Antécédents familiaux d’asthme et/ou d’atopie
L’asthme est la maladie inflammatoire chronique la plus fréquente dans la population pédiatrique. Il figure parmi les principales causes d’absentéisme scolaire, d’hospitalisation et de fréquentes visites aux urgences hospitalières, mais le plus inquiétant, reste l’augmentation constante de sa prévalence au cours des dernières décennies (1). Au Maroc, la prévalence de l’asthme chez l’enfant serait de 16% surtout en milieu urbain (1). Il débute le plus souvent à un âge jeune et se présente parfois sous des masques divers, différents de la crise typique de diagnostic évident. Non diagnostiqué comme tel et donc sous-traité, il va entraîner des dégâts irréversibles des bronches qui pénaliseront la fonction respiratoire à l’âge adulte (2). Il est la résultante de l’action d’un environnement néfaste (allergie, pollution) sur un terrain génétiquement prédisposé. L’asthme est défini comme : « Une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes dans laquelle de nombreuses cellules jouent un rôle, notamment les mastocytes, les éosinophiles et les lymphocytes T, chez des sujets prédisposés (3), ceci se traduit par une gène respiratoire sifflante liée à un rétrécissement bronchique diffus régressant sous broncho-dilatateurs ». L’évolution de l’asthme est relativement mal connu, 40 à 50% des enfants suivis pour asthme ne seront plus gênés par cette maladie à l’âge adulte et près de 50% des enfants suivis pour asthme ne verront pas disparaitre leur maladie après la puberté. La morbidité et la mortalité de l’asthme chez l’enfant sont devenues préoccupantes ces dernières années (1), le plus souvent dues à une prise en charge thérapeutique inadéquate. Notre étude portera sur l’asthme de l’enfant de 2 à 15 ans, le choix de cette tranche d’âge suscite un intérêt particulier car la fonction pulmonaire à l’âge adulte en dépend. Reposant sur l’analyse des données anamnestiques, cliniques, et para-cliniques de 400 dossiers d’enfants suivis pour asthme au service de pédiatrie A, du CHU Mohamed VI de Marrakech. Le but de ce travail était de cerner le profil épidémiologique et clinique, de mieux connaitre les facteurs environnementaux déclenchants, et d’approfondir nos connaissances sur le diagnostic, le contrôle ainsi que la prise en charge des crises d’asthme.
Malades de l’étude l’étude:
Notre échantillon a concerné 400 enfants, hospitalisés et / ou suivis à l’hôpital de jour du service de pédiatrie A, au centre hospitalier universitaire Mohamed VI, durant 3 ans, entre Janvier 2009 et Décembre 2011. Les critères retenus pour l’inclusion des sujets dans notre étude étaient :
– Une tranche d’âge de 2 à 15 ans.
– Un diagnostic d’asthme retenu sur des données anamnestiques, cliniques, et para-cliniques.
– La survenu d’une crise d’asthme quelque soit sa gravité.
Méthodes:
Notre étude était rétrospective, descriptive et analytique. Nous avons recueilli un ensemble de données anamnestiques, cliniques, para-cliniques, thérapeutiques et évolutives de chaque dossier. L’exploitation de ces données était réalisée grâce à une fiche d’exploitation préétablie . Les données statistiques ont été traitées au laboratoire d’épidémiologie moyennant une durée de deux semaines par un logiciel élaboré par le responsable du laboratoire d’épidémiologie de la faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech.
Facteurs déclenchants:
Allergènes de l’environnement :
Nous avons noté que :
-4 enfants (1%) habitaient dans des maisons avec jardin.
-22 enfants (5,5%) avaient des animaux à domicile.
-41 enfants étaient exposés au tabagisme passif (10,3%).
Allergènes de l’habitation :
Dans notre population, 10% des foyers sont humides et ne sont pas assez aérés et ensoleillés, et 19,8% des enfants sont exposés aux acariens à travers des moquettes, tapis et la literie en laine.
