Le néphroblastome
• Epidémiologie
La tumeur de Wilms (WT), ou néphroblastome, est la tumeur rénale la plus fréquente chez l’enfant âgé de moins de 5 ans (2). L’âge moyen au diagnostic est de 3 ans avec une fréquence maximale entre 1 et 5 ans. Cette tumeur représente 5-10% des tumeurs malignes de l’enfant et elle est la plus fréquente des tumeurs abdominales, avec une incidence annuelle de 1/ 10 000 et une prévalence de 1-9/ 100 000. Elle est le plus souvent une tumeur sporadique, mais dans 10% des cas elle est associée à un syndrome de prédisposition comme le Syndrome de Beckwith-Wiedmann (BWS) ou la mutation du gène WT1 (Syndrome de WAGR et Syndrome de Denis Drash).
• Prise en charge
En Europe, les enfants âgées de plus de 6 mois et atteints d’un néphroblastome sont traités par une chimiothérapie pré-chirurgicale. Après la chirurgie, l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire de néphrectomie confirmera le diagnostic et établira l’histopronostic de la tumeur, en accord avec la classification du risque histologique selon le protocole de la Société Internationale d’Oncologie Pédiatrique SIOP 2001 (2). Cette classification a été développée depuis 1971 (3, 4). La biopsie de la masse rénale en cas de suspicion d’une WT n’est pas indiquée, sauf devant une tumeur d’aspect radiologique non classique ou chez un enfant âgé de plus de 6 ans. Dans ce cas la biopsie sera réalisée par voie rétropéritonéale, pour éviter le risque de dissémination péritonéale et de récidive locale. Dans tous les autres cas le diagnostic est fait sur la base des critères cliniques et radiologiques. Chez les adolescents ou les adultes, la haute prévalence de tumeurs rénales autres que la WT supporte l’indication d’une biopsie ou d’une chirurgie première. Historiquement cette catégorie de malades avait un pronostic moins favorable par rapport à celui des enfants mais la survie a augmenté avec l’application des protocoles pédiatriques aux adolescents et aux jeunse adultes (1).
Selon le protocole SIOP-2001, dans le cas de maladie localisée au diagnostic (Stade 1, 2 et 3) le traitement est basé sur 4 semaines de Vincristine et Actinomycine D. Pour les patients avec maladie métastatique au diagnostic (Stade 4), le traitement est de 6 semaines de Vincristine, Actinomycine D et Doxorubicine. La thérapie post-chirurgicale est faite sur la base de la classification histologique (qui classe les tumeurs en bas risque histologique, risque intermédiaire et haut risque) et sur le stade local. Les études européennes SIOP 93-2001 montrent une survie de 95 100% pour le stade 1, de 90-95% pour le stade 2, de 85-95% pour le stade 3, de 60-70% pour le stade 4 et seulement de 30% pour les patients avec anaplasie diffuse. Aux Etats-Unis la WT est prise en charge dans le cadre du Children Oncology Group (COG) avec une chirurgie première et une chimiothérapie post-chirurgicale qui est instaurée sur la base de l’histologie tumorale. Dans la caractérisation histologique pré-chimiothérapie du COG le blastème a moins de valeur pronostic et les tumeurs sont classées sur la base de la présence d’anaplasie en histologie favorable (sans anaplasie), anaplasie focale et anaplasie diffuse (1, 5) Prise en charge particulière : Dans certains cas la prise en charge des patients est particulière. Il s’agit de patients qui sont en Stade IV au moment du diagnostic (métastatiques), des patients inopérables au diagnostic, des patients avec maladie bilatérale et des patients qui récidivent. Les patients avec métastases au diagnostic (poumon, foie et autres sites), sont traités au sein de la SIOP par 6 semaines de chimiothérapie pré-opératoire avec Vincristine et Actinomycine. Si les nodules métastatiques régressent complétement et l’exérèse chirurgicale est complète, les patients feront une chimiothérapie adjuvante basée sur le risque histologique de la tumeur. Si les nodules tumoraux sont viables ou si l’exérèse n’est pas complète, les patients feront en plus une radiothérapie sur la région des métastases. Au sein du COG, historiquement tous les patients avec métastases au diagnostic bénéficient de la radiothérapie sur la région des métastases avant la chirurgie (5). Les américains ont plus récemment adapté leur protocole sur le protocole de la SIOP, à la lumière des résultats de la SIOP et de l’évidence que le pronostic était dépendant de la réponse du nodule métastatique à la chimiothérapie (6). Cela a permis d’éviter des doses de radiothérapie superflues à une partie des enfants. Les patients qui ne sont pas opérables au diagnostic dans le COG sont classés en Stade III. Chez ces patients, une radiothérapie