Apparition et définition des Etablissements Publics d’Aménagement
Un établissement public d’aménagement (EPA) est un établissement public à caractère industriel et commercial qui réalise des opérations d’aménagement pour le compte et sous l’autorité de l’Etat ou d’une collectivité territoriale. Selon Bernard Hirsh , « Un établissement public d’aménagement réunit les avantages du service public et la souplesse de fonctionnement de l’entreprise privée. Cet organisme, sans but lucratif, sera chargé d’aménager la ville, mais il n’aura ni le pouvoir communal, ni la liberté d’un promoteur. Son rôle sera d’étudier les plans d’aménagement, d’acquérir les sols, de les équiper en construisant les routes, les égouts, en aménageant les parcs et les jardins et de revendre les terrains à des constructeurs qui, en respectant des directives précises, seront chargés d’édifier les logements, les usines, les magasins, les bureaux ».
D’un aménagement régalien des villes nouvelles à un aménagement plus souple des villes contemporaines
En 1945, la France devient de plus en plus urbaine du fait de l’exode rural. JeanFrançois Gravier exprime et décrit ce mouvement de population dans le livre qu’il a écrit. C’est dans ce contexte que le général De Gaulle confie à Delouvrier la mission de rééquilibrer le territoire national en s’appuyant sur l’aménagement du territoire et particulièrement sur la création de villes nouvelles à proximité de Paris. C’est à Racine qu’a été confié le même travail mais dans la région Languedoc Roussillon. Les premiers Etablissements Publics d’Aménagement ont, ainsi, été créés en 1965 pour organiser les villes nouvelles et répondre aux enjeux du Schéma Directeur de Paris où est stipulé : « faire la ville en dehors de la ville ». Au sein de ces structures, l’Etat est omniprésent puisqu’il effectue une prise en charge à la fois stratégique et politique des territoires. Les communes n’ont pas pu s’opposer à cette forte intervention de l’Etat puisqu’elles n’avaient ni les compétences financières ni techniques pour conduire un tel projet. La loi Boscher du 10 juillet 1970, à la base de la création des syndicats communautaires d’agglomération, posait le partage des finances et des compétences entre les communes originelles et les institutions de la ville nouvelle. Ainsi, on passe d’une gestion basée sur l’investissement à une gestion basée sur les questions du quotidien où, dorénavant, la ville avec ses habitants est prise en compte. C’est la Datar, créée en 1963, qui gère les Etablissements Publics d’Aménagement. En effet, sa mission est de lutter contre les déséquilibres nationaux dans la répartition des populations et des activités économiques. En créant des Etablissements Publics d’Aménagement, l’Etat souhaite conduire un projet extraordinaire sur un territoire banal, en bouleversant complètement la logique locale. Ainsi, il y a un décalage total entre ce qui existe sur le territoire et ce que les techniciens vont en faire. Selon Marc Sauvez qui a effectué la mission de préfiguration de l’EPASE, un Etablissement Public d’Aménagement est un « monstre juridique avec un montage conventionnel extraordinaire ». Les Etablissements Publics d’Aménagement répondent à un principe inégalitaire reposant sur l’équité. En effet, c’est à l’échelon national que va être décidé de façon arbitraire si un territoire peut faire l’objet ou non d’exception et donc être traité de façon extraordinaire sans appliquer le droit commun. Les Etablissements Publics d’Aménagement ont évolué depuis les années 2000 : on est passé d’un Etat régalien qui décidait tout à un Etat plus souple, partenaire de l’échelle locale. Selon l’article L321-14 du code de l’urbanisme, « l’Etat peut créer des Etablissements Publics d’Aménagement ayant pour objet de favoriser l’aménagement et le développement durable des territoires présentant un caractère d’intérêt national ». Nous allons par la suite définir ce que signifie « présentant un caractère d’intérêt national » à travers la notion d’Opération d’Intérêt National afin de connaître le champ d’action des EPA.
L’action de l’Etablissement Public d’Aménagement sur le périmètre d’une Opération d’Intérêt National
Les règles spécifiques aux Opérations d’Intérêt National
Une opération d’intérêt national (OIN) est une opération d’urbanisme à laquelle s’applique un régime juridique particulier en raison de son intérêt majeur et de sa vocation stratégique. De ce fait, un périmètre délimite les zones sur lesquelles doivent être envisagées des opérations d’aménagement prioritaires. C’est l’État avec l’avis de la commune concernée qui délivre les autorisations d’occupation des sols et en particulier les permis de construire sur ces périmètres.
La décentralisation à l’origine de l’apparition de la notion
La notion d’Opération d’Intérêt National a été introduite suite aux lois de décentralisation du 7 janvier 1983 qui ont transféré la compétence de l’aménagement du territoire aux communes. En effet, créer ce type d’opération permet à l’État de jouer à nouveau un rôle concernant la prise de décisions en matière d’urbanisme mais uniquement à l’intérieur du périmètre d’Opération d’Intérêt National. Les premières opérations de ce type furent créées par le décret du 30 décembre 1983 qui a ensuite été complété en 1986, 1995 et en 2000. Il y a, actuellement en France, 15 périmètres d’Opérations d’Intérêt National.
Opération d’Intérêt National et Etablissement Public d’Aménagement
Il est nécessaire de souligner qu’un Etablissement Public d’Aménagement agit sur le périmètre d’une Opération d’Intérêt National. En effet, il faut d’abord que l’opération d’aménagement soit classée Opération d’Intérêt National pour qu’un Etablissement Public d’Aménagement qui va gérer ce projet soit créé. Certes, il existe des Opérations d’Intérêt National sans Etablissement Public d’Aménagement (les aéroports franciliens), il existe aussi des Etablissements Publics d’Aménagement agissant hors d’opérations d’intérêt national (EPA de la Plaine de France et EPA de la Défense), mais cela reste des exceptions.
Un Etablissement Public d’Aménagement vu par la loi
Un Etablissement Public d’Aménagement sous le contrôle de l’Etat
Placé sous la tutelle du Ministère de l’Aménagement du Territoire, un Etablissement Public d’Aménagement est chargé de mettre en œuvre les opérations de nature à favoriser l’aménagement, le renouvellement urbain, le développement économique et durable des espaces au sein d’un périmètre Opération d’Intérêt National. L’Etat peut créer ou supprimer un Etablissement Public d’Aménagement par décret en Conseil d’État.
L’Etablissement Public d’Aménagement doit tenir, à la fois, compte des objectifs définis par l’Etat mais aussi des documents d’urbanisme qui représentent la traduction de la volonté locale. Dans le cas où le projet énoncé par l’Etat ne correspond pas à la volonté des représentants locaux, c’est l’Etat qui tranche au niveau des décisions. L’Etat possède donc un rôle décisionnel supérieur à l’échelle territoriale. Aussi, le conseil d’administration est composé à la fois de membres appartenant à l’Etat et aux institutions locales. La répartition des sièges est significative au regard de la place qu’occupent les acteurs locaux au sein de l’EPA puisque la règle à respecter est qu’il doit au moins y avoir un nombre égal de personnes appartenant au local que de personnes appartenant à l’Etat ; ainsi les représentants locaux peuvent donc être plus nombreux et avoir plus de poids décisionnel au sein du conseil d’administration. Malgré la participation des membres de l’Etat au conseil d’administration, l’Etat exerce aussi un contrôle de légalité concernant les décisions prises par l’EPA : il a donc deux échelles de contrôle. Le directeur général appartient à l’Etat et est nommé par arrêté du ministre en charge de l’aménagement du territoire, après avis du président de l’EPA. Ensuite, le conseil d’administration élit un président et un ou plusieurs vice-présidents. Les articles juridiques définissant un Etablissement Public d’Aménagement sont situés en Annexe 2. Il est important de noter qu’un Etablissement Public d’Aménagement est une structure particulière qui doit être différenciée d’un service déconcentré de l’Etat. En ce sens, un Etablissement Public d’Aménagement ne doit en aucun cas être assimilé à l’Etat mais plutôt comme une interface entre l’échelle nationale et l’échelle locale où va se développer un partenariat. Contrairement aux premiers Etablissements Publics d’Aménagement mis en place pour gouverner les villes nouvelles, l’Etat n’est pas plus régalien ni tout puissant dans ce type de structure. Selon Géraud Bonhomme, « l’EPA s’occupe d’aménager le périmètre OIN avec le partenariat de l’échelle locale qui est la garante des équilibres sociologiques et politiques ».
