Anatomie et physiopathologie parodontales
Définition
Le parodonte dont le terme est dérivé du grec para = autour de, et de odontos = dent, est constitué par l’ensemble des tissus qui entourent et soutiennent la dent et qui permet son maintien sur les arcades dentaires. Ses constituants sont : la gencive, le desmodonte ou ligament alvéolo-dentaire, le cément et l’os alvéolaire. Par ailleurs, une structure particulière de la gencive joue un rôle important dans la physiopathogénie des maladies parodontales : l’attache épithélio-conjonctive.
Eléments constitutifs du parodonte
Gencive
La gencive est la fibro-muqueuse qui recouvre l’os alvéolaire. Elle représente la partie la plus superficielle et la plus révélatrice de l’état parodontal. La gencive saine est de couleur rose pâle ; le liseré gingival suit de façon harmonieuse le collet de la dent sur tout son pourtour. Elle est ferme et se subdivise en trois parties :
– la gencive libre ou gencive marginale qui est une mince bandelette, plate, lisse et brillante, d’environ 1 mm de large, comprise entre le bord libre de la gencive et le sillon marginal qui marque le début de la gencive adhérente ;
– la gencive interdentaire ou papillaire, située sous les points de contacts dentaires qui comprend deux papilles : une linguale et une vestibulaire reliées par un col ;
– la gencive attachée ou gencive adhérente qui est de hauteur très variable et fermement adhérente au tissu osseux alvéolaire sous-jacent par l’intermédiaire des fibres collagènes ; elle a un aspect granité en « peau d’orange » de couleur rose pâle.
Attache épithélio-conjonctive
Définition
L’attache épithélio-conjonctive est une zone spécialisée de la gencive qui protège le parodonte profond. Elle est constituée par l’attache épithéliale ou épithélium de jonction qui ferme le fond du sillon gingivo-dentaire, et l’attache conjonctive qui permet l’ancrage de la gencive par le biais de fibres conjonctives supracrestales qui s’insèrent perpendiculairement dans le cément.
Eléments structurels
L’attache épithéliale est constituée de la membrane basale interne et d’hémidesmosomes semblables à ceux de la surface de séparation épithéliumtissu conjonctif. L’épithélium jonctionnel est composé de deux couches, la couche basale (active sur le plan de la division cellulaire) et la couche suprabasale (cellules filles). Les cellules de la couche basale sont liées au tissu conjonctif par ces hémidesmosomes et la membrane basale externe. Lorsque cet épithélium est sain, il ne présente pas de digitations dans le tissu conjonctif sousjacent. L’attache épithéliale ou épithélium de jonction est une structure unique dans l’organisme, qui permet l’adhérence de la gencive à la dent. Elle mesure environ 1 mm, de même que l’attache conjonctive qui lui est sous-jacent et qui s’arrête au dessus de la crête osseuse alvéolaire. Elles forment toutes deux, l’espace biologique dont l’intégrité est essentielle dans le maintien de la santé parodontale et sur le plan thérapeutique. L’attache épithéliale est une barrière physique et physiologique dont la cohésion conditionne l’intégrité des structures parodontales adjacentes et qui s’oppose à la pénétration microbienne en direction du desmodonte sous-jacent. En parodontie tout semble commencer et se terminer à la jonction gencive-dent, c’est-à-dire à l’attache épithélio-conjonctive. Celle-ci est à la fois fragile et résistante. Elle est fragile, car la moindre irritation de cet espace se traduit par des modifications cliniques et infra cliniques ; la force qu’est capable de supporter l’épithélium de jonction avant de se détacher de la surface dentaire se situe aux environs de 0,75 Newton, ce qui est relativement faible par rapport à ce que le sondage classique impose (38). De même, lors de la réalisation des soins, des prothèses ou du détartrage conventionnel, la jonction dento-gingivale est inévitablement agressée et souvent détruite. Ceci est d’autant plus vrai que le parodonte est inflammatoire ou infecté. Elle est résistante, car la réaction inflammatoire physiologique mise en place dans les minutes qui suivent cette agression a pour but de rétablir l’équilibre avec une réparation relativement rapide (de l’ordre de quelques jours) mais quelquefois en situation plus apicale que celle d’origine (56). L’afflux constant de dizaines de milliers de leucocytes par minute et par dent (en majorité des polymorphonucléaires neutrophiles) provenant des capillaires gingivaux assurent une défense très efficace des tissus parodontaux superficiels et profonds en formant une barrière entre les éléments microbiens et les épithéliums de jonction et sulculaire. Leur fonction est de maintenir une flore microbienne compatible avec la santé parodontale (43). Lorsque ces défenses fonctionnent normalement, le parodonte reste en bonne santé. Lorsqu’elles sont altérées, le parodonte est en danger ; donc l’intégrité de cet épithélium jonctionnel joue donc un rôle primordial et conditionne l’évolution de la maladie parodontale.
