Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates de diénol polysubstitués

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Généralisation

Les conditions douces et neutres de l’alkylation allylique pallado-catalysée sont intéressantes car de nombreux groupements fonctionnels sont tolérés.

Nucléophile de type énolate

Depuis son introduction dans les années 60, l’alkylation allylique pallado-catalysée a été très largement étudiée, notamment concernant la nature du nucléophile pouvant être utilisé et il ressort que les nucléophiles de type énolates sont les plus couramment utilisés. Il existe différents types de précurseurs d’énolates facilement accessibles tel que les β-cétoesters allyliques (Schéma I.2)3 ou les carbonates d’énols allyliques (Schéma I.4).5 Ces deux types de composés permettent de réaliser l’alkylation allylique de manière intramoléculaire puisqu’ils comportent à la fois les groupements électrophiles et nucléophiles. Il est également possible de réaliser cette réaction de manière intermoléculaire en générant d’une part l’énolate libre à partir d’un éther d’énol silylé et d’autre part un complexe π-allylique de palladium à partir de carbonate de diallyle (Schéma I.4).6

Nucléophile de type sp3

Bien que la plupart des efforts se soient concentrés sur l’allylation d’énolates, l’alkylation allylique décarboxylante s’est également avérée être une méthode de choix pour former des carbanions. En effet la génération de carbones nucléophiles par cette méthode s’est souvent montrée supérieure aux méthodes classiques car elle se fait dans des conditions douces et neutres. De plus, cette méthode catalytique permet d’avoir une faible quantité de carbones nucléophiles dans le milieu et par conséquent d’être en excès du partenaire électrophile. Cela explique que le couplage est souvent plus rapide que d’autres processus indésirables comme les transferts de protons.
Carbanions α-cyanylés
Le premier exemple de carbanion stabilisé en α par un groupement nitrile, provenant d’une décarboxylation de I.21 catalysée par un complexe de palladium, a été décrit en 1980 par Seagusa et al.4 L’allyl-2-cyanoacétate I.21 subit une allylation décarboxylante en présence de Pd(PPh3)4 pour donner le produit I.22 avec un rendement de 69% (Schéma I.8).
Par la suite, Tsuji et al.9 se sont également intéressés aux allyl-2-cyanoacétates. Ils ont notamment montré qu’il était possible de réaliser l’alkylation allylique décarboxylante de I.23 pour conduire au composé I.24 possédant un centre quaternaire en α du groupement nitrile (Schéma I.9).
Plus récemment Tunge et al.10 ont optimisé le rendement de ce procédé en réalisant une étude sur l’influence du ligand utilisé afin de diminuer les réactions secondaires. Ils ont ainsi pu mettre en évidence que l’utilisation de BINAP racémique permettait de supprimer totalement la formation du produit issu de la protonation observé dans les exemples précédents. Ce nouveau système catalytique a ainsi pu être appliqué à une variété d’allyl-2-cyanoacétates leur permettant d’accéder à des nitriles quaternaires avec de bons rendements compris entre 71% et 85% (Schéma I.10).
Nucléophile de type sp2
D’autres classes de nucléophiles, générés in situ par l’alkylation allylique décarboxylante, ont également été étudiés. Ainsi, Seagusa et al.4 ont montré qu’il était possible de former un carbone nucléophile d’hybridation sp2 à partir d’un ester d’allyle α,β-insaturé α-cyanylé I.30 en utilisant une source de palladium(0). Le produit de couplage I.31, où une liaison de type sp2-sp3 a été formée, a ainsi été isolé avec un rendement de 63% (Schéma I.14).
Ce genre de carbanion de type sp2 a également été générés par Tunge et al.14 lors de l’allylation décarboxylante de dérivés de type coumarine. Cette transformation s’effectue dans des conditions douces, et peut s’appliquer à une large variété de substrats possédant des groupements électroattracteurs, électrodonneurs ou encore des hétéroatomes. Il est important de noter que la réaction tolère aussi la présence d’un bromé aromatique, pourtant très réactif vis à vis du palladium (Schéma I.15).
Nucléophile de type sp
La majorité des couplages permettant la formation de liaisons carbone-carbone, tel que les couplages de Sonogashira ou de Stille, procèdent selon un mécanisme faisant intervenir une addition oxydante suivie d’une transmétalation et enfin une élimination réductrice pour aboutir au produit de couplage. Cependant, les réactifs nécessaires à l’étape de transmétalation sont souvent toxiques et produisent des quantités stoechiométriques de sous produits qui peuvent s’avérer être gênant lors de l’étape de purification. Afin de contourner cette étape de transmétalation, l’utilisation de l’alkylation allylique décarboxylante a été envisagée pour réaliser des couplages sp-sp3, et dans ce cas, le sous produit serait du CO2. Seagusa et al. encore une fois furent parmi les premiers à effectuer cette réaction en faisant réagir l’allyl-3-phenylpropiolate I.32 avec une source de palladium(0) ce qui leur a permis d’obtenir le produit de couplage I.33 mais avec un faible rendement (Schéma I.16).
Développements de ligands
