Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’amélioration de la qualité des soins est une phase de développement des systèmes nationaux de santé envisagé dans la stratégie mondiale de la santé pour tous (1).La pharmacie hospitalière est un pilier pour l’assurance de la qualité des soins à l’hôpital car sa finalité consiste à fournir des médicaments et d’autres produits pharmaceutiques de qualité avec un coût accessible pour le patient et de contribuer à l’usage rationnel des médicaments (2). La pratique internationale de la pharmacie hospitalière est très variée à la fois en inter- et intra-pays car très peu de données dans ce domaine ont été publiées (3). Puisqu’il existe dans les pays développés des services de contrôle et d’inspection qui garantissent une application des lois relatives aux médicaments, ils atteignent un tel degré de performance aux normes et spécifications admises (4).En 2008, il y avait déjà une forte exécution des normes de la pharmacie hospitalière aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) (5). En 2009, la pratique des normes en Belgique a été mise en étape aussi bien dans les hôpitaux universitaires que dans les hôpitaux généraux plus éloignés (6). Il en est de mêmeau Centre Hospitalier gériatrique du Mont d’Or (7). Celle-ci est très développée depuis 2009 au Québec (8). Et actuellement au Grenoble et en Tunisie, l’exécution est déjà mise en œuvre (9). Par contre, dans certains pays en développement surtout en Afrique, l’organisation selon les normes de la pharmacie hospitalière est souvent négligée : absence de pharmacien responsable, ruptures fréquentes des stocks de produits pharmaceutiques, circuits de distribution peu fiables et propices aux vols, conseils inadaptés qui peuvent se traduire par la non observance du traitement, etc. (2) Le même cas se retrouve à Madagascar. Cela engendre des problèmes majeurs et intolérables : d’une part, l’inaccessibilité physique et financière des produits pharmaceutiques qui encourage la prolifération des marchés parallèles illicites dans le pays et d’autre part, l’usage irrationnel des médicaments, source des iatrogénies diverses et des complications médicamenteuses qui constituent un grand problème de santé, tant sur le plan clinique que celui des coûts .
Le système de santé à Madagascar
L’organisation des soins dans le secteur public à Madagascar s’articule sur quatre niveaux :
– les formations sanitaires de base: les Centres de Santé de Base niveau 1 et niveau 2 (CSB1 et CSB2)selon la présence d’un médecin ou non, qui assurent la promotion de la santé et le premier contact avec les patients ;
– les Centres Hospitaliers de Référence de District (CHRD) : il s’agit des hôpitaux de premiers recours ;assurant les soins qui ne peuvent être pris en charge par les CSB pour des raisons techniques et de compétence ;
– les Centres Hospitaliers de Référence Régionaux (CHRR) qui sont des hôpitaux de second recours ;chargés de fournir des soins qui ne peuvent être assurés par les CHRD ;
– les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) : ceux du troisième recours ou centre national de référence. Ces différents niveaux de prestations de soins sont coordonnés par un niveau central, le Ministère de la Santé Publique. Le secteur privé s’organise comme suit:
– les formations sanitaires privées de base qui englobent les postes d’infirmerie, les postes d’accouchement, les cabinets médicaux, les dispensaires privés, les centres de santé privé ;
– les Etablissements Hospitaliers Privés de soins : les cliniques, les polycliniques, les hôpitaux privés. La clinique est un établissement qui exerce une seule spécialité médicale et la polyclinique et l’hôpital privé sont des établissements qui pratiquent plusieurs spécialités médicales. Ce sont des Etablissements Hospitaliers Privés à but lucratif ou non, dont la tutelle technique est exercée par le Ministère chargé de la Santé.
Le secteur pharmaceutique à Madagascar
Cadre organisationnel
L’administration pharmaceutique à Madagascar est assurée au niveau central par la Direction de l’Agence du Médicament de Madagascar (DAMM) et la Direction de la Pharmacie, du Laboratoire et de la Médecine Traditionnelle (DPLMT).Les niveaux intermédiaires et périphériques ne présentent pas de structures spécifiques correspondantes.
