Application à un projet de prévention le sevrage tabagique
Dans cette seconde partie, la méthodologie de gestion de projet, préalablement expliquée, sera appliquée à un exemple concret : le sevrage tabagique. C’est un pharmacien, titulaire à Avrillé dans le Maine et Loire, réalisant des suivis pour les patients souhaitant arrêter de fumer à l’officine de manière gratuite, qui a eu l’idée d’un tel programme.
Tout d’abord, un état des lieux sera réalisé puis les différentes étapes du projet seront développées et enfin l’évaluation du projet clôturera cette dernière partie.
Etat des lieux
Cette étape va être réalisée par l’étude de données épidémiologiques issues de différents organismes ainsi que du Projet Régional de Santé (PRS) de l’Agence Régionale de Santé (ARS) Pays de la Loire.
Epidémiologie
L’épidémiologie permet d’étudier au sein des populations la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans le temps et dans l’espace [14].
L’étude de cette répartition des évènements de santé sert de fondement aux interventions faites dans l’intérêt de la santé publique et de la médecine préventive. Les données actuelles concernant le tabagisme sont aussi bien extraites d’organismes internationaux que des organisations nationales, régionales et départementales.
Au niveau international
Organisation Mondiale de la Santé
L’OMS est l’autorité directrice et coordonatrice, dans le domaine de la santé, des travaux ayant un caractère international au sein du système des Nations-Unies. Son rôle est [15]:
• Jouer le rôle de chef de file dans les domaines essentiels de la santé et de créer des partenariats ;
• Fixer des priorités de recherche ;
• Fixer des normes et des critères, et suivre leurs applications ;
• Définir des politiques conformes à l’éthique ;
• Surveiller la situation sanitaire et évaluer les tendances en matière de santé.
Dans son rapport publié en 2009 sur l’épidémie mondiale du tabagisme, l’OMS indique que la lutte anti-tabac a beaucoup progressé et qu’en 2008, plus de 400 millions de personnes supplémentaires ont bénéficié de mesures contre le tabagisme[16]. Cependant, le tabac continue toujours de tuer plus de 5 millions de personnes dans le monde. Le directeur général adjoint de l’OMS, M. Ala Alwan, explique dans l’introduction de ce rapport, que « la lutte anti-tabac est relativement peu onéreuse tandis que les bénéfices qui en découlent sont considérables ».
Le 27 février 2005 est entré en vigueur un traité appelé la Convention-Cadre de l’OMS pour la Lutte Anti-Tabac (CCLAT) [17]. Ce traité est le premier négocié par l’OMS avec plus de 177 états signataires dont la Communauté Européenne. Cette convention réaffirme le droit de tous les peuples à obtenir le niveau de santé le plus élevé possible et indique les stratégies de réduction de la demande au même titre que la réduction de l’offre en matière de tabagisme.
L’OMS a introduit un programme MPOWER pour aider les pays à mettre en place des mesures efficaces pour lutter contre le tabagisme conformément à la convention cadre que les états ont signés. MPOWER signifie [18] :
• Monitor : surveillance de la consommation de tabac et les politiques de prévention ;
• Protect : protéger la population contre la fumée de tabac ;
• Offer : offrir une aide à ceux qui veulent renoncer au tabac ;
• Warn : mettre en garde des dangers du tabagisme ;
• Enforce : faire respecter l’interdiction de publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage ;
• Raise : augmenter les taxes sur le tabac.
Chaque point est détaillé dans une publication qui explicite les différentes actions à mettre en place. Par exemple, dans la publication « Offer », il est indiqué que peu de fumeurs bénéficient de l’aide dont ils ont besoin [19]. En effet, le traitement de la dépendance au tabac incombe avant tout au système de soins de chaque pays. Les états doivent trouver des programmes conduisant à des interventions peu onéreuses. Pour trouver des financements, l’OMS propose à l’occasion du 31 mai 2014, journée mondiale sans tabac, d’augmenter les taxes sur le tabac pour qu’ensuite les recettes fiscales soient réinvesties dans des programmes nationaux de lutte anti tabac. Or, il a pu être observé que ce n’était pas le cas (figure 7)
Figure 7: Comparaison entre les recettes fiscales des produits du tabac et les dépenses de lutte anti-tabac en 2007 et 2008 [20]
Commission Européenne
L’Union Européenne (UE) mène également des actions contre le tabagisme en coopération avec l’OMS dans le cadre du CCLAT. Pour cela, les états membres ont adoptés plusieurs mesures anti-tabac comprenant :
• La réglementation des produits du tabac (emballages, étiquetage…) ;
• Des restrictions en matière de publicité ;
• La création d’espaces non-fumeurs ;
• Des mesures fiscales et de lutte contre le commerce illicite ;
• Des campagnes anti-tabac.
La direction générale européenne de la santé et des consommateurs constate que le nombre de fumeurs reste élevé dans l’UE. Ils représentent 28 % de la population totale et 29 % des 15 – 24 ans [21].
En résumé, de nombreux efforts ont été fournis en matière de lutte contre le tabac dans le monde, mais il est nécessaire que les états financent de manière régulière des programmes nationaux.
Au niveau national
En France, il existe plusieurs organismes nationaux où il est possible d’obtenir des données qualitatives et quantitatives. Les 3 principaux sont l’Institut National de la Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM).
INPES
L’INPES est un établissement public administratif composé de 146 personnes [22] créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé [23]. L’Institut est sous la tutelle du ministère de la santé.
Ses missions sont de:
• mettre en œuvre, pour le compte de l’État et de ses établissements publics, les programmes de santé publique ;
• exercer une fonction d’expertise et de conseil en matière de prévention et de promotion de la santé ;
• assurer le développement de l’éducation pour la santé sur l’ensemble du territoire ;
• participer, à la demande du ministre chargé de la santé, à la gestion des situations urgentes ou exceptionnelles ayant des conséquences sanitaires
collectives, notamment en participant à la diffusion de messages sanitaires en situation d’urgence ;
• établir les programmes de formation à l’éducation à la santé, selon des modalités définies par décret.
L’INPES est un expert des connaissances des comportements des Français. Il réalise des enquêtes et des études sur la santé des Français qui permettent de :
• disposer d’indicateurs quantifiés sur les attitudes, connaissances, opinions et comportements de la population dans les différents domaines étudiés ;
• disposer d’indications précieuses sur la modification des comportements et donc l’impact des politiques de santé publique au fil du temps ;
• de mieux comprendre les attentes de la population et des professionnels de santé ainsi que les freins à certaines pratiques.
Un des documents très attendu de l’INPES est la parution du Baromètre santé, le dernier est paru en 2010 [24]. Il permet de faire le point sur l’évolution des nombreuses thématiques. Les thèmes du baromètre santé 2010 sont :
• Signalétique, perceptions de santé ;
• Santé et travail, qualité de vie, Internet et santé ;
• Vaccination ;
• Virus respiratoires ;
• Poids et troubles des conduites alimentaires ;
• Tabac, alcool, drogues illicites ;
• Suicide et santé mentale ;
• Sexualité, contraception et IST ;
• Consommation de soins et de médicaments ;
• Événements de vie et violence ;
• Sommeil ;
• Jeu pathologique ;
• Maladies chroniques, handicaps ;
• Maladie d’Alzheimer ;
• Accidents.
L’étude concernant l’observation de la prévalence du tabagisme a été réalisée sur un échantillon important (27 658 personnes) et permet d’étudier ces évolutions sur l’ensemble de la population mais aussi sur des tranches d’âge particulières par rapport au dernier Baromètre Santé réalisé en 2005.
Le principal constat que l’on puisse tirer de ce Baromètre Santé 2010 est que le tabagisme est en augmentation en France par rapport à 2005 et en particularité chez les femmes. En effet, la part de fumeurs quotidien a augmenté de 2 points passant de 27,3% à 29,1% en 5 ans sur l’ensemble de la population de 15 – 75 ans (Figure 8)
L’augmentation de la prévalence du tabagisme quotidien chez les femmes se révèle assez importante car elle prend 3 points (de 23,3% à 26,1%) et est particulièrement importante pour les 45 – 54 ans (21,9% à 29,3%) (Figure 9). Par contre, chez les hommes, l’augmentation n’est pas significative comparativement à 2005.
Figure 8: Evolution de l’usage quotidien de tabac parmi les femmes (15 – 75 ans)[24]
Figure 9 : Evolution de l’usage quotidien de tabac parmi les hommes (15 – 75 ans)[24]
Il existe également le même type d’étude mais concernant la tranche d’âge des 15 – 30 ans : le baromètre santé jeunes 2010 [25]. Il a été réalisé sur un effectif de 6 004 personnes sur la France entière.
