Application dans le cadre d’un cours dispensé à des classes de TS

La démarche

C’est après quelques semaines d’enseignement que nous avons fait pour la première fois la douloureuse expérience de l’oubli du cours par les élèves. Lors de l’introduction du cours de philosophie, que nous avons cette année choisi d’axer sur la question de la connaissance de soi, nous avions abordé avec des classes de terminale scientifique (que nous abrégerons TS pour la suite) le paradoxe du bateau de Thésée. A l’occasion d’une reprise de cours, nous avons procédé à une interrogation orale qui a révélé qu’à part quelques élèves, l’immense majorité ne se rappelait plus du contenu ni même du nom du paradoxe qui avait pourtant bien été compris sur le moment par l’ensemble de la classe.

Le problème concret

Comme dans la plupart des enseignements, nous avons pour contrainte la nécessité de poser au fur et à mesure les jalons qui permettent de construire une réflexion et un apprentissage. Ce fait suppose que les élèves puissent s’appuyer sur ces jalons afin de progresser dans leur compréhension des problèmes étudiés en cours. Aussi, l’oubli, par la majorité d’élèves (pourtant d’un bon niveau), d’un élément aussi fondamental que la base problématique du cours, nous est apparu comme un souci auquel il fallait rapidement remédier. Le premier réflexe que nous avons eu a été de considérer que nos élèves n’avaient tout bonnement pas travaillé leur cours, et donc qu’ils avaient fait preuve de mauvaise volonté dans l’exercices de leurs obligations élémentaires. Sur fond de menace de contrôle surprise, nous avons donc exigé qu’ils s’appliquent à mémoriser le contenu du cours d’une semaine sur l’autre. Cette approche s’est révélée fructueuse en ce qui concernait le cours précédent pour le cours suivant, mais force est de constater que les informations plus anciennes n’étaient pas réactualisées de manière efficace. Ainsi, nous avons procédé plus régulièrement à des interrogations orales portant sur certains éléments du cours ayant été vus plus tôt dans l’année. Mais invariablement, venait un moment où certaines informations, pourtant répétées plusieurs fois, se perdaient dans les méandres de la mémoire de nos élèves.
Il s’est dégagé de cette situation une frustration d’autant plus grande qu ’avec le temps nous avons acquis la certitude d’être confronté à des élèves de bonne volonté. Et un événement en particulier nous a fait prendre conscience de la profondeur du problème. Suite à un DS type bac donné début-octobre, nous avons eu le plaisir de corriger bon nombre de très bonnes copies, à la fois instruites et fines, illustrant manifestement une compréhension du cours et une appropriation des compétences tout à fait satisfaisante.
Dans la poursuite du cours, durant le mois d’octobre, nous n’avons donc pas hésité à solliciter certains élèves ayant mobilisé des références pertinentes pour leur faire faire un rappel à la classe lorsque l’occasion se présentait. Mais cette fois encore, nous avons eu la surprise de constater que l’élève était incapable de se remémorer le contenu du cours avec précision. La première hypothèse pouvant expliquer cet état de fait consisterait à postuler que l’élève pris au dépourvu n’a pas réussi à se remémorer le contenu attendu.
Mais la répétition de l’expérience a fini par écarter cette piste au profit d’une autre : le contenu du cours n’avait été mémorisé que dans la perspective de l’exercice type bac, c’est-à-dire fait l’objet d’une inscription dans la mémoire à court terme, et non mémorisé durablement. Nul n’ignore que ce type de révision est régulièrement pratiqué par les élèves et les étudiants, et pour peu que le lecteur soit honnête, il reconnaîtra probablement qu’il l’a lui-même pratiquée. Or, il faut aussi reconnaître que de ces modalités de révisions, le temps efface à peu près tout. Si l’objectif de l’enseignement de la philosophie en classe de terminale a une vocation autre que celle de décrocher un examen à un moment précis de la vie d’un individu, alors il faut admettre que cette situation n’est pas satisfaisante. Ce qui est en jeu en fait, c’est l’appropriation réelle du cours par l’élève. Or, l’appropriation d’une chose suppose la capacité de la mobiliser, de s’en servir. Nul ne saurait faire usage de ce qu’il a oublié. L’appropriation ne peut donc passer que par un effort de rétention.

Première solution envisagée : une séance de révision générale

Face à cette situation, nous avons pris le temps, vers la fin du mois d’octobre, de consacrer tout le début d’une heure de cours à une révision générale des principaux éléments vus depuis le début de l’année. Là encore, l’expérience s’est révélée désagréable. Il en est ressorti que les souvenirs conservés par les élèves étaient extrêmement généraux, la plupart du temps restreint à de grandes idées dont le détail leur échappait presque totalement. Par exemple, la première méditation des Méditations métaphysiques (texte choisi comme œuvre complète dans le cadre de cette année) a fait l’objet des plus grandes approximations. Vue en détail tout juste deux semaines auparavant, la plupart des élèves se souvenaient qu’il y était question de doute. Les meilleurs se souvenaient qu’il y était question de doute méthodique et hyperbolique, et un seul élève se souvenait que le doute avait entre autres porté sur les sens. Aucun ne se souvenait du détail de l’argument de Descartes, aucun ne se rappelait du but de la démarche ni de l’origine du problème auquel se confrontait l’auteur des Méditations. Il ne ressortait de là que quelques généralités et deux trois termes techniques qui avaient dû être répétés des dizaines de fois lors du cours portant sur ce texte. Pourtant, là encore, à l’occasion du cours, nous nous étions assuré que le contenu était clair. Nous avons répété régulièrement les principales informations, catégorisé et hiérarchisé les idées importantes, fait des schémas récapitulatifs, etc. Mais surtout, nous étions persuadés que ce cours en particulier aurait marqué leur mémoire car ils y avaient été actifs, ils avaient été surpris de la radicalité de l’entreprise cartésienne. Parfois choqués par l’exagération du doute, parfois troublés par la pertinence de l’entreprise, mais sur un effectif de 30 élèves, aucun n’avait été indifférent à la démarche cartésienne, au point que nous avons reçu le mail d’un élève nous reprochant de l’avoir obligé à se confronter à ces questions. Ce même élève donc ne parvenait plus à se remémorer l’argument de Descartes qui l’avait pourtant authentiquement troublé au point de nous le « reprocher ». Comment une expérience aussi marquante pouvait-elle sombrer aussi vite dans l’oubli ? S’agissait-il de mauvaise volonté ? Ces élèves, par ailleurs travailleurs et pertinents dans leurs interventions en cours refusaient-ils délibérément de retravailler leurs leçons ?
Nous avons fait le choix de leur poser explicitement la question, et c’est à partir de leurs réponses que nous avons décidé d’amorcer une réflexion approfondie sur la mémorisation. Il est en effet ressorti de la discussion que leur cours n’était que relu de manière superficielle d’une semaine sur l’autre afin de satisfaire à la traditionnelle séance de questions, et que pour les contrôles les révisions se concentraient sur les points essentiels étudiés qui n’étaient pas retravaillés par la suite. Mais ces méthodes de travail ne relevaient pas d’une mauvaise volonté de la part de nos élèves comme nous l’avions cru en tout premier lieu. Simplement d’une absence complète de méthode de travail. De plus, et c’est un fait remarquable, nos élèves n’avaient aucune connaissance des techniques de mémorisation, et de ce fait, perdaient un temps précieux à travailler leurs leçons de manière totalement inefficace. Non seulement en philosophie, mais aussi dans la majorité des autres disciplines dont ils suivaient l’enseignement au lycée. Aussi, nous avons entrepris de réfléchir à la manière de construire notre cours de sorte à ce que les informations soient répétées de semaine en semaine, et que, malgré eux, par l’effet de la répétition, ils s’approprient les contenus et les démarches que le cours de philosophie est destiné à leur faire intégrer.

La mémorisation des compétences attendues

Parallèlement au problème relatif à la mémorisation des contenus, s’est manifesté le problème de la rétention des compétences philosophiques. Dès le mois de septembre, nous avons fait le choix de donner à la pratique des exercices philosophiques (à savoir la dissertation et l’explication de texte) une place centrale dans notre enseignement. Nous avons donc pris le temps de présenter en détail la méthodologie de ces exercices et de la mettre en pratique. S’est donc développé progressivement, chez nos élèves, un véritable savoir-faire relatif à ces exercices que nous avons pris soin de décomposer en étapes simples afin de ne pas les mettre directement aux prises avec une tâche trop complexe.
Afin de faciliter cet enseignement, nous avons proposé régulièrement de petits exercices (reformuler un sujet, expliquer une phrase d’un texte, trouver un paradoxe, formuler des thèses contradictoires, etc.) parfois obligatoires et parfois facultatifs pour encourager les élèves à pratiquer d’eux même les différentes étapes permettant la réalisation de ces exercices complexes. Ici encore, s’est manifesté le problème de la mémorisation, mais d’une manière bien spécifique. En effet, les « techniques » enseignées (trouver un présupposé, définir les termes, formuler un paradoxe, etc.) étaient, la plupart du temps, bien assimilées d’un exercice à l’autre. Mais lorsque les premiers exercices type bac ont eu lieu, nous avons eu la surprise de constater bien souvent le caractère très mécanique de la mise en œuvre des techniques apprises. En outre, certaines étapes de la méthodologie étaient purement et simplement ignorées. Pourtant, les exercices n’avaient pas manqué, et la grande majorité de nos élèves de TS s’en sortaient très bien avec les tâches simples.
Au cours des corrections de ces devoirs, nous nous sommes aperçus que c’était pour l’essentiel l’ordre des étapes qui n’était pas bien assimilé et que leur mise en relation posait beaucoup de problèmes. Pour l’essentiel donc, le problème ne tenait pas à la pratique des exercices, mais à l’assimilation des exigences théoriques abordées dans les cours de méthodologie. Face à cette situation, nous avons fait l’effort de reprendre les éléments essentiels de la méthodologie et nous avons poursuivi la répétition des exercices.
Nous avons ainsi constaté des améliorations, mais dans des proportions nettement insuffisantes.
Notre prise de conscience des difficultés de mémorisation des élèves vis-à-vis du contenu du cours et de la pratique des exercices s’est faite sur la période du mois de septembre au mois de novembre. Les quelques solutions mises en œuvre : interrogations orales régulières, contrôle de connaissances, multiplication des petits exercices, ont bel et bien produit des résultats, mais dans des proportions insuffisantes. Cette année de philosophie étant a priori la seule expérience qu’auront les élèves de la discipline, il fallait trouver des solutions plus efficaces pour permettre la rétention des contenus du cours et des compétences attendues.

