Applications aux fonctions passives de filtrage et d’extraction
Les réseaux optique WDM (Wavelength Division Multiplexing)
Un réseau WDM transporte et distribue l’information par une onde optique confinée dans une fibre optique. Chaque fibre est parcourue par plusieurs longueurs d’onde (appelées canaux) situées dans une fenêtre de transparence infrarouge entre 1,3 et 1,6 µm. La largeur de cette fenêtre est limitée vers les basses longueurs d’onde par la diffusion Rayleigh (∼ 0, 2 dB/km) et vers les hautes longueurs d’onde par l’absorption infrarouge. Entre les deux, l’atténuation est limitée par le pic d’absorption des ions OH− (figure 1.5). A l’intérieur de cette fenêtre de transparence, deux bandes de 40 nm sont particulièrement utilisées : la bande C (1525-1565 nm) et la bande L (1565-1605 nm). Dans ces fenêtres, le positionnement et l’espacement des canaux sont normalisés par l’ITU (International Telecommunication Union) : une transmission WDM courante se fait à une fréquence de 100 GHz ce qui correspond à un espacement entre canaux de 0,8 nm (figure 2.1). Il arrive également qu’on cherche à augmenter la quantité d’informations et donc à densifier le spectre en divisant cet espacement par deux : on parle de transmission DWDM (Dense Wavelength Division Multiplexing). Un réseau est constitué d’un boîtier source qui émet les longueurs d’onde porteuses de l’information, d’un canal de transmission (fibre optique) qui transporte toutes ces longueurs d’onde et d’un boîtier détecteur qui reçoit l’information. Cependant, une transmission optique nécessitant un certain nombre de traitement du signal optique, d’autres composants sont placés le long de la fibre. Un composant est dit « actif » lorsqu’il nécessite un apport d’énergie pour fonctionner (comme un laser par exemple) et « passif » quand ce n’est pas le cas. Parmi les composants passifs indispensables à une transmission optique WDM on peut noter la fonction de filtrage : celle-ci a pour but de ne laisser passer qu’une certaine fenêtre de longueur d’onde (figure 1.7). Elle peut être utilisé pour sélectionner toute une bande spectrale, ou bien un unique canal (longueur d’onde), ou bien encore pour réduire le spectre d’un signal optique. Outre les filtres, on peut également citer les Modules d’Insertion Extraction (MIE) ou Optical Add Drop Multiplexer en anglais (OADM) qui permettent d’extraire une longueur d’onde sans modifier le reste du spectre, et également de réinjecter un signal à cette même longueur d’onde sur la ligne de transmission (figure 1.8 et figure 1.9)). Une telle fonction sera caractérisée par sa sélectivité en longueur d’onde, sa bande passante optique ainsi que par son efficacité d’extraction et son Cross-Talk. En effet, dans le cas idéal, à la longueur d’onde caractéristique de l’OADM, 100% de l’énergie incidente devrait sortir par le port DROP et rien par les autres ports or, en pratique, ce n’est pas le cas. L’efficacité d’extraction correspond donc à la fraction de l’intensité lumineuse incidente Ii qui sort par le port DROP (Id/Ii), le Cross-Talk à ce qui sort par les ports OUT (CTt = It/Ii) et ADD (CTa = Ia/Ii). Quand à la fraction de l’intensité qui revient vers l’entrée on la nomme Return Loss (RL = I− i /Ii). La structure sera également caractérisée par son atténuation pour les longueurs d’onde non caractéristiques de l’OADM.
Ce type de fonction trouve des applications au niveau du réseau d’accès (figure 1.9) c’est à dire en bout de chaîne de transmission et permet d’aiguiller les informations vers les usagers.