Quelques exemples d’Etablissements Publics d’Aménagement existants
Il existe plusieurs types d’Etablissements Publics d’Aménagement pour la réalisation d’opérations localisées :
➤ à l’échelle de quartiers : les EPA de La Défense, de La Villette…
➤ à l’échelle de bassins de vie : les EPA de Marne-la-Vallée, de la Plaine de France…
➤ à l’échelle des agglomérations : EPA de Saint-Etienne, EPA BordeauxEuratlantique, Euroméditerranée
➤ à l’échelle régionale : EPA de la Métropole Lorraine, du Nord-Pas-de-Calais, de la Provence Côte d’Azur…
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Table des matières
Introduction
Méthode de recherche adoptée
Partie 1 Des Etablissements Publics d’Aménagement créés pour aménager et équiper les villes
1. Apparition et définition des Etablissements Publics d’Aménagement
11. D’un aménagement régalien des villes nouvelles à un aménagement plus souple des villes contemporaines
12. L’action de l’Etablissement Public d’Aménagement sur le périmètre d’une Opération d’Intérêt National
2. L’Etablissement Public d’Aménagement de Saint-Etienne mis en place afin de mettre en valeur les atouts de la ville
21. La ville de Saint-Etienne marquée par un lourd passé
22. Historique de la création de l’EPASE
23. L’intervention de l’EPASE sur des secteurs spécifiques
3. L’Etablissement Public d’Aménagement Bordeaux-Euratlantique pour faire de Bordeaux une véritable métropole européenne
31. Une ville dynamique et attractive
32. L’EPABE pour tirer profit de l’arrivée de la Ligne Grande Vitesse
33. Plusieurs périmètres d’actions avec des enjeux communs pour l’EPABE
4. L’EPASE et l’EPABE : deux structures différentes ?
41. Des divergences claires entre les deux Etablissements Publics d’Aménagement
42. … mais des similarités observées
Partie 2 Comment s’organise la gouvernance de l’EPASE et de l’EPABE
1. Le local est-il autonome dans la prise de décision en ce qui concerne l’aménagement urbain ?
11. L’autonomie de l’aménagement des villes : conséquence de la décentralisation
12. Mais une volonté locale de faire intervenir l’Etat sur son territoire
2. Le pilotage des programmes et des projets au sein des Etablissements Publics d’Aménagement
21. L’équipe technique : le personnel de la fonction publique d’Etat
22. Le conseil d’administration des Etablissements Publics d’Aménagement
23. Un partenariat entre l’équipe politique et technique des Etablissements Publics d’Aménagement
24. Une concertation très développée pour impliquer les habitants
3. Les moyens engagés pour aménager Saint-Etienne et Bordeaux
31. Des financements provenant de différentes instances
32. Les procédures de mise en concurrence de l’aménagement des secteurs stratégiques
33. Développer l’économie en attirant l’investissement privé
Partie 3 Quelle place possède l’Etat dans son intervention au sein de l’EPASE et de l’EPABE ?
1. Qui a le plus de poids dans la décision ?
11. Le poids des acteurs au sein du conseil d’administration
12. Un degré de contrôle de l’Etat contrasté
13. Des enjeux plus ou moins communs entre les deux échelles
14. Bilan
15. Les Etablissements Publics d’Aménagement ne produisent-ils pas le même type de ville ?
2. Les difficultés rencontrées dans l’élaboration du travail de recherche
21. La recherche d’informations
22. L’utilisation des sources
23. L’analyse des informations
24. Les acteurs rencontrés
Conclusion
Bibliographie
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