Antibiothérapie probabiliste prescrite aux urgences

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Écologie bactérienne des infections urinaires

E. coli est l’espèce bactérienne retrouvée dans 60 à 80% des IU toutes formes cliniques confondues, dans 70 à 95% des cystites aiguës simples et dans 85 à 90% des cas des pyélonéphrites (PNA) simples. E. coli est suivie par Proteus mirabilis (5 à 10%). Staphylococcus saprophyticus est presque exclusivement isolée dans les cystites chez la femme jeune entre 15 et 30 ans. D’autres espèces telles que Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, Corynebacterium urealyticum,
Enterococcus faecalis sont plus rarement mises en évidence (16)(17)(18). L’écologie bactérienne se modifie en cas d’infections récidivantes ou à risque de complications, avec une diminution de la fréquence d’E. coli (65% des cas) et une apparition d’espèces bactériennes habituellement moins virulentes sur un arbre urinaire normal.
La résistance de E. coli aux Fluoroquinolones (FQ) a nettement augmenté au cours des dix dernières années mais est très variable selon le terrain et selon la présentation clinique (19).
La résistance de E. coli aux céphalosporines de 3ème génération (C3G) injectables dans les IU communautaires progresse et est actuellement proche de 5%, avec une grande variabilité selon la présentation clinique, le terrain et l’écologie bactérienne locale. La production de bêta-lactamase à spectre étendu (BLSE) est le principal mécanisme de résistance (20)(21)(22).

Nouvelles recommandations

Dans ce contexte, la Société de Pathologie Infectieuse de la Langue Française (SPILF) a rédigé de nouvelles recommandations en 2014, réactualisées en 2017, concernant la prise en charge des infections urinaires communautaires (Algorithmes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8).
Elles préconisent notamment une réévaluation de l’antibiothérapie probabiliste, à 48-72 heures, à l’aide des résultats microbiologiques et de l’antibiogramme (23).
L’objectif des recommandations de la SPILF est de prescrire une antibiothérapie probabiliste efficace et de spectre étroit tout en préservant au maximum l’écologie bactérienne dans ce contexte d’augmentation des résistances.
Parmi les nouveautés des recommandations de la SPILF, il est proposé de retenir les termes « infections urinaires simples » et « infections urinaires à risque de complications » pour mettre en valeur la notion de facteur de risque lié au terrain sous-jacent.
Les facteurs de risques de complications sont :
‐ Toute anomalie de l’arbre urinaire,
‐ Le sexe masculin,
‐ La grossesse,
‐ Le sujet âgé, patient de plus de 65 ans avec plus de 3 critères de fragilité (critères de Fried (Annexe 2)) ou patient de plus de 75 ans,
‐ L’immunodépression grave,
‐ L’insuffisance rénale chronique sévère soit une clairance < 30 mL/min.
Ces recommandations définissent la réévaluation clinique comme une consultation à 48-72 heures avec un médecin et la réévaluation de l’antibiothérapie en fonction des résultats microbiologiques et de l’antibiogramme.
Pour les IU prises en charge initialement aux urgences, la dissociation médecin prescripteur et médecin réévaluateur pourrait nuire au bon usage des antibiotiques par le biais d’un problème de transmission d’information notamment des résultats de l’examen cytobactériologique des urines (ECBU), du problème de délai de consultation en médecine de ville et de la réticence à arrêter une antibiothérapie initiée par un autre médecin.
C’est pour cela que le parcours de soin entre hôpital et médecine de ville est un enjeu de Santé Publique actuel avec la mise en place du dossier médical partagé (DMP).
Il est important d’assurer un lien entre médecine hospitalière et médecine de ville face à la forte augmentation du nombre de passages aux urgences. Actuellement, seulement 30% des passages aux urgences sont suivis par une consultation en ambulatoire la semaine qui suit le recours aux urgences (24).

Le dossier médical partagé

Le DMP est un dossier médical dématérialisé qui rassemble les informations médicales relatives à un patient et nécessaires à la coordination des soins : antécédents, prescriptions, comptes rendus d’hospitalisation, résultats d’analyses, allergies… Ces informations peuvent être enregistrées par les professionnels de santé et par le patient lui-même (25). Le lancement du DMP a été assuré le 6 novembre 2018 après un déploiement dans 9 départements pilotes en 2016 (26)(27)(28).
L’objectif du DMP est de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins entre tous les professionnels de santé, en ville comme à l’hôpital (29).

