Applications en aérospatiale
Le principal domaine d’application des structures adaptatives est sans doute l’aérospatiale, puisque la mise en œuvre de cette technologie laisse entrevoir la possibilité d’améliorer considérablement la consommation de carburant des avions (IATA 2013). De nombreux concepts de structures adaptatives ont déjà été mis en œuvre; (Barbarino et al., 2011) dressent le portrait de l’intégration des structures actives dans les aéronefs au fil du temps. On remarque que la majorité des concepts s’appliquent aux ailes d’avions. Une revue plus exhaustive des projets de recherche sur les ailes adaptatives est présentée dans (Sofla et al.,2010). Cet article montre également que les concepts modernes sont basés sur les matériaux composites et actionnés par des matériaux intelligents; c’est aussi le cas dans (Baier et Datashvili, 2011). Il existe toutefois des concepts qui ont recours aux actionneurs plus traditionnels (Poonsong, 2004; Bharti, 2007).
Bien que la majorité des concepts de structures à géométrie adaptative s’appliquent aux ailes d’avions, d’autres applications existent. Un concept de chevron adaptatif a été développé et mis en œuvre afin de réduire les émissions sonores des avions lors du décollage et de l’atterrissage. Cette pièce est triangulaire et est une structure située à la sortie de la nacelle d’un moteur d’avion. Le chevron en question, développé notamment dans (James, Frederick et Butler, 2006), est un composite actionné par des actionneurs en alliages à mémoire de forme sous forme de ruban. Enfin, quelques prototypes de structures actives développées pour des applications en aérospatiale sont présentés dans (Calkins et Mabe, 2010) et dans (Hartl et Lagoudas, 2007). Parmi ces structures, on retrouve notamment une entrée d’air ajustable et un rotor d’hélicoptère actif. Plusieurs concepts de structures actives ont également été développés pour ajuster l’angle d’attaque d’une pale d’hélice pour un hélicoptère comme c’est le cas dans (Park et Kim, 2008) et (James et al., 2008). Parmi ces concepts, les plus intéressants seront abordés plus en détail dans les sections subséquentes.
Composantes des structures adaptatives
Les structures adaptatives sont généralement composées de plusieurs éléments qui interagissent afin d’obtenir les propriétés optimales pour les conditions d’utilisation. La complexité de la structure dépend principalement de son application et de choix de conception. Quoi qu’il en soit, pour avoir une structure adaptative, on distingue un minimum de deux composantes principales, soient une structure hôte et un élément actif, qui permet au dispositif de s’ajuster aux conditions.
Structure hôte
Les structures hôtes utilisées dans le cas des structures adaptatives sont majoritairement en matériaux composites. D’une part, puisque la majorité des structures adaptatives recensées sont destinées à l’aérospatiale, il n’est pas surprenant que ces dernières soient faites de composite. Rappelons que les derniers programmes de développement d’aéronefs (Boeing 787, Airbus A350, Bombardier C-Series, etc.) misent sur l’intégration de structures de composite à grande échelle pour en diminuer la masse (Gibson, 2011). À cet effet, Il est possible de constater que les composites sont employés massivement dans plusieurs structures de l’appareil. On note aussi cette tendance, à plus faible échelle toutefois, dans le secteur de l’automobile.
Élément actif
L’élément actif dans une structure adaptative est celui qui fournit l’énergie nécessaire à l’actionnement de cette dernière. Il existe plusieurs dispositifs qui permettent de réaliser l’actionnement. Les choix récurrents pour des applications plus conventionnelles reposent sur des technologies pneumatiques, hydrauliques ou électriques. Cependant, tel que spécifié dans (Sofla et al., 2010), ces choix ne sont pas optimaux en raison de la pénalité en espace et en poids qui découle de leur mise en œuvre. D’autres types d’actionneurs tels que les matériaux intelligents, dont les applications sont plus marginales, doivent alors être considérés pour obtenir des structures légères et compactes. Les matériaux intelligents les plus couramment utilisés pour les structures adaptatives sont sans doute les alliages à mémoire de forme (AMF) et les matériaux piézoélectriques.
Les matériaux piézoélectriques ont la particularité de se déformer lorsqu’un champ électrique leur est imposé. Inversement, lorsqu’une déformation leur est imposée, un champ électrique interne est créé. Cette caractéristique permet de les utiliser comme actionneurs. Cependant, bien que les piézoélectriques puissent produire de grandes forces, le déplacement associé est très limité, soit environ 0,1% (Brailovski et al., 2003). Il en va de même pour l’énergie qui peut être libérée par ces matériaux. On trouve néanmoins plusieurs applications d’actionneurs dont certaines seront abordées plus loin.
