres applications comme la prévision des crues bénéficient aussi de prévisions améliorées grâce à l’assimilation de l’humidité de surface (Massari et al., 2014). L’humidité du sol sert de substitut à la quantité d’eau en excès et en déficit car elle partitionne la précipitation entre infiltration, ruissellement et évapotranspiration (Seneviratne et al., 2010).
Les observations d’humidité du sol jouent un rôle important dans l’atténuation de nombreux risques naturels autres que les inondations, comme la prévision des glissements de terrain et de l’érosion. Afin de comprendre les causes de l’érosion et de prévoir le moment et le lieu de l’érosion, les hydrologues enregistrent les précipitations, les sédiments et l’humidité du sol. Le taux d’infiltration d’eau dans le sol est alors fonction de son humidité. Si le sol est sec, le taux d’infiltration sera par conséquent suffisant pour empêcher le ruissellement. Un écoulement d’eau en surface peut se produire si la pluie survient à un moment où le sol est saturé. Par conséquent, des glissements de terrain sont obtenus lorsque les conditions de l’humidité du sol sont maximales (Hawke & Mcconchie, 2011 ; Ponziani et al., 2012 ; Todisco et al., 2015).
Les processus agronomiques
En agronomie, l’eau dans le sol est un élément déterminant dans le maintien de la vie végétale et dans la production agricole. En effet, cette ressource contribue fortement à la germination et la croissance des cultures, aux rendements accrus avec des produits de meilleure qualité, à la réduction des maladies et la lutte contre les ravageurs. Dans ces diverses applications, elle est utilisée pour la prévision des rendements agricoles, et la détection et le pilotage de l’irrigation pour la gestion des ressources en eau (Aguilar et al., 2015 ; Helman et al., 2019 ; Lecerf et al., 2019). En effet, l’efficacité de l’utilisation de l’eau est optimale quand l’irrigation ou l’eau de pluie fournissent à la culture la quantité dont elle a besoin. Surveiller le taux d’humidité du sol revient à optimiser les décisions d’irrigation, car il est effectivement nécessaire d’apporter la quantité d’eau adéquate au moment opportun. Pour optimiser les rendements des cultures et favoriser une récolte de qualité, le dosage en eau est tout aussi important, car au-delà d’un certain seuil la culture peut souffrir d’un stress hydrique qui aura de sévères répercutions sur la production. Un excès d’eau peut provoquer l’asphyxie du sol et perturbe le système racinaire de la plante. Il est donc essentiel de miser sur la valorisation de l’eau avec une diminution des coûts d’irrigation pour une bonne gestion des ressources en eau à l’échelle de la parcelle ou du périmètre irrigué. Pour ce faire, le suivi de l’humidité du sol est donc déterminant en matière agronomique : en fonction de la texture des sols, la capacité de rétention d’eau peut être déterminée.
L’agriculture consomme énormément d’eau, particulièrement dans les régions où les ressources en eau sont très limités. L’irrigation peut alors représenter plus de 80 % de l’eau utilisée dans l’agriculture (FAO, 2015) . Les avantages de l’optimisation et de la planification de l’irrigation avec des capteurs d’humidité du sol visent l’augmentation du rendement des cultures, la préservation de l’eau, la protection des ressources en eau locales contre le ruissellement, la réduction des coûts énergétiques, la réduction des coûts d’engrais et l’augmentation de la rentabilité des agriculteurs. Plusieurs méthodes sont basées sur le suivi des parcelles agricoles selon la relation entre l’humidité du sol et les paramètres de la végétation (De Wit & Diepen, 2007 ; Liu et al., 2016 ; Zribi et al., 2010).
Estimation de l’humidité du sol
Les mesures ponctuelles de l’humidité du sol
Les measures gravimétriques
La mesure par gravimétrie est la méthode la plus classique mais également la plus précise pour déterminer la teneur en eau des sols. Cette méthode consiste à prélever des échantillons du sol et à mesurer leur poids avant et après séchage dans une étuve à 100°C pendant 24 h. Ces mesures sont ensuite utilisées pour calculer une humidité pondérale qui s’exprime selon l’équation suivante :
(1) Où Ps est le poids du sol sec et Ph le poids du sol humide.
Cette méthode reste la plus précise, néanmoins elle est fastidieuse et très consommatrices en temps et en effort, particulièrement pour un suivi spatio-temporel. Il faut compter plusieurs jours pour l’appliquer sur plusieurs échantillons. Cette méthode est très utilisée, par exemple, pour calibrer d’autres méthodes d’estimations de l’humidité du sol.
Les mesures par sonde TDR (Time Domain Reflectometry)
Les sondes TDR mesurent la vitesse de propagation d’un signal micro-onde le long de guides d’ondes enfoncés dans le sol. Cette vitesse est généralement liée à la permittivité diélectrique du sol qui est liée à la teneur en eau. La méthode capacitive est basée sur les propriétés diélectriques des sols et le contraste entre la permittivité de l’eau et celle des autres constituants (air et particules solides). Cette méthode est très délicate surtout pour la mise en place des sondes.
Les mesures par sonde Thetaprobe
Les mesures par sonde Thetaprobe sont basées sur des changements fréquentiels de signaux émis. Ces changements sont directement liés à la constante diélectrique du sol. Ceux sont des mesures effectuées par une sonde munie de tiges pénétrant dans le sol à une profondeur de l’ordre de 5 cm. La sonde Thetaprobe est conçue pour mesurer une teneur en eau volumétrique du sol, compatible aux méthodes TDR. Le processus est simple et manuel, il permet d’avoir plusieurs mesures ponctuelles et de gagner beaucoup plus de temps par rapport aux mesures gravimétriques.
Les mesures directes de l’humidité du sol par satellites
Le suivi de l’humidité du sol est souvent établi avec des mesures in situ par des échantillons ou par des sondes. Cependant, un paramètre tel que l’humidité du sol nécessite une observation à grande échelle pour un suivi global régulier. En agriculture par exemple la distribution de l’humidité du sol a un impact sur les terres agricoles puisqu’elle conditionne la disponibilité de l’eau dans le sol, essentielle pour la production végétale (Baghdadi et al., 2008).
Le suivi avec des instruments à bord de satellites permet de pallier à ces difficultés. Ce type d’instruments permet de balayer la couverture mondiale en quelques jours et la surface est alors échantillonnée de façon complète et régulière. Dans un premier temps, le support des observations satellitaires va dépendre du type de capteur. L’humidité de surface peut alors être obtenue par le biais de capteurs optiques. Cependant, ces capteurs sont conditionnés par les phénomènes surfaciques (ombre, pluie, vent, etc.) et ne sont pas donc opérationnels pour un suivi régulier. En outre, les observations optiques ne peuvent pas être acquises en conditions nuageuses ou nocturnes car elles sont sensibles à l’atmosphère terrestre et à différents éléments de la surface tels que la végétation ou les reliefs (Petropoulos et al., 2015).
L’ensemble de ces éléments a incité au développement d’approches plus prometteuses, basées sur les capteurs micro-ondes qui vont permettre d’évaluer l’humidité du sol de façon directe, et qui seront définis dans les sections suivantes. Bien qu’ils ne souffrent pas des mêmes inconvénients que les capteurs optiques (liés aux conditions météorologiques), les capteurs micro-ondes (radars ou radiomètres) peuvent être particulièrement sensibles aux éléments de surface comme la végétation et la rugosité de la surface, en fonction des caractéristiques du capteur. Ils sont aussi fortement liées au contenu en eau dans le sol et dans la végétation (Schmugge et al., 2002). Les capteurs passifs et actifs ont déjà démontré leur capacité à fournir des mesures fiables d’humidité du sol. Les missions satellitaires, spécifiquement dédiés à la mesure de l’humidité du sol ont été développées au cours de la dernière décennie. Les radiomètres tels que SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinité) ou SMAP (Soil Moisture Active Passive) ont été lancés par les agences spatiales ESA (Européen Space Agency) et NASA (National Aeronautics and Space Administration) afin de prendre en compte cette variable dans le temps et l’espace. Ces produits offrent des acquisitions tous les 3 jours avec une résolution spatiale entre 40 et 50 km, en bande L (Entekhabi et al., 2010 ; Kerr et al., 2010 ; Wigneron et al. , 2001).
