La môle hydatiforme, également appelée grossesse môlaire est caractérisée par une prolifération de tissu chorionique fœtal dans l’utérus. Elle peut être partielle (MHP) ou complète (MHC). Les MHP ont généralement un caryotype triploïde et sont d’origine maternelle et paternelle, alors que les MHC sont diploïdes et sont exclusivement d’origine paternelle. La plupart des femmes ayant une grossesse môlaire peuvent être guéries par l’évacuation des produits de la conception et leur fertilité est préservée [22]. Toutefois, chez certaines femmes, la croissance persiste, et se développe une tumeur trophoblastique gestationnelle (TTG) ou néoplasie trophoblastique gestationnelle (NTG), une forme maligne de la maladie qui nécessite une chimiothérapie. On estime que 10% des MHC évoluent vers une NTG [34]. Une NTG peut être diagnostiquée par l’examen anatomopathologique d’un produit d’aspiration ou de curetage, ou devant une évolution anormale des βhCG après évacuation d’une môle hydatiforme. Selon les critères diagnostiques établis par le FIGO Oncology Committee [13], une tumeur trophoblastique gestationnelle est définie par : une ré ascension anormale des β-hCG supérieure ou égale à 10 % sur trois dosages consécutifs à une semaine d’intervalle (J1, J7, J14), une stagnation des β-hCG (variation inférieure à 10 %) sur quatre dosages consécutifs à une semaine d’intervalle (J1, J7, J14, J21), une persistance des βhCG positifs 24 semaines après évacuation d’une môle hydatiforme ou à l’histologie devant le diagnostic de choriocarcinome. Plusieurs études ont tenté d’identifier les facteurs qui prédiraient l’évolution vers une NTG ou une rémission afin de mieux informer les patientes et leurs médecins sur le risque de développer une NTG et à réduire l’intervalle entre le diagnostic de la grossesse môlaire et le diagnostic de la maladie persistante. L’âge de la mère, des kystes lutéiniques supérieurs à 6 cm et un antécédent de grossesse môlaire se sont avérés être faiblement prédictifs de développement d’une NTG [22].
Définition
La môle (autrefois appelée hydatiforme ou vésiculaire) est un œuf pathologique caractérisé, outre son aspect macroscopique de villosités kystiques, par un processus à la fois hyperplasique et dystrophique et par un dysfonctionnement vasculaire frappant les villosités choriales. L’hyperplasie intéresse l’épithélium, la dystrophie intéresse le tissu conjonctif [30].
Epidémiologie
L’incidence des maladies trophoblastiques gestationnelles présente d’importantes variations selon les études. Dans ces variations, il faut tenir compte des différences entre les méthodes utilisées pour estimer l’incidence et pour diagnostiquer la maladie: le nombre de MTG peut être rapporté au nombre de grossesses, d’accouchements ou de naissances vivantes. L’utilisation du nombre d’accouchements ou de naissances vivantes comme dénominateur pose le problème de la prise en compte du nombre d’avortements qui varie sensiblement entre les différentes populations et dans le temps. Par ailleurs, l’utilisation du nombre total de grossesses n’inclut pas tous les avortements spontanés car ces derniers ne sont pas toujours cliniquement identifiés et histologiquement analysés. Certaines études rapportent le nombre de MTG au nombre de naissances dans un hôpital donné, sans tenir compte du nombre d’accouchements à domicile notamment dans les pays en voie de développement. Ailleurs, certaines études épidémiologiques sont basées sur un diagnostic de MTG non confirmé histologiquement, engendrant ainsi un manque de précision et de reproductibilité [9]. L’incidence des grossesses môlaires varie selon les facteurs géographiques : 2/1000 grossesses au Japon, 0,6 à 1,1/1000 grossesses en Europe et en Amérique du Nord, 1/125 grossesses au Taiwan [26]. Dans les pays en développement, le choriocarcinome complique 5% des grossesses môlaires [7]. Elle passe de 1 pour 200 à 500 grossesses en Asie du sud-est à 1 pour 500 à10000 grossesses en Amérique de sud pour atteindre 1 pour 2500 aux Etats unis et en Europe [9].
Anatomo-pathologie de la môle hydatiforme
Physiopathologie
La môle hydatiforme comporte deux types : la môle partielle (môle embryonnée, syndrome triploïde) et la môle complète composée exclusivement de vésicules môlaires. La môle hydatiforme se développe à partir du trophoblaste villeux. Elle représente une malformation placentaire secondaire à des aberrations chromosomiques survenues lors de la gamétogenèse et de fécondation [3]. La môle complète est diploïde, provenant de la fécondation d’un ovocyte anucléé par un spermatozoïde. Le caryotype est de type 46 XX dans 90% des cas. L’œuf secondaire à la fécondation d’un ovocyte vide par un spermatozoïde haploïde (22N+X dans 90% des cas) se duplique secondairement pour aboutir à un œuf de caryotype 46 XX (Figure 1). Les 10% restants, de caryotype 46 XY, résultent d’une dispermie [3]. La môle partielle est triploïde et provient en général de la fécondation d’un ovocyte porteur d’un jeu chromosomique maternel (22+X) par deux spermatozoïdes à noyau haploïde, chacun amenant un jeu de génome paternel (22N+X ou 22N+Y), ou par un spermatozoïde à noyau diploïde pourvu de deux jeux identiques de génome paternel. Le caryotype est 69 XXX, ou 69 XXY ou 69 XYY [38, 39]. L’anomalie peut également être secondaire à une digynie par non-disjonction méiotique de l’ovocyte qui contient deux jeux chromosomiques maternels. Cette absence de disjonction est suivie de la fécondation par un spermatozoïde à noyau haploïde (22N+X ou 22N+Y) [42].
Macroscopie et histologie
La môle complète est volumineuse (300 à 500cc), distendant toute la cavité utérine. Il s’agit d’un matériel hémorragique comportant exclusivement des vésicules en grappes de raisins dont le diamètre peut atteindre 1 à 2 cm. Les caractéristiques histologiques de la môle hydatiforme complète sont :
• une absence de tissu embryonnaire ou fœtal,
• une dégénérescence hydropique des villosités et,
• une kystisation et une hyperplasie du trophoblaste périvillositaire, composé de syncitiotrophoblastes de cytotrophoblastes et de cellules intermédiaires comportant des atypies cytonucléaires.
Les villosités sont très rarement vascularisées. Cependant, les éléments cellulaires n’infiltrent pas le myomètre et n’envahissent pas les vaisseaux utérins. Le volume de la môle partielle ne dépasse pas en général 200 cc. Les vésicules môlaires, mêlées à des villosités normales sont repérables par leur taille. Cependant, elles peuvent être microscopiques. Dans presque tous les cas, la môle partielle s’accompagne d’un reliquat d’embryon ou de fœtus parfois malformé dont l’évolution s’arrête entre 8 et 9 semaines. L’examen anatomopathologique d’une môle hydatiforme partielle retrouve un mélange de villosités môlaires et non môlaires avec parfois une hyperplasie cellulaires n’infiltrant pas le myomètre et n’envahissant pas les vaisseaux (Figure 1b). Les villosités sont vascularisées et les vaisseaux peuvent contenir des hématies nucléées. Une cavité amniotique associée à des débris fœtaux est fréquemment observée .
Facteurs de risque
Môle hydatiforme complète
Age maternel
L’âge maternel représente le facteur de risque le plus documenté. Le risque augmente avec l’âge. Ce risque est plus élevé aux âges extrêmes, avant 20 ans et après 40 ans. Les femmes âgées de plus de 40 ans ont un risque relatif de 10 à 15. Le tiers des grossesses chez les femmes de plus de 50 ans est une grossesse môlaire [3]. Le risque est légèrement plus élevé chez les femmes âgées de 15 à 20 ans, et 20 fois plus élevé chez les adolescentes enceintes à un âge inférieur à 15 ans [26]. Les ovocytes des femmes âgées sont plus susceptibles aux ovulations anormales conduisant aux môles hydatiformes complètes.
Les facteurs reproductifs
Un antécédent de grossesse môlaire représente un risque de récidive de 1 %, et de 23 % si la patiente a présenté deux épisodes de grossesses môlaires [5]. Les antécédents d’avortement spontané et une histoire d’infertilité apparaissent également comme facteurs de risque de grossesse môlaire [3]. Le risque de môle hydatiforme parait augmenté après insémination artificielle par sperme de donneur [26].
Facteurs socio-économiques
Des études cas-témoins ont démontré que l’incidence de la môle hydatiforme complète est inversement proportionnelle à la consommation de carotène et de graisse animale [3].
Autres
Le groupe sanguin de la patiente serait également un facteur important avec un risque plus élevé pour les patientes de groupe A ou AB par rapport aux patientes de groupe B ou O, mais aucun mécanisme physiopathologique n’est avancé pour expliquer cette observation [4].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Anatomo-pathologie de la môle hydatiforme
3.1. Physiopathologie
3.2. Macroscopie et histologie
4. Facteurs de risque
4.1. Môle hydatiforme complète
4.2. Môle hydatiforme partielle
5. Diagnostic de la môle hydatiforme
5.1. Môle hydatiforme complète
5.2. Môle hydatiforme partielle ou môle embryonnée
5.3. Evolution de la môle hydatiforme
6. Prise en charge
6.1. Prise en charge de la môle hydatiforme
6.2. Prise en charge des néoplasies trophoblastiques gestationnelles
6.3. Place de la chirurgie
6.4. Cas des grossesses multiples
DEUXIEME PARTIE: NOTRE ETUDE
1. Cadre d’étude
1.1. Site de l’étude
1.2. Locaux
1.3. Ressources humaines
2. Patientes et méthodes
2.1. Type et durée de l’étude
2.2. Critères d’inclusion
2.3. Critères de non inclusion
2.4. Protocoles de prise en charge
2.5. Paramètres étudiés
2.6. Collecte et analyse des données
3. Résultats
3.1. Fréquence
3.2. Caractéristiques des patientes
3.3. Données cliniques et paracliniques
3.4. Prise en charge
3.5. Evolution
3.6. Durée du suivi
4. Discussion
4.1. Limites de notre étude
4.2. Incidence
4.3. Prise en charge initiale de la môle hydatiforme
4.4. Surveillance post-môlaire
4.5. Evolution de la môle hydatiforme
4.6. Chimioprophylaxie
4.7. Place de la chirurgie
4.8. Durée de suivi
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES