Angioplastie des lésions coronaires complexes

L’angioplastie coronaire, également appelée angioplastie coronaire transluminale percutanée (ACTP), est une procédure mini-invasive qui est utilisée pour ouvrir les artères coronaires obstruées ou rétrécies par des lésions d’athérosclérose afin de rétablir un flux normal [1]. L’accès à l’angioplastie coronaire a amélioré le pronostic des infarctus du myocarde en occident. La maladie coronaire représente une cause majeure de mortalité cardiovasculaire. Sa prévalence doublera probablement d’ici 2020 avec une augmentation de 140% de la mortalité par infarctus du myocarde alors que la progression attendue dans des pays du nord sera inférieure à 30% [2,3]. La mortalité hospitalière liée aux syndromes coronariens aigus avec susdécalage du segment ST a baissé pratiquement de moitié en 10 ans (8,3% en 1995 à 4,3% en 2005), et cela est essentiellement en rapport avec le développement des techniques de reperfusion au sein desquelles l’angioplastie joue un rôle majeur [4]. Longtemps considérée comme rarissime au sein des populations noires d’Afrique, la maladie coronaire a connu une progression régulière avec l’occidentalisation du mode de vie et l’influence des facteurs de risque cardiovasculaire. Le Sénégal est un des rares pays en Afrique subsaharienne où l’angioplastie fait partie intégrante des moyens disponibles dans la prise en charge de la maladie coronaire depuis le mois d’avril 2014. Chez certains patients, les lésions coronaires peuvent être très sévères et surtout difficiles d’accès rendant l’angioplastie complexe. Ces lésions sont essentiellement constituées par celles du tronc commun de la coronaire gauche, celles de bifurcations, les lésions d’occlusions chroniques et enfin les lésions tritronculaires.

EPIDEMIOLOGIE ET HISTORIQUE

Les maladies cardio-vasculaires sont des affections graves qui ont connu des évolutions continues au cours de ces cinquante dernières années. De la seconde guerre mondiale aux années 2000, ces affections ont été la première cause de mortalité avec 12,2% de l’ensemble des décès [6]. C’est à partir de 2004 que les cancers sont venus occuper la première place en termes de mortalité [7]. Néanmoins, la maladie artérielle coronaire reste en tête de la mortalité dans les pays développés atteignant presque 50 % des décès annuels. À l’échelle mondiale, l’incidence des syndromes coronariens la plus élevée est retrouvée en Carélie du nord (Finlande) avec 1648/100000 habitants alors que la plus basse est retrouvée en Chine avec 50/100000 habitants. En Europe, l’incidence la plus faible est retrouvée en Espagne avec 259/100000 habitants suivie par l’Italie avec 421/100000 habitants [7]. Par contre en Afrique, où la réalité des maladies cardio-vasculaires est plus que jamais prouvée, nous ne disposons que de peu de données épidémiologiques sur les affections coronariennes. L’étude CORONAFRIC, première étude prospective multicentrique menée dans 16 centres hospitaliers de 13 pays africains (1988-1989), retrouvait une prévalence de la maladie coronaire de 3,17% [8, 3]. Au Sénégal, la prévalence hospitalière des syndromes coronariens aigus est passée de 4,05% en 2006 à 7,61% en 2009 [3]. En 2011, l’étude transversale menée à Saint-Louis en population générale retrouvait une prévalence des coronaropathies de 9,9% [9]. En 2017 l’étude CORONAFRIC 2 retrouvait une incidence de 24% pour la pathologie coronaire [10]. Les projections de l’OMS en 2030 prédisent que la prévalence de la maladie coronaire par IDM sera dédoublée et deviendra la 1ère cause de mortalité en Afrique devançant ainsi les maladies transmissibles et les carences alimentaires[11].

Le traitement de l’insuffisance coronarienne, quant à lui, a connu une révolution durant les dernières décennies. C’est à la suite de la mise en œuvre de la 1ère angioplastie par ballon intracoronaire par le docteur Andreas Gruentzig en 1977 que la cardiologie interventionnelle a connu une progression exponentielle [12]. C’est ainsi que sont nés dans les années 80 les premiers stents nus (BMS = Bare Metal Stent), ressorts métalliques à maille permettant la désobstruction in situ de l’artère coupable. En 2001, ont été introduits les stents à élution médicamenteuse (DES = Drug Eluting Stent) connus sous le nom de « stents actifs » qui ont permis la réduction significative du taux de resténose intrastent [12]. Depuis 2006, les essais cliniques se multiplient afin de mettre en place une nouvelle génération d’endoprothèse coronaire encore plus performante que les précédentes nommée « biorésorbables » (BVS = Bioabsorbable Vascular Scaffold) [13]. Trente ans après les premières tentatives de revascularisation percutanée, le TC reste encore une indication controversée en raison du caractère pronostique de sa localisation et des bons résultats de la chirurgie de pontage. L’angioplastie par ballon est totalement abandonnée. Dans un premier temps, les stents nus ont été utilisés vers le milieu des années 90 avec d’excellents résultats concernant la mortalité hospitalière à un an et de moins bons concernant le TLR (15 ~ 20 %). L’irruption des stents actifs a suscité un enthousiasme conduisant leur utilisation « off-label ». Des résultats à un an concernant l’amélioration du TLR ont été logiquement obtenus [14]. Les premières angioplasties du TC de la coronaire gauche ont été effectuées par Andreas GrucnLzig et vite abandonnées en raison de complications potentielles subites et redoutables [15].

ANATOMIE DES ARTERES DU COEUR

La vascularisation artérielle du cœur est de type terminal. Elle est assurée par deux artères coronaires ainsi nommées car elles entourent le cœur comme une couronne au niveau du sillon atrio-ventriculaire (figure 1). Ces artères sont susceptibles de subir de nombreuses variations anatomiques, tant au niveau de leur origine qu’au niveau de leurs ramifications.

Artère coronaire gauche (ACG) 

Elle débute par un tronc commun (TC) naissant du sinus aortique antéro-gauche juste au-dessus de la valvule aortique semi-lunaire gauche. Elle passe en arrière du tronc artériel pulmonaire gauche et sous l’auricule gauche et se divise rapidement en 2 branches terminales :

➤ L’artère interventriculaire antérieure (IVA)
Elle longe le sillon interventriculaire antérieur jusqu’à l’apex quelle contourne et se termine dans le sillon interventriculaire inférieur. Elle donne au cours de son trajet des collatérales à destinée ventriculaire [17] :
– L’artère infundibulaire gauche destinée au ventricule droit
– Les artères diagonales destinées au ventricule gauche
– Les artères septales (12 à 15) bien visibles en coronarographie et qui permettent de reconnaître à coup sûr l’IVA .

L’IVA est divisée en trois segments : le segment proximal entre le tronc gauche et le départ de la première septale, le segment moyen entre la première septale et la deuxième diagonale, le segment distal au-delà de la deuxième diagonale.

➤ L’artère circonflexe (CX)
Elle chemine dans le sillon auriculo-ventriculaire gauche pour finir à la face postéro latérale du ventricule gauche. Elle donne au cours de son trajet deux sortes de branches collatérales [17] :
– Les branches marginales gauches (encore appelées latérales) qui longent le bord gauche du cœur vers la pointe et irriguent la face latérale du ventricule gauche
– Les branches auriculaires qui vascularisent l’oreillette gauche.

La CX est divisée en deux parties : la CX 1 ou proximale, située entre le TC et la première marginale, et la CX 2 ou distale, à partir de cette marginale.

Artère coronaire droite (ACD) 

Elle naît en regard de la valvule sigmoïde antérieure droite, au niveau du sinus coronaire droit. Elle comporte trois segments :
– le premier segment (CD1), court et horizontal, dirigé vers la droite, est compris entre l’ostium et le premier coude de l’artère où elle rejoint le sillon auriculo-ventriculaire droit,
– le deuxième segment (CD2), long et vertical, chemine dans le sillon auriculo-ventriculaire droit jusqu’au bord droit du cœur,
– le troisième segment (CD3), horizontal et dirigé vers la gauche, longe le sillon auriculo-ventriculaire postérieur jusqu’à la Croix du cœur et se divise un peu en avant en artère interventriculaire postérieure (IVP) et en artère rétro-ventriculaire postérieure (RVP).

Ses deux branches terminales :
– L’artère interventriculaire inférieure (ou postérieure) : elle suit le sillon interventriculaire inférieur et s’épuise avant l’apex après avoir donné 2 types de collatérales ventriculaires [16] :
➤ Des branches pariétales destinées aux faces inférieures des deux ventricules,
➤ Des branches septales inférieures (7 à 12) assurant la vascularisation du tiers inférieur du septum interventriculaire.
– L’artère rétroventriculaire postérieure : elle prolonge l’axe de la coronaire droite et donne souvent [16] :
➤ Une branche ascendante destinée au nœud auriculo-ventriculaire,
➤ Des branches destinées à la face inférieure du ventricule gauche.

Il existe par ailleurs des branches collatérales, telles les artères auriculaires, les artères septales, l’artère marginale droite, la branche du conus, l’artère du noeud sinusal et l’artère du noeud auriculo-ventriculaire.

Notion de dominance 

La notion de dominance correspond à une prépondérance anatomique et fonctionnelle. Elle est liée à la vascularisation de la paroi inféro-latérale du cœur. L’artère dite dominante est celle qui donne l’IVP et la RVP. Le plus souvent (80 % des cas), il s’agit de la coronaire droite, mais dans 15 % des cas, c’est la circonflexe (dominance gauche). La circonflexe se poursuit alors sur la face inférieure du ventricule gauche pour donner l’IVP et la RVP, et la coronaire droite, peu développée, s’épuise après avoir donné les branches irriguant le ventricule droit. Le réseau est dit équilibré lorsque l’IVP est issue de la coronaire droite et la RVP de la circonflexe (5 % des cas) .

INDICATIONS ACTUELLES DE L’ANGIOPLASTIE

Conditions préalables

L’indication de la réalisation d’une angioplastie coronaire est basée sur un certain nombre de considérations. Le préambule est bien entendu qu’il existe une sténose avec un retentissement hémodynamique et une ischémie myocardique. L’indication de la réalisation d’une angioplastie suppose l’étude préalable de quatre points :
➤ L’expression clinique de l’ischémie myocardique
➤ La mise en évidence d’une ischémie myocardique
➤ L’évaluation de la viabilité myocardique
➤ L’étude anatomique du réseau coronaire [20].

L’expression clinique de l’ischémie myocardique 

On distingue 5 entités nosologiques :
✓ Angor stable
✓ Ischémie silencieuse
✓ Syndrome coronarien aigu
✓ Insuffisance cardiaque ischémique
✓ Mort subite.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. EPIDEMIOLOGIE ET HISTORIQUE
II. ANATOMIE DES ARTERES DU COEUR
II.1. Artère coronaire gauche
II.2. Artère coronaire droite
II.3 – Notion de dominance
III. INDICATIONS ACTUELLES DE L’ANGIOPLASTIE
III.1 Conditions préalables
III.1.1 L’expression clinique de l’ischémie myocardique
III.1.2 La mise en évidence d’une ischémie myocardique
III.1.3 L’évaluation de la viabilité myocardique
III.1.4 L’étude anatomique du réseau coronaire
III.2. Indications proprement dites
VI. REALISATION PRATIQUE DE L’ANGIOPLASTIE CORONAIRE
IV.1 Plateau technique et compétences humaines nécessaires à la réalisation d’une angioplastie coronaire
IV.2 Information du patient
IV.3 Réalisation proprement dite de l’angioplastie
IV.3.1 Prémédication
IV.3.2 Sélection du produit de contraste
IV.3.3 Voie d’abord
IV.3.4 Matériel
V. RESULTAS DE L’ANGIOPLASTIE
V.1 Résultats immédiats
V.1.1 Définitions du succès d’une angioplastie
V.1.2 Succès technique
V.2 Résultats à moyen terme
V.2.1 Problème de la resténose
V.2.2 Complications des stents actifs : resténose et thromboses tardives
VI. COMPLICATIONS DE L’ANGIOPLASTIE
VI.1 Occlusion aiguë per- ou périprocédurale
VI.2 Infarctus, décès
VI.3 Les complications communes avec la coronarographie
VII. ANGIOPLASTIE DES LESIONS COMPLEXES
VII.1 ANGIOPLASTIE DES OCCLUSIONS CORONAIRES CHRONIQUES
VII. 2 ANGIOPLASTIE DU TRONC COMMUN
VII. 3 ANGIOPLASTIE DES LESIONS DE BIFURCATION
VII.4 ANGIOPLASTIE DES LESIONS TRITRONCULAIRES
CONCLUSION

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