Apport de la télédétection pour l’estimation de l’état hydrique de surface
Les données de la télédétection sont de plus en plus utilisées dans les sciences agronomiques, météorologiques et environnementales. Leur intégration dans des programmes opérationnels peut générer des avantages économiques et prévisionnels. Les pressions actuelles sur les ressources en eau devraient augmenter de plus en plus dans un proche avenir et le secteur agricole en bénéficiera si l’utilisation de l’eau peut être ciblée avec prudence. Des approches pour la surveillance de l’eau dans le sol sont nécessaires à mettre en œuvre. Dans cette section, les outils de la télédétection, précisément les capteurs radars, sont détaillés en raison de leur sensibilité à l’humidité du sol et aux paramètres de surface tels que la rugosité du sol ou la végétation. Les modèles de rétrodiffusion électromagnétique des surfaces sont également décrits afin de pouvoir comprendre le comportement du signal radar et son aptitude à restituer l’état hydrique de surface.
Bref historique de la télédétection
La télédétection est une approche adaptée pour acquérir des informations sur la surface terrestre à une échelle globale. Elle englobe tout le processus qui consiste à capter et enregistrer l’énergie du rayonnement électromagnétique émis ou réfléchi. Ces informations subissent une chaîne de traitement afin de les rendre utilisable, pour les analyser et les mettre par la suite en application. La télédétection utilise les propriétés du rayonnement électromagnétique pour analyser à distance la surface du sol, de l’océan et de l’atmosphère.
Les premières photographies aériennes ont vu le jour à partir de ballons captifs, vers les années 1059 pour des plans topographiques et hydrographiques. L’arrivée de l’aviation a favorisé le développement de technologies plus sophistiquées avec les différents porteurs (hélicoptères, avions et drones), capteurs (thermiques, optiques, imageurs et micro-ondes, etc.) et instruments de visualisations (caméras). Ce n’est que vers les années 60 que les satellites ont commencé à se développer avec comme premier satellite artificiel dans l’espace Spoutnik 1, suivi de TIROS-1, un satellite météorologique. A partir de ces satellites, la télédétection aura profité grandement avec le développement de différents capteurs mono et multi-bandes pour l’observation de la Terre. Les années 70 sont marquées par le lancement de plusieurs missions et le développement de la télédétection avec les satellites ERTS-1 (Earth Ressource Technology Satellite) rebaptisé Landsat-1, suivi de Météosat-I et Landsat-2 pour des applications météorologiques, topographiques et hydrogéologiques. Jusqu’aujourd’hui la télédétection spatiale n’a cessé de se développer avec l’amélioration au niveau de la résolution spatiale des produits, la diversification des capteurs plus perfectionnés et les nouvelles méthodes traitement des données.
La diversité des radars imageurs s’est alors considérablement accrue. Ces techniques révèlent jusqu’aujourd’hui une source d’informations fiables pour la surveillance de la pollution, la prévention des catastrophes naturelles, le suivi des océans, la production agricole, l’aménagement du territoire, etc.
Potentiel des données optiques pour le suivi de l’état hydrique de surface
Les progrès technologiques en matière de télédétection offrent une alternative pour le suivi de l’humidité du sol à des résolutions temporelles et spatiales très élevées. Depuis les années 70, plusieurs méthodes basées sur les données de la télédétection, ont été mises au point pour étudier cette variable dans différents domaines spectraux allant de l’optique aux hyperfréquences (Albergel et al., 2012 ; Baghdadi et al., 2006 ; Barrett et al., 2009 ; El Hajj et al., 2016 ; Gillies & Carlson, 1995 ; Jacksonet al., 1976 ; Le Morvan et al., 2008 ; Saha et al. , 2019 ; Sandholt et al., 2002 ; Zhang & Zhou, 2016). En effet, l’humidité du sol possède une influence importante sur la réflectance spectrale. Dans ces domaines, la température de surface, les indices de végétation, ainsi que l’albédo sont de bons indicateurs de la dynamique de l’humidité du sol (Amazirh et al., 2018 ; Jackson et al., 1976).
