Le cancer du sein est le premier cancer de la femme dans le monde. Selon l’OMS, c’est la première cause de mortalité par cancer chez la femme entre 40 et 59 ans. Chaque année, plus d’un million de nouveaux cas sont diagnostiqués avec quelque 580 000 cas dans les pays développés et le reste dans les pays en développement. Bien que l’incidence soit en augmentation dans la plupart des régions du monde, il y a d’énormes inégalités entre pays riches et pays pauvres, relève le Centre international de recherche sur le cancer. Les taux d’incidence demeurent les plus élevés dans les régions les plus développées, mais la mortalité est beaucoup plus élevée dans les pays pauvres, faute de détection précoce et d’accès aux traitements. Au Maroc, à partir de l’an 2000 le cancer du sein est devenu le premier cancer chez la femme marocaine dépassant de loin le cancer du col utérin, avec une incidence proche de 27 cas / 100 000 habitants/ an. Selon l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC), on dénombre plus de 853 cas de cancer du sein par an au Sénégal. La plupart des femmes sont dépistées tardivement. Le Sénégal constitue une parfaite illustration de la gravité de l’ampleur de la maladie dans le monde..
Devant ce constat alarmant, il paraît donc évident que le cancer du sein constitue un réel problème de santé publique aussi bien dans les pays riches que dans nos régions où les campagnes de sensibilisation ainsi que le dépistage organisé sont encore à leurs prémisses. Ceci illustrent les inégalités Nord / Sud. Le diagnostic des affections mammaires repose toujours sur lřexamen clinique couplé à la mammographie et si nécessaire à une échographie. Un examen cytologique (de plus en plus abandonné), une micro-biopsie ou une biopsie chirurgicale complète éventuellement lřarbre décisionnel. Le développement des différentes techniques dřimagerie mammaire et de prélèvement tissulaire tente de résoudre les principales difficultés que sont :
– la faible sensibilité de la mammographie dans des seins denses,
– la relative faible spécificité de la mammographie et de lřéchographie, et
– la nécessité de diminuer les gestes chirurgicaux inutiles.
Ainsi, on a vu se développer ces dernières années des mammographies de nouvelle génération. Parallèlement, des échographes plus performants, avec des sondes de haute fréquence permettant l’analyse fine des tissus superficiels, sont apparus [104]. Au cours des dernières années, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) mammaire a trouvé sa place en tant que technique complémentaire à la mammographie et à l’échographie dans le diagnostic, le bilan d’extension local et le suivi thérapeutique des lésions mammaires [34]. Le but de notre travail était d’analyser les profils: épidémiologique, clinique et mammographique de la pathologie mammaire rencontrée dans un centre privé de Dakar. Pour cela après un chapitre de rappels anatomique, clinique, radiologique et thérapeutique, nous exposerons notre méthodologie avant nos résultats que nous discuterons par la suite avant la conclusion et nos recommandations.
Anatomie du sein
Rappel embryologique
Le sein est une unité cutanée et glandulaire qui se développe à partir de la crête mammaire, elle-même épaississement de l’ectoderme. Au cours du développement embryonnaire et fœtal, un bourgeon mammaire par côté apparaitra sur la crête mammaire qui va normalement régresser. Ces bourgeons formeront la plaque aréolo-mammelonaire (PAM), puis, en s’invaginant dans le mésoderme sous-jacent, formeront les canaux galactophores. Ceux-ci vont à leur tour évoluer pour former des unités glandulaires ou lobes, de l’ordre de quinze à vingt par sein. Chaque lobe est constitué d’une vingtaine à une quarantaine de lobules et se draine dans un canal galactophore de premier ordre qui s’ouvre au niveau du mamelon (figure1). Chaque lobule est lui-même constitué de canaux intra-lobulaires (canal galactophore de second ordre) et dřacini (10 à 100 par lobule). Les acini constituent la partie sécrétrice de la glande, formant des cavités arrondies qui se drainent par un canal intra-lobulaire vers les canaux de second ordre.
L’ensemble de ces éléments glandulaires est noyé dans le tissu adipeux pour former le sein qui nřa pas donc de détermination au sens anatomique du terme, par rapport au tissu sous cutané environnant. En effet, les unités glandulaires (lobes) précédemment décrites ne correspondent pas à des entités anatomiques, mais sřintriquent et sřenchevêtrent entre elles, sans systématisation macroscopique par rapport au tissu non glandulaire du sein. Il n’existe donc aucune correspondance entre les lobes et le concept d’entités anatomiques habituellement associées, ni avec celui des quadrants mammaires.