Comme pour chaque réaction énantiosélective, le développement de nouveaux systèmes catalytiques est primordial afin d’améliorer l’énantiosélectivité ou encore le rendement des réactions. Ainsi le fait de rendre un ligand plus ou moins riche en électrons peut jouer sur la stabilité du complexe π-allylique du palladium et par conséquent sur sa réactivité. De la même manière le fait de changer l’environnement stérique du ligand peut avoir une influence sur l’énantiosélectivité. Afin de mieux comprendre les différents paramètres structuraux qui régissent la sélectivité, Stoltz et al.23 se sont attachés à préparer une série de ligand de type PHOX qu’ils ont appliqué aux substrats modèles I.40 ou I.41 (Tableau I.5).
Dans un premier temps, les auteurs ont modifié la structure du ligand au niveau du carbone asymétrique. Ils ont ainsi réalisés la synthèse de ligands possédant des groupements alkyles et aryles plus ou moins encombrants (Tableau I.5). Comme on peut le voir, les substituants aliphatiques permettent d’obtenir de meilleurs excès énantiomérique que les substituants aromatiques (Tableau I.5, entrées 1 et 2). L’introduction de différents groupements alkyles a par la suite permis de mettre en évidence que l’encombrement stérique jouait un rôle important. Par exemple, le remplacement du groupement t-Bu (Tableau I.5, entrée 5) par un groupement CH2-t-Bu (Tableau I.5, entrée 6) a fait chuter l’excès énantiomérique de 88% à 59%. Les deux ligands L4 (R = C(Me)2OBn) et L5 (R = C(Me)2OTBS) (Tableau I.5, entrées 3 et 4) ont donnés des résultats proches de ceux obtenus avec la (S)-t-Bu-PHOX, cependant ces ligands sont obtenus à partir de la (R)-t-Bu-leucine qui est relativement coûteuse. C’est donc l’encombrement stérique de la (S)-t-Bu-PHOX L6 qui s’est révélé être optimal, elle a donc été utilisée pour l’étude des effets électroniques où la nature de la phosphine a été modifiée.
Synthèse des substrats
Après avoir montré la faisabilité de la réaction, nous avons essayé de mettre au point une stratégie de synthèse permettant d’accéder de manière efficace et modulable aux carbonates de diénols allyliques. La première approche a consistée à former l’ylure de phosphore II.9 à partir de l’α-bromo-γ-butyrolactone II.8 commerciale et à effectuer une réaction d’oléfination de Wittig avec différents aldéhydes pour accéder aux lactones α,β-insaturées correspondantes possédant une double liaison exo-cyclique. Ces dernières ont par la suite été engagées dans une réaction d’isomérisation réalisée à l’aide de RhCl3.3H2O (5 mol %) au reflux de l’éthanol.30 Les furanones correspondantes II.10 et II.11 ont ainsi pu être isolées avec 67% et 57% de rendement respectivement (Schéma II.3).
Cette stratégie de synthèse bien qu’efficace, a un inconvénient majeur, car elle ne permet d’accéder qu’à des furanones substituées par des groupements alkyles. Afin d’apporter plus de diversité structurale, une seconde stratégie a donc été envisagée. Celle-ci consiste à synthétiser l’α-bromofuranone II.13 à partir de la 2-(5H)-furanone II.12 commerciale et d’effectuer par la suite, un couplage de type Suzuki pour pouvoir fonctionnaliser à souhait la furanone. 31 Des groupements aromatiques diversement substitués ont été introduits (Tableau II.2, entrées 1 à 9), mais également un groupement styrènique (Tableau II.2, entrée 10) ou encore un hétérocycle de type thiophène (Tableau II.2, entrée 11).
Optimisations des conditions réactionnelles
Après avoir réalisé la synthèse des produits de départ, il nous fallait trouver un système catalytique efficace aussi bien en terme d’énantiosélectivité que de régiosélectivité, pour transformer les carbonates de diénol allyliques en furanones α et/ou γ-substituées.
Dans un premier temps, l’étude de l’influence du ligand a été effectuée en réalisant différentes réactions sur le carbonate II.15l, substitué par un groupement alkyle. Celui-ci a été mis à réagir avec 5 mol % de Pd2dba3.CHCl3 et 10 mol % d’un ligand chiral dans le THF à 0 °C. Dans tous les cas, les produits d’α et de γ-alkylation II.16 et II.17 ont été obtenus. D’une manière générale, on peut noter que la réaction conduit, avec de bons rendements au produit majoritaire II.16, quel que soit le ligand utilisé sauf avec la (R)-binaphane L7 (Tableau II.3, entrée 7) où nous avons observé une faible conversion du produit de départ. Au niveau de l’énantiosélectivité, l’utilisation de diphosphines de symétrie C2 tels que les ligands de Trost L1, L2 et L3 nous ont permis d’obtenir le composé II.16 avec des excès énantiomériques compris entre 29% et 54% (Tableau II.3, entrées 1 à 3). Après avoir obtenus ces premiers résultats, d’autres diphosphines de symétrie C2 ont été testées, parmi lesquelles la (R)-BINAP L5 (Tableau II.3, entrée 5), le biphényle L6 (Tableau II.3, entrée 6) ou encore la (R,R)-Me-DUPHOS L8 (Tableau II.3, entrée 8). Malheureusement, les excès énantiomériques générés avec tous ces ligands se sont révélés être très faibles et donc inexploitables. Des ligands, plus communément utilisés pour cette réaction d’alkylation allylique asymétrique, ont été testés, comme la (S)-t-Bu-PHOX L4, ligand bidentate de type P/N, malheureusement, le produit II.16 a été obtenu qu’avec 4% d’excès énantiomérique (Tableau II.3, entrée 4). Il est également important de noter que les excès énantiomériques du produit de γ-alkylation II.17 sont en général supérieurs à ceux du produit de d’α-alkylation II.16. Les meilleurs résultats ont donc été obtenus avec le ligand de Trost L1 avec lequel nous avons observé une régiosélectivité α/γ de 6:1 ainsi qu’un excès de 54% pour le composé II.16.