• La Direction de l’Agence du Médicament à Madagascar (DAMM)
Elle a été créée en 1998 et placée sous la tutelle technique et administrative du Ministère de la Santé, et sous la tutelle financière du Ministère des Finances et de l’Économie. Elle assure la qualité des médicaments dans le respect des normes nationales et internationales notamment les médicaments génériques fournis à la population dans les secteurs public et privé .
Elle comporte quatre services techniques :
– Le Service de l’inspection ;
– Le Service de l’enregistrement ;
– Le Service de contrôle de qualité ;
– Le Service de la pharmacovigilance.
• La Direction de la Pharmacie, du Laboratoire et de la Médecine Traditionnelle (DPLMT) Elle est constituée de trois services :
– le Service de la Gestion des Intrants de Santé (SGIS) ;
– le Service de Laboratoire (SLAB) ;
– le Service de la Pharmacopée et de la Médecine Traditionnelle (SPMT).
Elle définit et met en œuvre la politique pharmaceutique, contrôle la démographie pharmaceutique ainsi que les ouvertures et fermetures des établissements pharmaceutiques de production, d’importation et de distribution. Elle assure aussi le suivi de l’approvisionnement des structures de santé. Madagascar a signé et ratifié des conventions internationales : la déclaration d’Alma-Ata en 1978 et l’Initiative de Bamako en 1987 en faveur des médicaments essentiels. Dès lors, le concept des médicaments essentiels devient une partie intégrante de ses politiques sanitaires nationales. Une stratégie pharmaceutique nationale en vue de favoriser l’accessibilité des médicaments a été élaborée en 1996 qui se traduit par la mise en place de la Centrale d’Achat de Médicaments Essentiels et de Consommables Médicaux « SALAMA » et de dépôts de médicaments essentiels dans les districts et les formations sanitaires publiques (13). La « SALAMA » n’est fonctionnelle que depuis 1997. Elle s’approvisionne en médicaments par appel d’offre ouvert et assure la distribution jusqu’aux hôpitaux (CHU/CHRR/CHRD). Elle vend aussi les médicaments essentiels génériques aux nombreux organismes de santé privés à but non lucratif (12)Elle fait partie de l’Association Africaine des Centrales d’Achat de Médicaments Essentiels (ACAME). En janvier 1998, le Ministère de la Santé a entrepris la généralisation de l’Initiative de Bamako (Participation Financière des Usagers ou PFU) par la mise en place des Pharmacies à Gestion Communautaire (PhaGeCom) implantées dans les centres de santé de base. Ces PhaGeCom assurent la dispensation aux malades. Et au niveau des Districts, ce sont les Pharmacies de Gros de District (PhaGDis) qui distribuent les médicaments jusqu’au niveau des CSB. En 2002, la PFU a été suspendue transitoirement et reprise en Janvier 2004 avec sa nouvelle dénomination « FANOME », acronyme de « Fandraisan’ Anjara NO MbaEntiko » qui signifie « Financement pour l’Approvisionnement NOn-stop en MEdicaments ». Ce concept tient compte en même temps de la participation communautaire et de la prise en charge des démunis (14). La gestion de « l’Unité de Pharmacie » dans les grands hôpitaux est assurée par un comité informel de praticiens, cette concession est faite au bénéfice d’une association à but non lucratif. Il s’agit d’une concession dans un cadre de contrat renouvelable tous les deux ans.
La PolitiquePharmaceutique Nationale
La Politique Pharmaceutique en vigueur à Madagascar a été publiée en Novembre 2005 (14). Cette Politique vise :
– la disponibilité en médicaments essentiels dans toutes les formations sanitaires, l’amélioration de leur accessibilité à l’ensemble de la population et leur utilisation rationnelle ;
– l’établissement d’un cadre législatif et réglementaire s’y rapportant et les moyens de son application ;
– l’instauration d’un système adéquat de financement de santé.
Un document de révision de cette politique a été déjà élaboré mais n’est pas encore validé actuellement.
Cadre législatif et réglementaire
A Madagascar, la législation pharmaceutique fait partie intégrante du Code de santé dont la dernière version a été promulguée en Juillet 2011. Le Code de Déontologie des pharmaciens a été institué par le Décret N°99/250 du 07 Avril 1999. Il codifie les règles d’éthique auxquelles doivent se conformerles Pharmaciens. Ce code a été révisé en Janvier 2010 (15). Pour le bon fonctionnement des services, des décrets et des arrêtés ont été élaborés. Voici une liste non exhaustive du cadre législatif et réglementaire régissant le domaine pharmaceutiqueà Madagascar:
– La Constitution ;
– La convention unique de Genève sur les stupéfiants de 1961 amendée par le Protocole de Mars 1972 ;
– La Loi n°97-039 du 04 Novembre 1997 sur le contrôle des stupéfiants, des substances psychotropes et des précurseurs à Madagascar ;
– L’Ordonnance n°62-072 du 29 Septembre 1962 portant codification des textes législatifs concernant la Santé Publique, modifiée et complétée par la Loi n°97-034 du 30 Octobre 1977 ;
– Le Décret 62-046 du 24 Janvier 1962 modifié et complété par le Décret n°62- 540 du 30 Octobre 1962 et par le Décret n°63-100 du 13 Février 1963, rectifié par le Décret n°91-511 du 10 Octobre 1991, complété et modifié par le Décret n°99-859 du 10 Novembre 1999 complété par le Décret n°2003-1039 du 14 Octobre 2003 relatif à l’organisation de la profession de médecin, de chirurgien dentiste, de sage femme et de pharmacien à Madagascar ;
– Le Décret n°95-159 du 22 Février 1995 autorisant la création d’une Centrale d’Achats des médicaments essentiels et de consommables médicaux ;
– Le Décret n° 98-086 du 27 Janvier 1998 modifié par le Décret n°2004-851 du 07 Septembre 2004 portant création et organisation de l’Agence du Médicament de Madagascar ;
– Le Décret n°99-250 du 07 Avril 1999 portant Code de Déontologie des Pharmaciens ;
– Le Décret n°2003-164 du 25 février 2003 sur la mise en place des activités criminelles connexes ;
– Le Décret n°2003-1040 du 14 Octobre 2003 portant institution de la mise à contribution des utilisateurs dénommé « FANOME » dans toutes les formations sanitaires publiques ;
– Le Décret n°2003-1097 du 25 Novembre 2003 réglementant la vente des plantes médicinales, la fabrication et la vente de médicaments à base de plantes ;
– L’Arrêté n°1050-SAN du 13 Février 1963 fixant le nombre d’officines de pharmacie pouvant être créés à la distance minima entre les officines dans les villes déjà pourvues d’une ou plusieurs officines de pharmacie ;
– L’Arrêté n°9024-SAN du 06 Juin 2003 relatif au fonctionnement des pharmacies à gestion communautaires et à leur cohabitation avec les dépôts de médicaments ;
– L’Arrêté n°25141/04-SAN-PF du 30 Décembre 2004 portant rectificatif de l’Arrêté 17277/03-SAN du 13 Octobre 2003 déterminant les conditions d’exploitation des dépôts de médicaments destinés à la médecine humaine et fixant leur nombre par localité ;
– L’Arrêté n°19478/2003-SAN du 13 Novembre 2003 relatif à la mise en place du document intitulé « Bonnes pratiques de distribution en gros des médicaments à usage humain » ;
– L’Arrêté interministériel n°5228/2004 du 11 Mars 2004 relatif à la mise en application au niveau des formations sanitaires publiques de base du Décret n°2003- 1040 du 14 Octobre 2003 portant institution de la mise à contribution des utilisateurs dénommé « FANOME » dans toutes les formations sanitaires publiques.
– L’Arrêté interministériel n°9082/2012 du 10 Mai 2012 portant organisation et fonction d’un Pharmacien Diplômé d’Etat.
