Antibiothérapie
HISTORIQUE
Au 18eme siècle, Clambert décrivait le tableau clinique du charbon animal. Plus tard, Chaussier décrivait la pustule maligne chez l’homme. Barthélemy et Dupuy, après des expériences, transmettent l’infection d’un animal infecté à un autre non infecté.
En 1818, Pasteur – Chamberland – Toubert – Roux distinguèrent la forme capsulaire résistante et préparèrent un vaccin à partir de bactéries vieillies et atténuées.
En 1850, les études faites par l’association médicale et vétérinaire française prouvèrent que le virus persiste longtemps dans le cadavre et que la transmission a lieu le plus souvent par inoculation, plus difficilement par ingestion et très rarement par cohabitation.
La même année, Rayer et Davaine découvèrent le germe dans le sang d’un malade atteint de charbon, sous forme de bâtonnets et affirmèrent le rôle des bactéries dans cette affection.
En 1876, Robert Koch cultivait le germe in-vitro et découvrait la forme résistante qu’il appelait spore.
Pasteur a interprété la découverte du cycle du Bacillus anthracis, par Robert koch, comme inconclusible. De ce fait, il a décidé de démontrer le mode de transmission du charbon. En mois Mai 1881, il a décidé d’inoculer 25 moutons avec son vaccin contenant des organismes vivants mais atténués. Ces moutons associés à 25 autres ont tous subi desinjections avec agents d’anthrax virulents. Il a été constaté que les animaux vaccinés ont survécu, alors que les autres sont décédés. Ce qui a prouvé la théorie de genèse du charbon.
En 1898, Machoux appliqua pour la première fois la séroprophylaxie contre cette infection, mais ce n’est que l’avènement des antibiotiques, peu après, qui transforma le pronostic redoutable de cette maladie.
PHYSIOPATHOLOGIE
Cycle de Bacillus anthracis
La distribution de Bacillus anthracis est ubiquitaire. La maladie est plus fréquente chez les herbivores (bovins, ovins, chevaux et chèvres). Les animaux malades en phase terminale, ont tendance à saigner du nez, de la bouche et de l’intestin, contaminant le sol ou les eaux. Les raisons locales pour la prolifération des bacilles de la maladie du charbon ne sont pas encore très bien comprises.
La transmission est possible d’un animal à l’autre ou de l’animal à l’homme. Cependant aucune transmission interhumaine n’a été constatée. Les êtres humains peuvent être infectés lors du contact avec des animaux ou de leurs produits.
Facteurs de pathogénicité
Le pouvoir pathogène de Bacillus anthracis repose principalement sur la présence de la capsule et sur la synthèse de toxines.
Capsule
La capsule, formée d’un polymère d’acide D-glutamique, caractérise les souches virulentes car elle s’oppose à la phagocytose. Sa synthèse est gouvernée par un plasmide de 60 méga-daltons (plasmide Pxo2) et les enzymes de synthèse sont codées par les gènes cap (capB, capC, capA) et dep.
Toxines
Il a été constaté que le taux de mortalité élevé observé chez les patients ayant des formes de charbon disséminées est associé avec des taux élevés des facteurs de virulence majeure, encodés au niveau des plasmides pxo1 et pxo2.
Le plasmide pxo1 encode pour des facteurs de virulence particuliers notamment : (PA) antigène protecteur, facteur de l’oedème (EF), et facteur létal (LT).
Antigène protecteur (PA)
Plusieurs études ont révélé que cet antigène est composé de quatre domaines fonctionnels.
Domaine I : contient le site de clivage pour l’activation des protéases. Les produits du clivage donnent deux entités : PA20 et PA 63.
Domaine II : responsable de l’héptamerization et contient une membrane d’insertion de la boucle.
Domaine III : a comme rôle de réglementer la liaison avec le ligand.
La liaison de l’antigène protecteur avec son récepteur (soit TEM8 / ATR ou CMG 2) se produit par l’intermédiaire de leur association directe avec les domaines II et IV.
