Anomalie de production de globule rouge

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PHYSIOPATHOLOGIE

L’érythropoïèse est l’ensemble des mécanismes qui aboutissent à la formation des érythrocytes matures. La physiopathologie de la polyglobulie est alors étroitement liée à la régulation de l’érythropoïèse [13].
A l’état normal, l’organisme produit 10¹¹ glob ules rouges par jour et la moelle osseuse utilise des unités capables d’assurer leur propre renouvellement, ainsi que la production de cellules différenciées. Ces unités sont les cellules « souches » qui constituent la base indispensable à une hématopoïèse efficace.
Des éléments (vitamines, oligoéléments, microenvironnement médullaire, facteurs de transcription et les facteurs de croissance) jouent un rôle important pour obtenir une hématopoïèse correcte et régulée, et donnent ainsi aux cellules souches des conditions anatomiques satisfaisantes pour assurer leur rôle producteur afin de maintenir l’équilibre entre la production et la destruction des globules rouges.
La production excessive des érythrocytes entraîne la polyglobulie à l’origine de l’hyperviscosité [14, 15].

Anomalie de production de globule rouge

Dans la polyglobulie, l’augmentation du volume globulaire est due à une augmentation de production médullaire erythropoïetique chroniquement maintenue [15]. Le myélogramme reste peu modifié car dans la polyglobulie, la production médullaire ne dépasse pas plus de 2 à 3 fois la normale [16, 17].
L’augmentation de la production de globules rouges peut être primitive ou secondaire. Les causes secondaires sont liées à une stimulation accrue de la moelle. Dans ce cas, le taux d’érythropoïétine est augmenté. La polyglobulie primitive survient sans stimuli détectable, et le taux d’érythropoïétine est bas ou normal [15].

Hyperviscosité sanguine

La viscosité du sang totale dépend essentiellement du taux de l’hématocrite et au-delà de 60 %, l’augmentation de l’hématocrite s’accompagne d’une augmentation exponentielle de la viscosité [18, 19].
L’hyperviscosité perturbe à la fois le transport d’oxygène aux tissus et l’état cardiovasculaire.
Elle est directement liée au risque de thrombose qui est douteux dans les polyglobulies modérées, mais très grande dans les polyglobulies franches aussi bie n secondaires que primitives [20].
Le risque est encore accru lors de la déshydratation qui accentue l’hémoconcentration.

DEMARCHE DIAGNOSTIQUE

Diagnostic positif

Circonstance de découverte

Les circonstances de découverte varient selon les étiologies, le plus souvent, elle est découverte fortuitement au cours d’un hémogramme systématique.
Les signes cliniques évocateurs sont: l’érythrose palmaire, l’hippocratisme digital dans le cadre d’une insuffisance respiratoire, un syndrome d’hyperviscosité à type de céphalées, de déficits neurologiques, et de troubles sensoriels.
Dans les cas douteux, il faut rechercher à l’interrogatoire: les antécédents médicaux, l’ethnie, la notion de tabagisme, et la prise de médicament suspect. L’examen clinique recherche de signes associés comme la splénomégalie, l’hypertrophie ganglionnaire [1, 21].
La polyglobulie peut être révélée au stade de complications liées à un état d’hypercoagubilité (thromboses veineuses et artérielles), à un mauvais fonctionnement des plaquettes (hémorragies) et à une hyperuricémie responsable de lithiase rénale et de crise de goutte [19, 21].

Manifestations cliniques

En raison de leur physiopathologie commune, les polyglobulies ont en commun un certain nombre de symptômes.
Des manifestations fonctionnelles à type de céphalée qui est le plus fréquemment rencontré, d’apparence banale et ne frappe que par sa répétition. La survenue de prurit, rebelle, intense, au contact de l’eau froide, est un symptôme très évocateur. L’asthénie qui est quasi constante, d’intensité variable et sans caractère particulier s’accompagnant d’une perte de poids dans 1/3 des cas peut révéler la polyglobulie. La dyspnée est assez fréquente mais modérée [22, 23].

D’autres signes neuro-sensoriels comme les vertiges, le bourdonnement d’oreilles, les paresthésies, les fourmillements des extrémités peuvent révéler la polyglobulie [22, 23].
Les manifestations cutanéo-muqueuses comme l’érythrose est le signe objectif le plus évident, elle est surtout importante au niveau de la face et des parties découvertes, elle est quasi constante mais son importance n’est pas proportionnelle à la polyglobulie. Des lésions cutanées et des dermatoses non spécifiques ne sont pas rares, et les autres manifestations liées aux complications neurologiques, digestives, vasculaires, génito-urinaires peuvent survenir [22, 23].

Biologie

Hémogramme

La polyglobulie se traduit à l’hémogramme par un nombre de globule rouge supérieur à 6 x10¹²/ml; un taux d’hémoglobine supérieur a 17g/dl chez l’homme, 16g/dl chez la femme; un taux d’hématocrite supérieur a 50% [1, 23, 24].
Les globules blancs et plaquettes peuvent être normaux ou augmentés selon l’étiologie.

Vitesse de sédimentation

Une vitesse de sédimentation(VS) remarquablement basse, inférieure à 2mm est observée au cours des polyglobulies primitives [1, 23, 24].

Masse globulaire totale

On réserve le terme de polyglobulie absolue ou volumétrique aux situations où existe une augmentation du volume globulaire total au-dessus des valeurs normales.
Le diagnostic de la polyglobulie est confirmé par la mesure isotopique, après marquage des hématies au chrome 51, du volume glob ulaire total. Les chiffres rapportés au Kg de poids n’ont qu’une valeur statistique et n’est pas interprétable dès que le sujet s’éloigne d’un morphotype moyen [1, 23, 24].
Une polyglobulie vraie est définie par un volume globulaire supérieur à 32ml/kg chez la femme ou 56ml/kg chez l’homme. Il n’est pas nécessaire de pratiquer cet examen en cas d’hématocrite > 60 % [1, 6, 11, 22].

Dosage EPO

Le taux sérique de l’EPO est élevé dans les polyglobulies secondaires, basses dans la maladie de Vaquez, des taux normaux d’EPO n’excluent ni l’un ni l’autre [21].

BOM et Médullogramme

La biopsie ostéo- médullaire (BOM) au cours de la Maladie de Vaquez révèle dans environ 10% des cas une moelle normo cellulaire, sans hyperplasie mégacaryocytaire.

Culture de progéniteurs

La culture de progéniteurs érythropoiétiques au cours de la Maladie de Vaquez montre une croissance des progéniteurs erythropoiétiques spontanée sans addition d’EPO [1, 22].

Dosage de la P50

Les dosages de la P50 et du 2,3-DPG sont surtout indiqués en cas d’antécédent familial ou chez le sujet jeune. Un taux normal ou bas de 2,3-DPG signifie que l’hémoglobine est hyper affinée, mais un taux de 2,3-DPG effondré est en faveur d’un déficit constitutionnel en 2,3-DPG [22].

Autres examens

La carboxyhémoglobinémie est utile en cas de tabagisme important, les gaz du sang artériels pour rechercher une hypoxie.
L’échographie et/ou TDM abdominale, rénale, et cérébrale sont des examens à effectuer pour rechercher les étiologies d’une polyglobulie secondaire [1, 3].

Diagnostic étiologique

Polyglobulie primitive ou maladie de Vaquez ou Polycythémie Vera

C’est un syndrome myéloprolifératif entraînant une production excessive de globules rouges due à une mutation ponctuelle de la tyrosine kinase JAK2. La mutation JAK2 V617F, a été retrouvée dans la majorité des cas de Maladie de Vaquez [21, 25].
Cliniquement, la Maladie de Vaquez se manifeste par un prurit généralisé à l’eau qui est pathognomonique, parfois on rencontre des érythroses cutanéo- muqueuses, et la splénomégalie est présente dans 75 % des cas.
Sur le plan biologique, une hyperleucocytose ≥12.10⁹/l à prédominance neutrophile est présente dans 40% des cas de Maladie de Vaquez, et une thrombocytose est présente dans 60% des cas. Le dosage sérique de l’EPO peut être normal ou bas.Au cours de la Maladie de Vaquez, il n’y a pas de cause de polyglobulie secondaire, mais elle est le plus souvent associée à une HTA [1, 26, 27]. Le diagnostic de maladie de Vaquez répond à des critères définis (Tableau I)

Polyglobulies secondaires

Elles ont en commun une masse globulaire élevée, l’absence de mutation JAK2, un taux élevé d’EPO sérique, l’absence de poussée spontanée des progéniteurs érythroides et la disparition de la polyglobulie après le traitement de la cause. Il s’agit de causes anoxiques ou tumorales [3].

Polyglobulie secondaire à une hyperproduction d’EPO adaptée à une hypoxie

• Par désaturation artérielle en oxygène
Dans la polyglobulie de haute altitude, les effets de l’hypoxie (hyperventilation, tachycardie) se font ressentir à l’effort puis au repos. La clinique est d’évolution croissante et varie selon les sujets. Une grande majorité des sujets ressentent les effets de l’altitude au-dessus de 3000 m [30].
Les pathologies pulmonaires comme les pneumopathies obstructives chroniques, l’hypoventilation alvéolaire et le syndrome de Pickwick (c’est une condition dans laquelle les individus obèses sont incapables de respirer assez rapidement et profondément). Et sans oublier les malformations cardiovasculaires cyanogènes [6, 24, 31].
• Par un mauvais transfert de l’oxygène de l’hématie aux tissus
Dans les anomalies de l’hémoglobine et de certaines enzymes érythrocytaires, dans l’hyperaffinité de l’hémoglobine pour l’oxygène ou le déficit en 2,3 DPG et la méthémoglobinémie congénitale (rare) [6, 24, 31].

• Par hypoxie tissulaire toxique comme les intoxications par l’oxyde de carbone et le tabagisme [6, 24, 31].

Polyglobulie secondaire à une hyperproduction d’EPO inappropriée

• Pathologies rénales
Depuis la généralisation des moyens d’imagerie, plus de 50 % des cancers du rein sont découverts de façon fortuite chez un patient polyglobulique [6].
La tumeur est responsable d’une hyperproduction sérique et urinaire d’EPO.
Selon les études, 5 à 20 % des cancers rénaux sont associés à un syndrome paranéoplasique résultant de la sécrétion d’une hormone ou pseudo-hormone par les cellules tumorales [32].
• Hémangiome du cervelet
C’est une tumeur vasculaire rare, mais s’accompagnant souvent d’une polyglobulie.
• Hépatome
Cette tumeur se développe souvent sur un terrain cirrhotique, et il est parfois difficile d’interpréter le taux d’hématocrite en raison de l’hypovolémie plasmatique.
• Autres
Le fibrome utérin, ainsi que les autres tumeurs comme les tumeurs des tissus conjonctifs, les kystes ovariens, les tumeurs surrénales
Les désordres endocriniens: qu’on rencontre au cours de l’androgénothérapie prolongée et de la maladie de Cushing [21, 31].

Polyglobulies iatrogènes

Elle concerne surtout les polyglobulies rencontrées au cours des traitements par:
EPO, corticoïdes, hormonothérapie (androgènes), etc.

Polyglobulie idiopathique

C’est une polyglobulie absolue acquise où la prolifération est limitée à la lignée rouge. Malgré un examen approfondi, aucune cause de polyglobulie secondaire n’est retrouvée et pourtant les critères d’une maladie de Vaquez ne sont pas présent s. Cette entité représente 5 à 10 % des érythrocytoses absolues acquises non secondaires [10].

Polyglobulie rencontrée au cours des divers syndromes myéloprolifératifs.

Une polyglobulie peut être retrouvée dans la thrombocythémie essentielle, et les leucémies myéloïdes chroniques.

Diagnostics différentiels

Hémoconcentrations

Il existe une augmentation en parallèle de l’hémoglobine, de l’hématocrite et du nombre d’hématies, sans augmentation de la masse sanguine (Figure1).
Elles correspondent à des tableaux cliniques particuliers comme la déshydratation aigue, les brûlures étendues, la prise de diurétiques ou un contexte de réanimation [34-36].

Syndromes thalassémiques hétérozygotes

A l’hémogramme, il existe une augmentation du nombre d’hématies mais elle est associée à une microcytose, un hématocrite et une hémoglobine non augmentés.
Le bilan martial est normal et le diagnostic repos sur l’origine géographique, l’enquête familiale et l’électrophorèse de l’hémoglobine [34 – 36].

Pseudo-polyglobulie (syndrome de Gaїsbock₌Polyglobulies limites) ou polycythémie de «stress»

C’est une élévation modérée et permanente de l’hématocrite avec une légère augmentation du volume globulaire total et une hémoconcentration. Cet état est fréquent chez les hommes d’âge mur et pléthorique. L’état de pléthore correspond souvent à des hommes jeunes avec surcharge pondérale et autres facteurs de r isques vasculaires associés [34-36].

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PREMIERE PARTIE: CONSIDERATIONS THEORIQUES
1.1. DEFINITION
1.2. ÉPIDEMIOLOGIE
1.3. PHYSIOPATHOLOGIE
1.3.1. Anomalie de production de globule rouge
1.3.2. Hyperviscosité sanguine
1.4. DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
1.4.1. Diagnostic positif
1.4.2. Diagnostic étiologique
1.4.3. Diagnostics différentiels
1.5. TRAITEMENT
1.5.1. Buts du traitement
1.5.2. Moyens thérapeutiques
1.5.3. Indications thérapeutiques
1.5.4. Surveillance
1.6. EVOLUTION ET COMPLICATIONS
1.7. PRONOSTIC
2. DEUXIEME PARTIE: METHODES ET RESULTATS
2.1. METHODES
2.1.1. Type de l’étude
2.1.2. Lieu d’étude
2.1.3. Durée d’étude
2.1.4. Période d’étude
2.1.5. Population d’étude
2.1.6. Variables étudiées
2.1.7. Modes de collecte et d’analyse des données
2.1.8. Calculs et tests statistiques utilisés
2.1.9. Limites de l’étude
2.1.10. Considérations éthiques
2.2. RESULTATS
2.2.1. Résultats généraux
2.2.2. Répartition de la population selon les variables d’étude
2.2.3. Description du suivi des patients polyglobuliques
3. TROISIEME PARTIE: DISCUSSION
3.1. ASPECTS GENERAUX DE LA POLYGLOBULIE
3.1.1. Aspects démographiques et fréquence de la polyglobulie
3.1.2. Circonstances de découverte
3.1.3. Examens paracliniques
3.1.4. Aspects étiologiques
3.2. DESCRIPTION DES PATIENTS SUIVIS
3.2.1. Contexte professionnel
3.2.2. Aspects cliniques
3.2.3. Aspects thérapeutiques
3.2.4. Aspects évolutifs
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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