Allergènes alimentaires :
Nous avons découvert que 6 enfants (1,5%) avaient une allergie alimentaire :
-Un enfant avait une allergie au poisson.
-Un enfant avait une allergie aux œufs.
-Un enfant avait une allergie aux cacahuètes.
-Un enfant avait une allergie aux poulets et aux œufs.
– Et deux enfants faisaient de l’allergie au gluten dans le cadre de leur maladie coeliaque.
Débit expiratoire de pointe:
Dans notre population, 6 enfants (1,5%) âgés de 6 à 12 ans avaient un DEP:
-Trois enfants avaient un DEP supérieur à 80%.
-Trois enfants avaient un DEP entre 60% et 80%.
Physiopathologie de l’asthme:
L’asthme se manifeste par un symptôme unique ou largement prédominant : la dyspnée à l’origine de mécanismes complexes. Il s’y associe une prédisposition héréditaire, des facteurs d’environnement et des dérèglements endogènes aboutissant à une réponse excessive du muscle bronchique aux agressions extérieures
Profil épidémiologique:
Connu depuis l’antiquité, l’asthme fut longtemps considéré comme une affection relativement bénigne. Il est devenu préoccupant après la seconde guerre mondiale, particulièrement au début des années 1960 ou a été enregistré une épidémie de décès dans les pays anglo-saxons .
Prévalence de l’asthme de l’enfant :
La prévalence de l’asthme augmente d’environ 5% par an ces dernières années (9). Bien que les études épidémiologiques ne soient pas toujours aussi complètes qu’on le souhaiterait, il apparait évident que la prévalence de l’asthme a augmenté dans tous les pays depuis 2 ou 3 décennies
Prévalence en Afrique du nord et dans le monde :
En décembre 2009, l’asthme Insights and Reality dans le Maghreb (AIRMAG) a pris un échantillon de population en utilisant une méthode d’échantillonnage stratifiée basée sur des listes de numéros de téléphone générées aléatoirement. La population contactée par téléphone, était constitué de 10 000 ménages dans chaque pays. La prévalence des enfants asthmatiques a varié de 3,5% en Tunisie, 4,4% au Maroc, et 6,4% en Algérie (10). Le record mondial de prévalence de l’asthme est détenu par les habitants des Iles Caroline du pacifique ouest où 75% des enfants ont eu de l’asthme, et les taux les plus faibles (0,5 à 1%) sont enregistrés chez les indiens d’Amérique et chez les esquimaux (11). Aux USA, en Australie et en grande Bretagne, le taux de prévalence est compris entre 5 et 10%, au Japon de 3 à 5% (12). La dernière enquête épidémiologique réalisée en France situe sa prévalence cumulée entre 10 et 12% chez l’enfant. Les derniers sondages internationaux montrent une prévalence cumulée de l’asthme de 10% chez les enfants âgés de 10 ans et plus (13). Enfin, un rapport de l’OMS publié en 1995 a proposé qu’il y’a environ 160 millions d’asthmatiques dans le monde, et que la proportion des enfants suivis pour asthme est deux fois plus élevé pour le groupe de 5 à 14 ans (13%) que pour le groupe de 0 à 4 ans (7%). L’OMS estime que ce chiffre a augmenté à 300 millions en 2010 (14).
Prévalence au Maroc :
L’étude ISAAC (International study of asthma and allergy in childhood) s’est intéressée à l’épidémiologie de l’asthme au Maroc. Elle a compris 3 centres Marocains (Casablanca, Rabat, Marrakech). Les premières enquêtes réalisées au Maroc en 1996 estimaient la prévalence de l’asthme entre 2 % et 5,5% (15). Dix ans plus tard, dans le cadre de la même étude, la prévalence de l’asthme était de 6,6% chez les enfants de Rabat et de 12,1% dans la même population à Casablanca. Par contre à Marrakech, ville moins polluée, l’étude a retrouvé une prévalence de 17,9% (16). La prévalence de l’asthme chez l’enfant dans la région de Safi était de 3,4% en 2010.
Mortalité:
La mortalité de l’asthme est devenue préoccupante au cours de ces dernières années, dûe à l’augmentation de la prévalence de l’asthme, à la sévérité accrue des crises, à une faible observance thérapeutique ainsi qu’à une prise en charge déficiente. La mortalité chez les enfants asthmatique varie suivant les auteurs de 0,4% à 0,7% (18). Le chiffre de 1,1% rapporté par Blair représente le taux moyen généralement accepté (19). Les garçons paraissent plus touchés que les filles (20), mais la mort ne survient que chez les asthmatiques sévères. De nombreux décès par l’asthme sont évitables grâce à une meilleure coopération enfant-famille-médecin, une 1 ,3%, sur les 400 enfants suivis pour asthme.
Morbidité:
L’asthme doit être considéré comme une affection de la vie entière qui débute une fois sur deux avant l’âge de 2 ans. Webb et coll notent la persistance des crises chez 59% des enfants de 3 ans et demi après des bronchiolites (21). De même Buffum retrouve encore à 5 ans 60% d’asthmatiques parmi les enfants qui avaient un asthme avant l’âge de 2 ans (22). En revanche Park et coll n’observent que 20% d’asthmatiques à l’âge de 10 ans parmi ceux qui avaient présenté des manifestations dyspnéisantes étant nourrissons (23). La fréquence des hospitalisations pour l’asthme a également augmenté. Cette donnée est retrouvée dans différents pays. Elle a été en quinze ans multipliés par trois aux USA, par quatre au Canada (24). Au Maroc, le nombre d’hospitalisations d’enfants asthmatiques est variable selon les mois de l’année, atteint son maximum en novembre (tendance à la hausse en Automne et printemps) et diminue en juin-juillet. En France, la moitié des admissions à l’hôpital pour enfants concernent l’asthme et le taux d’hospitalisation est stable chez les enfants. Une étude de plus de 1 an a été réalisée dans 14 unités pédiatriques en France, incluant des enfants âgés de 3 ans et plus hospitalisés pour exacerbation d’asthme. Les données de 727 hospitalisations ont été recueillies. Dans 48% des hospitalisations, les enfants avaient 3 à 5 ans. Parmi les enfants souffrant d’asthme, 57% avaient déjà été admis à l’hôpital pour exacerbation d’asthme, 37% avaient été admis à l’hôpital ou au service d’urgence durant la dernière année, et le contrôle de l’asthme au cours du mois précédent était inacceptable dans 46% des cas. Cette étude souligne la nécessité de renforcer les efforts visant à encourager l’amélioration de l’éducation thérapeutique des enfants asthmatiques, afin de diminuer le risque d’hospitalisation pour exacerbation d’asthme (25). Dans notre étude, les enfants hospitalisés pour crise d’asthme étaient de l’ordre de 180, soit 45%. Chez cette population, 178 enfants (44,5%) avaient été hospitalisés en pédiatrie, et 2 enfants avaient été hospitalisés initialement en réanimation. La durée d’hospitalisation pour crise d’asthme était de l’ordre de 2 à 3 jours dans la majorité des cas (39,4%).
Facteurs de risque:
Age de début:
La plupart des études épidémiologiques rapportent que la très grande majorité des enfants asthmatiques ont vu leur asthme débuter durant la petite enfance. Ce qui est en accord avec nos résultats, puisque l’âge de début le plus fréquent dans notre étude est celui situé entre 1 à 2 ans (46,5%). Certains auteurs ont étudié l’influence de ce facteur sur le pronostic de l’asthme. Les études de Barr, Logan, Blair et al n’ont trouvé aucune dépendance entre l’âge de début précoce et l’évolution de l’asthme (26). L’étude de Gerritsen atteste cette même constatation (27).
Prédisposition génétique :
L’asthme est un syndrome complexe qui résulte essentiellement de la conjonction de facteurs innés et de facteurs acquis. Il semble que l’hérédité de l’asthme et de l’atopie ne suit pas les schémas mendéliens classiques. On se retrouve dans la même situation que les autres maladies dites multifactorielles comme le diabète, l’hypertension artérielle et l’ostéoporose (29), mais il est évident que l’asthme a une composante génétique. Ceci est confirmé par la présence d’une concentration familiale de cette affection. Dès 1909, Drinkwar, en étudiant un exemple de 3 générations a suggéré que l’asthme était transmis selon un mode mendélien dominant (30). Les études de martinez à Tucson et de Meyers et Postma en 1994 retrouvent l’influence de plusieurs gènes dont un gène majeur transmis selon un mode respectivement autosomique co-dominant et autosomique récessif (31). Le rôle des molécules HLA de classe 2 dans la réponse immune spécifique aux allergènes a historiquement été initié, au début des années 80, par la découverte d’une association entre le taux d’IgE Spécifiques de l’allergène Ra 5 et l’allèle HLA-DW2 qui se trouve quasi-exclusivement chez l’asthmatique (32).
CONCLUSION :
La prévalence de l’asthme est en augmentation constante au Maroc et dans le monde. Cependant dans l’enfance l’asthme est malheureusement encore sous diagnostiqué et sous traité. Le sous diagnostic pénalise les enfants, à court terme en les privant d’une thérapeutique efficace et ainsi d’une meilleure qualité de vie, et à long terme, il compromet leur capital pulmonaire à l’âge adulte. En effet avec les traitements modernes, l’objectif n’est pas seulement de limiter la survenue des crises mais d’avoir une activité scolaire, sociale et physique identiques aux enfants du même âge.
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Table des matières
INTRODUCTION
MALADES ET METHODES
RESULTATS
I. Profil anamnestique
1. Age
2. Sexe
3. Niveau socio-économique
4. Antécédents familiaux d’asthme et/ou d’atopie
5. Antécédents personnels
II. Histoire naturelle de la maladie
1. Age de début de la maladie
2. Facteurs déclenchants
3. Nombre d’hospitalisations pour crise d’asthme
4. Antécédents d’asthme aigu grave
5. Durée d’hospitalisation
III. Profil clinique
IV. Profil para-clinique
1. Radiographie thoracique
2. Tests cutanés allergologiques
3. Débit expiratoire de pointe
4. Explorations fonctionnelles respiratoires
V. Classification de l’asthme maladie
VI. Manifestations allergiques associées
VII. Comorbidités
VIII. Profil thérapeutique
IX. Contrôle de l’asthme (selon la classification de Gina)
X. Education de l’enfant asthmatique et ses parents
XI. Suivi de l’asthme
XII. Profil évolutif
DISCUSSION
I. Physiopathologie de l’asthme
II. Profil épidémiologique
1. Prévalence
2. Mortalité
3. Morbidité
III. Facteurs de risque
IV. Facteurs environnementaux
V. Manifestations allergiques associées
VI. Clinique
1. Typique
1-1 Crise d’asthme dyspnéique paroxystique
1-2 Etat de mal asthmatique ou asthme aigu grave
2. Atypique
2-1 Tousseur récidivant et chronique
2-2 Asthme d’effort
3. Complications
4. Faux asthmes
VII. Comorbidités
VIII. Bilan para-clinique
1. Radiographie thoracique
2. Tests cutanés
3. Explorations fonctionnelles respiratoires
4. Débit expiratoire de pointe
5. Autres
IX. Prise en charge thérapeutique
1. Techniques d’inhalation
2. Traitement de l’asthme chez l’enfant
2-1 Moyens
2-2 Traitement de la crise d’asthme aigue usuelle
2-3 Traitement de la crise sévère et de l’asthme aigu grave
2-4 Traitement proposé pour le retour à domicile
2-5 Traitement de fond de l’asthme
X. Contrôle et suivi de l’asthme
XI. Education
XII. Evolution
XIII. Prévention
CONCLUSION
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