Application de la démarche QDAQQ à un cas concret en aménagement et urbanisme
Le contexte de l’étalement urbain, une situation complexe et verrouillée
La dernière journée de formation a été consacrée à l’étude de cas de l’étalement urbain. Avant de commencer l’exercice d’application de la démarche QDAQQ, certains des participants ont pu nous faire part de leur vision concernant cette problématique, à laquelle ils sont confrontés de façon de manière récurrente dans leur exercice professionnel. Ainsi, le contexte de l’étalement urbain a été donné à partir d’un exemple présenté par un des participants et amendé par les autres : « Le cas de l’étalement urbain soulève de nombreuses contradictions et problèmes. Le gouvernement impose d’économiser l’espace en limitant l’étalement urbain. Or, les communes, dans un souci de croissance démographique et de développement, mettent en place des projets d’extension urbaine fortement consommateurs d’espace (résidences avec des parcelles de 1 500 à 2 500 m²). De plus, la consommation touche principalement les terres agricoles qui peuvent être parfois de très bonne qualité. En parallèle, le monde agricole s’industrialise. Les agriculteurs ont besoin de plus en plus de terres pour rentabiliser leur entreprise. Cela pose alors des problèmes de cohabitation entre les différentes activités, de destruction d’espaces naturels et agricoles de qualités, … » .
Pour compléter cette présentation, un des participants présente le cas du Morbihan :
Le Morbihan est un secteur très attractif. D’après les estimations à l’horizon 2040, il est attendu 200 000 personnes supplémentaires. La population accueillie est principalement de « riches retraités parisiens ». On constate qu’en 20 ans, le prix du foncier a été multiplié par 20. Aujourd’hui, le prix du foncier sur la côte est entre 400 et 1 000 €/m². Cela pose des problèmes à la population locale qui est obligée de s’éloigner de la côte à cause du prix du foncier trop élevé.
La côte du Morbihan compte 4 principaux pôles d’emplois : Lorient, Plouhinec, Plouharnel et Vannes. L’étalement, en grisé sur la carte, se fait au-dessous de la 4 voies (figurée en rouge sur la carte cidessus). Cet étalement gagne l’intérieur des terres suivant les deux flèches indiquées. La population qui se concentre sur la côte est vieillissante. D’ici 2040, 60 % de la population auront plus de 60 ans. Les emplois de demain seront donc du service pour maintien de la population à domicile. Or, on constate que les actifs s’éloignent. Par cette brève description du contexte local, on comprend bien les phénomènes qui amènent à faire de l’étalement urbain, les contradictions que cela engendre ainsi que les problèmes que cela pose. En effet, l’absence de maîtrise de l’urbanisation implique des problèmes de consommation de foncier (notamment agricole), de délocalisation de la population locale mais aussi des problèmes de mobilité, etc.
Suite à cet exemple, différentes problématiques ont été soulevées en lien avec la question de l’étalement urbain. En effet, cette question est également alimentée par un certain nombre de croyances, de préjugés ou d’effets de mode. Par exemple, le « mythe » de la maison individuelle avec un grand jardin est toujours présent dans la mentalité des gens (« plus tu vas à la campagne, plus les parcelles doivent être grandes »). De plus, les gens préfèrent faire construire une maison neuve « BBC » en périphérie des villes plutôt que de rénover une maison en centre-bourg. Cependant, tout ceci a de nombreuses conséquences sur le territoire comme la dévitalisation des centres bourgs, la consommation de terrains agricoles, l’extension des réseaux pour les communes, l’augmentation des déplacements des ménages, etc. Cet exemple illustre bien toute la complexité de la situation du cas de l’étalement urbain (processus, impacts, acteurs impactés). Cela nous montre également que cette problématique induit de nombreux phénomènes, contradictions et blocages sur lesquelles les aménageurs et urbanistes n’ont aucune prise. Suite à cette présentation, les participants ont mis à plat leur vision du système d’acteurs et de leurs relations.
Le QDAQQ, un outil de simplification et de clarification de la situation
Dans la dernière partie de ces deux jours de formation, un exercice a été mis en place dans le but de tester l’approche en contexte collectif, contexte dans lequel les CAUE sont le plus souvent impliqués. Un sujet a été proposé par les participants de la formation, celui de l’étalement urbain. Ainsi, les participants ont réalisé un exercice de décryptage de la situation de l’étalement urbain à laquelle ils sont confrontés dans leur exercice professionnel grâce à la démarche QDAQQ (Qui Demande A Qui Quoi).
