La théorie de la diffraction d’une onde optique par une onde acoustique a été prédite par Brillouin dès 1922 [1]. Depuis, le domaine de l’acousto-optique a été largement étudié par de nombreux auteurs. Nous pouvons notamment citer les travaux de :
– Debye et Sears aux États-Unis [2] et ceux de Lucas et Biquard en France [3] en 1932
– Rytow en 1935 (observations expérimentales)
– Raman et Nath en 1937 [4] (modélisation du phénomène)
– Phariseau [5] en 1956 (diffraction d’un seul ordre)
Le laboratoire dans lequel j’ai effectué mes recherches en a également été un acteur majeur dès les années 70. Les travaux de Torguet [6], de Rouvaen [7] ainsi que de Gazalet [8] ont largement contribué à l’avancée scientifique dans ce domaine. En premier lieu, cette technologie était uniquement utilisée dans la détermination des coefficients élastiques des cristaux [9]. Les premières applications industrielles apparaissent dans les années 60-70 avec le développement des sources laser et l’amélioration des techniques de fabrication des céramiques piézo-électriques. Les principales fonctions des composants acousto-optiques sont la modulation, la déviation, le filtrage et le décalage en fréquence de faisceaux optiques [10]. Ces différentes fonctions font appel à des matériaux et à des configurations d’interactions distinctes.
Généralités sur l’interaction acousto-optique
Le principe physique de l’acousto-optique repose sur l’interaction entre un faisceau lumineux (généralement une source laser) et une onde ultrasonore générée par un transducteur piézoélectrique. Ces interactions sont créées au sein d’un cristal présentant des propriétés photo-élastiques tel que le Quartz, la Silice (SiO₂,), le Niobate de Lithium (LiNbO₃) ou la Paratellurite (TeO₂). La propagation d’ondes ultrasonores dans ce type de milieu modifie ses propriétés optiques : la propagation d’une onde ultrasonore sinusoïdale entraine une variation périodique de l’indice de réfringence optique du cristal, amenant à la création d’un « réseau de diffraction ».
Classiquement, un composant acousto-optique est composé d’un cristal dont les faces optiques d’entrée et de sortie bénéficient d’un traitement antireflet pour réduire les pertes optiques aux interfaces. Sur la face acoustique se trouve le transducteur piézoélectrique et les électrodes permettant son excitation. Différentes couches d’adaptation mécanique sont interposées entre le transducteur et le cristal afin de faciliter le couplage des ondes ultrasonores dans le cristal d’interaction. Les électrodes du transducteur sont reliées à un circuit d’adaptation d’impédance (typiquement sous 50 Ω) lui-même connecté au générateur de fréquence RF. Au delà de la zone d’interaction, les ondes acoustiques sont atténuées par un absorbeur acoustique. Le support sur lequel repose le cristal d’interaction d’évacuer les échauffements thermiques induits par les ondes acoustiques. Dans le cas de fortes puissances acoustiques, des mécanismes de refroidissement à eau ou air sont adjoints au système afin de réguler la température du cristal d’interaction.
Lors de la conception d’un composant acousto-optique et suivant la fonction requise, différents paramètres sont à prendre en compte tels que : le matériau utilisé, l’orientation des faces optiques et acoustiques, le type d’ondes acoustiques générées, l’épaisseur, la longueur et la hauteur du transducteur, la polarisation des faisceaux optiques incident et diffracté, le régime d’interaction souhaité, etc…
Les différents régimes d’interactions
Dans la littérature, on distingue principalement deux régimes d’interactions: le régime de Raman-Nath et le régime de Bragg, le premier correspondant à la théorie des réseaux minces et le deuxième à la théorie des réseaux épais [11]. Le critère de Klein-Cook permet de séparer ces deux régimes. Le régime de Bragg est le plus utilisé dans la pratique car il donne lieu à un seul faisceau diffracté. On peut citer également le cas d’interactions en régime intermédiaire [12].
Régime de Raman-Nath
La génération d’ondes ultrasonores par le transducteur piézo-électrique crée au sein du milieu d’interaction une colonne acoustique. La longueur W de l’électrode supérieure détermine l’épaisseur de la colonne acoustique (suivant la direction de propagation du faisceau optique). Dans le cas d’une onde acoustique longitudinale, la propagation d’une onde ultrasonore déforme la maille cristalline du milieu, avec des zones de compressions et de décompressions. Ces déformations élastiques se traduisent alors par une modulation de l’indice optique du matériau créant un réseau de diffraction mobile.