– L’Arrêté interministériel n°1005/2013 du 22 Janvier 2013 fixant la mission et les attributions des Pharmaciens Hospitaliers.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I.Le système de santé à Madagascar
II.Le secteur pharmaceutique à Madagascar
II.1.Cadre organisationnel
II.2.Le circuit de distribution
II.3.La Politique Pharmaceutique Nationale
II.4.Cadre législatif et réglementaire
II.5.La Liste Nationale des Médicaments Essentiels
III.La pharmacie hospitalière
III.1. Définition
III.2. Les missions de la pharmacie hospitalière
III.3. Les produits pharmaceutiques gérés
III.4. Les ressources humaines
III.5. Les ressources matérielles
III.6. Le mode de conservation des médicaments
III.6.1.Conditions de conservation contre la chaleur
III.6.2.Conditions de conservation au froid
III.6.3.Conditions de conservation contre la lumière
III.6.4.Conditions de conservation contre l’humidité
III.6.5.La propreté
III.7. Le rangement des produits pharmaceutiques
III.8. La sécurité de la pharmacie hospitalière
III.9. Les outils de travail de la pharmacie hospitalière
III.10.Les activités allouées à la pharmacie hospitalière
III.10.1.Les activités de base ou activités « socle »
III.10.2.Les activités optionnelles ou conditionnelles
III.10.3.Les activités complémentaires
III.10.4.Organisation logistique de la gestion de l’approvisionnement
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE ET RESULTATS
METHODOLOGIE
I.Cadre de l’étude
I.1.Localisation géographique
I.2.Présentation générale
I.2.1.L’Hôpital Joseph Raseta Befelatanana
I.2.2.Le CHRR d’Antsirabe
I.2.3.L’Hôpital Luthérien d’Ambohibao
I.2.4.L’Hôpital Luthérien d’Andranomadio
II.Type de l’étude
III.Période étudiée
IV.Durée de l’étude
V.Population de l’étude
V.1.Critères d’inclusion
V.2.Critères d’exclusion
VI.Mode d’échantillonnage et taille de l’échantillon
VII.Mode de collecte des données
VIII.Traitement des données et analyse des résultats
IX.Variables étudiées
IX.1. L’appréciation de la conformité de la pharmacie hospitalière par rapport aux normes
IX.2. Les facteurs qui bloquent l’application des normes dans les pharmacies hospitalières
X.Considérations éthiques
RESULTATS
I.Caractéristiques des participants
II.L’application des normes dans les pharmacies hospitalières publiques et privées
II.1.Les ressources matérielles
II.2.La sécurité de la pharmacie
II.3.Les ressources humaines
II.4.La gestion des produits pharmaceutiques
II.5.La tenue des outils de travail
II.6.La conservation des produits
II.7.Le rangement des produits
II.8.Les procédures de dispensation
III.Les facteurs qui bloquent l’application des normes dans les pharmacies hospitalières malgaches
III.1. La connaissance des normes pour la pharmacie hospitalière
III.2. Existence de textes relatifs aux normes de la pharmacie hospitalière à Madagascar
III.3. Les raisons qui expliquent la non-existence des textes à Madagascar
III.4. L’appréciation de l’utilité par rapport aux contenus des textes réglementaires
III.5. L’appréciation de la priorité par rapport aux contenus des textes réglementaires
III.6. L’élaboration des textes réglementaires pharmaceutiques à Madagascar
IV.Récapitulatif de la situation des pharmacies hospitalières publiques et privées par rapport aux normes
TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
DISCUSSIONS
I.Les limites de l’étude
II.Les défaillances des pharmacies hospitalières publiques et privées en matière d’application des normes
II.1.Les ressources matérielles
II.2.La sécurité
II.3.Les ressources humaines
II.4.La gestion des produits pharmaceutiques
II.5.Les outils de travail
II.5.1.Les outils de gestion
II.5.2.Les autres outils de travail
III.Le cadre normatif pour la pharmacie hospitalière
IV.Aperçu synthétique sur l’application des normes dans les pharmacies hospitalières
SUGGESTIONS
I.Les problèmes constatés
II.Les suggestions émanant des intervenants pour l’amélioration des pharmacies hospitalières à Madagascar
II.1.Les suggestions des responsables de la pharmacie hospitalière
II.2.Les suggestions des Directeurs d’Etablissement des centres hospitaliers
II.3.Les suggestions des agents ministériels
III.Les suggestions soulevées par les problèmes constatés
III.1.Elaboration d’un outil didactique de bonnes pratiques de pharmacie hospitalière
III.2.Optimisation des ressources
III.2.1.Les ressources matérielles
III.2.2.Les ressources humaines
III.3. Implantation du comité du médicament
III.4. Intégration de la pharmacie hospitalière dans l’organigramme des hôpitaux
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE