Application des champignons mycorhiziens à arbuscules dans la culture de la tomate industrielle

Généralités sur la symbiose mycorhizienne

       Le sol est le support d’une vie microbienne intense et c’est aussi le milieu où germent les graines de la grande majorité des végétaux. C’est le substrat dans lequel ces derniers puisent l’eau et les sels minéraux qui leur sont nécessaires. Il est considéré, de ce fait, le siège privilégié des échanges entre les composants biotiques qui y habitent (Davet, 1996). Dans le sol, il y a de nombreuses interactions des racines des plantes avec d’autres plantes, microbes et nématodes présents dans la rhizosphère. Certaines interactions plantes-plantes et plantes-microorganismes peuvent être positives et négatives. Parmi les interactions plantesmicrobes positives, il y a les associations mycorhiziennes (Bais et al., 2006). L’association des racines des plantes avec certains champignons du sol se produit en différentes formes et est appelée mycorhize, du grec « mycés », qui signifie champignon et « rhiza », qui signifie racine (Parniske, 2008). Cette association a le statut de symbiose, du grec « sym » qui signifie ensemble, et « bio » qui signifie vie (Garbaye, 2013) et c’est l’une des formes les plus communes des relations mutualistes dans la nature (Smith & Read, 2010). Les champignons des associations mycorhiziennes fonctionnent comme des extensions du système racinaire. Leurs hyphes augmentent d’une façon extraordinaire le contact avec le sol et la surface totale d’absorption. La mycorhize participe au transfert direct du phosphore, du zinc, du cuivre et d’autres nutriments du sol aux racines. La plante, de son coté, fournit du carbone organique au champignon (Raven et al., 2017). Les associations mycorhiziennes elles-mêmes peuvent être classées sur la base du type de champignon impliqué et la gamme de structures produites par la combinaison racinechampignon résultant (Figure 2) :
-Les ectomycorhizes : La symbiose ectomycorhizienne (Figure 1) se traduit par la formation d’ectomycorhize (ECM), organe mixte, et par l’apparition de fructifications appelées sporophores visibles à proximité de la plante hôte (Bâ et al., 2011). Le champignon forme un manteau qui enveloppe les racines, et présente un réseau d’hyphes, appelé réseau de Hartig, qui pénètre entre les cellules épidermiques et corticales racinaires sans jamais traverser leur paroi (Dickie et al., 2006). Les arbres sont majoritairement impliqués dans cette symbiose, mais on trouve aussi des arbustes, des lianes et des herbacées. La diversité des champignons ectomycorhiziens est évaluée de 20.000 à 25.000 espèces appartenant majoritairement à des Basidiomycètes et Ascomycètes et plus rarement à des Gloméromycètes (Bâ et al., 2011 ; Maiti, 2012).
-Les endomycorhizes : A l’inverse des ectomycorhizes, les champignons se développent dans ce cas à l’intérieur des cellules (Figure 1). Seul un réseau lâche d’hyphes entoure la racine. Le manteau fongique est absent et les poils absorbants peuvent se développer (Nultsch, 1998).
-Les ectendomycorhizes : Comme le nom l’indique, ce sont des formes intermédiaires qui possèdent à la fois des caractères d’ectomycorhize (manteau fongique, réseau de Hartig) et d’endomycorhize (suçoirs intracellulaires). Elles sont connues chez quelques pins et sapins, chez lesquels le manteau fongique est moins développé que chez les ectomycorhizes et où les hyphes pénètrent dans les cellules corticales où elles peuvent être résorbées (Nultsch, 1998). Les champignons impliqués appartiennent aux Ascomycètes. Ces espèces forment rarement de fructifications distinctes dans le sol et leur identification peut être difficile à effectuer (Scott, 2013).
– Les mycorhizes éricoïdes : Les mycorhizes éricoïdes sont exclusivement formés par les plantes appartenant à l’ordre des éricales (Ericaceae, Epacridaceae, et Empetraceae). Le champignon pénètre l’épiderme et forme des pelotons mycéliens. Les champignons impliqués sont principalement des ascomycètes et quelques Basidiomycètes (Perotto et al., 2002). Les plantes formant des mycorhizes éricoïdes se rencontrent surtout dans des milieux sujets à l’entourbement (Fortin et al., 2016).
-Les mycorhizes des orchidées : Ces mycorhizes sont uniques du fait qu’elles surviennent seulement chez la famille des Orchidacées (Peterson et al., 2004). Leur principale caractéristique est la formation de pelotons d’hyphes cloisonnés dans les cellules cortiales (Paek & Murthy, 2013). Les champignons impliqués sont principalement les Basidiomycètes (Berch et al., 2009). Il en existe plus de 100 espèces (Raven et al., 2000).
-Les mycorhizes arbusculaires : Les mycorhizes arbusculaires sont la forme la plus répandue d’endomycorhizes. Le champignon forme dans l’écorce de la racine des vésicules elliptiques et des hyphes intracellulaires finement ramifiées en arbuscules qui représentent des suçoirs (Dar, 2010).