Os alvéolaire
L’os alvéolaire est le principal soutien de l’organe dentaire. Il entoure la racine de la dent qui s’y attache par le biais des fibres desmodontales. L’os alvéolaire naît, vit et meurt avec la dent. Sa crête se situe à environ 2 mm de la jonction émail-cément. Il est constitué par de l’os compact (corticales internes et externes), bordant l’os spongieux. Le périoste (membrane blanchâtre et fibreuse) recouvre la surface externe de l’os ; son rôle est très important car c’est un tissu ostéogène. Quand l’os alvéolaire disparaît, il reste de l’os basal. L’intégrité anatomo-physiologique de ces différents constituants du parodonte est fondamentale dans le maintien de la santé parodontale. Toute altération de l’équilibre entre ces différents éléments due à l’action de facteurs exogènes ou endogènes peut initier l’apparition de pathologies réversibles ou non.
Desmodonte
Il sert de suspension à la dent. Les fibres desmodontales assurent la fixation de la dent à l’os alvéolaire. C’est un tissu conjonctif constitué par tout un réseau de fibres collagènes orientées et groupées en faisceaux, qui sont ancrées dans le cément par une extrémité et dans l’os alvéolaire par l’autre extrémité (fibres de Sharpey). Le desmodonte comble l’espace existant entre la racine et l’os alvéolaire. Il est richement vascularisé et innervé.
Cément
C’est un tissu minéralisé (45 % de sels minéraux) qui recouvre toute la surface externe de la dentine radiculaire. Au niveau du collet, il fait suite à l’émail. Il joue un rôle dans la protection de la dentine ; des phénomènes d’hyperesthésie du collet apparaissent lorsque la dentine n’est plus protégée par le cément. C’est un tissu calcifié analogue à l’os, qui permet l’attachement des fibres desmodontales à la racine de la dent. Le cément assure ainsi l’attache et la fixation de la dent.
Etiopathogénie des maladies parodontales
Définition
Les maladies parodontales ou parodontopathies peuvent être définies comme des maladies infectieuses à composante inflammatoire importante. Si l’aspect multifactoriel dans leurs étiologies est reconnu, la virulence des bactéries organisées au sein d’un biofilm à la surface des dents est retenue comme facteur déclenchant de ces pathologies. Elles sont caractérisées par des symptômes cliniques qui peuvent inclure une inflammation visible ou non, des saignements gingivaux spontanés ou provoqués d’importance variable, la formation de poches en rapport avec des pertes d’attache et d’os alvéolaire, une mobilité dentaire. Elles peuvent conduire à la perte des dents.
Facteurs étiologiques
Les maladies parodontales sont des affections des tissus de soutien de la dent, à composante inflammatoire dont les causes peuvent se distinguer en facteurs locaux, généraux et constitutionnels.
Facteurs locaux
Le biofilm (11), habituellement appelé plaque dentaire, est une organisation particulièrement dynamique des bactéries (saprophytes et pathogènes) sur les surfaces dentaires et qui en se minéralisant, aboutit à la formation du tartre. Il constitue le facteur étiologique déterminant avec la présence d’une flore pathogène. Tous les patients ne réagissent pas de la même manière aux bactéries ou à leurs métabolites en termes d’atteinte parodontale. Dans un sillon gingival parfaitement sain, il y a des bactéries et l’augmentation de leur nombre au sein du biofilm va conduire à une rupture d’équilibre dans les échanges microbiens et la réaction de l’hôte, se traduisant par une inflammation de la gencive. Dès lors, sur le plan clinique, deux types de pathologies vont être distinguées :
❖ les gingivites (atteintes superficielles réversibles)
❖ les parodontites avec rupture de l’attache épithéliale et destruction osseuse (alvéolyse).
Peuvent s’y ajouter des facteurs locaux dits indirects ou aggravants à savoir les défauts morphologiques dentaires favorisant la rétention de la plaque, les malocclusions dentaires, les restaurations dentaires iatrogènes etc.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. ANATOMIE ET PHYSIOPATHOLOGIE PARODONTALES
1.1. DEFINITION
1.2. ELEMENTS CONSTITUTIFS DU PARODONTE
1.2.1. GENCIVE
1.2.2. ATTACHE EPITHELIO-CONJONCTIVE
1.2.2.1. Définition
1.2.2.2. Eléments structurels
1.2.3. OS ALVEOLAIRE
1.2.4. DESMODONTE
1.2.5. CEMENT
1.3. ETIOPATHOGENIE DES MALADIES PARODONTALES
1.3.1. DEFINITION
1.3.2. FACTEURS ETIOLOGIQUES
1.3.2.1. Facteurs locaux
1.3.2.2. Facteurs généraux ou systémiques et environnementaux
1.3.2.3. Facteurs constitutionnels
1.3.3. PATHOGENIE
1.3.3.1. Théorie bactérienne
1.3.3.2. Théorie fonctionnelle
1.3.3.3. Théorie immunologique
1.3.3.4. Mécanisme pathogénique
1.3.3.5. Perte d’attache clinique et poche parodontale
1.3.3.5.1. Définitions
1.3.3.5.2. Formation de la poche parodontale
1.3.3.5.3. Classification des poches parodontales
2. DIAGNOSTIC ET RAPPEL DES PARODONTITES
2.1. RAPPEL DE LA CLASSIFICATION DES MALADIES PARODONTALES
2.2. MOYENS DIAGNOSTIQUES
2.2.1. EVALUATION DE LA PERTE D’ATTACHE
2.2.1.1. Moyens de sondage parodontal
2.2.1.2. Intérêt clinique du sondage
2.2.2. EXAMENS PARACLINIQUES
2.3. DIAGNOSTIC POSITIF
2.3.1 PARODONTITE CHRONIQUE
2.3.2. PARODONTITE AGRESSIVE
3. RISQUE PARODONTAL
3.1. DEFINITIONS
3.1.1. FACTEUR DE RISQUE
3.1.2. INDICATEUR DE RISQUE
3.1.3. MARQUEUR DE MALADIE
3.2. CARACTERISTIQUES CLINIQUES
3.2.1. INDICE DE PLAQUE
3.2.2. SAIGNEMENT AU SONDAGE
3.2.3. PROFONDEUR DES POCHES
3.2.4. PERTES DENTAIRES
3.2.5. FACTEURS SYSTEMIQUES ET GENETIQUES
3.2.5.1. Diabète
3.2.5.2. Ostéoporose/Ostéopénie
3.2.5.3. Infection au VIH
3.2.5.4. L’importance du facteur génétique et/ou héréditaire
3.2.6. PERTE OSSEUSE SELON L’AGE
3.2.7. TABAGISME
3.2.8. INDICE DE MASSE CORPORELLE
3.2.9. STRESS
CONCLUSION