Intérêt des résonateurs à modes de galerie
Les propriétés de filtrage de structures à base de micro-résonateurs ainsi que leur petite taille ont justifié de nombreuses études de fonctions passives pour le réseau optique WDM. Dans un premier temps, si on considère une cavité cyclique couplée à deux guides, un signal incident (avec une certaine largeur spectrale) va être couplé dans le résonateur via le premier guide, et, si le signal est centré sur une longueur d’onde de résonance de la cavité, le signal extrait par le deuxième guide aura la finesse spectrale du mode de galerie excité (figure 1.11 (a)). On réalise ainsi un filtre optique dont la finesse sera fixée par le facteur de qualité Q de la résonance (Q = λ0 ∆λ avec ∆λ la largeur spectral de la résonance). Or, il a été vu dans le paragraphe 1.1 que ∆λ étaient potentiellement (dans un cas idéal) extrêmement faible ce qui signifie que Q serait très élevé. En réalité, des pertes existent et sont par ailleurs plus importantes pour les structures planaires que pour les micro-sphères (en raison d’une plus grande surface de contact avec l’extérieur). Néamoins, les valeurs de facteurs de qualité obtenus avec ce type de cavité (cf. §2.3.2) restent largement supérieur à ce que l’on peut obtenir avec n’importe quel autre type résonateur et si l’application visée nécessite un très grand facteur Q, on optera plutôt pour l’utilisation d’une sphère.
La géométrie sphérique permet l’existence de nombreuses familles de résonances (comme nous le verrons dans le chapitre 2) et cela se traduit par une forte densité de raies qui réduit la sélectivité en longueur d’onde (figure 1.10). Suivant la méthode de couplage choisie (par prisme par exemple) il est possible d’exciter de façon sélective une seule famille de mode et donc d’obtenir un spectre plus clair. Cependant, ces modes de couplage ne sont pas aisément intégrables et, dans le cadre d’applications télécom, ce paramètre peut être critique. Une autre façon de « nettoyer » le spectre de résonances est le passage en technologie planaire qui permet, dans un premier temps, de limiter l’extension verticale du mode ce qui a pour effet de supprimer quelques familles de résonances mais qui, dans le même temps, augmente la largeur spectrale des modes (diminue Q). Ensuite, en limitant l’extension radiale des modes, c’est à dire en passant du disque à l’anneau, on fini d’épurer le spectre mais au détriment, une fois encore, du facteur de qualité. Il s’agit là d’une image simpliste mais elle permet de sentir les effets du passage en planaire, voire même du passage à l’anneau, sur le fonctionnement de la structure.
Quel que soit le résonateur utilisé, des fonctions d’insertion-extraction ont déjà été réalisées. Dans le principe, on injecte un signal incident par le port IN (cf. figure 1.11 (b)) qui comporte plusieurs longueurs d’onde dont une seule correspond à une résonance de la cavité. Seule cette partie du signal sera extraite et couplée au deuxième guide (port DROP). La structure étant symétrique on peut faire transiter cette même longueur d’onde du deuxième (port ADD) au premier guide (port OUT) et ainsi la réinjecter dans le signal WDM incident. Utilisant la même idée, si on considère des structures plus grandes (donc avec un espacement entre les résonances plus petit) on peut s’arranger pour qu’une longueur d’onde du signal WDM sur deux corresponde à une résonance de la cavité et donc extraire une longueur d’onde parmi deux (figure 1.11(c)). On réalise ainsi une fonction de démultiplexage.
Réalisations à base de sphères
Nous avons vu dans le paragraphe précédent que, pour pouvoir utiliser des sphères dans les fonctions passives de type filtrage, il est indispensable d’utiliser un couplage permettant une excitation sélective des modes de galerie. Durant sa thèse, Francoise Lissillour a montré que le couplage par prisme était beaucoup plus sélectif que le couplage par fibre amincie [5]. Parmi les travaux publiés, on trouve également une techniques de couplage mise au point par Ilchenko [6] qui utilise des fibres bizeautés (figure 1.12) et qui permettent de conserver la sélectivité du couplage par prisme tout en ayant les avantages de l’optique guidée.
Les articles ne précisant pas tous les caractéristiques de leurs fonctions (nc = non communiqué) il n’est pas aisé de comparer les données du tableau. Cependant on peut voir que si une structure a un meilleur facteur de qualité, la puissance extraite par le port drop est plus faible, phénomène qui s’explique très bien de façon intuitive. En effet, si Q est élevé, cela signifie que les pertes de la cavité sont très faibles, et donc que le champ à l’intérieur est très peu couplé vers l’extérieur (donc l’extraction sera faible). On peut également noter que les micro-résonateurs sphériques sont de relativement grandes tailles (=diamètre). Ceci s’explique en partie pour des raisons de fabrication et de manipulation.
Réalisation en technologie planaire : disques et anneaux
Ainsi, quelques travaux on pu montrer la faisabilité de fonctions passives utilisant des micro-sphères. Comme nous avons pu le voir dans le paragraphe précédent, ces résonateurs sont caractérisés par un très haut facteur de surtention (Q = 10⁷). Ce paramètre est lié à la durée de vie τ du mode à l’intérieur de la cavité : plus Q est grand, plus τ est important (résonance fine) mais réciproquement, plus le temps pour coupler l’énergie à l’intérieur du mode va être long. Or, les fonctions télécom doivent traiter des impulsions d’autant plus courtes que le débit d’informations est élevé. Donc, seuls les modes ayant les moins bon facteurs de qualité (résonances plus larges) auront le temps d’être couplé, supprimant ainsi le principal avantage des micro-sphères vis à vis des structures planaires. De plus, l’assemblage de la structure (sphère et coupleur) pouvant difficilement être automatisé le coût de réalisation de la fonction sera élevé.
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Table des matières
Introduction
1 Introduction aux modes de galerie et à leurs domaines d’application
1.1 Présentation des WGMs par l’optique géométrique
1.2 Applications aux fonctions passives de filtrage et d’extraction
1.2.1 Les réseaux optique WDM (Wavelength Division Multiplexing)
1.2.2 Intérêt des résonateurs à modes de galerie
1.2.3 Réalisations à base de sphères
1.2.4 Réalisation en technologie planaire : disques et anneaux
1.3 Application aux fonctions actives à modes de galerie
2 Eléments de théorie des WGMs
2.1 Solutions de l’équation Eikonale
2.2 Solutions du problème électromagnétique exact
2.3 Propriétés des résonances
2.3.1 Positions
2.3.2 Facteur de qualité
2.4 Micro-résonateurs planaires : modes de galeries ou modes guidés
3 Fonctions passives : de la modélisation à la réalisation
3.1 Problème de la modélisation analytique exacte
3.2 La méthode FDTD (Finite Difference Time Domain)
3.2.1 Méthode des différences finies : exemple à une dimension
3.2.2 Les bases de l’algorithme de Yee
3.2.3 Les équations de Maxwell discrétisées
3.2.4 Limitation de la méthode
3.3 Application à l’étude des micro-résonateurs planaires
3.3.1 Les contraintes fonctionnelles et structurelles
3.3.2 Le problème de la grille
3.3.3 Etude complète d’une structure à base d’anneau
3.4 Mise en place d’un modèle matriciel simplifié
3.4.1 Le modèle
3.4.2 Complémentarité avec la FDTD
3.5 Application à l’étude de la bistabilité dans un micro-anneau en polymère
3.5.1 Utilisation de la FDTD pour l’étude de la bistabilité dispersive dans un micro-anneau
3.5.2 Comparaison des résultats avec ceux donnés par le modèle analytique
3.5.3 Etude du seuil de bistabilité
3.5.4 Les résultats dynamiques
3.6 Utilisation des résultats de simulation pour la réalisation de structures
3.6.1 La conception du masque
3.6.2 La technologie adoptée
3.6.3 La réalisation
4 Fonctions actives : lasers micro-sphériques et contre réaction optique
4.1 Fabrication et manipulation des micro-sphères
4.1.1 Processus de fabrication
4.1.2 Manipulation
4.2 Le dispositif expérimental
4.2.1 L’excitation des modes de galerie : couplage par demi-taper
4.2.2 Le montage expérimental de caractérisation des sphères
4.2.3 Les différents verres étudiés
4.3 Etude de l’influence d’un miroir métallique sur les modes de galerie et sur les raies laser
4.3.1 Position du problème
4.3.2 Objectifs de l’étude et principe expérimental
4.3.3 Effet du miroir sur l’ensemble du spectre de modes de galerie
4.3.4 Influence du choix du miroir sur le blue shift
4.3.5 Effet du miroir sur les modes lasers
Conclusion
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