Cycle de vie des CMA

       Le cycle de vie des CMA commence par une étape pré-symbiotique au cours de laquelle se déroule un échange de signaux diffusibles produits par le champignon et les racines. Les plantes produisent des exsudats racinaires capables d’activer l’activité métabolique et une ramification intense des hyphes du champignon. Les champignons sécrètent eux aussi des signaux diffusibles induisant notamment dans les cellules végétales des variations de concentration en calcium dans le cytosol et le noyau, la régulation transcriptionnelle de gènes et la ramification des racines. La germination des spores se fait de façon asynchrone, l’ensemble des étapes qui suivent sont donc elles aussi non synchronisées à l’échelle de la plante (Genre et al., 2005, 2008 ; Bothe et al., 2010). Ensuite commencent les étapes symbiotiques au cours desquelles le champignon forme un hyphopode ou appressorium au contact de l’épiderme (Figure 4). Ce dernier représente le point d’accroche du champignon à la racine et son futur point de pénétration (Bothe et al., 2010). Dans la cellule épidermique située sous l’hyphopode, un appareil de pré-pénétration (PPA) est mis en place qui correspond à un réarrangement polarisé du cytoplasme et du cytosquelette. Il permet la formation d’un pont apoplasmique endocellulaire à travers duquel le champignon va se développer pour traverser les différentes couches cellulaires jusqu’aux cellules corticales (Genre et al., 2005, 2008). Après avoir atteint le cortex racinaire, les hyphes internes forment des arbuscules au sein des cellules végétales (Drain et al., 2017) (Figure 5). Le développement de ces champignons n’est pas confiné à la seule racine, comme chez les bactériorhizes (Rhizobium) et les actinorhizes (Frankias). A partir de ce point d’ancrage dans la racine, le champignon mycorhizien arbusculaire développe dans le sol une phase dite extraradicale, qui s’étend en un réseau mycélien et envahit le sol adjacent, dans toutes les directions. Ce mycélium de très fine dimension offre une surface considérable de contact avec le sol (Fortin et al., 2016 ; Bothe et al., 2010). Le sol environnant et d’autres racines potentielles peuvent alors être colonisés, formant un large réseau mycélien (Angelard & Sanders, 2013). La relation étroite des CMA avec leurs plantes hôtes se reflète par leur statut biotrophe obligatoire. En l’absence d’un hôte, leur croissance est limitée à une durée relativement courte (20 à 30 jours), après quoi de nombreuses modifications de morphologie fongique qui se traduisent par un arrêt de la croissance des hyphes. La présence de la racine permet donc le développement de mycélium végétatif (Rai, 2006).

Prendre en compte le phosphate comme ressource non renouvelable

      Les engrais phosphatés sont fabriqués à partir des roches phosphatées qui sont une ressource non-renouvelable faisant l’objet de préoccupations relatives à la sécurité alimentaire mondiale et la prise de conscience de ce caractère non-renouvelable de la ressource en P (Pellerin et al., 2014). Cordell et al., (2009) estiment que la production des réserves actuelles (les gisements de roches phosphatées qui sont jugées économiquement disponibles pour l’extraction et la transformation) atteindra un pic, à savoir le moment à partir duquel les réserves vont s’épuiser et donc la production va diminuer, ce qui pourrait avoir lieu entre 2030 et 2040. Cependant les experts considèrent de plus en plus souvent que l’étendue de ces réserves est sous-estimée (van Kauwenbergh, 2010). van Vuuren et al., (2010) affirment il n’y a aucun signe d’épuisement à court et moyen terme. Cependant, à plus long terme, l’épuisement des ressources à bas prix et de haute qualité auront des conséquences pour les futures tendances de production. La base totale des ressources serait épuisée au cours du 22ème siècle. Les défenseurs de la théorie du pic du phosphore soutiennent que, même si l’échéance peut varier, le problème fondamental ne changera pas pour autant, à savoir que la disponibilité du phosphore bon marché et facilement accessible n’est pas inépuisable (PNUE, 2011)

Les inoculants mycorhiziens commerciaux

     L’inoculation permet de fournir un grand nombre de microorganismes viables, efficaces dans la rhizosphère peu après la germination des graines pour optimiser la compétition avec les communautés indigènes moins efficaces, par les microorganismes introduits. La mise au point de technologies d’inoculation adéquates pour appuyer les potentiels des biofertilisants à base de micro-organismes est un défi (Arora et al., 2016). Le nombre d’entreprises produisant des inocula à base de champignons mycorhiziens a augmenté dans le monde dans la dernière décennie. En Europe, approximativement 15 moyennes / petites entreprises produisent les champignons mycorhiziens (Vosatka et al., 2012). Les inoculants sont généralement fournis sous forme de granulés faits de tourbe, compost, vermiculite, perlite, sable, et/ou de l’argile et contiennent des spores, des racines colonisées, des segments d’hyphes, ou le mélange des trois. Il existe également des formulations liquides, contenant seulement des spores. Les espèces CMA les plus utilisées dans les inocula commerciaux sont Rhizophagus sp. (Anciennement Glomus intraradices) et d’autres espèces Glomus (Arora et al., 2016).

Potentiel mycorhizogène du sol et niveaux de colonisation des racines mycorhizées

       Le nombre de propagules de CMA indigènes aptes à générer une colonisation dans le sol du champ (MPN) avant le début de l’expérience a été de 45 ± 0.41 par 50 g de sol (soit 900 propagules par kg de sol). Les plants de tomate cultivés dans le sol non stérile (NS) ont eu un niveau de colonisation mycorhizienne significativement plus élevée par rapport aux plants cultivés dans le sol stérile (SS). Les traitements inoculum commercial (IC) ou isolat fongique natif (IF) ont eu un effet important sur la colonisation mycorhizienne des racines de cette plante (Figure 15). Les plants inoculés par IC ont présenté un niveau de colonisation significativement plus élevé (51,7%) que ceux inoculés par IF (44,5%). Dans cette étude sur la production de tomate industrielle dans le sol provenant d’un champ algérien, la croissance des plants de tomate a été plus prononcée dans le sol non stérile (NS), qui a également présenté les plus hauts niveaux de colonisation des racines par les CMA. Ceuxci ont augmenté avec l’inoculum CMA commercial et les isolats fongiques natifs, ce qui reflète probablement un important réseau d’hyphes dans la mycorrhizosphere des plants inoculés. Les résultats sont en accord avec ceux de Zhong-Qun et al., (2007) et Tahat et al., (2008) qui ont montré que les niveaux de colonisation des racines sont positivement corrélés avec la croissance de la tomate. De plus, l’inoculation par les différents CMA a probablement augmenté le nombre d’espèces dans le sol non stérile. La richesse en espèces de CMA et leur interaction sont connus pour leur impact positif sur la croissance (Pellegrino et al., 2011 ; Ortas, 2014). Une complémentarité fonctionnelle a été suggérée entre les espèces au sein d’une communauté de CMA colonisant un même système racinaire (Jansa et al., 2008). D’après l’estimation du potentiel mycorhizogène du sol, le sol utilisé dans cet essai est modérément pauvre en propagules aptes à générer une mycorhization (900 par kg de sol) en comparaison avec les résultats de Maiti et al., (2011), qui ont obtenu entre 4900 et 5800 propagule par kg de sol. Le sol d’El Karma convient donc pour l’enrichissement par l’apport d’inoculum exogène afin de promouvoir la colonisation racinaire par les CMA.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I SYTNHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Les champignons mycorhiziens à arbuscules
1.1 Généralités sur la symbiose mycorhizienne
1.2 La symbiose mycorhizienne arbusculaire
1.2.1 Structure des champignons mycorhiziens à arbuscules
1.2.2 Cycle de vie des CMA