Facteur létal (LF)
Ce facteur est responsable du clivage spécifique des protéines notamment (specific mitogen activated protein kinase kinases (MAPKKS). Par conséquent, l’inactivation du signal de transduction intermédiaire nécessaire à la fonction normale du système immunitaire.
LF a également quatre grands domaines fonctionnels.
LF et EF (le facteur d’oedème) se lient à des sites de haute affinité au niveau de l’interface entre deux molécules de l’antigène protecteur.
Toxine létale (LT)
Le facteur létal (LF) forme en association avec ses récepteurs (PA) : la toxine létale. Ell constitue un facteur de virulence majeur pour le bacille anthracis.
Mécanisme d’internalisation des toxines de l’anthrax
Le PA 83 se lie à l’un des deux récepteurs cellulaires (TEM8/ATR ou CMG2). Clivé, par la suite par des protéases cellulaires, deux fragments se libèrent : PA20 et PA63.
Le plus grand fragment (PA 63) forme un anneau en forme pré-heptamérique, ce qui peut le lier simultanément au maximum à trois molécules de LF et/ou EF aboutissant à la formation de la toxine.
Le complexe formé « toxine / récepteur : (LF, EF/PA) » est internalisé. Les vésicules d’endocytose sont ensuite acidifiées. Le PA63 s’est convertit en un pore mature, permettant la sortie d’EF et/ou LF dans le cytoplasme.
Les effets biologiques de la maladie du charbon sur les cellules du système immunitaire
LF est une protéase ciblant des protéines notamment MAPKKs.
EF est une adénylcyclase qui catalyse la formation de l’AMPc.
Il s’ensuit des effets biologiques néfastes pour le système immunitaire. Une récente étude démontre que la toxine létale (LT) affecte de nombreux types de cellules immunitaires de l’hôte.
A cause de la combinaison de ces mécanismes, la toxine létale (LT) rend le Bacillus anthracis capable à éviter le contrôle immunitaire.
EPIDEMIOLOGIE
Le charbon est une maladie rare, connue depuis l’antiquité. Elle reste présente dans de nombreux pays à partir desquels les poils et peaux sont exportés.
Le nombre de cas humains annuels est estimé par l’OMS dans la première moitie du 20éme siècle entre 100 000 et 200 000. Le charbon se présente sous au moins trois formes, reflétant la voie de contamination : Le charbon cutané est la forme la plus fréquente (95%), suivie par la forme pulmonaire (5%) et rarement la forme digestive. Chacune susceptible de se compliquer de méningite ou de septicémie grave.
On note une nette présence de l’anthrax en dehors des états unis, avec une occurrence annuelle de 20 000 à 100 000 dans la première moitié du 20éme siècle. La majorité des cas observés étant des formes cutanées (5). Il s’agit le plus souvent d’une maladie professionnelle.
Le charbon animal et humain a une distribution mondiale. Certains pays sont exempts de cette maladie (Chypre, la Nouvelle-Zélande, le Belize, la Malaisie, le Taïwan, la Suède et l’Irlande), et chez d’autres (Canada, États-Unis, Royaume-Uni et Australie), il est très rare.
Toutefois, il pose un problème sérieux dans certaines régions d’Afrique, l’Espagne, la Grèce, la Turquie, l’Albanie, la Roumanie, l’Asie centrale et le Moyen-Orient : la ceinture du charbon. (Anthrax Belt). (6).
Les Bacillus Anthracis sont ubiquitaires car leurs spores leur confèrent une grande résistance. On en trouve dans les sols (principal réservoir), dans l’eau de mer, l’eau douce et sur les plantes. On en trouve également dans les produits des animaux, les produits alimentaires « stérilisés » ou médicamenteux à cause de la thermorésistance des spores.
Âge
Bien que le nombre de nos patients soit réduit, ne nous permettons pas de déduire des pourcentages statistiquement signifiants. Il semble que le charbon palpébral soit une affection prédominante chez l’adulte. La tranche d’âge prédominante était celle comprise entre 30 et 70 ans (5/8 de nos patients). Pour certains auteurs, cette affection est prédominante chez le sujet jeune (70 % inférieur à 30 ans).
