Les myopathies inflammatoires
Epidémiologie et généralités Les myopathies inflammatoires (MI) sont des maladies rares et acquises, dont la prévalence est de 1 à 6 patients pour 100 000 (1). Elles sont caractérisées par une inflammation des muscles striés, résultant d’une activation anormale et/ou excessive du système immunitaire. Le sex-ratio est de 2 femmes pour 1 homme (excepté les myosites à inclusions à prédominance masculine) et leur prévalence augmente avec l’âge. On observe un pic de fréquence entre 40 et 50 ans. Elles se manifestent par un déficit moteur d’installation rapide, secondaire à une infiltration inflammatoire du muscle, retrouvée lors de l’examen anatomopathologique (2). L’imagerie peut permettre d’orienter le diagnostic, notamment l’IRM musculaire montrant des lésions inflammatoires apparaissant en hyper-signal en STIR. Cependant, il existe une grande hétérogénéité clinique et anatomopathologique.
Classifications des myopathies inflammatoires Depuis les premières descriptions, les différentes classifications des MI ont fortement évolué. En 1975, Bohan et Peter (2) ont proposé une première classification des myopathies inflammatoires individualisant les polymyosites (PM) ayant une atteinte musculaire isolée et les dermatomyosites (DM) associées à une atteinte cutanée. Les critères diagnostiques sont reportés dans le tableau 1. Cette classification, bien qu’encore aujourd’hui très utilisée, est remise en cause depuis la découverte des différents auto-anticorps associés aux MI. Déficit musculaire proximal symétrique avec ou sans atteinte des muscles respiratoires ou de la déglutition Biopsie musculaire montrant des zones de nécrose avec régénération, une atrophie fasciculaire et un infiltrat inflammatoire interstitiel Entre 1975 et 1991 (3–5), la présence d’auto-anticorps spécifiques a été découverte chez des patients atteints de MI : l’anti-Mi2, l’anti-JO1, l’anti-PL7, l’anti-PL12, l’anti-SRP, l’anti-OJ, l’anti-EJ, l’anti-ZO et l’anti-HA. En 1991, Love et al. (6) ont décrit la première classification basée sur les anticorps spécifiques des myosites. Le syndrome des anti-synthétases (SAS) est alors défini comme un syndrome associant sur le plan clinique : une atteinte musculaire, une atteinte pulmonaire, de la fièvre, des arthrites et le signe des « mains de mécanicien », ainsi que sur le plan biologique : une séropositivité des anticorps anti-synthétases. L’anti-Mi2 est, quant à lui, décrit comme un anticorps spécifique des DM. En 2005, Troyanov et al. (7) ont distingué les anticorps spécifiques des myosites (MSA) et les anticorps associés aux myosites (MAA) en individualisant le groupe de myosites de chevauchement (MC). Ils définirent 5 groupes : les MC, les DM, les PM, les myosites associées au cancer et les myosites à inclusions. Les caractéristiques des myosites de chevauchement sont définies dans le tableau 2. La découverte de ces anticorps a permis d’identifier de nouvelles entités au sein des MI et de changer notre regard sur la physiopathologie de ces maladies. En 2017, une nouvelle classification de l’EULAR (8) est publiée en définissant 4 groupes : DM, PM, DM juvénile et myosite à inclusions. Cependant cette dernière ne prend pas en compte les anticorps spécifiques et associés aux myosites (hormis l’anti-JO1) et n’individualise pas les MC ni les MNAI. Enfin en 2018, dans JAMA Neurology, Mariampillai et al. (9), ont publié les résultats d’une grande cohorte française de MI, rétrospective de 260 patients. Cette étude a permis d’identifier 4 groupes : DM, myosite à inclusions, MNAI et SAS. Ils proposent alors un algorithme de classification selon 3 critères (sensibilité à 77% et spécificité à 92%), basé sur la présence d’une atteinte cutanée typique de DM, la présence d’anticorps anti-synthétases et la présence d’une atteinte des fléchisseurs des doigts. De plus, ils insistent sur la nécessité de classifier les patients en prenant en compte les MSA, ce qui n’était pas le cas dans la classification de l’EULAR 2017. Ils soulignent aussi le fait que la biopsie musculaire n’est plus nécessaire chez les patients présentant un anticorps spécifique des myosites et un phénotype clinique concordant avec ce dernier. A travers ces classifications évoluant depuis 40 ans (figure 1), le diagnostic de myosite repose donc actuellement sur une combinaison de symptômes cliniques moteurs, des résultats de l’IRM musculaire, du taux de CPK, de la présence d’auto-anticorps spécifiques et associés aux myosites, et des résultats de la biopsie musculaire. En pratique clinique, la technique d’immuno blot (ou DOT myosite) validée (3) pour la recherche de ces auto-anticorps (figure 2), permet leur détection rapide. Ce test est basé sur une méthode immuno-enzymatique à lecture manuelle et non quantitative.
Généralités sur les myopathies inflammatoires
Atteinte musculaire : Le déficit moteur touche les muscles striés à prédominance proximale de façon bilatérale et symétrique généralement associé à des myalgies (25 à 70% des MI). L’intensité du déficit moteur est très variable, pouvant aller d’une simple gêne fonctionnelle à une tétraparésie majeure. Lorsque la ceinture pelvienne est atteinte, elle entraine une démarche dandinante dite « en canard ». On observe souvent une difficulté à se relever de la position accroupie (signe de Gowers) et une impossibilité de se relever de la position assise (le signe du tabouret). Il est plus rare de voir une atteinte de la musculature axiale cervicale responsable d’une tête tombante ou des muscles du tronc responsable d’une camptocormie (2,7,10,11).
Atteinte ORL : Chez 25 à 30% des patients, on retrouve une atteinte des muscles striés du pharynx et de la partie supérieure de l’œsophage responsable d’une dysphonie et d’une dysphagie, et pouvant se compliquer de troubles de la déglutition et mettre en jeu le pronostic vital (11).
Atteinte pulmonaire : Il s’agit soit d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID), soit d’une atteinte musculaire diaphragmatique. Les symptômes sont une dyspnée et une toux sèche non productive. Le diagnostic porte sur le scanner thoracique et l’EFR-DLCO. L’atteinte pulmonaire est plus fréquente avec les anticorps suivants : les anti-synthétases, l’anti-RNP, l’anti-PM-Scl, l’anti-Ku, l’anti-MDA5 et l’anti-SRP. La survenue d’une atteinte de type PID aggrave le pronostic de la MI et entraine une mortalité élevée. Des pneumopathies de déglutition peuvent aussi survenir compliquant l’atteinte pharyngée (12–14).
Atteinte cardiaque : Chez 10 à 15 % des patients, il peut être observé une atteinte cardiaque de type troubles de la conduction ou troubles du rythme. De façon plus rare, des vascularites coronaires, des myocardites et des péricardites peuvent être observées. L’atteinte cardiaque prédispose à un risque de mort subite, un dépistage par un électrocardiogramme et une échographie cardiaque est donc nécessaire (15).
Atteinte articulaire : Chez 15 à 30% des patients, on observe des arthralgies d’horaire inflammatoire principalement au niveau des mains, des poignets, des genoux et des épaules. L’atteinte articulaire est très fréquemment retrouvée dans le SAS (11).
Myosites et cancer : Le risque de cancer est multiplié de 2 à 7 fois par rapport à la population générale, avec un risque plus élevé dans les 3 ans avant ou après le diagnostic. Il est donc préconisé de réaliser une recherche de néoplasie systématique (scanner TAP +/- PET scanner +/- endoscopies digestives) lors du diagnostic et de recontrôler tous les ans pendant 3 ans. Les néoplasies les plus fréquemment associées sont le cancer du poumon, de la prostate, du sein, de l’ovaire, du colon, du pancréas et le lymphome. La présence d’anti-TIF1γ, d’antiNXP2 et d’anti-HMGcoAR doit faire rechercher le cancer de manière plus intensive car elle est plus fréquemment associée à un syndrome paranéoplasique. L’anti-TIF1γ est associé dans 75% des cas à un cancer (16–18).
La capillaroscopie
Généralités La capillaroscopie péri-unguéale est un examen non invasif et peu couteux permettant d’évaluer la microcirculation. Cette technique a été décrite pour la première fois par Lombard en 1912 dans le but d’explorer la microcirculation cutanée. La capillaroscopie est basée sur l’examen des capillaires du repli sus-unguéal à l’aide d’un microscope optique à fort grossissement (de 20 à 200 fois). La vidéo capillaroscopie est le couplage du microscope à une caméra numérique de haute définition reliée à un ordinateur permettant ainsi une meilleure analyse des images et leur stockage informatique. Préalablement à l’examen, il est nécessaire d’appliquer une goutte d’huile sur le rebord périunguéal pour améliorer la translucidité. La capillaroscopie se réalise à température ambiante, pour éviter les phénomènes d’hypersudation, de vasodilatation ou de vasoconstriction. Huit doigts sont examinés, excluant les pouces et les orteils qui sont moins informatifs. Au niveau du repli sus-unguéal, les anses capillaires sont parallèles à la surface cutanée, et la capillaroscopie permet d’étudier la morphologie, l’organisation et le nombre de capillaires (41).
Capillaroscopie et phénomène de Raynaud
Le phénomène de Raynaud (PR) est caractérisé par une ischémie paroxystique des extrémités. Il s’agit d’un acrosyndrome récurrent lié au vasospasme touchant les petites artérioles des doigts des mains et des pieds. Il est causé le plus souvent par le froid, une variation de température ou encore un choc émotionnel. Le PR évolue en trois phases : la phase syncopale (présente dans la majorité des cas), la cyanose et la phase érythermalgique. Il peut être limité à un doigt, voire à une phalange. On distingue la maladie de Raynaud où le PR est isolé et non compliqué, et les syndromes de Raynaud où le PR est dit secondaire, associé à une autre pathologie. En France, la prévalence du PR est de 15% chez la femme et 10% chez l’homme. Il s’agit d’une maladie de Raynaud dans 85% des cas chez la femme et dans 45% des cas chez l’homme. L’intérêt de la capillaroscopie dans le PR est d’identifier la présence d’une microangiopathie organique permettant de différencier les formes primaires bénignes des formes secondaires. La capillaroscopie est normale dans la maladie de Raynaud dite forme primaire. Dans les formes secondaires, les anomalies architecturales observées témoignent d’une microangiopathie organique pouvant évoquer une sclérodermie systémique ou une autre connectivite. Dans la méta-analyse de F. Ingegnol de 2017 (43), l’incidence de transition d’un PR primaire en connectivite était de 2,65 pour 100 personnes/année et de 0,93/100 personnes/année pour la sclérodermie. Les facteurs prédictifs identifiés étaient la présence d’ACAN positifs et d’anomalies capillaroscopiques. En effet, les patients avec un PR isolé et des ACAN positifs avaient un risque relatif (RR) de 7,63 de développer une connectivite et de 13 pour la sclérodermie. Les patients avec des anomalies capillaroscopiques sans ACAN avaient un RR de 5,53 de développer une connectivite et de 11,8 pour la sclérodermie. La coexistence des ACAN positifs et des anomalies capillaroscopiques augmentait le RR à 16,9 pour l’évolution en connectivite et à 40,45 pour la sclérodermie.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Les myopathies inflammatoires
1.1. Epidémiologie et généralités
1.2. Classifications des myopathies inflammatoires
1.3. Généralités sur les myopathies inflammatoires
1.4. Sous-groupes de myopathies inflammatoires
1.4.1. Les dermatomyosites
1.4.2. Les myosites de chevauchement
1.4.3. Le syndrome des anti-synthétases
1.4.4. Les myosites nécrosantes auto-immunes
1.4.5. Les polymyosites
1.4.6. Les myosites à inclusions
2. La capillaroscopie
2.1. Généralités
2.2. Définitions
2.3. Intérêts de la capillaroscopie
2.3.1. Capillaroscopie et phénomène de Raynaud
2.3.2. Capillaroscopie et sclérodermie systémique
ARTICLE (VERSION FRANCAISE)
ARTICLE (VERSION ANGLAISE)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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