GENERALITES (1) (2) (3)
L’anesthésie caudale consiste en une injection d’anesthésiques locaux dans l’espace péridural après ponction de l’hiatus sacré au travers de la membrane sacro coccygienne. Elle a été décrite pour la première fois par Cathelin et Sicar en 1901. Mais en 1909, cette technique anesthésique a été introduite en obstétrique et en chirurgie par Stoekel et al. Ce n’est qu’en 1942 que Hingson a diffusé cette technique en Amérique et en Grande Bretagne en l’enseignant dans plus de quatre-vingt-dix écoles médicales. Devant le progrès de l’anesthésie générale, l’anesthésie caudale a été délaissée pendant quelques décennies. Vers les années 70, elle a de nouveau suscité un intérêt surtout en pédiatrie à cause des connaissances pharmacocinétiques plus poussées des anesthésiques locaux, de l’amélioration de la technique et surtout des matériels.
Le contenu du canal rachidien
Les éléments nerveux, les enveloppes méningées et l’espace péridural composent le contenu du canal rachidien. La moelle épinière et les racines rachidiennes constituent les éléments nerveux. La moelle s’étend de C2 à L3 à la naissance. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, le canal vertébral osseux se développe plus vite que la moelle, celle-ci s’élève jusqu’à T12. Mais vers l’âge de 1an, l’extrémité inférieure de la moelle revient à L2 qui sera son niveau définitif.
– Les enveloppes méningées : Les méninges entourent la moelle épinière avec ses trois couches : la dure-mère (la couche la plus externe), l’arachnoïde (la couche intermédiaire) et la pie-mère (la couche la plus interne). Entre l’arachnoïde et la pie-mère se trouve l’espace sous arachnoïdien qui contient le liquide céphalo-spinal. La dure-mère accompagne chaque racine rachidienne jusqu’au trou de conjugaison correspondant en formant un manchon autour de celle-ci. La dure-mère enveloppe la moelle mais elle descend un peu plus bas que la moelle et arrive jusqu’à S2 en formant à ce niveau le cul-de-sac dural (cf. figure 1). Ce cul-de-sac dural contient les éléments radiculaires formant la queue de cheval. L’extrémité inférieure de ce cul-de-sac dural forme une gaine au filum terminal de la moelle qui, sous le nom de ligament coccygien, descend pour se fixer à la partie postérieure du coccyx.
– L’espace péridural : L’espace péridural, appelé encore espace extradural, est compris entre les parois ostéotendineuses du canal rachidien et la dure-mère. Il s’étend du trou occipital à l’extrémité inférieure du canal sacré. Il est fermé vers le haut par la dure-mère qui adhère intimement au pourtour du trou occipital. L’espace péridural est occupé par un tissu cellulo-graisseux, des artères, des plexus veineux et des nerfs. Le tissu cellulo-graisseux est peu dense chez l’enfant, riche en espace lacunaire et ne contient pas de travée fibreuse.
Médicaments et posologies
L’extension du bloc sensitivomoteur dépend du volume d’anesthésique local injecté. Aucune formule mathématique ne permet de définir le volume à administrer en fonction de l’extension souhaitée. Pour une chirurgie inguinale (c’est-à-dire un niveau sensitif situé en T10), un volume de 0,75 à 1 ml.kg–1 est conseillé. En cas de chirurgie périnéale, un volume de 0,5 ml. kg–1 semble suffire. La bupivacaïne à 0,25 % procure une analgésie d’une durée de 4 à 6 h et permet une réduction de la consommation post opératoire d’antalgiques. L’adjonction d’adrénaline au 1/200 000e allonge la durée du bloc moteur qui peut alors atteindre 150 mn en moyenne. La bupivacaïne à 0,125 % a montré son efficacité lorsqu’elle est administrée par voie caudale, en procurant une analgésie postopératoire comparable à celle de la bupivacaïne à 0,25 %. Cependant, la réduction de la durée du bloc moteur ainsi obtenue autorise une sortie plus précoce de la salle de surveillance post interventionnelle. La ropivacaïne a obtenu une autorisation de mise sur le marché en pédiatrie. Elle procure un bloc sensitif comparable à celui obtenu avec la bupivacaïne avec un bloc moteur plus court et moins intense. De même, les complications systémiques sont moins nombreuses avec une dépression myocardique et un potentiel arythmogène moins marqués. A doses et concentrations équivalentes, l’installation de l’anesthésie est plus rapide et sa durée plus longue lors de l’emploi de ropivacaïne. L’utilisation d’adjuvants a été proposée afin de réduire les doses d’anesthésiques locaux employés ou de prolonger la durée du bloc. La clonidine, agoniste des récepteurs α2- adrénergiques a des propriétés antalgiques par son action au niveau de la corne postérieure de la moelle. Utilisée par voie péridurale à la dose de 1 µg.kg–1 , elle prolonge l’effet de la bupivacaïne sans provoquer de modification cardiovasculaire, ni de sédation. La kétamine possède également des propriétés antalgiques en raison de son action antagoniste des récepteurs N méthyl-D-aspartate (NMDA) situés également dans la corne postérieure de la moelle. Son utilisation par voie péridurale caudale a été proposée et semble prolonger significativement la durée de l’analgésie.
Les adjuvants de l’anesthésie locale
1. La clonidine : Selon Eisenach (24), après une caudale, l’action anti-nociceptive de la clonidine est fonction de sa concentration dans le liquide céphalo-rachidien mais non dans le plasma, ce qui oriente vers son action locale comme source d’analgésie. La clonidine se fixe sur les récepteurs alpha-2 pré- et post-synaptiques de la substance gélatine de ROLANDO. Elle diminue le relargage de la substance P, qui est un neuromédiateur de la douleur (19) (23) (25) (26). Notre choix est motivé par :
− Les effets bénéfiques de la clonidine : Utilisée en tant qu’adjuvant lors de la caudale, elle augmente la durée d’action et la qualité de l’analgésie de l’anesthésique local (23) (27) (28) (29) (30). La clonidine est aussi préférée pour son action antiémétique (31) qui est plus qu’un bénéfice chez les jeunes enfants en période post opératoire. La clonidine a aussi la propriété d’inhiber le frisson post opératoire (32).
− L’absence d’effets indésirables majeurs : Nous n’en avons pas rencontré dans notre série. Selon Gordh et al (33) (34), la clonidine n’est jamais responsable ni de toxicité médullaire ni de vasoconstriction régionale au niveau de la moelle lors de la caudale. L’hypotension artérielle, la bradycardie, la détresse respiratoire et une sédation intense sont les effets indésirables potentiels de la clonidine (29). Ils sont doses-dépendants et apparaissent chez les individus ayant reçu en caudale une dose de clonidine de 5µg.kg-1 ou plus (31) (35). Ils sont minimes pour les doses utilisées habituellement en pédiatrie, entre 1 et 3µg.kg-1. En pédiatrie, il est très difficile de distinguer et de connaître la limite de la sédation et de l’analgésie. La période sédative est en moyenne 100 mn (1h 40 mn) dans notre série, ce qui est plus un avantage qu’un inconvénient chez le jeune enfant. La clonidine constitue alors une bonne alternative à la pose d’un cathéter pour prolonger la durée de l’anesthésie lors d’une anesthésie caudale.
2. L’adrénaline : L’adrénaline est habituellement utilisée à une concentration 1/200000ème , soit 5µg.ml-1 de solution anesthésique. L’adjonction d’adrénaline apporte certes des avantages en améliorant la qualité de l’anesthésie caudale, en retardant la résorption systémique de la bupivacaïne et en contrebalançant les effets hémodynamiques de cette dernière (36). Nous l’avons rejeté à cause du risque d’ischémie médullaire due à la vasoconstriction des artères qui sont du type terminal au niveau de la moelle.
3. Les morphinomimétiques : En caudale, les morphinomimétiques agissent sur des récepteurs spécifiques au niveau des terminaisons nerveuses des fibres C et bloquent ainsi la libération de la substance P qui est impliquée dans la transmission de l’influx nociceptif au niveau du premier relais de la voie extra-lemniscale de la douleur (19). Les morphinomimétiques sont indiqués dans un but de renforcer uniquement la composante analgésique d’une anesthésie caudale. La dose actuellement recommandée est respectivement de 30µg.kg-1 , de 1 à 2µg.kg-1 et de 0,5µg.kg-1 pour la morphine, le fentanyl et le sufentanyl. Le risque élevé de dépression respiratoire (37) (38) (39) et le coût élevé nous ont obligés à rejeter l’association bupivacaïne-morphinomimétique.
4. Les mélanges d’anesthésiques locaux : Des mélanges d’anesthésiques locaux ont été proposés dans un but de raccourcir la latence, de prolonger la durée du bloc et d’espérer une diminution de la toxicité, mais les résultats ne sont pas ceux que l’on attendait (18) (19) (21). Selon D’Athis (18), les toxicités des anesthésiques locaux sont additives lors des mélanges. Il avance des explications pharmacocinétiques : il existe une compétition entre les anesthésiques locaux concernés puisqu’ils se lient avec les mêmes protéines plasmatiques et possèdent les mêmes sites d’action ; le pourcentage d’ionisation de chaque anesthésique local est modifié dans le mélange puisque les pH et les constantes de dissociations (pka) de ces anesthésiques locaux sont différents. Les mélanges d’anesthésiques locaux ne sont pas choisis lors de notre étude pour plusieurs raisons :
− Le coût de l’anesthésie devient élevé,
− Les risques anesthésiques sont plus élevés.
La sédation
Le but de la sédation dans notre protocole est :
− de permettre de réaliser l’anesthésie caudale dans les meilleures conditions,
− et d’apporter un confort opératoire pour le chirurgien.
Selon Nicolas et al (40), la sédation permet aussi :
− de compléter l’analgésie même si le bloc réussit,
− de prévenir l’inconfort du patient provoqué par une intervention qui se prolonge même si le bloc est parfait,
− de gérer l’échec du bloc.
Selon la classification de l’Académie Américaine de pédiatrie, il y a 3 niveaux de sédation (41) :
− la sédation consciente qui est un état de la conscience contrôlé médicalement dans lequel le patient maintient ses réflexes de protection, contrôle d’une façon continue ses voies aériennes et répond d’une façon appropriée aux stimulations physiques et verbales ;
− la sédation profonde qui est un état de conscience où le patient ne peut pas être facilement réveillé. Cet état peut s’accompagner d’une perte partielle ou totale des réflexes de protection avec perte du contrôle de la perméabilité des voies aériennes et une incapacité à répondre d’une façon adéquate aux stimulations physiques et aux ordres verbales ;
− l’anesthésie générale qui est une association d’une perte de la conscience, amnésie, analgésie et relaxation musculaire.
Les réflexes de protection sont absents et une ventilation mécanique est nécessaire, associée à un monitorage hémodynamique continu. Le choix se porte en pédiatrie aux deux derniers à savoir à la sédation profonde ou mieux à l’anesthésie générale. Nous avons cherché avec notre protocole une anesthésie générale légère qui est mieux adaptée à notre environnement de travail. Ainsi donc, la tendance actuelle est de réaliser une véritable anesthésie générale avec pose d’un masque laryngé ou mieux avec une intubation orotrachéale en utilisant des drogues à courte durée d’action pour l’induction et des drogues à élimination pulmonaire pour l’entretien de l’anesthésie générale (27)(29)(31). Dans notre série, l’anesthésie générale est réalisée sous intubation orotrachéale associée à un monitorage hémodynamique. Les médicaments utilisés doivent répondre aux critères suivants à savoir :
− une efficacité sédative constante,
− les effets indésirables minimes,
− la bonne qualité de réveil.
Actuellement, quatre classes thérapeutiques sont d’utilisation courante (40) :
− les benzodiazépines surtout le midazolam,
− les morphinomimétiques surtout le fentanyl,
− les anesthésiques intraveineux en l’occurrence le propofol et la kétamine,
− et les anesthésiques gazeux volatils en particulier le protoxyde d’azote, l’isoflurane et le halothane.
L’halothane a été retenu pour réaliser une anesthésie générale dans notre série pour :
− sa disponibilité,
− sa facilité d’utilisation,
− son effet narcotique et myorelaxant.
Le midazolam et le propofol sont les agents d’induction les plus courants actuellement (42) et les halogénés et le protoxyde d’azote sont proposés pour entretenir l’anesthésie générale. Dans notre série, on a observé une bonne myorelaxation, une sédation adéquate et une bonne stabilité hémodynamique. La sédation présente quand même des inconvénients :
− elle impose une surveillance rigoureuse,
− et elle masque les signes d’une intoxication à la bupivacaïne.
Les complications s’il y a lieu sont dominées par les dépressions cardio vasculaire et respiratoire.
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Table des matières
INTRODUCTION
I.1. GENERALITES
I.2. RAPPELS ANATOMIQUES
I.2.1. Le canal rachidien et son contenu
1. Le canal rachidien
2. Le contenu du canal rachidien
I.2.2. Le sacrum
I.3. L’ANESTHESIE CAUDALE PROPREMENT DITE
I.3.1. Les indications de l’anesthésie caudale
I.3.2. Les contre- indications
I.3.3. Préparation de l’enfant et son entourage
I.3.4. Choix du matériel
I.3.5. Les complications
I.3.6. Inconvénients et effets secondaires des médicaments utilisés
1. Troubles hémodynamiques
2. Troubles respiratoires
3. Autres effets secondaires
I.3.7. La technique de l’anesthésie caudale
I.3.8. Médicaments et posologies
II.1. OBJECTIFS
II.2.MATERIELS ET METHODES
II.2.1. Cadre d’étude
II.2.2. Critères d’inclusion
II.2.3. Critères d’exclusion
II.2.4. Le protocole anesthésique
II.3. RESULTATS
II.3.1. Caractéristiques des patients
II.3.2. Les indications de l’anesthésie caudale
II.3.3. Les incidents per et post opératoires
II.3.4. L’analgésie post opératoire
COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
1. Indications de l’anesthésie caudale
1.1. Les indications selon le terrain
1.2. Les indications selon la chirurgie
2. Intérêts et avantages de l’anesthésie caudale
2.1. Pour le patient
2.2. Pour les chirurgiens
2.3. Pour l’anesthésiste-réanimateur
3. Inconvénients et effets secondaires
3.1. Troubles hémodynamiques
3.2. Troubles respiratoires
3.3 Autres effets secondaires
4. Choix des produits utilisés
4.1. L’anesthésique local
4.2. Les adjuvants de l’anesthésie locale
1. La clonidine
2. L’adrénaline
3. Les morphinomimétiques
4. Les mélanges d’anesthésiques locaux
5. La cathéterisation de l’espace péridural sacré
6. La sédation
7. Relation de l’anesthésie générale et de l’anesthésie caudale
SUGGESTION
CONCLUSION
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