Anatomie fonctionnelle du rachis
Le rachis constitue une charpente articulée du corps humain, il supporte et transfert les charges internes et externes du corps humain. Il a également pour fonction de permettre les mouvements dans les trois plans de l’espace et de protéger la moelle épinière. Il est divisé en quatre régions : sept vertèbres cervicales, douze vertèbres thoraciques, cinq vertèbres lombaires et neuf vertèbres sacro-coccygienne (cinq vertèbres pour le sacrum et quatre vertèbres pour le coccyx) ((Figure 1.3). Les vertèbres sont de taille grandissante en direction céphalo-caudale. Chacune des régions du rachis possède une courbure naturelle dans le plan sagittal, une lordose (concave vers l’arrière) pour les régions cervicale et lombaire et une cyphose (convexe vers l’arrière) pour les régions thoracique et sacro-coccygienne. Les angles des courbures sagittales cervicale, thoracique et lombaire ont respectivement été évaluées à 34°±9°, 41°±10°, 43°±11° (Vialle et al., 2005). Ces courbures permettent d’absorber les forces axiales et augmenter le flexibilité du rachis. La région cervicale offre une grande mobilité grâce à des couplages intervertébraux complexes. La région thoracique est attachée à la cage thoracique, ce qui augmente la rigidité dans cette portion du rachis. Cela permet une mobilité moyenne en rotation et faible en flexion-extension. La région lombaire offre une mobilité importante en flexion-extension et faible en rotation. Alors que les trois premières régions sont mobiles, la dernière région est composée de deux blocs de vertèbres fusionnées et il n’y a donc aucune mobilité entre les vertèbres. Les vertèbres possèdent également une géométrie particulière selon la région du rachis. Notamment, l’orientation des facettes articulaires varie entre les régions cervicale, thoracique et lombaire (Figure 1.4). Cela explique en partie les différences de raideur et d’amplitudes de mouvement entre les régions (Tableau 1.3). De plus, cela a pour effet qu’une sollicitation simple entraîne un mouvement composé du rachis (Watier, 2006).
La stabilité du rachis est assurée de façon extrinsèque par les muscles et de façon intrinsèque par les ligaments et les disques intervertébraux. Les différents muscles du rachis (Figure 1.5) permettent également par leur contraction de produire les mouvements de flexion-extension, flexion latérale et rotation. Les principaux muscles en flexion sont le grand droit et les obliques externes et internes. Pour l’extension, il s’agit des érecteurs du rachis (ilio-costal, longissimus et épineux). L’inclinaison latérale est réalisée à l’aide d’une contraction unilatérale des muscles fléchisseurs et extenseurs. Puis, la rotation est effectuée à l’aide d’une contraction unilatérale des obliques externes et internes. Les valeurs des couples physiologiques appliquées par les muscles sur le corps humain et leurs insertions et terminaisons ne sont toutefois pas bien connues (Watier, 2006). En ce qui concerne les ligaments du rachis (Figure 1.6), les liaisons dans les parties antérieure et postérieure des corps vertébraux sont faites par le ligament longitudinal antérieur et le ligament longitudinal postérieur. Ils ont pour fonction de restreindre la flexion et l’extension du rachis. Les liaisons dans la partie postérieure des vertèbres (arc vertébral) sont faites par le ligament jaune, qui a la fonction particulière de protéger la moelle épinière, ainsi que les ligaments interépineux et supraépineux. La majorité de la mobilité du rachis (environ 65% dans chacune des régions) est observée lorsque les ligaments ne sont pas en tension, puisque le rachis a une plus faible rigidité (Watier, 2006).
Mécanismes lésionnels
Cette section traite des mécanismes lésionnels pouvant être observés chez les porteurs de colonne humaine. Comme il a été possible de le voir dans la section traitant des porteurs de colonne humaine, les structures à risque sont principalement le rachis (muscles, ligaments et disques) et les épaules (ligaments, tendons, nerfs, muscles et bourses). Pour le rachis, les blessures observées sont surtout des hernies discales et des lombalgies. En ce qui concerne les épaules, les blessures principales sont des lésions nerveuses. D’autres blessures sont également observées dans une moins grande proportion et ne seront par abordées dans le cadre de ce projet. Il s’agit de blessures à l’abdomen (étirement ou déchirure musculaire), à la cage thoracique (fracture des côtes et étirement musculaire) et à la cheville (étirement et déchirure ligamentaire ou musculaire). La hernie discale se produit lorsque le disque intervertébral est endommagé, que l’anneau fibreux se rompt et qu’une partie du noyau est éjectée (Figure 1.13). Cela se produit principalement au niveau lombaire et peut être une cause de lombalgie, surtout lorsque les racines des nerfs spinaux sont coincées. Les hernies discales peuvent être provoquées par le support de charges élevées qui crée une compression sur les disques intervertébraux. L’adoption d’une mauvaise posture, notamment une flexion ou une rotation du rachis, vient amplifier les risques de blessure.