Composites multi stables
De nombreux concepts de surfaces adaptatives sont basés sur le développement d’un laminé de composite asymétrique. En réalisant un empilement asymétrique, des contraintes résiduelles se créent lors de la cure de la résine étant donné que les plis de composite ont des propriétés thermiques fortement anisotropes. Afin d’accommoder les contraintes résiduelles, des déformations sont engendrées localement et il en résulte, au niveau macroscopique, un rayon de courbure non nul et des déformations hors plan. La courbure obtenue, souvent, n’est pas unique et peut être modifiée puisque le laminé possède généralement plusieurs positions d’équilibre. Il est possible de modéliser ce comportement et d’en tirer profit afin de développer des surfaces adaptatives, tel que montré dans (Hufenbach et Gude, 2002).
De nombreux auteurs ont exploité ce comportement pour développer des surfaces dites adaptatives. Il existe toutefois plusieurs approches pour développer des laminés asymétriques et il en va de même pour l’actionnement de ces derniers. Dans (Panesar et Weaver, 2012), une approche d’optimisation de l’orientation des fibres avec une fonction objective visant à maximiser les déformations hors plan du laminé a été développée. La surface de composite est constituée de deux plis unidirectionnels au-dessous et les deux plis supérieurs ont des orientations de fibres variables. Afin de définir l’orientation, le domaine à considérer a été divisé en sous-éléments et une orientation est calculée à l’aide d’un algorithme pour chaque élément. Pour ce cas, l’application ciblée est un volet pour une aile d’avion. Une validation expérimentale a été réalisée; afin de faire varier la direction des fibres dans un pli de composite, une technique nommée ‘’tow steering technique’’ a été utilisée pour la fabrication.
Composites pseudo bistables
Il est également possible de créer des structures ayant un comportement relativement similaire pour lesquelles une seule géométrie d’équilibre peut être obtenue, toute autre géométrie pourra être conservée seulement pour un temps donné. Le comportement de ces composites se désigne comme un comportement pseudo bistable. Il est possible de l’obtenir en mettant à profit le comportement viscoélastique de certains polymères. Ce comportement a été étudié notamment dans (Brinkmeyer et al., 2013) et dans (Brinkmeyer et al., 2012).
Le composite en question est constitué de deux couches de matériau élastomères renforcés avec un composite à fibres de verre constituant jusqu’à 8% du volume de la pièce. Plusieurs configurations ont été mises à l’essai et la réponse à une déformation a été caractérisée. Le temps de recouvrement de la géométrie du matériau est fortement influencé par les conditions imposées lors de la déformation initiale ainsi que la configuration du matériau.
Les principales limitations du concept sont que le comportement pseudo bistable se manifeste pour des conditions aux frontières, des déformations et des compositions très précises, en plus d’être très sensible aux conditions environnementales. Les fluctuations de températures inhérentes à l’application étudiée ici rendent cette approche moins appropriée.
Choix de la technologie d’actionnement
Les technologies d’actionnement les plus employées dans des concepts de structures adaptatives sont les matériaux piézoélectriques, les AMF et les actionneurs pneumatiques.
Parmi ces solutions, les AMF sont ceux qui ont été le plus largement utilisés notamment dans les applications qui ont été validées expérimentalement. Dans le cadre de ce projet, il est naturel de mettre à profit les AMF, dont la densité d’énergie est la plus élevée de toutes les technologies d’actionnement évaluées.
En portant un regard sur l’ensemble des recherches dont il a été question jusqu’ici, force est de constater que les technologies de surfaces adaptatives comprenant des AMF incorporés ne conviennent pas à l’application considérée. En effet, la quasi-totalité des approches d’actionnement présentées ne permet pas d’atteindre l’un des objectifs formulés, c’est-à-dire, d’avoir une surface dont la géométrie peut être modifiée à travers une certaine plage et maintenue sans avoir recours aux actionneurs. Bien que les laminés multi-stables répondent partiellement à ce besoin, ceux-ci ne possèdent généralement qu’un nombre très restreint de positions d’équilibre.
Dans la majorité des projets portant sur l’intégration directe des actionneurs, il est possible de déceler quelques problématiques importantes. Dans un premier temps, on peut s’attarder au cas où les actionneurs sont intégrés directement à la matrice du composite lors de la mise en forme de ce dernier :
nécessité de prévenir la transformation inverse des AMF lors de la cure du composite à haute température en les mettant sous tension, transfert de charge limité à l’interface polymère/AMF, décohésion à l’interface lors du chargement thermomécanique cyclique, difficulté dans la mesure et le contrôle des températures des actionneurs, isolation électrique nécessaire pour composite à fibres de carbone.