En raison de la rareté des cas pédiatriques dans les grandes séries de la maladie du charbon, des explications ont été avancées par des auteurs qui ont déduit :
1. une diminution de sensibilité à l’infection au Bacillus Anthracis chez les enfants.
2. vu la diversité des aspects cliniques du charbon palpébral dans les formes pédiatriques, il est sous-diagnostiqué par la plupart des médecins.
Sexe
Il semble, d’après les données de la littérature, que de la prédominance du sexe en matière du charbon palpébral est masculine.
Dans une étude de 10 cas lors d’une épidémie de charbon cutané à Sidi Jaber au Maroc en 1983, 7 cas étaient de sexe masculin, 3 cas étaient de sexe féminin. La prédominance masculine étant nette, ce qui peut expliquer que l’homme est plus exposé du fait de sa profession.
Dans notre série, nous avons noté une prédominance du sexe masculin avec un taux de 87,5% (7 hommes et 1 femme).
La notion de contage
Les sujets exposés sont ceux ayant un métier à risque (agriculteur, vétérinaire, ouvrier d’abattoir, équarrisseur). La transmission est essentiellement directe (14).
Dans une étude, La prédominance des cas ruraux est évidente, les dix malades étaient d’origine rurale (2).
Dans le milieu rural, de nombreux facteurs influencent la fréquence de l’infection au charbon. Par esprit d’économie, les éleveurs procèdent souvent à l’abattage clandestin de l’animal dès les premiers signes de maladie. (15)
La transmission du germe peut se faire entre les animaux, entre l’être humain et l’animal, mais aucun cas de transmission interhumaine n’a été constaté de nos jours (16).
Au point de vue épidémiologique, deux groupes professionnels sont exposés :
1) Les personnes en contact avec les animaux atteints : éleveurs et fermiers, vétérinaires, personnel d’abattoirs. La fréquence de ces cas diminue en fonction du succès de la lutte contre le charbon animal dans les pays à forte organisation sanitaire.
2) Les personnes manipulant des produits d’origine animale venant souvent des pays où le charbon animal est encore répandu : peaux (tanneurs), laine et poils de chèvres et de chameaux (tissages fabriqués de colle et de gélatine) et, les dockers qui déchargent ces produits à l’importation. Après traitement industriel, les produits finis ne présentent plus de danger.
La majorité des cas contractés du charbon humain sont dû à une exposition agricole ou industrielle. Les bergers, les agriculteurs et les travailleurs dans les usines de fabrication utilisant des produits d’animaux infectés, en particulier des cheveux de chèvre, la laine, ou l’os, sont les plus à risque.
Dans la présente série, Tous les patients avaient un contact avec le bétail.
Différentes localisations
La localisation cutanée
Il existe trois formes cliniques prédominantes du charbon. La forme cutanée, constituant 95% des cas signalés, due à l’entrée de spores par des écorchures de la peau. (21,22).
Il a été rapporté que 70% des cas avaient un charbon cutané sur une peau saine. De ce fait, il semblerait que la dissolution de la continuité cutanée n’est pas obligatoire au charbon cutané contrairement au charbon viscéral d’origine intestinale. (2)
Mahfoud notait, en 1975, que parmi les formes de charbon contracté en milieu rural, 90% sont cutanées. (15) Il a été constaté, en 1954, en Angleterre, 101 cas de charbon cutané sur 102 cas de charbon professionnel. (23)
Plus de 90% des cas de charbon contracté dans les états unis sont des localisations cutanées (19).
D’autres auteurs ont précisé dans une étude rétrospective à propos de 72 cas de charbon cutané que la distribution des lésions intéresse principalement les membres supérieurs (79,7%) et la face (9,1% des cas). (13)
Dans le visage, la paupière est le site le plus fréquent de cette infection, probablement dû au frottement des yeux. (24)
Farpour (25) a observé 47 cas de localisation palpébrale sur 300 cas d’anthrax cutané.