Stratégies possibles pour favoriser la mémorisation

Comme nous le voyons à partir de ces éléments théoriques, c’est essentiellement sur l’encodage et sur le stockage de l’information que le professeur doit concentrer son attention. Pour ce qui concerne l’encodage, il a été mis en évidence que l’attention du sujet était l’élément primordial, même si l’intention de mémorisation était faible.
L’encodage, dans la mesure où il fait passer des traces mnésiques au statut de souvenir est le lieu où ce qui est simplement perçu fait l’objet d’une amorce de mémorisation . Il est donc essentiel de saisir comment une perception passe du statut de simple perception à celui de souvenir potentiel. Et ce qui a été mis en évidence donc, c’est que c’est l’attention du sujet qui est primordiale dans cette opération. Même si cette attention n’est pas explicitement dirigée vers le but que constitue la mémorisation. Ainsi, une information a plus de chance de passer dans la MCT (et donc de faire l’objet d’un stockage possible) si l’attention de l’élève est plus élevée. Un exemple flagrant de défaut d’encodage est l’incapacité que nous avons à nous remémorer certains détails que nous percevons pourtant (qui sont donc des traces mnésiques) mais auxquels nous ne faisons tout bonnement pas attention. Ainsi nous pourrions poser au lecteur la question suivante : « De quelle couleur est le pantalon d’Astérix ? ». Il est vraisemblable que cette information ne sera pas évidente à retrouver alors même que la plupart d’entre nous avons déjà « vu », c’est-à-dire perçu, la couleur du pantalon d’Astérix. Si toutefois le lecteur parvient à retrouver cette information il admettra sans difficulté qu’il n’est pas capable de se souvenir de la couleur des vêtements de tous les personnages de bande dessinées qu’il a pourtant lues. Ce type d’information n’est pas encodé, parce que aucune attention particulière n’est attirée vers elle. Et si l’une des aventures d’Astérix avait pour objet principal de l’intrigue la couleur des vêtements des personnages, il y a fort à parier que ses lecteurs retiendraient facilement l’information. Il est évident qu’il n’est pas possible d’attirer également l’attention de nos élèves sur tous les éléments du cours. C’est pourquoi une première stratégie qui nous est apparue intéressante consiste à déterminer à l’avance quels éléments doivent faire l’objet d’une attention particulière pour les mettre en valeur dans le cadre du cours. L’un des ressorts possibles permettant de faciliter l’encodage étant de coupler l’information à une émotion (qui permet de solliciter la mémoire épisodique) il est possible de faire usage d’humour pour encoder efficacement une information. Le contexte d’encodage est absolument essentiel pour la récupération d’informations car il est le lieu où se constituent les indices de récupération par constitution d’images mentales. Il est primordial que ces indices soient constitués au moment même de l’encodage, c’est-à-dire au moment même du cours.
Mais l’encodage ne suffit pas à permettre le stockage de l’information. Et nous avons déjà signalé que le stockage d’une information passait pour l’essentiel par sa répétition. Or la répétition d’une information suppose une activité du sujet et consomme une quantité considérable d’énergie (ce qui a pour conséquence une perte progressive de l’attention). Afin d’épargner le capital d’attention des élèves, il est possible de s’appuyer sur un outil mis au point par le philosophe allemand Ebbinghaus dans son ouvrage Über das Gedächtnis, « La mémoire » . Sans rentrer dans les détails de l’ouvrage, nous pouvons signaler qu’Ebbinghaus a cherché à mettre au jour le nombre optimal de répétitions nécessaires au stockage d’une information mnésique, et leur espacement idéal Ebbinghaus Hermann, & Nicolas Serge. (2010). La mémoire : Recherches de psychologie expérimentale.
Paris : L’Harmattan. dans le temps. Bien qu’il n’ait pas lui-même dressé la célèbre courbe d’Ebbinghaus (aussi connue comme la courbe de l’oubli), et qu’il n’y ait à l’heure actuelle pas de consensus sur sa représentation exacte, nous pouvons utiliser ces informations pour établir un programme de répétition idéal. Nous joignons en annexe (annexe 1) l’exemple d’une représentation de cette courbe sur lequel nous nous appuyons ici. Cette courbe permet de mettre en évidence cinq étapes de rappel qui permettent de stocker efficacement et durablement une information de sorte à la faire passer de la MCT à la MLT. Nous pouvons ainsi remarquer que la première répétition de l’information à mémoriser doit s’effectuer environ dix minutes après sa première itération. La seconde répétition doit s’effectuer vingt-quatre heures après cette première itération. La troisième, une semaine plus tard, et les deux dernières un mois puis six mois plus tard. Ce qui apparaît nettement à partir de ce modèle, c’est que la fréquence des répétitions peut s’espacer considérablement dans le temps passées les deux premières. Dans le cadre d’un cours de philosophie dispensé au lycée toutefois, il est clair que les possibilités d’actions du professeur sont limitées ne serait-ce qu’en vertu de l’emplois du temps. Si la seconde répétition (d’une semaine à l’autre) semble la plus aisée à mettre en œuvre, on prend rapidement la mesure de la complexité de l’organisation requise pour exercer les rappels à un mois et six mois.
L’usage de cette courbe suppose donc de sélectionner peu d’informations auxquelles on appliquera le modèle. En outre, la deuxième répétition (considérée par Ebbinghaus comme essentielle) se trouvera le plus souvent (sinon toujours) soumise à la bonne volonté de l’élève. Ce premier outil nous a ainsi permis d’organiser une projection de révision des éléments essentiels étudiés en cours. Si l’on souhaite en tirer un enseignement plus général, il est remarquable que la répétition soit plus essentielle au début du stockage que par la suite. Aussi, il sera utile, durant les séquences de cours, de procéder à un rappel régulier des principaux axes de l’argumentation du cours à chaque début d’heure. Ce qui suppose que ce début d’heure prendra une place de plus en plus importante à mesure de l’avancée de la séquence.

Des stratégies pour le professeur et les élèves

Il nous faut ici préciser que ces informations théoriques ne constituaient pas pour nous une découverte. En effet, lors de la préparation des concours du CAPES et de l’Agrégation de philosophie, nous avons nous-même rencontré des difficultés liées à la mémorisation des contenus philosophiques tirés de nos lectures. Nous sommes ainsi convaincus que le lecteur de cette étude se souviendra sans peine avoir déjà été fasciné par certaines lectures, avoir fait l’expérience de saisir quelque chose d’important, voire de primordial, et avoir par la suite perdu définitivement l’information comprise. Cette expérience tragique nous montre clairement que comprendre et apprendre ne sont pas synonymes. A l’inverse, nous sommes certains que le lecteur pourra sans peine se remémorer une poésie apprise par cœur dans son enfance. Qu’il fasse l’effort de la réciter pour lui-même, qu’il prenne le temps d’y réfléchir et d’en saisir à nouveau le sens, enrichi des expériences tirées de son vécu personnel. Le loup et l’Agneau de Lafontaine a été pour nous un exemple frappant de ce que la mémoire peut avoir d’essentiel pour l’appropriation d’une idée. Car le sens de cette fable qui nous échappait presque totalement dans l’enfance (en somme nous comprenions qu’un loup mangeait un agneau), s’est progressivement enrichi a posteriori, à tel point que cette fable, aujourd’hui, nous est acquise à la fois par son contenu et les expériences qu’elle a accompagnées. Laquelle de l’information comprise et oubliée ou de la fable apprise sans vraiment la comprendre et méditée par la suite, est véritablement appropriée ? Il semble évident que c’est la fable.
Et c’est cette expérience qui nous a fait comprendre qu’il était absolument nécessaire d’accorder une place beaucoup plus importante à notre mémoire dans le cadre de nos apprentissages. Mais ce qui était un réel handicap dans le cadre de nos études nous a fait prendre conscience en tant que jeune professeur du manque considérable que constitue l’absence d’information sur ces questions durant le cursus d’études au sein de l’Education Nationale. N’y a-t-il pas là un superbe paradoxe ? Exiger de nos élèves qu’ils apprennent sans jamais leur expliquer comment utiliser leur principal instrument d’apprentissage ?
Notre première réaction, toutefois, a été de ne rien changer à cette situation. Ça n’est que rétrospectivement que nous avons compris ce fait : des mois de septembre à novembre, nous avons tenté d’appliquer certaines de ces techniques sur nos élèves afin de leur faire mémoriser « malgré eux » le contenu du cours. Sans doute est-il possible d’expliquer cet état de fait par la représentation ordinaire de la position du professeur : détenteur d’un savoir qu’il lui revient de transmettre à ses élèves par le biais de son enseignement. C’est donc en organisant l’enseignement que ces connaissances doivent se transmettre, et que son contenu doit s’inscrire dans la mémoire des élèves. Raisonnement absurde au possible au regard de la réalité des processus mémoriels. Nous l’avons dit, ces derniers supposent une activité du sujet cherchant à mémoriser une information : l’élève. Et pourquoi au fond chercher à susciter cette activité par des voies détournées à la manière du laboureur de La Fontaine (qui cherche à produire indirectement les effets qu’il vise en faisant croire à ses enfants que le champ familial cache un trésor) ? Peut-être parce que nous partons trop facilement du principe que les élèves sont, à l’image des fils du laboureur, de mauvaise volonté. Hypothèse que nous avons fini par rejeter face au constat inverse.
Aussi, plutôt que de chercher vainement à pratiquer des techniques mémorielles sur nos élèves malgré eux, nous avons choisi de préparer une séance de cours sur la mémoire afin de leur transmettre directement les techniques qui leur permettront de renforcer leurs capacités mémorielles. Capacités qu’il leur eût été profitable d’acquérir beaucoup plus tôt. Afin de préparer ce cours, nous nous sommes appuyés sur les connaissances théoriques acquises, mais également sur un ensemble de techniques que nous avons-nous-même mises en œuvre et dont nous avons pu éprouver l’efficacité en première personne. C’est à la fois par un exposé théorique sur la mémoire et par un partage d’expérience personnelle que nous avons choisi de transmettre certaines clés à nos élèves pour leur permettre de renforcer leurs techniques mémorielles. Ce que nous allons faire à présent, c’est décrire en détail la séance de cours dispensée à nos classes de TS afin de proposer au lecteur les mêmes clés. Puis, dans une dernière partie de cette étude, nous évaluerons les effets positifs et négatifs de cette séance, des stratégies mises en place pour la mémorisation du contenu du cours, et nous tâcherons de réfléchir à la manière dont ces éléments peuvent être utilisés pour organiser un cours sur une année entière (ce qui devrait permettre de mettre à profit la courbe d’Ebbinghaus dans toute son amplitude).