1.2.3 Classification des Glomeromycètes
1.2.4 Importance des CMA
2 Challenges de l’agriculture moderne
2.1 Répondre à la demande mondiale en aliments
2.2 Réduire la dépendance aux engrais
2.2.1 Augmenter l’efficacité dans l’absorption des nutriments
2.2.2 Prendre en compte le phosphate comme ressource non renouvelable
3 Impact de l’agriculture moderne sur l’environnement et sur les mycorhizes et pratiques contribuant à leur restauration
3.1 Impacts environnementaux des engrais
3.2 Diminution de la biodiversité
3.3 Impact des pratiques culturales sur les mycorhizes
3.3.1 La fertilisation
3.3.2 Les rotations de culture
3.3.3 Le travail du sol
3.3.4 Les pesticides
3.3.5 La sélection génétique des nouveaux cultivars
3.4 Les CMA solution agro-écologique
3.4.1 Les inoculants mycorhiziens commerciaux
3.4.2 Défi futur de l’utilisation des CMA dans la production agricole
4 Application des CMA en Algérie
4.1 Etudes menées sur l’application des CMA en agriculture en Algérie
4.2 L’agriculture biologique en Algérie
5 Généralités sur la tomate industrielle en Algérie
5.1 Tomate industrielle et transformation
5.2 Superficies
5.3 Rendements
5.4 La plante
5.4.2 Taxonomie
5.4.3 Exigences
5.4.4 Variétés hybrides
CHAPITRE II MATERIEL ET METHODES
1 Impact des pratiques culturales sur les communautés CMA dans les champs de tomate au Nord-Est de l’Algérie
1.1 Présentation des sites d’étude
1.2 Isolement et observation des spores CMA
1.2.1 Prélèvement des échantillons de sols
1.2.2 Isolement des spores
1.2.3 Observation microscopique
1.2.4 Identification et description des spores
1.2.5 Abondance des spores
1.3 Estimation des niveaux de colonisation racinaire des plants de tomate
1.3.1 Prélèvement des échantillons de racines
1.3.2 Estimation des niveaux de colonisation racinaire
2 Evaluation de l’effet des champignons mycorhiziens à arbuscules indigènes et commerciaux sur la croissance de la tomate industrielle sous serre 
2.1 Choix de la serre
2.2 Choix du substrat de culture
2.3 Production du matériel végétal
2.4 Matériel fongique
2.5 Schéma expérimental et traitements
2.6 Paramètres mesurés
2.6.1 Etude du potentiel mycorhizogène du sol
2.6.2 Estimation des niveaux de colonisation des racines de la tomate
3 Effets des champignons mycorhiziens à arbuscules et des niveaux de fertilisation sur le développement de la tomate industrielle en conditions de champ
3.1 Présentation des sites expérimentaux
3.2 Matériel végétal
3.3 Matériel fongique
3.4 Fertilisation dans les sites expérimentaux
3.5 Inoculation CMA dans les sites expérimentaux
3.6 Schéma expérimental et traitements
3.7 Paramètres mesurés
3.8 Calcul de l’efficience sur la croissance et le rendement
4 Analyses statistiques
CHAPITRE III RESULTATS ET DISCUSSION
1 Impact des pratiques culturales sur les communautés CMA dans les champs de tomate au Nord-Est de l’Algérie
1.1 Abondance et biodiversité des CMA
1.2 Niveaux de colonisation racinaires des plants de tomate
2 Evaluation de l’effet des champignons mycorhiziens à arbuscules indigènes et commerciaux sur la croissance de la tomate industrielle sous serre 
2.1 Potentiel mycorhizogène du sol et niveaux de colonisation des racines mycorhizées
2.2 Croissance
3 Effets des champignons mycorhiziens à arbuscules et des niveaux de fertilisation sur le développement de la tomate industrielle en conditions de champ
3.1 Site de Ben Amar
3.1.1 Potentiel mycorhizogène du sol et colonisation mycorhzienne des racines
3.1.2 Croissance des plants
3.1.3 Taux de chlorophylle
3.1.4 Nombre de fleurs
3.1.5 Rendement et nombre de fruits
3.1.6 Paramètres de qualité des fruits
3.2 Site d’El Karma
3.2.1 Colonisation mycorhizienne des racines
3.2.2 Croissance des plants de tomate
3.2.3 Rendement et nombre de fruits
3.2.4 Paramètres de qualité des fruits
CONCLUSION ET PERSPERCTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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