Aperçu historique de la sociolinguistique
Avant d’aborder les principaux travaux ayant marqué la genèse de la sociolinguistique nous allons faire un bref historique, aborder sa définition et étudier son essor puisqu’il s’agit du domaine dans lequel notre recherche s’inscrit. La linguistique moderne a vu le jour avec F. de Saussure. En élaborant la première théorie de la langue, il a fondé le courant structuraliste. La linguistique structuraliste a pour objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même. Selon Saussure « la langue n’est une fonction du sujet parlant, elle est le produit que l’individu enregistre passivement » (P30), « elle est la partie sociale du langage, extérieure à l’individu par son pouvoir coercitif : elle est le produit que l’individu enregistre passivement » (p30), « et il ne peut à lui seul ni la créer ni la modifier » 5(p31) Il est certes indéniable que le Cours de linguistique générale a constitué un tournant en linguistique (l’appellation générique est désormais «sciences du langage»). Ce cours, publié par les disciples de F. de Saussure en 1916, a jeté les bases d’une analyse rigoureuse du langage et des langues. Plusieurs linguistes tels que Bloomfield, Hjelmslev et Chomsky ont continué dans la lignée de Saussure.
Tous ont considéré la langue comme un système d’éléments et de relations entre ceux-ci. Mais les langues ne peuvent exister sans les personnes qui les parlent. Actuellement, étudier une langue ne se résume plus à étudier les règles de la grammaire qui la régie, mais il faut également étudier son fonctionnement dans des situations de communication concrètes. C’est dans les années 60 qu’émerge la sociolinguistique à l’époque de la crise de la linguistique structuraliste. Epuisée par son approche purement descriptive, les langues qui étaient perçues comme des systèmes autonomes vont de plus en plus être perçues comme des systèmes fluides et variables, ceci va situer la langue dans un contexte plus large et implique l’étude des liens qui existent entre la langue, la société, la culture et le comportement. Ce que confirme MARCELLESI J.B : «Une langue n’existe que parce que les locuteurs intériorisent son existence via des/leurs pratiques linguistiques tant représentées qu’effectives ; effectivement, deux systèmes linguistiques identiques sont des langues différentes si leurs locuteurs respectifs les construisent ainsi. Le concept même de « frontière linguistique » n’échappe pas à cette détermination»6
L’une des façons de formuler la distinction entre linguistique et sociolinguistique est d’opposer les deux descriptions : le linguiste qui observe et décrit la langue, se pose essentiellement la question de savoir comment ça marche, tandis que le sociolinguiste, tout en se posant cette question (ce qui signifie qu’être sociolinguiste implique des compétences quant aux outils descriptifs des formes) doit compléter son questionnement :pourquoi ça marche comme cela (ce qui signifie qu’être sociolinguiste suppose des connaissances théoriques et méthodologiques en plus et hors du seul champ linguistique). On pourrait convenir que la sociolinguistique est née à partir du moment où on ne voulait pas considérer la parole comme un objet d’étude à part entière. Les travaux de Labov (1976) ont fait apparaitre la nécessité de considérer d’abord l’existence des productions langagières et non pas se plonger directement dans des considérations purement abstraites7. La sociolinguistique se propose donc de partir de la parole, c’est-à-dire du sujet parlant. Ce dernier est alors renvoyé dans un contexte social, celui dans lequel il vit et parle. La linguistique est alors considérée comme une science de laboratoire, qui ne fait appel qu’à des locuteurs idéaux qui répondent à la norme linguistique, tandis que la sociolinguistique se doit d’être une linguistique de terrain.
Contact de langues et ses phénomènes
En Algérie, et comme dans presque toutes les sociétés, coexistent plusieurs langues. C’est ce que Bernard Poche appelle : « le contact de deux intelligibilités du monde de deux processus de connaissance ». POCHE.B ajoute qu’ « un modèle sociolinguistique du contact de langues : les coupures du sens social »13 Pour parler du contact des langues et des phénomènes qui en résultent, nous devons, tout d’abord donner une définition globalisante. Le contact des langues :« est la situation humaine dans laquelle un individu ou un groupe sont conduit à utiliser deux ou plusieurs langues, le contact de langue est donc l’événement concret qui provoque le bilinguisme ou en pose les problèmes, le contact de langues peut avoir des raisons géographiques : aux limites de deux communautés linguistiques, les individus peuvent être amenés à circuler et à employer ainsi tantôt leur langue maternelle, tantôt celle de la communauté voisine. C’est là, notamment, le contact de langue des pays frontalier … Mais il y a aussi contact de langues quand un individu, se déplaçant, par exemple, pour des raisons professionnelles, est amené à utiliser à certains moments une autre langue que la sienne. D’une manière générale, les difficultés nées de la coexistence dans une région donnée (ou chez un individu) de deux ou plusieurs langues se résolvent par commutation ou usage alterné, la substitution ou utilisation exclusive de l’une des langues après élimination de l’autre ou par amalgame, c’est-à-dire l’introduction dans des langues de traits appartenant à l’autre… »14 Les recherches dans le domaine du contact des langues sont faites tant au niveau macrosociolinguistique qu’au niveau micro-sociolinguistique. La première étape consiste à décrire la situation sociolinguistique globale qui caractérise les lieux où se dérouleront les études.
Pour ce faire, cette étape se base sur des questionnaires de type sociolinguistique qui permettent, par le biais des pratiques déclarées des locuteurs, de déterminer les rôles et fonctions des langues en présence dans des domaines divers. Ayant ainsi identifié la situation sociolinguistique, il convient alors, dans un second temps, d’engager un travail de description des pratiques observables dans ses différents domaines. Ces données permettent ensuite l’observation du parler bilingue, ainsi que des changements linguistiques éventuels tant au niveau des langues premières que des langues secondaires des locuteurs concernés. Par ailleurs, il est nécessaire, avant d’entamer l’étude des différents phénomènes résultant du contact des langues, de cerner les notions de bilinguisme et de plurilinguisme qui amènent souvent les locuteurs à l’alternance codique (AC), mélange codique (code mixing) et autre phénomènes résultants de ce contact des langues. Notre réflexion se porte sur la situation sociolinguistique en Algérie, dans laquelle on retrouve plusieurs langues. Khaoula TALEB-IBRAHIMI Souligne que :« Les locuteurs algériens vivent et évoluent dans une société multilingue où les langues parlées, écrites, utilisées, en l’occurrence l’arabe dialectal, le berbère, l’arabe standard et le français, vivent une cohabitation difficile marquée par le Rapport de compétition et de conflit qui lie les deux normes dominantes (l’une par la constitutionalité de son statut de langue officielle, l’autre étrangère mais légitimée par sa prééminence dans la vie économique) d’une part, et d’autre part la constante et têtue stigmatisation des parlers populaires.»
Bilinguisme/Plurilinguisme
Le bilinguisme est un cas de plurilinguisme. D’une manière générale, on peut dire que le bilinguisme est l’aptitude ou l’habilité d’un individu ou d’un groupe à utiliser deux langues différentes, dans le but de communiquer. Dans le dictionnaire de Linguistique et des sciences du langage, on donne en premier la définition suivante « le bilinguisme est la situation linguistique dans laquelle les sujets parlants sont conduits à utiliser alternativement, selon les milieux et les situations deux langues différentes »16 On comprend donc, à partir de cette définition, que la société algérienne est plurilingue, vu les différentes langues qui sont en contact permanent. Nous constatons aussi que le bilinguisme (arabe- français) dans notre pays est un bilinguisme imposé par l’Histoire ; C’est le produit de la colonisation. Quant au bilinguisme institutionnalisé dans le système éducatif, il est notamment caractérisé depuis l’indépendance par une dominance de l’arabe dans tous les domaines et l’emploi du français dans le domaine technique et scientifique.
Malgré cette inégalité voulue par l’état, nous ne pouvons pas nier que la langue française a tout le temps laissé son empreinte dans les pratiques langagières. Elle demeure, par excellence, la langue favorite des algériens et ceci se manifeste nettement dans le phénomène de contact de langue, comme l’alternance des codes. Nous pouvons trouver à la fois le concept de bilinguisme et celui de plurilinguisme, dans les différentes situations de communications élaborées par le sujet parlant, à ce propos, C.BAYLON souligne que : « Pour désigner que l’individu ou le groupe qui utilisent deux ou plusieurs langues sont ceux de bilingue et de bilinguisme, terme qui tendent à être supplantés par les termes plus généraux de plurilingue et de plurilinguisme.»17 En effet, l’Algérie, comme nous l’avons d’ores et déjà soulignée, est un pays marqué par le plurilinguisme et le bilinguisme.
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Table des matières
Introduction
1. Présentation du sujet
2. Intérêt et motivation du choix du sujet
3. Problématique
4. Hypothèses
5. Démarche méthodologique et corpus
Chapitre I : Cadre conceptuel de la recherche
Introduction partielle
1. Aperçu historique de la sociolinguistique
2. Contact de langues et ses phénomènes
Section I :
1. Présentation de la Situation sociolinguistique de l’Algérie
2. Présentation de la situation économique et géopolitique
Section II :
1. Présentation de la Situation sociolinguistique du Niger
2. Mouvement des populations subsahariennes vers l’Algérie en particulier à Bejaia
3. Interaction entre milieu linguistique et productions discursives
Conclusion du premier chapitre
Chapitre II : Analyse des données
Introduction partielle
Section I : Plan d’échantillonnage
1 .Présentation des informateurs
2 .Identification des informateurs
Synthèse de la première section
Section II: analyse sociolinguistique des données
Dépouillement et analyse des résultats des questionnaires
Synthèse deuxième section
Section III: Etude lexico-sémantique
1. Le vocabulaire utilisé pour l’aspect religieux
2. Le vocabulaire utilisé pour l’aspect économique
3. Le vocabulaire lié aux sentiments
Synthèse troisième section
4. Représentation sémantique du vocabulaire de nos informateurs
Synthèse troisième section
Conclusion partielle
Conclusion générale
Références bibliographique
Table des matières
Annexes
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