Application dans le cadre d’un cours dispensé à des classes de TS

La préparation : discussion préparatoire avec les élèves

Durant le mois de novembre, nous avons pris le temps d’échanger régulièrement avec nos élèves sur leurs pratiques de travail afin de cerner au mieux leurs besoins en matière de techniques mémorielles. Comme nous l’avons déjà signalé, il s’est avéré que la plupart d’entre eux n’avaient jamais entrepris une réflexion sur les manières les plus efficaces de mémoriser un cours ou de s’approprier des techniques pour les exercices.
Une pratique assez courante chez les bons élèves semble être la tendance à faire des fiches de révision. Ce qui est en soi une excellente chose, mais la constitution de fiches, pour être efficace, doit également répondre à certaines exigences formelles et requiert de prendre en compte la temporalité de la mémorisation. Ainsi faire une fiche le soir même pour mémoriser une information est peu utile car cette action, consistant à combiner la mémoire de travail et la mémoire sémantique, suppose déjà (pour être pleinement efficace) que le stockage de l’information soit assez avancé. L’inclusion des techniques de constitution d’une « fiche de révision » nous a donc été directement réclamée par les élèves. Par ailleurs, les discussions (menées la plupart du temps durant les intercours ou avant le début des cours) ont mis en évidence un véritable désir d’en apprendre davantage sur les mécanismes de la mémoire. Par cette préparation en amont, nous nous sommes assurés l’attention de nos élèves en suscitant un désir de découvrir un domaine de connaissance qui leur était encore totalement étranger. Nous avons choisi d’attendre le dernier cours avant les vacances de Noël pour mettre en pratique cette séance. Nous allons à présent décrire le déroulement de la séance proprement dite avant d’expliquer les mécanismes mis en jeu afin de nous assurer de sa mémorisation.

Déroulement de la séance

Au début de l’heure de cours consacrée à la présentation théorique des mécanismes de la mémoire et des techniques permettant de se les approprier, nous avons énoncé un certain nombre d’informations arbitraires. Par exemple : une suite de chiffres aléatoires (7, 8, 4, 2, 1) ; le fait que la couleur d’un papillon était le bleu et un syllogisme absurde : « Une cheval bon marché est rare, ce qui est rare est cher, donc un cheval bon marché est cher ». Nous avions dès le début de la séance une attention extrêmement soutenue de la part des élèves. Après la présentation de chaque nouvelle information, nous réinterrogions les élèves sur la suite de chiffres, et nous avons expliqué une fois seulement d’où provenait le caractère absurde du syllogisme. Suite à cette mise en condition, nous avons effectué une présentation sommaire des différents types de mémoire, et expliqué la distinction entre mémoire à court terme et mémoire à long terme.
Il ne s’agissait pas de présenter en exhaustivité les théories relatives aux mécanismes de la mémoire, mais simplement de leur donner les outils théoriques pour comprendre les techniques que nous allions exposer. Nous avons en particulier présenté la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus et expliqué le rôle important de l’attention dans le processus de mémorisation. Cette présentation théorique (qui ne comporte pas l’ensemble des éléments exposés dans cette étude), nous a pris approximativement 15mn. C’est-à-dire 5mn de plus que le temps nécessaire pour que la première répétition soit optimale selon la courbe d’Ebbinghaus. A la fin de cette présentation, nous avons demandé aux élèves de nous rappeler la suite de chiffres donnée, et les raisons pour lesquelles le syllogisme était absurde. Aucun élève n’a eu la moindre difficulté à restituer la suite de chiffres répétée régulièrement ; mais tous ont éprouvé des difficultés à expliquer l’origine de l’absurdité du syllogisme. Ceci nous a permis d’illustrer concrètement, par l’exemple, les prédictions théoriques. La suite de chiffres, répétée régulièrement, avait été facilement mémorisée.
Pas les raisons de l’absurdité du syllogisme. Par ce petit exercice, l’attention des élèves se trouvait encore renforcée. Nous leur avons donc exposé quatre techniques de mémorisation : Les tables de rappel ; Les cartes mentales ; les palais mentaux et l’optimisation de constitution d’une fiche de révision. Enfin nous leur avons exposé une manière de croiser ces différentes techniques pour plus d’efficacité. Nous avons personnellement utilisé chacune de ces techniques et pu vérifier leur efficacité dans le cadre de la préparation des concours. Nous nous proposons de les détailler.

Les tables de rappel

Alain Lieury fait remonter l’origine des tables de rappel au XIXème siècle. On en trouve la méthode expliquée par Grégoire de Feinaigle dans un ouvrage intitulé Traité complet de mnémonique. Cette technique anticipe la découverte des indices de ré cupération de la mémoire au moment de l’encodage. Il s’agit d’un procédé extrêmement simple qui consiste à associer à chaque nombre de 1 à 100 (par exemple), une image particulière.
Exemple : 1 représente un arbre ; 2 représente un panneau ; 3 représente une chenille, etc. la constitution initiale de la table de rappel s’effectue par un apprentissage par cœur. Son intérêt réside dans le fait qu’elle permet de mémoriser aisément des suites de choses. Prenons pour exemple une liste de courses : si nous avons à mémoriser qu’il faut acheter : 1 : du pain, 2 : du saucisson, 3 : du vin. Il est possible de créer une image mentale : 1 : d’un arbre dont le tronc serait en pain ; 2 : D’un panneau auquel sont suspendus des saucissons ; 3 : d’une chenille buvant un ver de vin. Le procédé est efficace dans la mesure où il associe à la fois la mémoire de travail et la mémoire perceptive. En créant des images, il est aisé de se rappeler la liste de choses car il suffira de penser au numéro de la liste pour se rappeler l’item à acheter. Cette technique peut révéler son potentiel lorsqu’il s’agit de mémoriser des références précises. Exemple : Aristote brandissant la lettre « B » chevauche un lapin qui bondit au-dessus d’un étang pour fuir un hérisson relativiste. Que le lecteur prenne le temps de fixer en son esprit cette image ridicule. Dans notre table de rappel le lapin code le nombre 10, l’étang est associé au chiffre 08, et le hérisson est associé au chiffre 05. Nous nous souvenons que les références des ouvrages d’Aristote emploient des chiffres et des lettres, ainsi nous encodons l’information suivante : le principe de non contradiction dirigé contre les positions relativistes est exposé par Aristote dans la Métaphysique en 1008b5. Cette méthode qui peut apparaître ridicule au premier abord se révèle d’une extrême efficacité lorsque l’on cherche à mémoriser un plan dont il suffit d’associer l’ordre des titres aux images de la table. Le fonctionnement de cette technique est au fond assez simple : il s’agit de mémoriser par cœur, une bonne fois pour toutes, une liste d’images associées à des nombres pour constituer le socle stable d’une liste d’indices de récupération de la mémoire. Le tout en associant deux catégories de mémoire.

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Table des matières
Introduction 
I : La démarche
A) Le problème concret
B) Première solution envisagée : une séance de révision générale
A) La mémorisation des compétences attendues
II : Eléments théoriques 
A) Fonctionnement élémentaire de la mémoire
B) Stratégies possibles pour favoriser la mémorisation
C) Des stratégies pour le professeur et les élèves
III : Application dans le cadre d’un cours dispensé à des classes de TS
A) La préparation : discussion préparatoire avec les élèves
B) Déroulement de la séance
IV : Bilan de la séance et effets à long terme sur le cours 
A) Succès et lacune de la séance
B) Projection pour la suite du cours de l’année 2019-2020
C) Conclusion et projection pour le cours de l’année scolaire 2020-2021
Bibliographsie 
Annexes

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