Anatomie de la glande mammaire
La glande mammaire n’a pas de plan de clivage antérieur avec la peau ; la glande est attachée à la partie profonde du derme par les travées conjonctives appelées ligaments de Cooper, responsables par leur traction d’irrégularités de la surface glandulaire, dénommées crête de Duret. Cela explique lřobservation possible de structures glandulaires mammaires intriquées avec le tissu souscutané lors de lřanalyse histologique de cicatrices de mastectomie. En revanche, en profondeur, il existe un vrai plan de clivage constitué, dřune part, par le fascia superficialis constituant la face profonde de la glande et, dřautre part, lřaponévrose du muscle major pectoralis (grand pectoral), lřespace entre ces deux feuillets pouvant être occupé par du tissu adipeux chez les femmes obèses (figure 2). Classiquement, lřextension de la base mammaire sur la paroi thoracique est décrite comme allant du troisième espace intercostal en haut (jusquřà 2 cm au-dessous de la clavicule) au septième espace intercostal en bas et à 2 cm du bord sternal en dedans.
Vascularisation du sein
Le sein est vascularisé par cinq pédicules artériels (figure 2) :
– trois pédicules supérieurs prédominants à distribution superficielle :
*un pédicule supéro-externe venant de lřartère thoracique latérale (branche de lřartère axillaire)
*un pédicule supéro-médian venant de lřartère acromiothoracique (branche de lřartère axillaire)
*un pédicule supéro-interne (branche de lřartère mammaire interne)
– deux pédicules inférieurs à distribution profonde :
*un pédicule inféro-externe (branches de la 7e à la 9e artère intercostale)
*un pédicule inféro-interne (branche de lřartère mammaire interne).
Ces cinq pédicules vont se distribuer en trois réseaux vasculaires pour le sein : deux réseaux antérieurs et superficiels dans le derme et lřespace préglandulaire sous-cutané ; un réseau profond rétroglandulaire. Les réseaux superficiels sont prédominants pour lřapport sanguin du sein alors que le réseau profond est plus précaire. Ces trois réseaux sont connectés entre eux par un riche maillage anastomotique à travers lřensemble du sein, constituant une distribution vasculaire non systématisée qui explique la fréquence des saignements lors des biopsies. Le système vasculaire de drainage (veines et collecteurs lymphatiques) est satellite du système artériel.
Réseau lymphatique du sein
Comme pour les vaisseaux sanguins, le sein est une «éponge » gorgée de capillaires lymphatiques qui vont drainer la lymphe dans différentes directions :
– une voie principale vers la superficie pour rejoindre les collecteurs principaux qui se dirigent vers le creux axillaire, soit directement, soit en passant par un réseau sous-aréolaire appelé plexus de Sapey.
– plusieurs voies accessoires :
*vers la chaîne mammaire interne (voies accessoires superficielles et transpectorales, 3e et 4e espaces intercostaux)
*vers les ganglions sous-claviers (voies accessoires profondes trans- et rétropectorales)
*vers les ganglions sus-claviculaires (voies accessoires supérieures)
*voire directement vers lřespace pleural (voies accessoires transpectorales). La lymphe venant du sein va circuler dans toutes ces voies, mais son débit est plus important dans les collecteurs principaux vers le creux axillaire, expliquant la fréquence plus élevée dřenvahissement ganglionnaire dans cette topographie. En cas dřinterruption des voies lymphatiques habituelles, secondaire au traitement (chirurgie, radiothérapie), des voies de drainage peuvent se développer via les réseaux superficiels vers les systèmes ganglionnaires controlatéraux, expliquant la survenue de récidives axillaires controlatérales à un cancer du sein antérieurement traité.
Anatomie du creux axillaire
Le creux axillaire a grossièrement une forme de pyramide inversée dont la base (limite supérieure) repose sur le bord inférieur de la veine axillaire, la pointe de la pyramide (limite inférieure) étant en regard de la division du pédicule thoracodorsal. En externe ou latéralement, il est délimité par la peau et le tissu sous-cutané, et en interne ou médialement, par la paroi thoracique recouverte du muscle grand dentelé. Sa face postérieure est constituée par le muscle grand dorsal, sa face antérieure par l’aponévrose clavipectorale. Berg a décrit sur cadavre et non en position opératoire des groupes différents de ganglions axillaires regroupés en trois étages selon leur position par rapport au muscle petit pectoral. Le niveau I de Berg correspond à la région située audessous du muscle petit pectoral (sous pectoral); le niveau II à la région en arrière du muscle petit pectoral (rétro pectorale) et le niveau III à la région au-dessus du muscle petit pectoral..
