Dans le domaine de la production d’électricité, la France a fait le choix dès les années 70 de se tourner vers l’énergie nucléaire, qui a pour avantage majeur d’être sobre en émission de gaz à effet de serre. En outre, cette énergie permet de réduire la dépendance aux hydrocarbures, améliorant la sécurité d’approvisionnement, tout en protégeant les consommateurs français contre la volatilité du prix des combustibles fossiles et l’augmentation future des prix du CO2. Le prix de l’électricité en France est peu sujet à fluctuations puisqu’il est stable depuis les années 90, tandis qu’en Italie par exemple, dont le mix électrique repose essentiellement sur les combustibles fossiles [1], il a fortement augmenté. La France dispose du parc nucléaire le plus important du monde en proportion de sa population avec 58 réacteurs répartis sur 19 sites. Elle est l’un des rares pays présentant sur son territoire l’ensemble des installations permettant la conversion, l’enrichissement, la fabrication, le traitement et le recyclage des matières nucléaires. Elle est devenue une référence à l’échelle mondiale en la matière.
Apport de la chimiométrie à l’analyse en ligne par LIBS dans le domaine nucléaire
Dans la chimie analytique moderne qui accompagne la production, l’analyse en ligne constitue un axe de développement stratégique. La chimie analytique de laboratoire qui prévaut actuellement dans de nombreux domaines permet une analyse complète et détaillée de tous les paramètres souhaités. Ce type d’analyse est également désigné comme analyse hors-ligne puisque les appareils d’analyse ne sont toutefois pas reliés directement au processus de production. Ces techniques hors-ligne sont caractérisées par le fait que les échantillons du processus de production sont prélevés de manière discontinue et analysés avec un certain retard dans un laboratoire de production. Le retard de la délivrance des résultats (heures voir jours), les dépenses élevées au niveau du personnel, de l’équipement et les contraintes liées au transport des échantillons, sont les principaux inconvénients de ces techniques.
Par ailleurs, l’intensification des procédés et le contrôle des impacts de ces procédés sur l’environnement et la santé renforcent la forte tendance vers l’analyse en ligne. Les besoins s’étendent de l’échantillonnage à l’instrument et au traitement du signal. L’analyse en ligne se distingue par le fait que les appareils d’analyse sont toujours reliés directement au processus de production. L’analyse complète se déroule de manière continue et automatique.
Dans le domaine particulier de l’énergie nucléaire, la sécurité est au centre de l’acceptation par les populations. Cette exigence particulière s’ajoute aux impératifs de productivité de ce secteur. Le développement de l’analyse en ligne constitue donc un objectif majeur pour cette industrie pour des raisons de contrôle, d’efficacité, et de sécurité.
L’analyse en ligne dans le domaine nucléaire
Généralités sur la production d’énergie nucléaire
La fourniture d’énergie nucléaire est estimée à environ 14% de l’électricité dans le monde, et 21% de l’électricité dans les Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [1].
Actuellement, il existe 438 réacteurs nucléaires opérationnels dans le monde entier, et ils sont répartis dans plus de 25 pays (AIEA [2]). Il est important de noter que l’énergie nucléaire produit de l’électricité sans émissions de CO2 ni d’autres gaz influant sur le climat et qu’elle fournit un approvisionnement stable en énergie électrique. La fabrication du combustible, son irradiation en réacteur, puis la gestion du combustible usé constituent le cycle du combustible. De manière conventionnelle, le cycle débute avec l’extraction du minerai d’uranium et s’achève d’une part avec le stockage des combustibles usés et des divers déchets radioactifs provenant de leur traitement, d’autre part avec le recyclage des matières valorisables issues de ce traitement .
Les opérations de l’amont du cycle consistent en l’extraction et la mise en forme physicochimique des matières fissiles pour leur usage en réacteur. L’amont du cycle comporte les principales activités industrielles et commerciales suivantes :
— La prospection minière et l’extraction de l’uranium naturel. Les roches du minerai sont concassées et finement broyés de manière à obtenir une boue fine. La lixiviation de cette boue dans de l’acide sulfurique produit une solution d’oxyde d’uranium.
— Le raffinage de l’oxyde d’uranium des impuretés puis sa conversion en tétrafluorure d’uranium (UF4).
— L’UF4 sera transformé en UF6. Cette transformation répond aux besoins de l’enrichissement, l’UF6 ayant la particularité d’être gazeux à une température relativement basse.
— L’enrichissement de l’uranium naturel pour augmenter la teneur en isotope fissile (235U) de 0,7 % pour l’uranium naturel à environ 3,5 % pour l’uranium enrichi.
— La fabrication de combustible à base d’oxyde d’uranium enrichi.