Prise en charge aux urgences

Dans les SAU du Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon et de La Seyne-sur-mer (CHITS), pour la prise en charge des IU, les médecins ont accès sur chaque poste de travail au guide antibiotique du CHITS mis à jour en septembre 2017. Ils ont également accès aux protocoles du service sur Terminal Urgence validés par les urologues selon les recommandations de la SPILF de 2014. Nous avons fait le choix de prendre les recommandations de la SPILF comme référence car les effectifs médicaux des urgences connaissent un renouvellement important avec une connaissance des recommandations et des protocoles de l’établissement fluctuante (internes, médecins, intérimaires …).
Pour les ECBU réalisés aux urgences, le patient est invité par le personnel médical à contacter le laboratoire à 48-72 heures pour récupérer les résultats avec l’antibiogramme. Le numéro du laboratoire se trouve sur les ordonnances de sortie fournies au patient. Les résultats de l’ECBU sont envoyés par courrier postal au patient dans un délai d’environ 14 jours.
A leur sortie, les patients quittent le service en théorie avec un compte rendu médical de leur passage aux urgences, le suivi étant supposé se réaliser avec le médecin généraliste.

Critères de non-inclusion

Les critères de non-inclusion, définis préalablement au début de l’étude, étaient :
‐ Patient mineur,
‐ Patient opposé à l’utilisation de ses données,
‐ Patient hospitalisé depuis plus de 24 heures,
‐ Patient déjà sous antibiotique à son arrivée aux urgences,
‐ Patient ne maîtrisant pas assez la lecture et la compréhension de la langue française pour être capable de s’opposer à sa participation à la recherche,
‐ Patient sous protection judiciaire (tutelle, curatelle) ou sauvegarde de justice,
‐ Toutes autres raisons qui selon l’investigateur pourraient interférer avec l’évaluation des objectifs de recherche.

Déroulement de l’étude

Modalités de recrutement

Les patients éligibles étaient identifiés par les praticiens (séniors et internes) au cours des consultations au sein des SAU.
Lors de la consultation, le patient était informé de la recherche. L’information était donnée à l’aide d’une note d’information papier durant la consultation (Annexe 4).
La non-opposition était recueillie oralement et tracée dans le dossier médical du patient. S’il ne s’opposait pas au recueil des données, il était inclus et la fiche de recueil était complétée par le MU en charge du patient (Annexe 5).
Au bout de 2 semaines d’étude, nous avons constaté des difficultés d’inclusion. La principale raison rapportée par les MU était un manque de temps durant la période estivale, période de forte affluence aux urgences.
Afin d’améliorer les possibilités d’inclusions, nous avons donc simplifié les données recueillies par le MU. Il était demandé de recueillir lors de la consultation : l’identité du patient, les coordonnées de médecin traitant et la non-opposition du patient. Le reste des données était ensuite complété par nos soins grâce au dossier médical informatisé du patient (Annexe 6).

Recueil des résultats de l’ECBU

Le recueil des résultats des ECBU était effectué trois jours après le passage aux urgences des patients inclus. Les résultats étaient disponibles sur le logiciel des résultats du laboratoire du CHITS à partir du dossier médical informatisé du patient.
Les résultats étaient notés stérile, contaminé ou positif. Lorsqu’ils étaient positifs, l’antibiogramme permettait de renseigner le germe et l’existence de résistances (Annexe 7).

Recueil auprès des médecins traitants

Le MG déclaré lors de l’inclusion était contacté par téléphone à J4 (jour ouvrable) du début de l’antibiothérapie probabiliste initiée aux urgences.
L’entretien téléphonique était standardisé et cherchait à savoir si les résultats de l’ECBU avaient été transmis, si une modification de l’antibiothérapie probabiliste avait été faite et si le DMP avait été consulté (Annexe 8).
Lors de l’entretien téléphonique, une mise en situation était faite pour présenter l’étude au médecin, puis pour savoir s’il acceptait de répondre à un bref questionnaire.
Si au premier appel nous n’avions pas de réponse, un deuxième appel était effectué à J5 (jour ouvrable).
Si nous n’avions pas de réponses aux deux appels, nous considérions que l’antibiothérapie n’avait pas été réévaluée.
La réévaluation était définie par un contact du patient avec le MG déclaré et la
transmission des résultats de l’ECBU.
La non-réévaluation était définie par :
‐ La non-réponse de la part du MG déclaré aux deux appels,
‐ L’absence de contact du patient avec le MG déclaré concernant la suite de la prise en charge de son IU,
‐ Le contact du patient avec le MG déclaré sans les résultats de l’ECBU.

Critères de jugement

Principal

Le critère de jugement principal est le taux de réévaluation par le MG de l’antibiothérapie probabiliste des IU initialement prises en charge aux urgences.