abdominale et du flanc plus une chimiothérapie sont faites avant la chirurgie. En Europe les tumeurs sont classés en Stade III seulement si, après la chirurgie, l’exérèse est incomplète ou des métastases ganglionnaires loco-régionales sont mises en évidence. Seuls ces patients bénéficient d’une radiothérapie. Les patients qui ont une tumeur bilatérale sont traités de la même façon au sein du COG et de la SIOP avec une chimiothérapie néo-adjuvante à base de Vincristine, Actinomycine et Doxorubicine, qui réduit la taille tumorale et permet une chirurgie plus conservatrice. Les patients qui récidivent ont été classés en trois groupes de risque à la suite d’un travail de collaboration entre le COG et la SIOP (7) : risque standard, pour les patients avec une WT non anaplasique initialement traité avec deux drogues ; haut risque, pour les patients avec WT non anaplasique initialement traité avec trois drogues ; très haut risque, pour les patients avec tumeurs initialement anaplasique. Les patients à risque standard ont un taux de survie de 70-80% (8) et sont traités par Vincristine et Actinomycine. Les patients à haut risque ont un taux de survie de 40 50% (9) et sont traités comme le risque standard avec en plus la Doxorubicine et la radiothérapie. Les patients à très haut risque ont un taux de survie de 10% (10, 11) et dans ce groupe de patients l’utilisation d’une chimiothérapie à hautes doses avec transplantation de cellules souches est en cours d’évaluation par le COG et la SIOP. De façon identique, et malgré les différences dans la prise en charge, aux Etats-Unis et en Europe, 10 à 15% des enfants rechutent dans les deux ans après le traitement. L’identification de nouveaux marqueurs biologiques est nécessaire pour identifier les tumeurs à évolution défavorable. Une collaboration transcontinentale est mise en place depuis 1992 entre les membres du COG Renal Tumor Committee (COG-RTC) et les membres du SIOP Renal Tumor Study Group (SIOP-RTSG), avec des réunions tous les deux ans, avec l’objectif de partager les données des différents projets de recherche et de confronter les résultats pour améliorer la survie des patients atteint de WT. Dans le futur, le nouveau protocole SIOP-UMBRELLA prendra en considération le volume absolu de blastème et le marqueur moléculaire 1q pour le blastème résistant comme critère de stratification et le nouveau protocole du COG prendra en considération le pattern de méthylation de la région 11p15 pour les patients en stade 1 et histologie favorable, chez qui une thérapie adjuvante ne sera pas indiquée (12).
• Anatomie pathologique du néphroblastome
La WT est une tumeur intra-rénale le plus souvent unilatérale et unicentrique, plus rarement bilatérale (5-10%). Macroscopiquement, cette tumeur est habituellement constituée d’une masse solitaire, ronde et bien délimitée, de couleur gris homogène, séparé par une fine capsule du parenchyme rénal adjacent. Des aspects kystiques sont souvent observés. C’est une tumeur embryonnaire dérivée du blastème néphrogénique, qui reproduit l’histologie du rein adulte générant une composante épithéliale et une composante stromale. Cette dernière peut acquérir une différentiation ultérieure (rhabdomyoblastique, cartilagineuse, osseuse) (1). Au plan microscopique il associe classiquement trois composantes, une blastémateuse, indifférenciée et basophile, une épithéliale, plus ou moins différenciée (ébauche de glomérule, de tubule) et une mésenchymateuse, de type musculaire ou fibroblastique. Le blastème est une composante indifférenciée faite de petites cellules rondes, à fort rapport nucléo-cytoplasmique, noyaux ronds et caractérisés par une chromatine dense et très basophile. La classification histologique de la WT repose sur la proportion entre ces différentes composantes et sur le degré de réponse à la chimiothérapie préopératoire (régression). Les remaniements post chimiothérapie (en anglais CIC=chemotherapy induced changes) se traduisent avec de la nécrose et un infiltrat inflammatoire riche en macrophages et hémosidérophages. On peut ainsi classer les tumeurs en complètement nécrotique, régressif, épithélial, stromale, blastémateux, mixte, avec anaplasie focale et avec anaplasie diffuse :
– WT complétement nécrotique : 100% de remaniements post-chimiothérapie, sans cellules tumorales viables ;
– WT régressive : > 2/3 de remaniements post-chimiothérapie ;
– WT épithéliale : >1/3 de tumeur viable,>2/3 de composante épithéliale,<10% de blastème ;
– WT stromale : >1/3 de tumeur viable, > 2/3 de composante stromale, <10% de blastème ;
– WT blastémateuse : >1/3 de tumeur viable, > 2/3 de blastème.
– WT mixte : >1/3 de tumeur viable, présence des 3 composantes (blastème, épithélium, stroma), <10% de blastème ;
– WT avec anaplasie focale : présence de 1 ou rares foyers d’anaplasie.
– WT avec anaplasie diffuse : plusieurs foyers d’anaplasie.
Sur la base de la classification histologique des tumeurs on peut ainsi classer les WTs en bas risque histologique (néphroblastome kystique partiellement différencié ou cistic partially differentiated nephroblastoma(CPDN), et néphroblastome complètement nécrotique), en risque intermédiaire (épithéliale, stromale, mixte, régressive ou avec anaplasie focale) et en haut risque (blastémateux et avec anaplasie diffuse), l’anaplasie étant caractérisée par des mitoses multipolaires polyploïdes, des noyaux hyperchromatiques et de trois fois supérieurs à la norme (WHO Classification of Tumours, IARC Press, Lyon, 2004) (Figure 1).
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Table des matières
INTRODUCTION
ETAT DES CONNAISSANCES
Le néphroblastome
• Epidémiologie
• Prise en charge
• Anatomie pathologique du néphroblastome
• Génétique du néphroblastome
• Syndrome de Beckwith-Wiedemann et néphroblastome
L’empreinte parentale
Epigénétique
Marques épigénétiques
Le concept de l’empreinte parentale
Le cycle de l’empreinte
La région 11p15
Domaine télomérique (IGF2, H19, ICR1)
Domaine centromérique (CDKN1C/KCNQ1OT1, ICR2)
Relation entre les deux domaines
OBJECTIF DU TRAVAIL
RESULTATS
• Projet 1 : Détermination du statut 1p et 16q dans le néphroblastome dans le cadre du protocole SIOP 2001 et corrélation avec les données pathologiques, en particulier le volume de blastème et le pronostic
Résumé
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion
• Projet 2 : Détermination des anomalies du nombre de copies (CNV) par MLPA dans les néphroblastomes pré-traités du protocole SIOP 2001
Résumé
Discussion
• Projet 3 : Etude des anomalies structurales et de méthylation de la région 11p15 dans le néphroblastome sporadique et associé au syndrome de BeckwithWiedemann et étude de l’expression d’IGF2
Résumé
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion
Projet 4 : Caractérisation immunohistochimique de la réponse immune (CD3, CD4, CD8, PD1, PDL1) dans la série des néphroblastomes prétraités de la SFCE/SIOP et corrélation avec les données cliniques et pathologiques
Résumé
Discussion
PERSPECTIVES
1) Puces SNP
2) Caractérisation génomique des tumeurs de Wilms avec anaplasie diffuse et confrontation avec les tumeurs de Wilms avec anaplasie focale
3) Perspective dans la recherche biologique et dans le traitement des néphroblastomes au niveau international
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
1) ARTICLES EN RELATION AU TRAVAIL DE THESE
2) COMMUNICATIONS ORALES ET AFFICHEES EN RELATION AU TRAVAIL DE THESE
3) ARTICLE PROJET 2
4) ARTICLE PROJET 4
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