Polarisation des faisceaux optiques
La plupart des cristaux présentant des propriétés photo-élastiques remarquables ont la particularité d’être anisotrope optiquement et acoustiquement . D’un point de vue optique, cela signifie que le cristal est biréfringent. Les cristaux employés ici sont majoritairement uniaxes, c’est-à-dire qu’ils possèdent deux indices de réfringence. Une onde optique de polarisation quelconque sera ainsi décomposée en deux modes propres de polarisations orthogonales. Dans ce type de cristaux d’interactions, la polarisation du faisceau optique incident joue un rôle essentiel puisqu’elle détermine l’indice optique à prendre en compte. On distingue deux types d’interactions en milieu anisotrope : l’interaction de type isotrope (sans changement de polarisation) et l’interaction anisotrope (avec changement de polarisation entre le faisceau optique transmis et le diffracté). Notons que l’interaction anisotrope offre des degrés de liberté supplémentaires permettant l’optimisation des paramètres de certaines fonctions.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1: Applications des composants acousto-optiques
1 Généralités sur l’interaction acousto-optique
1.1 Les différents régimes d’interactions
1.2 Polarisation des faisceaux optiques
2 Décaleur de fréquence optique : AOFS
2.1 Paramètres caractéristiques
2.2 Dispositif originaux de décalage en fréquence
2.3 Exemple d’application : la vibrométrie laser
3 Modulateur acousto-optique : AOM
3.1 Paramètres caractéristiques
3.2 Modulateur intra cavité : le Q-switch
3.3 Exemple d’application : le pulse picker
4 Déflecteur acousto-optique : AOD
4.1 Paramètres caractéristiques
4.2 Un exemple d’application : la projection de franges
5 Filtre acousto-optique : AOTF
5.1 Différentes configurations d’un filtre
5.2 Application des AOTF en microscopie confocale
5.3 Application des AOTF en imagerie polarimétrique et hyper-spectrale
6 Conclusion
Chapitre 2: Étude théorique de l’interaction anisotrope dans la Paratellurite
1 Propagation acoustique
1.1 Détermination des surfaces de lenteurs
1.2 Oblicité acoustique
1.3 Divergence acoustique
1.4 Notion de champ proche – champ lointain
2 Propagation optique
2.1 Biréfringence linéaire
2.2 Biréfringence circulaire : activité optique
3 Couplage acousto-optique
3.1 Tenseur photo-élastique
3.2 Recherche des conditions de synchronisme
3.3 Asynchronisme de phase
3.4 Rediffraction à l’ordre 2
4 Conclusion
Chapitre 3: Cas d’interactions anisotropes particulières : application aux déflecteurs et aux filtres
1 Conception d’un déflecteur
1.1 Interaction TPM (Tangent Phase Matching)
1.2 Calcul de la bande passante fréquentielle d’un AOD
1.3 Acceptance angulaire d’un AOD
2 Nouvelle fonction originale associée à un déflecteur : étude de sa bande passante
spectrale
2.1 Recherche des conditions de synchronisme sur une large bande optique
2.2 Mise en place de l’expérience
2.3 Comparaison des résultats expérimentaux et numériques
2.4 Interprétations et perspectives
3 Conception d’un filtre
3.1 Interaction NPM (Narrow Phase Matching)
3.2 Étude de l’acceptance angulaire d’un AOTF
3.3 Étude de la bande passante fréquentielle d’un AOTF
3.4 Étude de la bande passante spectrale
4 Réalisation d’un décaleur de fréquence variable par association d’un AOD et d’un
AOTF
4.1 Principe de l’expérience
4.2 Dispositif expérimental
4.3 Résultats expérimentaux
5 Conclusion
Chapitre 4: Élaboration d’un composant multi-électrodes à interaction double
1 Solutions apportées par la configuration multi-électrodes à interaction double
1.1 Principe de l’interaction double
1.2 Modification de la longueur d’interaction
1.3 Apodisation de la réponse acousto-optique
2 Choix des principales caractéristiques du composant
2.1 Interaction double
2.2 Choix de la coupe acoustique
2.3 Choix de la longueur des électrodes
2.4 Acceptance angulaire de l’interaction double
2.5 Caractéristiques de conception retenues
3 Tests et validations du composant
3.1 Dispositif expérimental
3.2 Étude fréquentielle
4 Conclusion
Conclusion générale
Annexe
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