Le cœur
Le cœur est l’organe musculaire permettant de propulser le sang dans l’ensemble du système circulatoire. Comme illustré dans la Figure 1.1, ce dernier se sépare en deux parties, le cœur droit et le cœur gauche séparés par le septum. Le cœur droit, composé de l’oreillette droite et du ventricule droit qui communiquent à l’aide d’une valve tricuspide, gère le sang non-oxygéné. Le cœur gauche, composé de l’oreillette gauche et du ventricule gauche qui communiquent à l’aide de la valve mitrale, gère le sang oxygéné. Par ailleurs, le cycle cardiaque peut aussi se décomposer en deux périodes (Figure 1.1) :
– La diastole : elle se décompose en deux parties. La première partie pendant laquelle le sang non oxygéné reçu dans l’oreillette droite par les veines caves inferieures et supérieures et le sang oxygéné reçu dans l’oreillette gauche par les 4 veines pulmonaires transite dans les ventricules suite à leur relaxation et à l’ouverture des valves tricuspide et mitrale en début de diastole. La deuxième partie nécessite une contraction des oreillettes pour compléter le remplissage des ventricules. La phase diastolique est caractérisée par une relaxation du myocarde ventriculaire permettant aux deux ventricules de se remplir simultanément.
– La systole : elle débute une fois que les deux ventricules sont remplis. Le myocarde ventriculaire gauche et droit se contracte à l’aide d’un stimulus électrique débutant au niveau du septum et permettant d’éjecter le sang dans l’aorte et l’artère pulmonaire, respectivement au travers des valves aortique et pulmonaire. C’est pendant cette phase que les oreillettes effectuent leur fonction réservoir et se remplissent. Généralement, la période d’un cycle cardiaque oscille entre 600 et 1200 ms, ce qui revient à des fréquences cardiaques de 50 – 100 battements par minute pour un individu au repos.
Système circulatoire
Le système circulatoire peut être décomposé en deux boucles. Tout d’abord, la circulation systémique, qui inclue l’éjection sanguine du ventricule gauche jusqu’aux organes périphériques et qui permet l’apport en oxygène et en nutriments dans le corps entier. Puis la circulation pulmonaire, qui transporte le sang non-oxygéné aux poumons afin de le réoxygéner (Figure 1.2). Le système artériel peut être simplifié comme une composition de tubes de diamètres, d’épaisseurs pariétales et de propriétés élastiques différentes (Vlachopoulos et al., 2005). La propagation du sang dans ce système, générée par l’éjection cardiaque, va engendrer une onde pulsatile de pression ayant une certaine vitesse (Sonesson et al., 1997). Cependant, avant d’étudier l’hémodynamique du système artériel, il est nécessaire de connaitre les propriétés mécaniques et élastiques des parois le constituant.
Structure des parois artérielles
Comme décrite précédemment, la fonction du système artériel est de permettre l’acheminement du sang aux différentes régions du corps. Il est possible de décomposer l’arbre artériel en quatre grandes régions avec un rôle précis pour chacune d’entre elle. La première contient les grandes artères élastiques (aorte, artère brachiocéphalique, carotide) qui ont pour but d’atténuer et d’amortir le caractère pulsatile de l’éjection cardiaque. La seconde contient les artères musculaires qui servent principalement de conduit permettant de transporter le sang. La troisième contient les artérioles, qui peuvent changer leur taille et leur résistance interne pour maintenir une pression constante et un flux continu au niveau des organes. Enfin, dans la dernière région, nous trouvons les capillaires reliant les veines aux artérioles (Vlachopoulos et al., 2005). Toutes ces régions possèdent la même organisation pariétale qui sont composées de plusieurs matériaux dont les proportions varient en fonction de leur position au sein du système circulatoire. Les parois artérielles sont composées de trois grandes couches (Figure 1.3) :
– Tunica intima : couche interne qui possède deux composantes. La première est l’endothélium qui est composée d’une unique couche de cellules endothéliales couvrant l’ensemble de la surface en contact avec le sang. Cette première sous-couche compense sa fragilité par sa forte capacité de régénération et de croissance. Autour de cette couche endothéliale, on retrouve une fine souscouche sous-endothéliale composée de cellules fibroblastes (renouvellement de collagène) et de fibres de collagènes.
– Tunica media (Wolinsky Harvey and Glagov Seymour, 1964): c’est généralement la plus épaisse des trois couches formant les parois artérielles et est par conséquent celle qui possède la plus forte variation de propriétés et de structure au sein de l’arbre artériel. Elle contient une première fine sous-couche qui représente sa limite intérieure, qui est principalement composée de fibres élastiques (collagène et fibrine) et qui est particulièrement bien représentée dans les petites artères. La couche media des grosses artères dites « élastiques » est composée de plusieurs couches de tissu élastique (élastine) séparées par des couches de tissus conjonctifs et quelques cellules musculaires. Les artères dites « musculaires » possèdent une couche média principalement composée de cellules musculaires avec une petite quantité d’élastine et de fibres de collagène (Harkness et al., 1957).
– Tunica adventitia : la couche extérieure des parois artérielles peut à certains endroits être aussi épaisse que la media. Elle est principalement composée de tissus conjonctifs lâches contenant une faible quantité de fibres élastines et de fibres de collagène.
Rigidité aortique
Au niveau des parois artérielles, les changements dus à l’âge affectent la partie intima, qui subit une augmentation en concentration des cellules endothéliales (hyperplasia) et ciblent plus principalement la partie media qui subissent une désorganisation progressive des fibres d’élastine (Lakatta, 2003). Avec l’âge les fibres d’élastine s’affinent ou se fragmentent et leur dégénérescence se fait au profit d’une augmentation des fibres de collagène (Cox, 1977; O’Rourke and Hashimoto, 2007a; Virmani et al., 1991) ainsi qu’un dépôts de calcium. Ces changements sont plus prononcés dans les artères centrales élastiques qui se dilatent et deviennent tortueuses progressivement avec l’âge (Mitchell and Schwartz, 1965; Nichols et al., 1985). Ces modifications structurelles sont associées à une diminution de l’élasticité artérielle et leur capacité à se déformer notamment lors de l’éjection cardiaque (O’Rourke et al., 2002; Redheuil et al., 2010), altérant ainsi sa fonction d’amortissement (O’Rourke and Hashimoto, 2007a). En plus des modifications structurelles des parois artérielles, une modification géométrique est également observée (Sugawara et al., 2008). En effet, au-delà de la dilatation et de la tortuosité mentionnées ci-dessus, on observe une élongation de l’aorte, plus prononcée au niveau de l’aorte ascendante qui est directement connectée au ventricule gauche et donc sujette à ses mouvements cycliques et perpétuels (O’Rourke, 2007; Redheuil et al., 2011a). Finalement, la fragilité et l’amincissement des fibres d’élastine avec l’âge, le remodelage des couches de la paroi artérielle avec l’augmentation des fibres de collagène entrainent un épaississement des parois artérielles (O’Rourke and Nichols, 2005; Pearson et al., 1994).
Remodelage ventriculaire
L’atteinte des interactions entre ventricule et système artériel a largement été décrite sous forme de concepts physiopathologiques et étudiée par imagerie et/ou par tonométrie d’applanation (Nichols et al., 1977; O’Rourke, 1990; Westerhof and O’Rourke, 1995). L’augmentation progressive de la charge exercée sur le ventricule gauche est directement reliée, et possiblement la cause, de l’augmentation anormale de la masse ventriculaire. On appelle remodelage ventriculaire le procédé où la géométrie ventriculaire est naturellement modifiée en réponse ou en compensation, a une contrainte extérieure pouvant être causée par différents facteurs tels que l’âge, une modification géométrique de la valve (bicuspidie, sténose de la valve aortique) ou encore une modification géométrique de l’aorte (coarctation, anévrisme). Si elles ne sont pas prises en charge, ces modifications graduelles peuvent engendrer une détérioration progressive de la fonction ventriculaire (Miyashita et al., 1994; Westerhof and O’Rourke, 1995). À terme, cela peut conduire à une insuffisance cardiaque voire à un arrêt cardiaque (Lakatta, 2003). Ainsi le remodelage du ventricule gauche joue un rôle primordial dans l’évolution de la maladie cardiaque (Cohn et al., 2000) et peut être évalué notamment à l’aide du le rapport entre la masse et le volume ventriculaire.
Vitesse de l’onde de pouls
La méthode de référence pour le calcul de la rigidité artérielle est la mesure de la vitesse de propagation de l’onde de pouls (VOP) ou pulse wave velocity (PWV) (Latham et al., 1985; Sophie Laurent et al., 2006; Lehmann, 1999), née du choc entre le sang et la paroi aortique au moment de l’éjection cardiaque. Elle est directement reliée à la rigidité de l’aorte par l’équation de MoensKorteweg (Isebree Moens, 1878). En pratique clinique, la méthode de mesure de référence (Van Bortel et al., 2012) est la tonométrie par applanation carotido-fémorale (Cf-VOP). Les ondes de pression mesurées au niveau de la carotide et au niveau de l’artère fémorale sont utilisées pour calculer le temps de transit de l’onde voyageant le long de l’arbre artériel. Ce temps combiné à la distance entre les deux sites de mesure estimée à l’aide d’un mètre ruban à la surface du corps (Figure 2.16) nous donne la Cf-VOP moyenne en m/s. La VOP est un important prédicteur des évènements cardiovasculaires (Alecu et al., 2008; Boutouyrie et al., 2002; Bramwell and Hill, 1922; Collaboration, 2010; Cruickshank et al., 2002; Laurent et al., 2003, 2001; Mackenzie et al., 2002; Taquet et al., 1993; Williams et al., 2018) indépendamment des facteurs de risques connus comme l’hypertension ou le diabète (Willum Hansen et al., 2006).
ETAT DE L’ART EN IRM
En plus de la vitesse d’onde de pouls, qui est un indice global de l’atteinte artérielle, des forces mécaniques et périodiques sont exercées localement à la paroi aortique. Parmi ces forces, nous avons notamment les forces de friction. Ces contraintes visqueuses, ou contraintes de cisaillement aux parois (Wall Shear Stress, WSS), correspondent à la friction engendrée par le mouvement du sang par rapport aux parois et s’appliquent au niveau de la jonction entre ces deux milieux. Ces forces agissent parallèlement au mouvement du sang et dépendent de la viscosité du sang et de la variation des vitesses à l’interface des parois (Equation 1.1). Ces forces de frictions peuvent engendrer des transformations structurelles des parois artérielles qui chercheraient à s’adapter à ces contraintes (Glagov, 1994; Lehoux and Tedgui, 2003). Nous verrons dans un premier temps en quoi ce paramètre a une importance particulière au sein de la recherche cardiovasculaire. En plus de réguler la structure des parois artérielles, il a été prouvé que la force de friction aux parois, ou force de cisaillement (WSS), est un paramètre permettant de localiser les régions artérielles propices à un remodelage structurel pouvant apparaitre de différentes manières (plaques, anévrisme, dilatation, dissection) et dans différentes pathologies telles que l’athérosclérose, les anévrismes, le syndrome de Marfan, les bicuspidies ou encore les sténoses de la valve aortique (Geiger et al., 2013; Guzzardi et al., 2015; Malek et al., 1999; Oshinski et al., 1995; von KnobelsdorffBrenkenhoff et al., 2016). L’artériosclérose apparait principalement dans les grosses artères telles que l’aorte, l’artère iliaque, l’artère fémorale ou encore la carotide, et plus précisément au niveau des bifurcations ou des zones de courbures. Il a été montré qu’un faible WSS dans ces régions était un prédicteur de formation de plaques d’athérome (Cheng et al., 2006; Wentzel et al., 2005). La plupart des anévrismes intracrâniens sont asymptomatiques, et le nombre de rupture d’anévrisme est de l’ordre de 4% (Boussel et al., 2009). Dans ce contexte, il a été montré que le maximum de WSS permettrait de décrire les interactions entre les différentes couches de flux dans un anévrisme et jouerait un rôle dans la formation de thrombus. Ainsi, le WSS a un impact sur l’initialisation, l’évolution et la rupture des anévrismes (Boussel et al., 2009; Shojima, 2004). Le syndrome de Marfan est une maladie génétique des tissus conjonctifs qui affecte les propriétés mécaniques des parois (Dean, 2007). Il a également été montré que les patients ayant un syndrome de Marfan développaient des flux sanguins significativement différents des sujets sains (Geiger et al., 2012). Sachant que le WSS est un paramètre permettant notamment d’évaluer l’effet des flux sanguins sur les parois artérielles (Reneman et al., 2006), il permet d’évaluer l’effet de ces altérations hémodynamiques.La bicuspidie et la sténose de la valve aortique sont des altérations morphologiques à l’origine d’altérations hémodynamiques au sein de la racine aortique. Ces maladies sont généralement associées à une dilatation de l’aorte ascendante qui engendre plusieurs complications telles que la dissection aortique (Fedak et al., 2002; Pasta et al., 2017). En effet, les bicuspidies aortiques sont généralement associées à des désorganisations du flux sanguin et à une augmentation du WSS (Barker et al., 2012). Ainsi, il a été mis en évidence que les régions à fort WSS correspondaient aux régions où les modifications structurelles des parois étaient les plus significatives (Guzzardi et al., 2015). Il faut également souligner que la dilatation aortique peut apparaitre de manière asymptomatique chez des sujets en bonne santé au cours de leur vieillissement, ainsi le WSS peut également aider à comprendre l’origine des interactions entre altérations morphologiques et hémodynamiques dans ce contexte (Kauhanen et al., 2019). Pour évaluer le WSS, il est nécessaire de déterminer le comportement du flux sanguin au voisinage des parois d’intérêt. Pour cela, il est possible