Le spondylolisthésis, présenté à la Figure 1.14, peut également être responsable d’une lombalgie. Il consiste en un glissement antérieur ou postérieur d’une vertèbre (Généralement la quatrième ou la cinquième vertèbre lombaire) par rapport à la vertèbre inférieure. Cela va généralement entraîner une détérioration du disque. Cette affection peut être de cause congénitale, mais peut également être liée à un traumatisme ou une activité physique spécifique. Puis, en supportant des charges élevées sur les épaules comme le font les porteurs de colonne humaine, il y a un risque de lésion du plexus brachial. En effet, le positionnement des pieds du middle-man sur les épaules du porteur peut causer un pincement des fibres nerveuses, ce qui peut entraîner une perte de force et de contrôle de l’épaule et du bras. D’autres facteurs peuvent influencer l’apparition des blessures chez les porteurs de colonne humaine, comme l’âge, l’hérédité, la condition physique, la technique employée et le type de spectacle (fixe ou en tournée).
Protection du rachis et de l’épaule
Il existe différents dispositifs de protection pour le rachis et les épaules sur le marché. Principalement, il existe deux stratégies de protection selon la situation :
1) Limiter l’amplitude ou soutenir l’articulation;
2) Absorber les chocs.
Compte tenu de la problématique, une attention particulière sera accordée à la première stratégie. Le rachis lombaire peut être protégé lors du soulèvement et du support de charge en utilisant une ceinture lombaire (Figure 1.15). Ce dispositif augmente la pression intra-abdominale, ce qui permet d’augmenter la rigidité du tronc et la stabilité du rachis lombaire (Cholewicki et al., 1999) et pourrait réduire la force de compression sur les disques intervertébraux (Harman et al., 1989). Ces ceintures réduisent aussi l’amplitude de mouvement total du rachis lombaire d’environ 20% (Thoumie et al., 1998). Par contre, Thomas et al. (1999) ont jugés que les effets des ceintures lombaires étaient trop faibles pour que ce soit un dispositif de protection efficace pour les travailleurs. De plus, il a été observé que la ceinture lombaire avait un effet sur la contraction musculaire. Une étude montre une réduction de 3% de la force requise par les muscles érecteurs du rachis lors d’un support de charge asymétriques et une augmentation de 2% de cette force lors d’un support de charge symétrique (Thomas et al., 1999). Tandis qu’une autre étude montre une diminution de l’activité musculaire des muscles érecteurs du rachis thoracique lors de l’extension et une diminution au niveau lombaire lors de la flexion (Cholewicki et al., 1999).