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Table des matières

Introduction générale
I. Alkylation allylique pallado-catalysée
I.1 Introduction
I.2 Historique
I.3 Généralisation
I.3.1 Nucléophile de type énolate
I.3.2. Nucléophile de type sp3
I.3.2.a Carbanions α-cyanylés
I.3.2.b Carbanions α-sulfonylés
I.3.3 Nucléophile de type sp2
I.3.4 Nucléophile de type sp
I.4 Processus énantiosélectif
I.4.1 Historique
I.4.2 Induction asymétrique en α d’un carbonyle
I.4.3 Développements de ligands
I.5 Mécanisme
I.6 Applications à la synthèse totale de molécules bioactives
II. Resultats et discussions
II.1 Introduction
II.2 Essais préliminaires
II.3 Synthèse des substrats
II.4 Optimisations des conditions réactionnelles
II.5 Généralisation de la réaction
II.6 Explication de la sélectivité
II.7 Réarrangement de Cope
II.8 Application: synthèse de butyrolactones
β,β-disubstituées
II.9 Etude mécanistique
II.10 Application en synthèse totale
II.11 Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates de diénol polysubstitués
II.11.1 Synthèse des carbonates de diénol α,γ-disubstitués
II.11.2 Alkylation allylique énantiosélective de carbonates de diénol α,γ-disubstitués
II.11.3 Alkylation allylique asymétrique de carbonates de diénol α,β-disubstitués
II.12 Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates de diénol substitués au niveau du groupement allyle
II.13 Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates de diénol exocycliques
II.14 Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates de diénol linéaires
II.15 Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates d’énols
II.16 Application de l’alkylation allylique asymétrique aux carbonates de diénol azotés
II.17 Synthèse monotope d’hétérocycles polysubstitués
II.18 Conclusion
II.19 Partie expérimentale
II.19.1 Généralités
II.19.2 Synthèse des composés
III. Approche synthétique de la (−)-patéamine A
III.1 Isolement, structure et propriétés biologiques
III.1.1 Isolement
III.1.2 Structure.
III.1.3 Propriétés biologiques.
III.2 Synthèses antérieures de la (−)-patéamine A
III.2.1 Synthèse par Romo et al.
III.2.2 Synthèse par Pattenden et al.
III.3 Résultats et discussion
III.3.1 Analyse rétrosynthétique de la (−)-patéamine A
III.3.2 Synthèse du fragment C1-C11 de la DMDA-Pat A
III.3.2.1 Analyse rétrosynthétique
III.3.2.2 Première approche : utilisation du fond chiral
III.3.2.3 Deuxième approche : dihydroxylation asymétrique
III.3.2.4 Troisième approche : résolution enzymatique
III.3.2.5 Quatrième approche : résolution d’époxyde
III.3.2.6 Synthèse du fragment C1-C11 de la DMDA-Pat A
III.3.3 Synthèse du fragment C18-C21
III.3.4 Synthèse du fragment C22-C24
III.3.5 Synthèse du macrocycle de la DMDA-Pat A
III.3.5.1 Analyse rétrosynthétique
III.3.5.2 Approche synthétique
III.3.6 Synthèse du fragment C12-C17
III.3.6.1 Analyse rétrosynthétique
III.3.6.2 Approche synthétique.
III.3.7 Synthèse du fragment C1-C11 de la patéamine A
III.3.7.1 Analyse rétrosynthétique
III.3.7.2 Approche synthétique
III.3.7.3 Réduction d’aldéhyde α,β-insaturé par transfert d’hydrogène énantiosélectif organocatalysé
III.3.7.4 Transfert d’hydrure énantiosélectif organocatalysé sur le composé III.44..
III.4 Conclusion et perspectives
III.5 Partie expérimentale
III.5.1 Généralités
III.5.2 Synthèse des composés
Annexe I : Introduction à la synthèse de furanes polysubstitués
Conclusion générale
Références bibliographiques

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