L’irradiation comporte l’utilisation de ce combustible dans les réacteurs électrogènes exploités par les compagnies d’électricité des principaux pays industrialisés. La consommation du combustible est évaluée par son taux de combustion. Le combustible est d’autant mieux utilisé que le taux de combustion est élevé et l’enrichissement résiduel faible. Au fur et à mesure de l’irradiation, l’uranium 235 est consommé et des produits de fission apparaissent. Le combustible usé est retiré du réacteur et entreposé dans une piscine de refroidissement pendant trois ans. Le retraitement de ce combustible usé et le stockage des déchets constituent les principales opérations de l’aval du cycle.
Certains pays retraitent eux-mêmes leurs déchets, d’autres sous-traitent cette opération en dehors de leur frontières. Et beaucoup d’autres pays n’ont pas opté pour le retraitement, par exemple, la Suède et les États-Unis. Dans ce cas, les combustibles usés sont considérés comme des déchets et sont directement stockés après leur retrait du réacteur. Le retraitement consiste à récupérer l’uranium et le plutonium et à conditionner les déchets. Le plutonium issu du traitement de combustibles usés peut être valorisé dans des combustibles MOX fabriqués à partir de plutonium et d’uranium appauvri. Le combustible neuf ainsi fabriqué peut être utilisé dans des réacteurs existants.
Le retraitement constitue une activité industrielle importante comportant principalement :
— Le cisaillage des gaines de combustible en petits tronçons.
— Une dissolution du combustible usé en milieu nitrique suivie d’une séparation de l’uranium et du plutonium par extraction liquide-liquide.
— Une vitrification de la quasi-totalité des produits de fission et des actinides résiduels contenus dans les concentrats d’effluents.
— La conversion en oxydes de l’uranium et du plutonium purifiés.
— Un conditionnement en ligne des déchets : compactage des déchets de structure (gaines de combustible en Zircaloy) et des déchets technologiques destinés au stockage en profondeur, bétonnage des déchets technologiques peu irradiants stockables en surface.
De grandes précautions sont prises en ce qui concerne la sûreté, la radioprotection et la minimisation des volumes de déchets et des rejets dans l’environnement. Actuellement, différentes techniques (la spectroscopie alpha et gamma, la spectroscopie UV-Vis, l’ICP-AES, l’ICP-MS, ….) sont utilisées pour assurer le suivi et le pilotage des procédés industriels de traitement-recyclage des combustibles nucléaires usés. Pour la conception de la procédure de traitement, certaines contraintes doivent être prises en compte :
– Limiter le risque d’irradiation et de contamination du personnel.
– Limiter le risque de criticité par la géométrie et la masse des matériaux radioactifs.
– Limiter le risque lié aux phénomènes de radiolyse sous l’action des rayonnements alpha, bêta, gamma et neutron.
L’intérêt de l’analyse en ligne en milieu nucléaire est donc multiple, et couvre les domaines de la sûreté/sécurité, du contrôle de procédé et de la productivité économique [3]. L’absence de prélèvement est un avantage considérable puisque le personnel est moins exposé aux risques d’irradiation et de contamination. De plus, la mesure est réalisée en quelques secondes ou minutes ce qui permet une réactivité rapide aux changements dans le procédé et augmente la protection des employés, de l’installation et l’environnement, optimise le processus et améliore la qualité du produit et la fiabilité des procédés.
Comme toute autre activité humaine, l’industrie nucléaire génère des déchets à toutes les étapes du cycle du combustible et lors du démantèlement. La toxicité de ces déchets est importante. C’est pourquoi les recherches sur le traitement et le stockage de ces déchets font l’objet de nombreuses études.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Apport de la chimiométrie à l’analyse en ligne par LIBS dans le domaine nucléaire
I.1. Introduction
I.2. L’analyse en ligne dans le domaine nucléaire
I.2.1 Généralités sur la production d’énergie nucléaire
I.2.2. Mesures en ligne non nucléaires
I.2.3. Mesures en lignes nucléaires
I.2.3.1. Mesure de faible concentration en plutonium de la solution par comptage alpha
I.2.3.2. Mesure de concentration en U, Pu par absorptiométrie gamma modulée
I.2.3.3. Contrôle de dépôt de Pu en fond de cuve par interrogation neutronique active
I.2.3.4. Détermination de l’activité des fûts de déchets
I.2.3.5. Mesure de U et Pu par absorptiométrie K-edge et fluorescence X
I.2.4. Analyse en ligne fondée sur des techniques optiques
I.2.4.1. La spectrométrie d’absorption UV-VIS
I.2.4.2. La spectrométrie d’absorption infrarouge
I.2.4.3. La spectroscopie Raman
I.2.4.4. La CRDS (Cavity Ring Down Spectrocopy)
I.2.5. Les besoins de l’analyse en ligne en milieu nucléaire
I.3. La spectroscopie sur plasma induit par laser
I.3.1. Principe
I.3.2. La LIBS pour l’analyse en ligne en milieu nucléaire
I.3.3. Etat de l’art de l’analyse par LIBS dans le domaine nucléaire
I.3.4. Limitations
I.4. Les enjeux actuels de l’analyse quantitative en ligne par LIBS
I.4.1. L’optimisation des paramètres expérimentaux
I.4.1.1. Paramètres du laser
I.4.1.2. Conditions environnementales
I.4.1.3. Les paramètres de focalisation
I.4.1.5. Paramètres temporels de la mesure
I.4.2. Les méthodologies de quantification
I.4.2.1. Limitations pour l’analyse quantitative
I.4.2.1.1. Les interférences spectrales
I.4.2.1.2. L’auto-absorption
I.4.2.1.3. Les effets de matrice
I.4.3. Normalisation
I.4.3.1. Normalisation par la masse ablatée
I.4.3.2. La normalisation par la température du plasma
I.4.3.3. Calibration-Free LIBS (CF-LIBS)
I.4.3.4. Discussion
I.5. L’apport des méthodes multivariées
I.5.1. Intérêt de la chimiométrie pour l’analyse en ligne
I.5.2. Optimisation de la mesure LIBS par plans d’expériences
I.5.3. Analyse quantitative par LIBS et chimiométrie
I.5.3.1. La régression sur les composantes principales (PCR)
I.5.3.2. Régression aux moindres carrés partiels PLSR
I.5.4.Analyse qualitative
I.5.5.Prétraitement des spectres
I.6. Conclusion
I.7. Références Chapitre I
Chapitre II Optimisation analytique des paramètres expérimentaux
II.1. Méthode des surfaces de réponse
II.2. Objectif et démarche
II.2.1. Définition des réponses caractérisant l’objectif
II.2.2. Choix du plan
II.3. Montage expérimental et caractérisation
II.3.1. Le laser
II.3.1.1. Carte de contrôle
II.3.1.2. Profil du faisceau
II.3.2. Mise en forme et focalisation du faisceau laser
II.4. Détermination des niveaux des facteurs
II.4.1. Domaine de variation de l’énergie
II.4.2. Domaine de variation du diamètre du faisceau
II.4.3. Domaine de variation de la distance focale
II.4.4. Domaine de variation de la distance lentille-échantillon
II.4.5. Domaine de variation du délai
II.5. Acquisition des données
II.6. Résultats
II.6.1. Analyse mathématique des résultats
II.6.2. Analyse statistique des résultats
II.6.3. Volume ablaté
II.6.4. L’indicateur de température
II.6.5. L’intensité du signal
II.6.6. La répétabilité du signal
II.6.7. Le rapport signal sur bruit
II.6.8. Optimisation analytique des paramètres expérimentaux
II.6.9. Validation
II.7. Conclusion
II.8. Références Chapitre II
Chapitre III Approche spectro-temporelle de l’analyse quantitative
III.1. Introduction
III.2 Problématique
III.3. Techniques d’analyse multivariée
III.3.1. L’analyse en composantes principales (PCA)
III.3.2. La Résolution Multivariée de Courbes par Moindres Carrés Alternés (MCR-ALS)
III.3.3.L’analyse en composantes indépendantes (ICA)
III.3.4 Exemples d’application des méthodes multivariées
III.4. Description du système expérimental
Préparation des données
III. 5. Analyse descriptive multivariée des spectres LIBS résolus temporellement
III.5.1. Comparaison des trois méthodes
III. 5.2 Application de la MFICA
III. 5.2.1 Comparaison des différentes atmosphères
III.5.2.2 Utilisation de la MFICA pour l’étude des raies
III.5.2.3 Application à l’analyse d’alliages Al/Si
III.5.3 Bilan sur l’analyse chimiométrique de l’émission temporelle du plasma
III.6 Analyse quantitative à partir des spectres résolus temporellement
III.6.1 Montage expérimental et acquisition des données
III.6.2 Méthodes d’étalonnage
III.6.2.1 Etalonnage univarié
III.6.2.2 Etalonnage par la régression aux moindres carrés partiels : PLS
III.6.2.3 Etalonnage par ICA-PLS
III. 7 Résultats
III.7.1 Aluminium
III.7.2 Titane
III.7.3 Nickel
III.7.4 Acier
III.7.5 Prédiction
III.8. Transfert d’étalonnage
III.9 Bilan sur l’analyse quantitative
III.10 Conclusion
III.11 Références Chapitre III
Conclusion Générale
Références Conclusion
Annexe