d’utiliser l’échographie Doppler, qui offre une bonne résolution temporelle. Cependant cette modalité est opérateur dépendante et n’offre qu’une estimation unidirectionnelle de la vitesse. Une autre possibilité est d’utiliser la modélisation en mécanique des fluides (CFD) pour estimer le flux sanguin à partir d’initialisations réalistes (flux en entrée évalué par 2D PC-MRI ou échographie Doppler et la géométrie par IRM ou CT). Plusieurs études ont donc prouvé qu’il était possible d’évaluer non-invasivement le WSS dans différentes régions à l’aide de cette modélisation (Köhler et al., 2001; Long et al., 2000; Papathanasopoulou et al., 2003; Wood et al., 2001). Finalement, il est possible d’évaluer directement le champ de vitesses à partir d’acquisitions IRM et d’en déduire le WSS (Frydrychowicz et al., 2009; Stalder et al., 2008). Plusieurs méthodes d’évaluation directe du WSS ont donc été proposées à partir d’images 2D+t ou 3D+t PC-MRI (Frydrychowicz et al., 2009; Stalder et al., 2008). Les plus connues sont la méthode d’évaluation à partir d’images 2D+t proposée par Stadler et al. (Stalder et al., 2008) et celle proposée par Potters et al. à partir d’images 3D+t (Potters et al., 2015). Dans la Table 2.1 est représentée une liste non exhaustive des publications ayant rapporté des valeurs moyennes du WSS dans l’aorte
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Table des matières
Introduction
I. Contexte clinique
Le sang
Le cœur
Système artériel
1. Système circulatoire
2. Structure des parois artérielles
3. Aorte
4. Ejection sanguine
5. Propagation de l’onde de pression
6. Effets visqueux
Effets de l’âge sur le système cardio-circulatoire
1. Rigidité aortique
2. Propagation de l’onde de pression
3. Remodelage ventriculaire
II. Imagerie des vitesses
Acquisition IRM
1. Résonance magnétique nucléaire
2. Perturbation : excitation et relaxation
3. Mesure du signal de résonance magnétique
4. Encodage spatial
5. Reconstruction des images
Mesure du flux sanguin
1. Utilité en clinique de l’IRM de contraste de phase
2. Imagerie de contraste de phase
3. Acquisition des données
4. Images obtenues et paramètres d’acquisition
Prétraitement des images
1. Termes de Maxwell
2. Courants de Foucault
3. Repliement de phase
4. Angiographie 3D
5. Segmentation de l’aorte
Marqueurs quantitatifs
1. Vitesse de l’onde de pouls
2. Contrainte de cisaillement
3. Vorticité
III. Reconstruction des champs de pression artérielle par imagerie de flux 4D
Cartographie de pressions aortiques
Système d’équations de Navier–Stokes
Estimation des pressions aortiques en IRM
1. Cartographie de pression initiale
2. Minimisation de l’erreur : équation de Poisson
3. Méthode itérative : discrétisation de l’équation de Poisson
IV. Mécanique des fluides numérique
Equations de Navier-Stokes avec limites ouvertes
Dynamique des milieux poreux
1. Loi de Darcy
2. Couplage des équations de Navier-Stokes et loi de Darcy
Résolution par éléments finis
1. Formulations variationnelles
2. Discrétisation spatiale du problème
3. Interpolation polynomiale
4. Discrétisation temporelle du problème
Discrétisation de l’équation Navier-Stokes-Darcy
1. Forme faible de l’équation
2. Discrétisation temporelle
Méthodes de résolution par projections
1. Méthode IPCS
2. Forme faible des équations de projections
Estimation de l’épaisseur de l’écoulement turbulent
1. Composition de l’écoulement turbulent
2. Sous-couche visqueuse
3. Epaisseur caractéristique
Logiciels numériques
1. FEniCS
2. GMSH
3. Calcul parallèle sur cluster
V. Résultats des études quantitatives
Analyse des champs de pression aortique chez des sujets sains
1. Contexte et objectif
2. Matériel et méthodes
3. Résultats
4. Discussion
Interactions entre pression et flux sanguins
1. Contexte et objectifs
2. Matériel et méthodes
3. Résultats
4. Discussion
Simulation numérique directe de l’écoulement aortique par éléments finis
1. Contexte et objectifs
2. Matériel et Méthodes
3. Résultats
VI. Discussion & Perspectives
Perspectives méthodologiques
Perspectives cliniques
Publications et Conférences
Bibliographie
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