Secondaires

Les critères de jugement secondaires sont :
‐ Le taux d’antibiothérapie probabiliste non pertinente par rapport aux recommandations de la SPILF,
‐ Le taux d’antibiothérapie probabiliste non conforme (molécule, dose, durée) par rapport aux recommandations de la SPILF,
‐ Le taux d’antibiothérapie réévaluée par le MG non pertinente par rapport aux recommandations de la SPILF,
‐ Le taux d’antibiothérapie réévaluée par le MG non conforme (molécule, dose, durée) par rapport aux recommandations de la SPILF,
‐ La fréquence d’utilisation du DMP par les MU et le MG.
Une antibiothérapie est définie comme pertinente lorsque sa prescription est justifiée selon les recommandations de la SPILF.
Une antibiothérapie est définie comme non-pertinente lorsque sa prescription est non justifiée selon les recommandations de la SPILF.
Une antibiothérapie est définie comme conforme lorsque la molécule et la dose et la durée sont en adéquation avec les recommandations de la SPILF.
Une antibiothérapie est définie comme non conforme lorsque la molécule et/ou la dose et/ou la durée sont en inadéquation avec les recommandations de la SPILF.

Analyse statistique

Pour chaque patient inclus dans l’étude, un tableau préétabli sur le logiciel Excel était renseigné. Seules les données des patients éligibles à l’étude ont été recueillies et traitées afin de répondre aux objectifs de la recherche.
Pour chaque patient inclus, les données du dossier médical adapté à la recherche, de l’ECBU et du questionnaire téléphonique au MG ont été anonymisées grâce à un code patient.
Ces données constituaient le cahier de recueil de données à la recherche (CRF) (Annexe 9). Ces données ont été rapportées pour analyse dans un tableau Excel.
Une analyse descriptive globale et en fonction du diagnostic a été effectuée pour décrire la population. Les variables continues étaient synthétisées suivant leurs moyennes et écarts-types ainsi que par leurs médianes, bornes minimum et maximum et quartiles (1er et 3ème).
La normalité des distributions a été analysée statistiquement par un test de Shapiro-Wilk.
Les variables qualitatives étaient décrites suivant leurs effectifs et pourcentages.
Les intervalles de confiances des taux estimés ont été calculés suivant la méthode de Clopper-Pearson.
Le seuil de significativité a été fixé à 5%. Les analyses statistiques et graphiques ont été programmées sous R (version 3.5.1).

Cystite gravidique

Il y avait 2 inclusions avec un diagnostic de cystite gravidique. L’âge médian était de 27 ans.
Dans cette population, 1 seule BU a été réalisée soit 50%. Cette BU était positive.
Il y a eu 2 ECBU réalisés soit 100%.
La population incluse ne présentait aucun facteur de risque de complications d’une IU et aucun facteur de risque d’IU à EBLSE.

Pyélonéphrite simple

Il y avait 29 inclusions avec un diagnostic de pyélonéphrite simple. 28 étaient des femmes et un était un homme. L’âge médian était de 33 ans, avec un âge minimal de 18 ans et un âge maximal de 93 ans.
Dans cette population, 27 BU ont été réalisées dont 25 étaient positives soit 92,59%.
Il y a eu 25 ECBU réalisés soit 86,21%.

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Table des matières

1 INTRODUCTION
1.1 Infections urinaires aux urgences
1.2 Prescriptions d’antibiothérapie et résistances bactériennes
1.3 Écologie bactérienne des infections urinaires
1.4 Nouvelles recommandations
1.5 Le dossier médical partagé
1.6 Prise en charge aux urgences
1.7 Objectifs
2 MÉTHODES
2.1 Type d’étude
2.2 Population étudiée
2.2.1 Critères d’inclusion
2.2.2 Critères de non-inclusion
2.3 Déroulement de l’étude
2.3.1 Modalités de recrutement
2.3.2 Recueil des résultats de l’ECBU
2.3.3 Recueil auprès des médecins traitants
2.4 Critères de jugement
2.4.1 Principal
2.4.2 Secondaires
2.5 Analyse statistique
3 RÉSULTATS
3.1 Caractéristiques de la population étudiée
3.1.1 Âge et sexe
3.1.2 Antécédents
3.1.3 Allergies
3.1.4 Facteurs de risques BLSE
3.2 Données de l’examen clinique
3.2.1 Constantes
3.2.2 Signes fonctionnels urinaires et examen clinique
3.3 Données des examens paracliniques
3.3.1 BU
3.3.2 ECBU
3.3.3 Bilan biologique
3.4 Diagnostic aux urgences
3.4.1 Cystite aiguë simple
3.4.2 Cystite à risque de complications
3.4.3 Cystite gravidique
3.4.4 Pyélonéphrite simple
3.4.5 Pyélonéphrite à risque de complications
3.4.6 Infection urinaire masculine
3.5 Antibiothérapie probabiliste prescrite aux urgences
3.5.1 Molécules prescrites
3.5.2 Pertinence
3.5.3 Conformité
3.6 Prise en charge par le MG
3.7 Utilisation du DMP
4 DISCUSSION
4.1 Limites et biais
4.2 Population de l’étude
4.3 Diagnostics aux urgences
4.4 Critère principal
4.5 Résultats de l’ECBU
4.6 Critères secondaires
4.7 Propositions
5 CONCLUSION
6 BIBLIOGRAPHIE

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