Les résultats montrent que, parmi les 15 – 75ans, les jeunes de 15 à 30 ans sont les plus nombreux à fumer soit 44% des fumeurs actuels (Figure 10).
Figure 10 : Statut tabagique selon l’âge parmi les 15 – 75 ans (en %)[25]
Au sein des 15 – 30 ans, les fumeurs occasionnels restent stables quelque soit la tranche d’âge tandis que le pourcentage de fumeurs réguliers croît avec l’âge (Figure 11).
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : Méthodologie générale de gestion de projet
La méthode A.P.P.R.E.T
1. Analyser
1.1. Analyse de la demande
1.2. Analyse du contexte
1.2.1. Le diagramme d’Ishikawa
1.3. Analyser les réponses préventives
2. Prioriser
2.1. Définir les priorités
2.2. Définir les objectifs
3. Planifier
3.1. Planifier les actions
3.2. Définir les moyens
3.2.1. Partenaires
3.2.2. Budget
4. Réaliser
4.1. Pilotage
4.2. Plan d’action
5. Evaluer
5.1. Caractéristiques de l’évaluation d’un projet
5.2. Différents niveaux d’évaluation
5.3. Critères et indicateurs d’évaluation
6. Transformer
6.1. Rédaction du rapport d’évaluation et de diffusion
6.2. Communication externe
Partie 2 : Application à un projet de prévention le sevrage tabagique
1. Etat des lieux
1.1. Epidémiologie
1.1.1. Au niveau international
1.1.1.1. Organisation Mondiale de la Santé
1.1.1.2. Commission Européenne
1.1.2. Au niveau national
1.1.2.1. INPES
1.1.2.2. InVS
1.1.2.3. INSERM
1.1.3. Au niveau régional
1.1.3.1 ORS Pays de la Loire
1.1.3.2. L’Agence Régionale de Santé Pays de la Loire
1.2. Mesures en faveur du sevrage tabagique
1.2.1. Au niveau national
1.2.2. Au niveau régional
2. Le projet
2.1. Description du projet
2.1.1. Origine
2.1.2. Naissance du projet
2.1.3. Présentation du projet
2.2. Objectifs
2.2.1. Objectif général
2.2.2. Objectifs stratégiques
2.2.3. Objectifs opérationnels
2.3. Arbre des objectifs
2.4. Population cible
2.5. Partenaires
2.5.1. L’Agence Régionale de Santé Pays de la Loire
2.5.1.1. Missions
2.5.1.2. Rôle dans le projet
2.5.2. Union Régionale des Professionnels de Santé pharmaciens
2.5.2.1. Présentation
2.5.2.2. Missions
2.5.2.3. Rôle dans le projet
2.5.3. Unité de coordination de tabacologie (UCT)
2.5.3.1. Présentation
2.5.3.2. Missions
2.5.3.3. Rôle dans le projet
2.5.4. Pharmaciens officinaux
2.5.4. Médecins
2.5.5. Instance Régionale d’Education et de Prévention de la Santé
2.5.5.1. Présentation
2.5.5.2. Missions
2.5.5.3. Rôle dans le projet
2.5.6. Service Universitaire de Médecine Préventive de la Santé
2.5.6.1. Présentation
2.5.6.2. Missions
2.5.6.3. Rôle dans le projet
2.5.7. Centre de Soins d’Accompagnements et de Prévention en Addictologie en ambulatoire
2.5.7.1. Présentation
2.5.7.2. Missions
2.5.7.3. Rôle dans le projet
2.5.8. Consultation Jeunes Consommateurs (CJC)
2.6. Pilotage
2.7. Plan d’action
2.7.1. Actions réalisées par l’URPS
2.7.2. Actions réalisées par Vincent Loubrieu
2.8. Budget
2.8.1. Budget lié à l’organisation du projet
2.8.2. Budget lié à la formation des pharmaciens
2.8.2.1. La formation ETP
2.8.2.2. La formation tabacologie
2.8.3. Budget lié à la rémunération des pharmaciens
3. L’évaluation
3.1. Evaluation du projet
3.1.1. Le site cdt.net
3.1.2. Evaluation des résultats
3.1.3. Evaluation du processus
3.1.3.1. Evaluation de la formation des pharmaciens
3.1.3.2. Evaluation des entretiens réalisés par les pharmaciens
3.2. Evaluation du budget
3.3. Rédaction du rapport d’évaluation et de diffusion
Conclusion
Annexes
Bibliographie
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