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1- Anatomie du sein
1-1 Rappel embryologique
1-2 Anatomie de la glande mammaire
1-3 Vascularisation du sein
1-4 Réseau lymphatique du sein
1-5 Anatomie du creux axillaire
2- Physiologie du sein
2-1 Action des hormones gonadiques sur le sein
2-2 Action des hormones extra-gonadiques
2-3 Variations physiologiques
3- Diagnostic clinique du cancer sein
3-1 Interrogatoire
3-2 Inspection
3-3 Palpation
3-4 Classification TNM clinique des cancers du sein
4- Anatomopathologie
5- Imagerie : techniques et résultats
5-1 Mammographie
5-1-1 Technique
5-1-1-1 Incidences standards
5-1-1-1-1 Incidence de face ou craniocaudale
5-1-1-1-2 Incidence de profil externe
5-1-1-1-3 Incidence médiolatérale oblique
5-1-1-2-Autres incidences
5-1-1-2-1- Incidence caudocrâniale
5-1-1-2-2- Face externe, face interne
5-1-1-1-3-Profil interne
5-1-1-2-4 Incidences tangentielles
5-1-1-1-5- Clichés localisés et agrandis
5-1-2 Indications et résultats
5-1-2-1- Dépistage
5-1-2-2- Diagnostic
5-1-2-3 Résultats
5-2 Echographie
5- 2- 1 Indications de lřéchographie mammaire
5- 2- 1-1 Diagnostic
5- 2- 1-2 Échographie, technique complémentaire de la mammographie
5- 2- 1-3 Échographie de première intention
5-3 Imagerie par résonance magnétique mammaire
5-3-1 Technique
5-3-2- Indications et résultats
5-3-2-1- Recherche de récidives de cancers
5-3-2-2- Bilan dřextension locale dřun cancer
5-3-2-3- Recherche de multifocalité
5-3-2-4- Appréciation de la réponse tumorale sous chimiothérapie première des grosses tumeurs
5-3-2-5- Diagnostic des lésions infracliniques ambiguës (nodules ou microcalcifications)
5-3-2-6- Masses palpables
5-3-2-7 Surveillance des prothèses mammaires
5-4- Autres méthodes dřexploration
5-4-1 Galactographie
5-4-1-1 Technique
5-4-1-2 Indications et résultats
5-4-1-3- Limites
5-4-2- Kystographie gazeuse
5-4-3- Tomodensitométrie (TDM)
6- Traitement
6-1 Buts
6-2 Moyens
6-2-1- Chirurgie
6-2-1-1- Chirurgie conservatrice
6-2-1-2. Chirurgie radicale
6-2-2- Radiothérapie
6-2-3- Chimiothérapie
6-2-3-1- Chimiothérapie néoadjuvante
6-2-3-2- Chimiothérapie curative
6-2-4- Hormonothérapie
6-2-5- Immunothérapie
6-2-6- Moyens d’appoint
6-3- Indications
6-3-1- Traitement des malades opérables d’emblée (T1, T2, NO à NI b, MO)
6-3-2- Traitement des malades porteuses d’une grosse tumeur (T2, T3 N1 MO)
6-3-3- Traitement des malades métastatiques
6-3-4- Surveillance post thérapeutique
7. Prévention et dépistage du cancer du sein
7-1-Prévention
7-2-Dépistage
7-2-1- Moyens de dépistage
7-2-1-1 Mammographie Valeur de la mammographie de dépistage
7-2-1-2 Échographie
7-2-1-3 IRM
7-2-2- Cible
7-2-2-1 Les femmes de 50 à 74 ans
7-2-2-2 Le dépistage avant 50 ans
7-2-2-3 Le dépistage des femmes à risque
7-2-2-4 En conclusion
7-3 La controverse du dépistage du cancer du sein par la mammographie
DEUXIEME PARTIE: NOTRE ETUDE
1- MATERIEL ET METHODES
1-1 Lieu de l’étude
1-2 Type d’étude
1-3 Le recrutement
1- 4 Paramètres étudiés
1-4-1 L’âge
1-4-2 Le sexe
1-4-3 Les prescripteurs
1-4-4 L’indication
1-4-5 Les aspects mammographiques
1-4-5-1 La densité mammaire
1-4-5-2 Les anomalies mammographiques
1-4-5-3 La localisation des lésions
1-4-5-4 La classification des anomalies mammographiques selon BI-RADS de lřACR
1-4-6 Les données échographiques
1-5 Traitement des données
2- RESULTATS
2-1 L’âge
2-2 Le sexe
2-3 Les prescripteurs
2-4 L’indication
2-5 Densité des seins
2-6 Les anomalies mammographiques
2-6-1 Localisation des lésions
2-6-2 Classification des anomalies mammographiques selon BI-RADS de lřACR
2-7 Données échographiques
2-8 Corrélation entre la densité mammaire et la réalisation d’une échographie complémentaire
2-9 Corrélation entre les lésions mammographiques et la réalisation d’une échographie complémentaire
2-10 Corrélation entre l’âge et les lésions mammographiques
ICONOGRAPHIE
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE