Apparences critiques et approches perspectives de la socialisation de l’usager au sein du CNF

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Origines du concept de socialisation

La socialisation est un concept très vaste dont il est difficile de cerner les contours. Pour étudier la socialisation, il est nécessaire de choisir « un angle d’attaque ». Ce choix ne peut s’effectuer sans une analyse préalable des travaux déjà réalisés. Pour comprendre les différents courants de recherche sur la socialisation, il est nécessaire de revenir aux origines.
On peut considérer que l’étude de la socialisation commence à la fin du XIXe siècle, lorsque le besoin de mieux connaître les faits sociaux apparaît. La socialisation n’appartient pas à une discipline particulière, même s’il est communément accepté que ses origines soient à rechercher dans le champ de la sociologie, de la psychologie et de la psychologie sociale. Ce que l’on peut affirmer, c’est que la socialisation est un concept fondamental pour les sciences sociales.
Dans un premier temps, le phénomène est considéré comme un processus global qui agit sur l’ensemble d’une société humaine. La socialisation correspond alors au processus d’acquisition par lequel les individus apprennent les connaissances, les compétences et les dispositions qui font d’eux des membres plus ou moins efficaces d’un groupe social (Brim, 1966). C’est également un processus de transmission des rôles, des comportements, des valeurs et des attitudes appropriés dans un groupe social (Bush et Simmons, 1990). La socialisation permet d’une part à l’individu de s’intégrer dans la société et d’autre part, à la culture de se transmettre. La socialisation se produit donc par un double mouvement de transmission et d’acquisition.
Certains adoptent un point de vue « idyllique » en considérant que la socialisation est bénéfique à la fois à l’individu et à la société. Les individus profitent des avantages de la vie sociale et la société maintient sa culture et sa cohésion en intégrant les nouvelles générations. Il est rare que ; dans une société, tous les individus soient bien socialisés mais il suffit qu’ils soient en nombre suffisant pour que la structures sociales fonctionnent. La socialisation n’est jamais totale et laisse certains individus de côté. Ainsi, d’autres adoptent un point de vue plus critique et voient dans la socialisation, une moyen par lequel le groupe accroît son contrôle sur l’individu (Neugarten et Datana, 1973 ; Bowles et Gintis, 1976). La société contraint l’individu à se comporter selon ses normes et limite la liberté individuelle. Ceux qui refusent cette privation de liberté relative sont refoulés à la marge de la société.
Le concept de socialisation se retrouve, d’une façon ou d’une autre, au cœur des problématiques des différentes sciences sociales et a été abordé de diverses manières par les fondateurs des sciences sociales. Auguste Comte9 (1798-1857), Emile Durkheim (1858-1947), Karl Marx10 (1818-1883), Max Weber11 (1864-1920), Ferdinand Tonnies12 (1855- 1936), Sigmund Freud13 (1856-1936) se sont tous intéressés au processus de socialisation de l’homme dans son milieu social. Selon les traditions des différentes sciences sociales, c’est tantôt la transmission des valeurs, des règles, des comportements et d’attitudes par le groupe social tantôt l’acquisition de ces éléments de la culture par l’individu qui est étudiée. Ainsi, les différents champs de littérature sur la socialisation peuvent être distingués en fonction de leur positionnement par rapport à la dialectique individu/société.

Interactionnisme symbolique

Le terme d’interaction symbolique est employé pour la première fois par H. Blumer (1901-1987) dans les années 1930. L’interactionnisme symbolique prolonge les travaux de l’Ecole de Chicago, en particulier les travaux de G. H. Mead sur la socialisation.
Mead s’intéresse à la construction du moi et pour cela, réduit toute la réalité sociale aux communications individuelles. Il développe ce point de vue en observant les fonctions du langage dans les jeux des enfants. Selon Mead (1934), « le fait premier est l’acte social qui implique l’interaction de différents organismes, c’est-à-dire l’adaptation réciproque de leurs conduites dans l’élaboration du processus social ». Le moi se construit dans l’interaction sociale qui se traduit par des conversations utilisant des symboles. Les individus se répondent d’abord par le geste, symbolique au départ, transformé ensuite en langage. Lors de sa socialisation, le jeune enfant recrée les gestes de ses « autrui significatifs », et en particulier ceux de sa mère. L’enfant se socialise en jouant le rôle des autres et en intériorisant leurs attitudes. C’est ainsi que s’opère la distinction entre le « Je » et le « Moi ». Le « Je » est la partie spontanée que l’individu expose au monde alors que le « Moi »correspond à l’image que l’individu se fait de lui-même. Pour Mead, ce qui se produit dans le jeu n’est que l’illustration de ce qui se passe dans la vie courante. Cette théorisation permet à Mead de « développer une analyse minutieuse de la socialisation comme construction progressive de la communication du Soi comme membre d’une communauté, participant activement à son existence et donc à son changement », (Dubar, 2000). Le « moi » évolue en effet en fonction des nouveaux rôles pris par l’individu. Ainsi, il est entendu, dans la théorie de Mead, que l’identité évolue en fonction des rôles et des interactions sociales de l’individu. Parallèlement, les individus créent la société en se socialisant.
Pour l’interactionnisme symbolique, il existe bien un ordre culturel normatif, mais celui-ci est intériorisé par les individus dans un processus d’interaction qui les conduit à construire leur identité. L’interactionnisme symbolique refuse une conception hypersocialisée de l’homme et insiste sur l’autonomie dont dispose les individus. La société est donc envisagée comme un ordre interactionnel. «L’interaction est définie comme un ordre négocié, temporaire, fragile, qui doit être reconstruit en permanence afin d’interpréter le monde » (A. Coulon).
C’est à travers ces interactions symboliques que les individus contribuent à définir les situations dans lesquelles ils sont engagés. Par exemple, la théorie de l’etiquetage15, permet de comprendre comment la déviance est le résultat d’une construction sociale (H. Becker).
E. Goffman (1922-1982) a mis l’accent sur les interactions dans la vie quotidienne et sur la façon dont les individus mettent en scène leur vie en étant particulièrement attentifs à l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes et en s’efforçant de ne pas perdre la face et de ne pas la faire perdre à autrui.

Groupe de référence et socialisation anticipatrice

K. Merton (1949) tente de concilier les positions antagonistes de deux sociologues américains influents à l’époque où il commence sa carrière : d’un côté, Paul Lazarsfeld et la sociologie empirique, de l’autre côté, Parsons, tenant d’une sociologie théorique. Merton refuse une théorie générale de la socialisation et préconise un fonctionnalisme heuristique.
15 Selon H.Becker, la déviance n’est pas le produit objectif d’un dysfonctionnement mais la qualification d’un individu par un groupe social : « le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès, le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette ».
Prenant le contre-pied de Parsons, Merton (1950) nuance l’influence des parents dans le processus de socialisation. Il explique qu’il existe plusieurs modes d’intégration sociale qui ne sauraient se résumer à la production du modèle parental : le conformisme où l’individu se soumet aux attentes du groupe ; l’innovation où l’individu accepte les normes sociales mais cherche d’autres façon d’agir ou de penser ; le ritualisme où l’individu reste figé dans un mode de comportement donné ; l’évasion où l’individu se marginalise ; la rébellion où l’individu conteste et combat les normes établies.
Partant de ce constat, Merton s’interroge sur les raisons qui poussent certains individus à se définir par rapport à un groupe social qui n’est pas leur groupe de référence. Une esquisse de réponse est apportée par l’auteur à l’aide de son concept de socialisation anticipatrice – un mécanisme par lequel la société transmet ses normes, ses valeurs et ses croyances à ses membres.16- Il s’agit du processus par lequel un individu apprend et intériorise les valeurs d’un groupe auquel il désire appartenir (groupe de référence). Cette socialisation l’aide finalement « à se hisser dans ce groupe » et devrait faciliter son adaptation au sein du groupe. Cette notion de socialisation adaptatrice est appliquée par Merton à des adultes et non à des enfants. Il s’agit d’apprendre, par avance, les normes et valeurs et modèles d’un groupe auquel on n’appartient pas.
Cette notion est également et logiquement reliée à celle de « groupe de référence » et de frustration relative c’est parce qu’il se compare aux membres d’un groupe que l’individu se sent frustré par rapport à eux et qu’il se met vouloir leur ressembler pour parvenir à se faire connaître comme « membre ».
Au final, cette partie n’est qu’une présentation générale de notre thème, elle avait pour visé d’expliquer mot par mot le thème sur la socialisation de l’usager/du client ainsi que les concepts qui vont avec. Les approches théoriques, des lunettes qui vont nous permettre de voir plus clairement le fait de socialisation de l’usager. Et sans oublier, la méthodologie qui ne se sépare jamais d’une recherche dite scientifique et la présentation du terrain qui ont été faites précédemment afin que nous ayons une meilleure appréciation des choses.

Indicateur de la socialisation

Reprenons la définition de la socialisation afin que nous puissions déterminer les indicateurs sur la socialisation. « La socialisation est un processus par lequel les individus apprennent et intériorisent les façons d’agir et de penser des groupes sociaux auxquels ils appartiennent »21.
Selon cette définition, l’individu doit intérioriser les normes et les valeurs du groupe pour qu’il puisse devenir membre de ce groupe. Ce qui implique le respect des règlements.

La coproduction du service par le client

Pour obtenir un service, le client doit participer à sa production. Pour avoir une connexion sur internet, le client doit se trouver là, il est lui-même l’objet qui fait marcher la connexion. Eiglier et Langeard (1994) nomment la production du service, la « servuction ».
La coproduction du service par le client est une distinction essentielle entre un service et un produit manufacturé.
Certains services, comme le CNF ou la grande distribution, exigent une grande participation du client (s’informer, choisir et collecter les produits, recherche des données nécessaires…). Lorsque le client participe beaucoup à la production du service, il est important qu’il puisse trouver dans le centre de recherche comme le CNF, l’accompagnement dont il a besoin. Le degré de servuction, qui a souvent une contrepartie dans le prix du service, est en effet un des éléments du choix du client.
Dans la coproduction du service, le client apprend et maîtrise son rôle à la relation de service. Telle est la définition de la socialisation, une fois le client coproduit le service, un certain apprentissage doit se faire et cette fois-ci, c’est le client lui-même qui va s’ajuster au service. Il ne va pas tout de même demander de l’information tout le temps au responsable mais c’est à lui de se débrouiller pour accomplir sa tâche. Comme les personnels de l’organisation, le client a un rôle spécifique dans la production du service.
L’accomplissement de la tâche se fait en premier lieu avec l’aide du personnel de l’organisation. Des renseignements, considérés comme une sorte de formation sont fournis au client avant son intégration et c’est seulement qu’après cela qu’il peut accomplir sa tâche et maîtriser son rôle.

L’organisation et ses procédures de socialisation

Une grande partie de la socialisation du client est réalisée par l’organisation et la plupart du temps, elle se fait durant l’intégration de l’individu dans le groupe. En effet, l’organisation est la première responsable de l’intégration d’un client dans un service. Avec les informations et les renseignements donnés, les clients peuvent intégrer facilement le groupe dont il voudra faire partie ou se référer. L’organisation est donc l’acteur principal dans cette socialisation, par conséquent, elle joue un rôle fondamental dans l’intégration du client.
Dans son étude sur l’organisation, Parsons (1902-1972 affirme que les organisations produisent la structure en assurant les fonctions suivantes :
– Une fonction de reproduction des normes et valeurs fixant les orientations de l’organisation et de ses individus qui rendent nécessaire l’adéquation entre les buts de l’organisation et les normes et valeurs de la société. Avec cette fonction, l’organisation informe les clients des normes et valeurs de l’entreprise. Autrement dit, le client doit respecter ses normes et valeurs s’il veut intégrer le service. Une première étape dont le client doit franchir pour être membre de l’organisation .
– Une fonction d’adaptation qui rassemble les ressources (ressources naturelles, intellectuelles, physiques, budgétaires, etc.) indispensables à la réalisation des buts poursuivis .
– Une fonction d’exécution qui consiste en la gestion des ressources de l’organisation .
– Une fonction d’intégration qui a pour but la recherche de consensus au sein de l’organisation.
Parmi ces fonctions citées par Parsons, c’est la première qui contribue énormément à la SOC. Les clients ne participent pas à l’élaboration des normes et valeurs de l’entreprise, ils ne font que les respecter. Mais comme ils sont des acteurs externes, ils participent à la production du service. De ce fait, l’organisation doit tenir ses fonctions pour régir les activités de l’entreprise mais aussi celle de la vie en communauté.
De cette coproduction, le client prend en charge total le travail mais il doit se soumettre à certaines règles et procédures dans leurs demandes s’il veut obtenir satisfaction.
Le CNF est l’exemple le plus éloquent d’une entreprise qui a su faire travailler ses clients en leur confiant la totalité des tâches à effectuer, sans qu’ils s’en aperçoivent (le client va effectuer lui-même les recherches des documents dont ils ont besoins sur le net c’est-à-dire qu’il fournit lui-même le produit).
En fait, les entreprises de service d’aujourd’hui définissent le client comme un partenaire qui participe au processus de production. Spontanément la plupart des clients semblent s’y soumettre et s’autoformer aux étapes à suivre dans la production du service.
Selon ce contexte, les clients sont en quelque sorte des employés de l’entreprise mais ne s’y prennent pas de la même façon pour apprendre et s’intégrer. Etant donné qu’au CNF, les clients se répartissent selon leur niveau d’étude (1er cycle, 2nd cycle, 3eme cycle) les procédures de socialisation ne sont pas les mêmes. Certains apprennent beaucoup par la pratique et investissent intensément dans des bonnes relations avec les autres membres, c’est le cas des étudiants du premier cycle alors que d’autres ceux du troisième cycle « auto-managent » et essaient d’apprendre tout seul.
Pour identifier les procédures de socialisation, nous utiliserons le modèle à six dimensions de Van Maanen et Shein 1977). Mais auparavant, rappelons tout d’abord ces six dimensions. Ces procédures ont été décelées par Van Maanen et Shein lorsqu’ils ont étudié l’entrée des nouveaux recrues dans une organisation.

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Table des matières

PARTIE I : LE CAMPUS NUMERIQUE FRANCOPHONE ET LA SOCIALISATION
Chapitre 1 : Présentation du Campus Numérique Francophone
1.1 L’AUF
1.2 Le CNF
Chapitre 2 : Concepts et théories sur la socialisation
2.1 Généralité sur la socialisation de l’usager
2.1.1 Origines du concept de socialisation
2.1.2 Qu’est ce que l’organisation
2.1.3 Socialisation organisationnelle
2.1.4 Les services
2.2 Cadre théorique
2.2.1 Interactionnisme symbolique
2.2.2 Groupe de référence et socialisation anticipatrice
PARTIE II : PROCESSUS DE SOCIALISATION DU CLIENT AU SEIN DU CAMPUS NUMERIQUE FRANCOPHONE
Chapitre 3 : Typologies des variables étudiées
3.1 Effectif par cycle et sexe
3.2 Durée de fréquentation des enquêtés au CNF
3.3 Variable caractéristique de la socialisation
3.4 Indicateur de la socialisation
Chapitre 4 : Socialisation de l’usager dans le service
4.1 L’intégration
4.2 La coproduction du service par le client
4-3 Le transfert de savoir [76]
Chapitre 5: Le client et Les agents socialisateurs dans les activités de service 
5-1 L’organisation et ses procédures de socialisation
5-2 Les autres membres
Partie III : APPORTS ET APPROCHES PROSPECTIVES
Chapitre 6 : Socialisation, une construction de l’identité et un développement personnel
6-1 La socialisation comme construction de l’identité
6-2 Le développement personnel
6-3 La socialisation de l’usager dans le développement personnel
Chapitre 7: Socialisation et fidélisation de l’usager
7-1 La fidélisation de l’usager
7-2 Client satisfait, client fidèle
7-2-1Satisfaction de la clientèle au niveau de la qualité
7-2-2 Satisfaction au niveau prix
7-3 Socialisation, une manière de fidélisation
7-3-1 Création d’un courant avec les clients
7-3-2 Connaissance des clients
Chapitre 8 : Apparences critiques et approches perspectives de la socialisation de l’usager au sein du CNF
8-1 Les apparences critiques
8-1-1 Le rôle du personnel dans la socialisation de l’usager/client
8-1-2 Apparence critique du concept socialisation de l’usager/client
8-2 Approches prospectives
8-2-1 Renforcement des processus de la socialisation
8-2-2 Le temps dans la mesure de la socialisation
8-2-3 La socialisation : un processus discontinu
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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