Choix des matériaux et propriétés de l’extrados
Des choix préliminaires peuvent être réalisés en ce qui concerne les matériaux. La revue des concepts de surface adaptative a permis de constater que les composites sont pratiquement incontournables pour la mise en œuvre de structures adaptatives. Il faut ajouter que comme l’approche retenue pour atteindre la déformée est de faire varier la rigidité de l’extrados, les composites sont préférables. En effet, il est possible de contrôler un grand nombre de variables affectant la rigidité, comme le nombre de plis, le type de tissé, l’orientation des plis, etc. En outre, comme l’application proposée est un extrados d’aile d’avion, il est naturel d’opter pour un composite laminé carbone/époxy.
Des choix préliminaires peuvent être réalisés concernant les constituants du composite. Pour ce qui est des fibres de carbone, comme des déformations importantes seront imposées au composite, il serait préférable d’opter pour un grade de fibres de carbone ayant une élongation à la rupture importante. Généralement, ce sont les fibres de faibles modules qui possèdent l’allongement à la rupture plus important, elles sont aussi généralement moins chères. Au niveau de la résine, l’époxy est le choix préférable pour obtenir une bonne durée de vie en fatigue. Cependant le grade final sera sélectionné en fonction du procédé utilisé pour la mise en forme.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LES STRUCTURES ADAPTATIVES
1.1 Généralités
1.1.1 Applications en aérospatiale
1.1.2 Autres exemples d’applications
1.1.3 Critères de développement
1.2 Composantes des structures adaptatives
1.2.1 Structure hôte
1.2.2 Élément actif
1.2.3 Autres composantes
1.3 Revue des concepts de surfaces à géométrie adaptative
1.3.1 Composites multi stables
1.3.2 Composites pseudo bistables
1.3.3 Actionnement de laminés multi stables
1.3.4 Actionneurs internes imprégnés
1.3.5 Actionneurs internes avec gaine
1.3.6 Actionneurs sous forme de plis supplémentaires
1.3.7 Surface adaptative munie d’actionneurs externes
1.3.8 Surfaces ondulées
1.3.9 Surfaces extensibles
1.4 Choix de la technologie d’actionnement
1.5 Autres choix de conception
1.6 Choix des matériaux et propriétés de l’extrados
CHAPITRE 2 INTRODUCTION AUX MATÉRIAUX UTILISÉS
2.1 Alliages à mémoire de forme
2.1.1 Microstructure
2.1.2 Mécanismes de déformation
2.1.3 Propriétés fonctionnelles
2.1.3.1 Effet mémoire de forme de simple sens
2.1.3.2 Superélasticité
2.1.3.3 Génération de contraintes
2.1.3.4 Effet mémoire de forme de double sens assisté (ATWSME)
2.1.4 Enveloppe d’actionnement
2.2 Matériaux composites
2.2.1 Procédés considérés
2.2.2 Procédé d’infusion sous vide (VARTM)
2.2.3 Moulage de pré imprégné
CHAPITRE 3 DEVELOPPEMENT OF A MORPHING WING EXTRADOS MADE OF COMPOSITE MATERIALS AND ACTUATED BY SHAPE MEMORY ALLOYS
3.1 Avant-Propos
3.2 Résumé
3.3 Abstract
3.4 Introduction
3.4.1 Morphing wing concepts
3.4.2 Morphing laminar wing (MLW)
3.4.3 Strategy for developing the morphing extrados
3.5 Target deformation and loading case
3.6 Material selection and characterisation
3.6.1 Manufacturing
3.6.2 Characterization
3.7 FEM, optimisation and characterisation
3.7.1 ANSYS APDL model of the active surface
3.7.2 Optimisation strategy
3.7.3 Loading cases and lay-up evaluation routine
3.7.4 Lay-up selection
3.8 Fatigue testing and conformity evaluation
3.9 Actuation mechanism development
3.9.1 Requirements and challenges
3.9.2 Mechanism design
3.10 SMA wires actuators
3.10.1 Thermomechanical treatment and stabilisation routine
3.10.2 Evaluation of the actuation properties
3.11 Experimental validation of the prototype
3.11.1 Actuation sequence & Control
3.12 Conclusions
3.13 References
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
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