D’autres méthodes se sont basées sur des indices dérivés des données de télédétection, utilisant principalement la réflectance : le Basist Wetness Index (BWI) est un indice semi-empirique relié au pourcentage de l’eau à la surface, déterminé à partir des températures de brillance mesurées par le satellite Special Sensor Microwave/Imager (SSM/l) (Basist et al., 1997). Le Perpendicular Drought Index (PDI) est établi à partir des réflectances ETM. Conçu pour le suivi de la sécheresse, cet indice permet notamment la description de la distribution de l’humidité du sol dans le rouge et le proche infrarouge. Le PDI convient plus aux sols nus qu’aux surfaces couvertes par la végétation (Ghulam et al., 2007). Le Normalized Difference Water Index (NDWI) est développé à partir de deux bandes du proche infrarouge (Gao, 1996). Il permet de détecter le stress hydrique, d’évaluer les conditions des cultures et reflète la teneur en humidité dans le sol. Des valeurs NDWI plus élevées indiquent une humidité suffisante, tandis qu’une valeur faible indique un stress hydrique. Le Soil water Index (SWI) est basé sur la relation empirique entre la température de surface et l’indice de végétation NDVI (Potić et al., 2817 ; Weng et al., 2003). Zhang et al. (2014) se sont basés par exemple sur un indice de température de surface (TVDI : Temperature Vegetation Dryness Index) dérivé des produits MODIS pour étudier les variations de la température en fonction de l’humidité du sol. Yang et al. (2015) ont proposé un algorithme basé sur la méthode trapézoïdale pour l’estimation de l’humidité sur des sols couverts par la végétation en utilisant les produits de température de surface du capteur TERRA-MODIS (LST) et des mesures de fraction de couverture (Fc).
Cependant, l’estimation de l’humidité de surface à partir des données optiques et infrarouge thermique reste limitée en raison des effets atmosphériques et des aérosols ; contrairement aux données micro-ondes qui sont indépendantes des conditions météorologiques et fournissent des données de jour comme de nuit.
Modélisations de la rétrodiffusion et approches d’inversions
Les modèles de rétrodiffusion se sont développés vers les années 60, pour la compréhension des interactions entre les ondes électromagnétiques et la surface. L’évolution de la technologie RSO a accompagné l’évaluation et la diversification des modèles de rétrodiffusion. Deux approches se distinguent alors selon la nature de la surface :
– Les modèles de sol
– Les modèles de végétation
Modélisation du signal radar sur les sols nus
La modélisation de la rétrodiffusion permet non seulement d’étudier le comportement du signal radar et les mécanismes physiques de la rétrodiffusion, mais devrait éventuellement permettre de mesurer les variables décrivant les états de surface (humidité du sol, rugosité et présence de végétation) par inversion du signal et restitution des paramètres de surface. Cependant le comportement du signal sur une surface de sol nu est différent de celui d’une surface couverte par la végétation. En effet, indépendamment des propriétés diélectriques (contenu en eau des diffuseurs et humidité du sol) et géophysiques (rugosité, texture du sol, etc.) du milieu, d’autres paramètres interviennent pour modifier les interactions entre l’onde et le milieu.
Pour le cas des sols nus, de nombreux modèles de rétrodiffusion ont été développés, en particulier dans la volonté de comprendre le signal et de démontrer les capacités des capteurs pour une meilleure utilisation de leurs configurations. Se basant sur les analyses physiques et empiriques des données expérimentales, ainsi que sur les paramètres instrumentaux (polarisation, longueur d’onde et incidence), les modèles simulent une rétrodiffusion sur la surface du sol. La pertinence de chaque modèle repose sur son domaine de validité. Ces approches ont été développées, fondées sur des études soit théoriques, soit expérimentales, selon deux catégories : les modèles analytiques ou physiques et les modèles semi-empiriques.
Les modèles physiques
– Les modèles POM (Physical Optics Model) et GOM (Geometrical Optics Model)
Les modèles POM et GOM sont des modèles basés sur les approximations de Kirchhoff et adaptés aux surfaces rugueuses. L’hypothèse de base des modèles de Kirchhoff est de considérer une réflexion sur un plan (tangent) en tout point de la surface (Nieto-Vesperinas and Sanchez-Gil, 1992 ; Papa and Lennon, 1988 ; Ripoll et al., 2001). Le modèle POM est utilisé pour des surfaces moyennement rugueuses, tandis que le modèle GOM n’est validé que sur des surfaces très rugueuses avec un écart-type des hauteurs très important.
Le modèle GOM repose sur l’hypothèse majeure que chaque point de la surface diffuse dans la direction spéculaire (Barrick, 1968). La diffusion est essentiellement due à la réflexion de l’onde par un grand nombre de petites facettes normales à la direction de propagation de l’onde. La phase de l’onde diffusée est alors stationnaire car une seule onde est réfléchie en chaque point. Le rayon de courbure doit aussi être plus grand que la longueur d’onde.
– Les modèles de petites perturbations SPM (Small Perturbation Model)
Le modèle SPM est adapté aux surfaces faiblement rugueuses (les surfaces lisses). Rice (1951) a développé l’expression du champ diffusé pour des surfaces lisses. L’écart type de la variation des hauteurs, paramètre caractéristique de la rugosité, doit être largement inférieure à la longueur d’onde incidente (Dobson and Ulaby, 1986). La méthode est alors contrainte par son domaine de validité très restreint.
Modélisation du signal radar sur les sols couverts par la végétation
Les modèles pour les couverts végétaux
Certes la rétrodiffusion sur une surface couverte par la végétation est différente de celle d’un sol nu . En effet, la végétation influence largement le signal radar (les caractéristiques du couvert végétal confèrent de nombreux effets sur la rétrodiffusion radar). Plusieurs mécanismes entrent alors en jeu, tels que les diffuseurs de la plante (feuilles, tiges, branches, etc.) et les caractéristiques électromagnétiques du sol. Les diffuseurs de la végétation vont avoir un effet perturbateur sur le signal radar qui va dépendre principalement des propriétés géométriques et structurales du couvert (tels que la taille, la forme, l’orientation, la densité, etc.) et du contenu en eau étroitement lié aux caractéristiques électromagnétiques des radars.
Une meilleure compréhension du signal radar est alors nécessaire afin d’expliciter l’interaction entre le signal et les paramètres de la végétation. Des problématiques sont généralement liées à la complexité de la description du couvert, aux calculs de la rétrodiffusion et à la relation entre le signal et les paramètres du milieu. Comment et dans quel cas alors ces paramètres entrent en jeu pour interagir avec le signal ? Et pour quels domaines d’applications ?
Différentes approches ont été développées pour répondre à ces questions. Ces méthodes se scindent en deux : d’un coté, il y a les modèles exactes qui reposent sur la résolution des équations de Maxwell et permettent un calcul exact de la diffusion. Cependant, ils nécessitent des temps de calculs laborieux et sont très complexes pour pouvoir être inversés. De l’autre, il y a les modèles approchés qui consistent à appliquer une série d’approximations qui interviennent au niveau de la description du milieu par simplification des composants et au niveau électromagnétique (phénomène d’interaction). Ils sont basées soit sur la théorie du transfert radiatif, soit sur les approximations de Born (Tsang et al., 1985 ; Ulaby et al., 1984).
Entretemps, les approches courantes, adoptées pour la modélisation de la rétrodiffusion sur un couvert végétal, consistent à développer des modèles directs simulant un coefficient de rétrodiffusion, susceptibles d’être inversés pour restituer les paramètres de surface et les caractéristiques de la végétation. Des exemples de modèles sont passés en revue dans les sections suivantes.
Les théories électromagnétiques et les modèles de rétrodiffusion sur des couverts végétaux ont été développés vers la fin des années 70. Et c’est par une approche très simple que Attema et Ulaby (1978) ont mis au point le premier modèle Water Cloud Model (WCM), appelé aussi le modèle de nuage d’eau. Ce modèle s’est essentiellement basé sur la résolution des équations du transfert radiatif et représente la canopée comme un nuage uniforme de gouttelettes d’eau sphériques et identiques, réparties de façon homogène sur une couche horizontale. Plusieurs modèles ont été dérivés par la suite à partir du modèle originel (Bindlish & Barros, 2001 ; Chauhan et al., 2017 ; Kweon et al., 2015 ; Paris, 1986 ; Ulaby et al., 1984). Dans ces modèles, les descripteurs de la végétation sont très variés et utilisent des paramètres tels que le LAI, le NDVI, la hauteur du couvert, la fraction de couverture ou la teneur en eau, selon la complexité de la structure du couvert. Néanmoins, il n’existe aucune base théorique générale permettant de définir le meilleur ensemble de descripteurs de couvert. Le modèle WCM est qualifié de semi-empirique car les paramètres du modèle doivent être dérivés de données expérimentales (ajustées).
L’onde rétrodiffusée est alors modélisée comme l’ensemble de la diffusion par le sol (diffusion de la surface) atténué par le couvert végétal, la diffusion par la végétation (diffusion de volume) et l’interaction sol-végétation, selon l’expression suivante :
Le coefficient de rétrodiffusion dû à l’interaction entre le couvert et le sol. Ce terme est souvent négligé dans les interactions Co-polarisées (Dobson & Ulaby, 1986 ; Kweon, et al., 2015 ; Prévot et al., 1993).
Le coefficient de rétrodiffusion du sol, qui dépend de l’humidité du sol, de la rugosité et des paramètres du capteur radar (angle d’incidence, longueur d’onde et polarisation). Le coefficient de rétrodiffusion est généralement dérivé des modèles physiques ou semi-empiriques (IEM, Dubois, Oh, etc.) ou par une fonction linéaire qui relie le signal à l’humidité du sol.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
OBJECTIFS ET AXES DE RECHERCHE
CHAPITRE 1: ETATS DE SURFACE ET TELEDETECTION
2.1 LES ETATS DE SURFACE : L’ETAT HYDRIQUE DE SURFACE
2.1.1 Définition du terme « Humidité du sol »
2.1.2 Processus liés à l’humidité du sol
2.1.2.1 Les processus météorologiques
2.1.2.2 Les processus climatiques
2.1.2.3 La gestion des catastrophes naturelles (suivi et prévision des sécheresses et inondations) .
2.1.2.4 Les processus hydrologiques
2.1.2.5 Les processus agronomiques
2.1.3 Estimation de l’humidité du sol
2.1.3.1 Les mesures ponctuelles de l’humidité du sol
2.1.3.2 Les mesures directes de l’humidité du sol par satellites
2.2 APPORT DE LA TELEDETECTION POUR L’ESTIMATION DE L’ETAT HYDRIQUE DE SURFACE
2.2.1 Bref historique de la télédétection
2.2.2 Potentiel des données optiques pour le suivi de l’état hydrique de surface
2.2.3 Potentiel des données micro-ondes pour le suivi de l’état hydrique de surface
2.2.3.1 Principe de l’outil RSO
2.2.3.2 Modélisations de la rétrodiffusion et approches d’inversions
CHAPITRE 2: SITE D’ETUDE ET BASE DE DONNEES
2.1. SITE D’ETUDE : LA PLAINE DE KAIROUAN
2.1.1. Situation géographique
2.1.2. Contexte climatique
2.1.2.1. Pluviométrie
2.1.2.2. Température
2.1.3. Contexte hydrique
2.1.4. Nature des sols
2.1.5. Occupation des sols et pratiques agricoles
2.2. LA BASE DE DONNEES
2.2.1. Données satellitaires
2.2.1.1. Données radars
2.2.1.2. Données optiques
2.2.1.3. Comparaison entre les images Landsat-8 et les images Sentinel-2
2.2.2. Campagnes expérimentales et mesures sur le terrain
2.2.2.1. Parameters du sol
2.2.2.2. Paramètres de la végétation
2.2.2.3. Collecte de données sur l’irrigation
2.2.2.4. Stations agro-météorologiques et stations de mesures de l’humidité du sol
2.3. CONCLUSION PARTIELLE
CHAPITRE 3: ANALYSES DE SENSIBILITE ET MODELISATION DE LA RETRODIFFUSION
3.1. INTRODUCTION
3.2. ANALYSES DE SENSIBILITE ET COMPORTEMENT DU SIGNAL RADAR
3.3. MODELISATION DE LA RETRODIFFUSION
3.3.1. Modélisation sur sols nus
3.3.2. Modélisation sur un couvert végétal
3.4. ARTICLE
3.5. ANALYSES SUPPLEMENTAIRES ET RESULTATS NON-PUBLIES
3.5.1. Analyses de sensibilité du signal radar au contenu en eau de la végétation
3.5.2. Comparaison des résultats de la modélisation sur sols nus avec d’autres approches
Table de matière
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