Par ailleurs, en position debout, les ceintures lombaires et pelviennes augmentent la lordose lombaire en augmentant presque tous les angles des vertèbres lombaires (Lee et Chen, 2000a). La ceinture lombaire peut également être utilisée comme aide technique. Le port de ce type de ceinture chez les patients avec des douleurs subaiguës permet d’améliorer l’état fonctionnel, le niveau de douleur et la consommation pharmaceutique (Calmels et al., 2009). Au niveau du rachis cervical, les joueurs de football utilisent parfois un protecteur visant à limiter l’hyperextension et la flexion latérale du cou lorsqu’une force est appliquée sur la tête (Figure 1.16). Ce type de dispositif de protection, en combinaison avec les épaulières et le casque, est assez efficace pour limiter l’hyperextension mais ne l’est pas pour la flexion latérale (Gorden et al., 2003). En réduisant l’amplitude de mouvement du cou et en transférant une partie de la force vers les épaules, le protège-cou permet de réduire les forces et les moments appliqués sur le cou (Rowson et al., 2008).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DES CONNAISSANCES
1.1 Introduction
1.2 Les porteurs de colonne humaine
1.2.1 Technique
1.2.2 Amplitudes de mouvement
1.2.3 Lésions observées
1.2.4 Conditions d’utilisation d’un dispositif de protection
1.3 Biomécanique du rachis et de l’épaule
1.3.1 Anatomie fonctionnelle du rachis et de l’épaule
1.3.1.1 Anatomie fonctionnelle du rachis
1.3.1.2 Anatomie fonctionnelle de l’épaule
1.3.2 Mécanismes lésionnels
1.4 Systèmes de protection et de transport de charge existants
1.4.1 Protection du rachis et de l’épaule
1.4.2 Les paramètres du transport de charge
1.4.2.1 Position optimale de la charge
1.4.2.2 Facteurs influençant la respiration
1.4.2.3 Systèmes de répartition de la charge
1.5 Méthodes d’analyse et d’évaluation
1.5.1 Méthodes d’analyse de la biomécanique du mouvement humain
1.5.2 Méthodes d’évaluation de la performance d’un dispositif individuel
1.6 Synthèse de la revue des connaissances
CHAPITRE 2 PROBLÉMATIQUE, OBJECTIFS ET APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
2.1 Problématique
2.2 Objectifs spécifiques
2.3 Approche méthodologique et limites
CHAPITRE 3 ANALYSE BIOMÉCANIQUE PRÉLIMINAIRE D’UNE COLONNE HUMAINE
3.1 Objectifs
3.2 Méthodologie
3.2.1 Acquisition des données
3.2.2 Traitement des données
3.2.3 Méthode d’évaluation de la cinématique
3.3 Résultats
3.4 Analyse de la cinématique
3.4.1 Phases de l’acquisition
3.4.2 Comparaison de la posture
3.4.3 Cinématique du rachis
3.4.4 Évolution des angles articulaires
3.5 Conclusion
CHAPITRE 4 CONCEPTION D’UN DISPOSITIF DE PROTECTION POUR PORTEUR DE COLONNE HUMAINE
4.1 Contexte
4.2 Méthodologie
4.2.1 Cahier des charges fonctionnel révisé
4.2.1.1 Fonctions
4.2.1.2 Contraintes
4.2.1.3 Analyse fonctionnelle
4.2.2 Concept préliminaire
4.2.3 Optimisation du concept préliminaire
4.2.4 Fabrication d’un prototype fonctionnel
4.3 Solution finale du dispositif de protection pour porteur de colonne humaine
4.3.1 Concept optimisé
4.3.1.1 Mode de transmission de la charge
4.3.1.2 Fixation et stabilité du dispositif
4.3.1.3 Mobilité
4.3.1.4 Communication
4.3.2 Prototype virtuel complet de l’exosquelette
4.3.3 Prototype fonctionnel
4.4 Conclusion
CHAPITRE 5 DISCUSSION
5.1 Intervention sur la mobilité de l’artiste
5.2 Limites de l’analyse biomécanique préliminaire et recommandations
5.3 Valeurs du cahier des charges à déterminer
5.4 Pistes d’amélioration du prototype fonctionnel
5.5 Méthode d’évaluation
CONCLUSION
ANNEXE I TERMINOLOGIE ANATOMIQUE
ANNEXE II PROCÉDURE D’ACQUISITION DE L’ANALYSE BIOMÉCANIQUE PRÉLIMINAIRE
ANNEXE III CALCULS DES ANGLES D’ORIENTATIONS ARTICULAIRES D’APRÈS LA POSITION DE MARQUEURS
ANNEXE IV ANGLES D’ORIENTATIONS ARTICULAIRES LORS DE L’ANALYSE BIOMÉCANIQUE PRÉLIMINAIRE
ANNEXE V PLAGES DE TEMPS DES PHASES DE L’ACQUISITION DE L’ANALYSE BIOMÉCANIQUE PRÉLIMINAIRE
ANNEXE VI ANGLES ARTICULAIRES MOYENS ET ÉCARTS RELATIFS LORS DES PHASES 1 ET 2 DE L’ANALYSE BIOMÉCANIQUE PRÉLIMINAIRE
ANNEXE VII PROTOCOLE D’ANALYSE DE LA MOBILITÉ DU RACHIS THORACO-LOMBAIRE LORS DE SUPPORT DE CHARGE
ANNEXE VIII CALCUL DES PONDÉRATIONS DES FONCTIONS DU CAHIER DES CHARGES
ANNEXE IX PROTOCOLE D’ÉVALUATION D’UN DISPOSITIF DE
PROTECTION POUR PORTEUR DE COLONNE HUMAINE
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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