La paupière supérieure (26 cas), la paupière inférieure (19 cas) et l’angle palpébral externe (2 cas). La paupière supérieure a toujours été touchée. Cette localisation est rapportée par plusieurs auteurs (26-28). Par contre, les cas rapportés par d’autres auteurs (9, 29, 30) concernent la paupière inférieure. Pour Vérin (30), la lésion serait plus fréquente à droite qu’à gauche du fait de l’inoculation du germe par la main droite.
La localisation pulmonaire
La forme pulmonaire constitue 5% des cas. Elle est due à l’inhalation des spores qui seront phagocytées par les macrophages alvéolaires et transportées dans les noeuds lymphatiques trachéobronchiques où elles donnent naissance à des formes végétatives qui se multiplient rapidement. (4 ,17) Son évolution est mortelle dans plus de 95%. (17)
La localisation gastro-intestinale
Le charbon d’ingestion est une forme rare dans les pays développés, se traduisant par des troubles généraux (fièvre, état de choc) et digestifs qui apparaissent après une incubation de 2 à 7 jours (31). Le taux de mortalité reste élevé avoisinant 95% des cas. (32)
Méningo-encéphalite
La méningo-encéphalite due au charbon est très rare (16). Elle peut être primaire ou secondaire. Dans la littérature, il existe à ce jour un peu plus de 100 cas. Elle est due à la diffusion de l’organisme au niveau du système nerveux central, soit par voie hématogène ou lymphatique. Dans une étude de 70 cas de méningo-encéphalite due au charbon, la principale source d’infection était la forme cutanée dans 52,8%, pulmonaire dans 22,9% et seulement 11,5% correspondait à une méningo-encéphalite primaire (33). Le taux de mortalité est estimé à environ 95-100% (13).
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I- PATIENTS
II- METHODES
1- Anamnése
2- Examen clinque
2-1- Signes fonctionnel
2-2- Signes physiques
3- Paraclinique
4- Traitement
5- Evolution
5-1-Paramètres de surveillance locale
5-2-Paramètres de surveillance générale
RESULTATS
I. Epidémiologie
1. Âge
2. Sexe
3. La notion de contage
4. Résidence
5. La porte d’entrée
6. Le délai de consultation
II. Données cliniques à l’admission
1. Examen ophtalmologique
1.1- Mesure de l’acuité visuelle
1.2- Aspect des lésions dermatologiques observées à l’admission
1.3- Etude de la latéralité
2. Les signes associés
III. Examens para cliniques
1- Etude bactériologique du prélèvement
2- Examen radiologique
IV. Traitement et Evolution
1- Antibiothérapie
2- Evolution
2-1-Paramètres de surveillance Locale
2-2- Paramètres de surveillance générale
DISCUSSION
I- Historique
II- PHYSIOPATHOLOGIE
1-Cycle de Bacillus anthracis
2- Facteurs de pathogénicité
2.1 Capsule
2 .2 Toxines
3-Mécanisme d’internalisation des toxines de l’anthrax
4-Les effets biologiques de la maladie du charbon sur les cellules du système immunitaire
III. Epidémiologie
1-Âge
2- Sexe
3- La notion de contage
4-Différentes localisations
4.1- La localisation cutanée
4.2- La localisation pulmonaire
4.3- La localisation gastro-intestinale
4.4- Méningo-encéphalite
4.5- Présentations atypiques de charbon
IV. Diagnostic positif
1- Clinique
1-1- Phase de début
1-2-Phase d’état
2. Examens paracliniques
3- Bactériologiques
4- Radiologiques
5- Autres
V. Diagnostic Différentiel
1-A l’étape clinique
1-1-Au début de la maladie
1-2-Au cours du charbon palpébral
2- A L’étape bactériologique
VI. TRAITEMENT
1- But du traitement
2- Moyens et Résultats
2-1-Antibiothérapie
2-2-La corticothérapie
2-3-La chirurgie
3- Perspectives thérapeutiques
VII. EVOLUTION / PRONOSTIC
1-LOCALE
1-1- A court terme
1-2- A moyen et à long terme
2- GENERALE
VIII- PROPHYLAXIE
1- Mesures préventives
2- Antibioprophylaxie
3- Vaccination
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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