Croissance technologique du domaine térahertz
Le domaine térahertz est l’interface entre deux institutions technologiques : l’optoélectronique et l’électronique micro-onde.
En optoélectronique, l’émission de photons térahertz requiert la possibilité qu’un électron d’un matériau considéré se désexcite en émettant un photon d’énergie de l’ordre du meV. Cette énergie est du même ordre de grandeur que celle de l’agitation thermique (kBT) ce qui rend difficile une émission efficace dans les semi-conducteurs (par le biais de l’énergie de gap) ou dans les lasers (par une inversion de population trop perturbée).
Pour l’électronique micro-onde, la technologie est basée sur la fréquence du courant parcourant le dispositif, qui est limitée par le temps de parcours des porteurs de charges ou par la bande passante des systèmes. Par conséquent, la puissance émise ou détectée diminue en raison inverse de la fréquence (en 1/f4) à partir de 1 THz [3].
C’est pourquoi le domaine s’étendant de 0,1 THz à 10 THz a historiquement été difficile à exploiter à la fois par les technologies classiques de l’infrarouge et celles des micro-ondes. Cette lacune est connue dans la littérature sous le nom de « fossé térahertz ».
Analyse de matériau et signature spectrale
L’étude de la réponse spectrale des matériaux dans le domaine térahertz est possible depuis les années 80, principalement grâce au développement de la spectroscopie térahertz résolue en temps [18]. Le principe mis en jeu est l’analyse temporelle de la réponse du matériau à une excitation térahertz ultracourte. Cet effort est accompagné par la spectroscopie infrarouge (térahertz) à transformée de Fourier [19] (développée dès les années 60). Cette méthode permet de fabriquer des bases de données (disponibles en ligne par exemple thzdb.org [20]) qui mettent en valeur les pics d’absorption et de transmission de nombreux matériaux.
Imagerie médicale
Les ondes térahertz sont fortement absorbées par l’eau, cette dernière étant le composant majoritaire des tissus humains. La nature du tissu, saine ou malade, influence la réponse à une excitation térahertz et peut être mesurée par un capteur très sensible. En ce qui concerne les organes durs (comme les dents), ils sont partiellement transparents sous illumination térahertz, ce qui offre une alternative sans risque à l’imagerie dentaire par rayon X .
Contrôle de qualité
Le rayonnement térahertz permet l’analyse de produits conservés sous leur emballage (plastique ou carton). Il est donc possible de révéler la présence de corps étrangers ou de défauts sur les produits sortant d’une ligne de production . Un tel contrôle de qualité est bien supérieur à celui par échantillonnage classiquement mis en place et est non destructif. Sur des projets où la qualité est critique, l’analyse térahertz apporte une vérification complémentaire de défauts dans les armatures des bâtiments ou dans les navettes et les satellites.
Sécurité
Le rayonnement térahertz est capable de pénétrer les vêtements et les emballages pour révéler la présence de métaux par le biais de l’imagerie ou de produits chimiques par le biais de la spectroscopie . L’intégration de dispositifs térahertz dans des portiques de détection d’objets dangereux et sous forme de caméras représente une évolution majeure et attendue dans les techniques de sécurité. Cette utilisation bénéficie des techniques de la spectroscopie et de l’imagerie. D’une part la spectroscopie permet d’analyser certaines fréquences térahertz et de comparer les pics d’absorption afin de déterminer la composition chimique de l’objet analysé [20]. D’autre part il est possible de réaliser l’imagerie optique à travers des textiles et de mettre en évidence les objets métalliques dissimulés. Les images sont généralement multispectrales entre 10 et 250 GHz.
Limitations
Afin d’optimiser les performances des dispositifs fonctionnant dans la gamme térahertz, il est important de bien délimiter les contraintes de détection qui leurs sont associées.
Transmission atmosphérique
Le rayonnement térahertz est absorbé par les molécules lorsque l’excitation correspond à leurs modes propres de vibration et de rotation. Par ce mécanisme, l’atmosphère terrestre absorbe le rayonnement térahertz, la molécule la plus active étant H2O. Toute détection est donc dépendante des conditions climatiques et en particulier de la saturation d’eau dans l’air. Dans l’étude effectuée par Slocum et al. [21], ils identifient 16 fenêtres de travail entre 200 GHz et 3 THz . De cette courbe (et du tableau associé à la publication) nous pouvons déduire empiriquement que l’absorption dans les fenêtres augmente en moyenne comme f 2,15±0,1.
Transmission de la matière
Les textiles varient par leur composition, leur épaisseur et leur mode de tissage. Chacune de ces caractéristiques altère la transmission de l’onde térahertz, à tel point que pour un même matériau il est possible de différencier la méthode de tissage. Sur la gamme 0,6 THz-2,5 THz, la transmission est proche de 100 % à 0,6 THz pour les tissus considérés dans l’étude [22] (jeans, coton, nylon, papier, soie ) et diminue avec la fréquence. Cette transmission est même inférieure à 10% pour les jeans (1,4 THz) et le coton (2,1 THz). Parmi les matériaux classiques, le papier est transparent aux ondes térahertz. Ce phénomène est déjà exploité dans un centre de tri postal au Japon pour identifier des éléments explosifs dans les colis suspects [23] sous leur emballage carton.
Rayonnement du corps noir
Le rayonnement térahertz est naturellement présent dans notre environnement par émission thermique. En effet tout corps (solide, liquide ou gazeux) est une source térahertz dont la puissance dépend de sa température, de sa surface et de son émissivité (proportion du rayonnement réel émis par rapport au rayonnement maximal). Ce phénomène est lié au rayonnement du corps noir, qui est la théorie selon laquelle un corps parfaitement absorbant émet un rayonnement sur tout le spectre électromagnétique, dont l’intensité et la répartition en énergie dépendent seulement de la température du corps donné.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I – Introduction
I.1 Cahier des charges du projet MASTHER
I.2 Gamme térahertz
I.2.1 Spectre de rayonnement électromagnétique
I.2.2 Croissance technologique du domaine térahertz
I.3 Applications de la détection térahertz
1.3.1 Astronomie
1.3.2 Analyse de matériau et signature spectrale
1.3.3 Imagerie médicale
1.3.4 Contrôle de qualité
1.3.5 Sécurité
I.4 Limitations
I.4.1 Transmission atmosphérique
I.4.2 Transmission de la matière
I.4.3 Définition spatiale des images
I.4.4 Rayonnement du corps noir
I.4.5 Récapitulatif des pertes
I.5 Système de détection et caractéristiques
I.5.1 Détection passive et active
I.5.2 Méthodes de détection incohérente (directe) et cohérente (hétérodyne / homodyne)
I.5.3 Information et méthode de détection
I.5.4 Sensibilité du détecteur
I.5.5 Bande passante spectrale et bande passante instantanée
I.5.6 Caractéristiques en bruit
I.6 Détecteurs bolométriques
I.6.1 Bolomètres : modèle thermique classique
I.6.2 Sources de bruit dans les bolomètres
I.6.3 Les bolomètres à électrons chauds (HEB)
I.7 Sources térahertz
I.7.1 Sources électroniques
I.7.2 Sources optiques
I.7.3 Sources thermiques
I.7.4 Tableau récapitulatif des sources térahertz
I.8 Détecteurs térahertz
I.8.1 Détecteurs hétérodynes térahertz
I.8.2 Détecteurs thermiques non refroidis
I.8.3 Détecteurs thermiques directs refroidis
I.8.4 Détecteurs optroniques
I.9 Imageurs térahertz
I.9.1 Imagerie passive et imagerie active
I.9.2 Autres utilisations en imagerie térahertz
I.9.3 Mise en scène du cahier des charges de MASTHER
I.9.4 Mise en équation de la scène afin de déduire l’expression du bruit : NEP et température de bruit
I.9.5 Applications à des scènes données du calcul du bruit
Références
Chapitre II – Supraconductivité et transition résistive térahertz
II.1 Propriétés de la supraconductivité
II.1.1 Résistance nulle
II.1.2 Anomalie de chaleur spécifique
II.1.3 Comportement diamagnétique : l’effet Meissner
II.2 Grandeurs critiques et supraconductivité de type I et de type II
II.2.1 Température critique
II.2.2 Champ magnétique critique
II.2.3 Densité de courant critique
II.2.4 Relations entre les grandeurs critiques
II.3 Modèles et théories de la supraconductivité
II.3.1 Modèle de Gorter et Casimir
II.3.2 Théorie de London
II.3.3 Théorie de Ginzburg-Landau
II.3.4 Théorie BCS
II.4 Les cuprates SHTC et YBaCuO
II.4.1 Présentation
II.4.2 Le cristal d’YBaCuO
II.4.3 Propriétés résistives d’YBaCuO
II.4.4 Propriétés en courant alternatif : modèle à deux fluides
II.4.5 Modèle à deux fluides dispersifs
II.4.6 Transition résistive en courant alternatif
II.5 Conclusion
Références
Chapitre III – Modélisation du bolomètre à électrons chauds en YBaCuO
III.1. Principe et mise en œuvre technologique
III.2. Contenu et but des modèles
III.3 Choix du modèle utilisé
III.3.1 Modèle de bolomètre ponctuel et modèle à trois températures
III.3.2 Modèle à trois températures
III.3.3 Modèle du point chaud (hot spot)
III.3.4 Modèle du point chaud pour YBaCuO
III.4 Modèle du point chaud à courant RF et adaptation d’impédance
III.4.1 Expression de la puissance RF et DC dissipée
III.4.2 Adaptation d’impédance entre l’antenne et la constriction
III.4.3 Résultat du calcul avec le modèle du point chaud à courant RF
III.4.4 Introduction de la variation d’impédance en régime térahertz
III.4.5 Répartition de la réponse I-V à faible adaptation d’impédance
III.4.6 Étude de la réponse fréquentielle
III.4.7 Traitement du gain de conversion et de la température de bruit aux fréquences térahertz
III.5 Application du modèle à des dispositifs de fabrication récente
III.6 Évolutions possibles du modèle
Références
Chapitre IV – Conception, réalisation et pré-caractérisation des nano-détecteurs HEB en YBaCuO
IV.1 Les couches minces d’YBaCuO
IV.1.1 Le choix du substrat pour les couches minces d’YBaCuO
IV.1.2 La fabrication de couches minces
IV.2 Caractérisations des couches minces d’YBaCuO
IV.2.1 Les mesures de la résistance des couches minces
IV.2.2 Les mesures AFM / Résiscope
IV.3 Le choix de l’antenne de détection térahertz
IV.4 Réalisation des HEB : techniques de salle blanche
IV.4.1 Introduction au procédé de fabrication en salle blanche
IV.4.2 Les procédés de fabrication en salle blanche
IV.5 Les masques de lithographie
IV.5.1 Conception des masques de lithographie
IV.5.2 Les motifs de positionnement
IV.5.3 Les motifs fonctionnels
IV.5.4 Fabrication des masques électroniques et optiques
IV.6 Fabrication des dispositifs en salle blanche
IV.6.1 Étape n°1 (durée : 5 h)
IV.6.2 Étape n°2 (durée : 4 h)
IV.6.3 Étape n°3 (durée : 3 h)
IV.6.4 Étape n°4 (durée : 4 h 30)
IV.6.5 Les alternatives possibles
IV.7 Caractérisation des dispositifs
IV.7.1 Banc cryogénique de tests électriques et optiques
IV.7.2 Résultats
IV.8 Conclusion
Références
Conclusion générale
Annexes