Grâce à la démarche QDAQQ, qui fait appel à une série de méta-questions relativement simple (Qui Demande A Qui Quoi ?), les participants ont pu procéder à un décryptage de la situation de l’étalement urbain à laquelle ils sont confrontés dans leur exercice professionnel. Cela permet de poser et de représenter de façon synthétique et simplifier, leur vision de la situation de l’étalement urbain. Ainsi, les participants ont réalisé deux graphes ayant un intérêt et des objectifs différents. Le premier permet de clarifier la situation à l’échelle globale. Le second, quant à lui, permet de repositionner le CAUE au sein de ce système. Cependant, ces deux graphes doivent être mis en lien afin de comprendre la situation (ou le système) dans sa globalité. Au travers de ces deux graphes, nous pouvons clairement identifier différentes informations comme l’ensemble des acteurs impliqués dans le système de l’étalement urbain, les interactions entre eux ou encore les demandes mutuelles qu’ils peuvent émettre de façon plus ou moins directe. On peut également définir l’objet et la nature des demandes faites à chacun des acteurs du système, et en particulier au CAUE ou encore identifier les demandes contradictoires, paradoxales et les blocages. Finalement, cet outil de représentation de la vision du CAUE, lui permet de mettre en évidence certains éléments de contexte, d’identifier des liens ou encore de repérer des blocages non-visibles de l’intérieur du système. La démarche QDAQQ est, comme nous l’avons vu précédemment, à la fois un outil et une posture à adopter. Ainsi, la première « étape » de cette démarche a été le recensement des informations de la façon la plus objective possible. La seconde « étape » issue de cette démarche est consacrée à l’analyse de la situation (ou du système). Pour cela, l’urbaniste doit adopter une certaine posture en se basant sur les fondements de l’approche de Palo Alto (principes constructiviste et systémique). Cette posture se poursuit lors de l’intervention de l’urbaniste dans sa pratique professionnelle par le biais d’apports de solutions appropriées.
Le QDAQQ, un moyen de recadrage
Après avoir représenté de façon synthétique et simplifiée, la situation de l’étalement urbain, les participants se sont prêtés à quelques analyses de ces graphes qui illustrent la vision des membres du CAUE. L’analyse de ces graphes va de la « simple » constatation jusqu’à une réelle prise de conscience de la situation de l’étalement urbain ainsi que de la place du CAUE dans ce système. Les participants ont pu, à partir des deux graphes présentés ci-dessus, mettre en lumière les éléments suivants :
Les acteurs du système
Le premier élément soulevé par les participants, concernait les acteurs du système. En effet, ce mode de représentation permet de clairement identifier l’ensemble des acteurs du système « étalement urbain ». L’analyse de ces graphes permet également de définir les acteurs directement (ou indirectement) concernés par la problématique de l’étalement urbain. On peut ainsi, voir le rôle (plus ou moins fort) que ces derniers peuvent jouer dans le système.
Prenons l’exemple des « Artisans de la rénovation ». A première vue, ceux-ci ne participent pas au processus d’étalement urbain. Cependant, il est apparu que ces acteurs pourraient avoir un rôle à jouer pour endiguer ce phénomène.
La « hiérarchie » entre les acteurs
L’analyse des graphes permet de déterminer une certaine hiérarchie entre les acteurs. En effet, ces représentations mettent en évidence la position des acteurs dans le système, les demandes qu’ils peuvent émettre et recevoir, etc. En d’autres termes, cela permet de définir leur degré d’importance (ou leur poids) dans le système. Ainsi, il est possible de comprendre la place et le rôle de chacun dans le système ou encore les moyens de régulations mis en place. Cela renvoie directement à la notion d’organisation dans l’approche systémique.
Par exemple, on peut identifier une certaine hiérarchie entre l’ « Etat », les « Elus » et les « Propriétaires foncier ». Cela est représenté dans les graphes par le sens des flèches symbolisant les demandes, par la nature et le caractère (obligatoire, incitatif, requête) de la demande. La concentration des demandes autour d’un acteur en particulier est aussi un bon indicateur de son importance dans le système.
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Table des matières
Introduction
I. Contexte et objectifs de l’étude
II. Méthode
1. Formation Palo Alto
2. Exercice QDAQQ : première impression
3. Entretiens avec les participants : impression après coup
Partie 1 : Etat de l’art
I. L’approche de Palo Alto
1. La genèse de l’école et les fondateurs
a. Genèse
b. Le Centre de thérapie brève
2. Les fondements
a. Le constructivisme
b. La systémique et la cybernétique
3. La théorie du changement
a. La thérapie brève
II. L’application en urbanisme
1. Contexte en urbanisme
a. Caractéristiques en aménagement
b. Exemple de la mise en place d’un PLU
2. Points de divergence
a. Approche thérapeutique
b. Approche collective
3. Vision « Palo Altienne » de l’urbaniste : la démarche QDAQQ
Partie 2 : Analyse de l’hypothèse
Introduction
I. Application de la démarche QDAQQ à un cas concret en aménagement et urbanisme
1. Le contexte de l’étalement urbain, une situation complexe et verrouillée
2. Le QDAQQ, un outil de simplification et de clarification de la situation
3. Le QDAQQ, un moyen de recadrage
1. Les acteurs du système
2. La « hiérarchie » entre les acteurs
3. La classification des acteurs
4. L’origine des demandes faites au CAUE
5. Le type de demande
6. Les marges de manœuvre
II. Appropriation de la démarche QDAQQ par les aménageurs et urbanistes
1. Une nouvelle posture adoptée par les professionnels durant leur intervention
a. Un positionnement mieux défini et exprimé
b. Une action plus en corrélation avec le contexte local
c. Une posture moins « experte »
d. Une autre vision des notions de conflit et de blocage
e. Récapitulatif
2. Une méthode d’analyse de la situation peu nouvelle mais utile et efficace
a. Pour l’analyse du jeu d’acteurs
i. La prise en compte du système d’acteurs
ii. La prise en compte des interactions entre les acteurs
b. Pour l’analyse de mon positionnement au sein du système
i. La définition de mon image et de ma position
ii. La définition de la demande qui m’est faite
iii. La définition des personnes ressources
c. Pour définir les marges de manœuvre
i. L’identification des actions (in)efficaces
ii. L’identification de nouvelles pistes d’action
d. Récapitulatif
Conclusion hypothèse
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
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