L’IRM cardiaque est la méthode de référence pour l’évaluation des paramètres volumiques du ventricule droit(1–5). En pratique courante son étude peut être réalisée sur une acquisition dédiée au ventricule gauche avec une pile d’images acquisent selon le plan valvulaire mitral ou bien perpendiculairement au long axe du ventricule gauche couvrant le volume cardiaque. Cette orientation est plus simplement appelée « petit axe» (PA). Cependant, la complexité anatomique du ventricule droit et sa cinétique rendent sa segmentation plus délicate que pour le ventricule gauche dans cette orientation(6). Le plan atrioventriculaire droit se déplace au cours du cycle et présente une orientation différente du plan valvulaire mitral rendant difficile son identification lors de l’analyse sur les coupes PA.
Tandis que certaines équipes préconisent la réalisation d’une d’acquisition complémentaire axiale dédiée à l’analyse du ventricule droit, nous utilisons de façon courante un repérage en référence croisée du plan atrioventriculaire à l’aide d’une coupe acquise dans le long axe du ventricule droit(LAVD) et d’une coupe 4 cavités. Ces deux coupes font partie intégrante du protocole d’examen standard. Cette méthode permet d’économiser une série d’apnées pour le patient et un temps machine de 5 à 15 minutes par examen selon les paramètres de la séquence utilisée(7,8). Nous évoquerons d’abord les caractéristiques anatomiques et physiologiques du ventricule droit, nous détaillerons ensuite les implications cliniques de l’étude du ventricule droit par IRM et les techniques permettant son analyse avant de présenter notre étude ayant pour but d’evaluer la précision et la reproductibilité intra- et inter-observateur de la méthode avec repérage en référence croisée semi automatisé du plan atrioventriculaire droit comparée au contraste de phase 2D au niveau de l’artère pulmonaire, choisi comme référence.
Anatomie et physiologie du ventricule droit
Le ventricule droit présente une anatomie relativement complexe et une position antérieure le rendant immédiatement rétro-sternal.
Si le ventricule gauche peut être assimilé à une ellipsoïde, le ventricule droit apparaît pyramidal en coupe quatre cavités et semi lunaire en coupe PA, s’enroulant autour du ventricule gauche. Il peut être séparé en trois chambres : la chambre de remplissage, l’infundibulum pulmonaire correspondant à la chambre d’éjection et la chambre apicale. Il est délimité en arrière par la valve tricuspide, d’implantation plus antérieure et apicale que la valve mitrale gauche. L’anneau d’implantation de la valve défini la jonction atrioventriculaire en l’absence d’anomalie d’implantation valvulaire (e.g. : maladie d’Ebstein). Sa limite supérieure est définie par la valve pulmonaire, faisant suite à l’infundibulum et le séparant du tronc de l’artère pulmonaire.
La structure du ventricule droit permet un fonctionnement à bas régime de pression. La paroi libre est donc plus fine que celle du ventricule gauche : les myocytes y sont globalement répartis en deux couches avec des fibres sous épicardiques orientées parallèlement au sillon atrioventriculaire et des fibres sous endocardiques orientées longitudinalement de la base à l’apex(12). Dans les conditions physiologiques, il est dépourvu de couche moyenne à disposition circonférentielle par opposition au ventricule gauche(13). On retrouve au sein de la cavité : la bandelette modératrice, au moins trois muscles papillaires, et des trabéculations.
Les fibres longitudinales sont responsables du raccourcissement antéro-postérieur lors de la systole, avec un déplacement postéro-antérieur oblique du plan atrioventriculaire, la partie basale de la paroi libre se déplaçant vers l’apex. C’est le déplacement prédominant, responsable de la majorité de la fonction droite, à laquelle s’ajoute et participe la contraction septale du ventricule gauche, responsable quant à elle de 20 à 40% de la pression droite et du volume d’éjection(14). Vient ensuite, la contraction vers l’intérieur des fibres superficielles. Contrairement au ventricule gauche, les mouvements de rotation et de type « essorage » concentriques-hélicoïdaux participent peu à la fonction droite. Il a toutefois été mis en évidence un mouvement péristaltique depuis la chambre de remplissage jusqu’à l’infundibulum.
Apport de l’exploration par IRM du ventricule droit
L’IRM cardiaque permet une quantification précise et reproductible des paramètres volumiques et fonctionnels du ventricules droit : Volume télé-diastolique (VolTD VD), volume télé systolique (VolTS VD), volume d’éjection systolique ( VolES VD) tels que
VolES VD = VolTD VD – VolTS VD;
Ces paramètres interviennent dans le diagnostic, l’évaluation et le suivi des pathologies affectant le cœur droit : la dysplasie arythmogène du ventricule droit (DAVD)(17,18), l’hypertension artérielle pulmonaire(HTAP)(19–23), les cardiopathies congénitales (24,25,25–34), les cardiomyopathies dilatées non ischémiques(35), l’infarctus myocardique(36,37), l’insuffisance cardiaque(38–40), l’insuffisance tricuspide .
Techniques d’exploration par IRM
Remerciements au Dr Le Moal qui nous a courtoisement autorisé à reprendre les explications techniques suivantes et les données bibliographiques élaborées et colligées dans son travail de thèse. (43) Nous nous intéresserons d’une part aux séquences « ciné » qui étudient la cinétique cardiaque et permettent de déterminer les volumes ventriculaires et la fraction d’éjection, et d’autre part aux séquences en contraste de phase qui permettent de quantifier les vitesses dans une surface lors d’un battement cardiaque. Pour les besoins de notre étude, la mesure en contraste de phase est effectuée au niveau de la tranche de section du tronc de l’artère pulmonaire et permet de déterminer le volume transitant de manière antérograde par le plan étudié lors d’un battement cardiaque, soit l’équivalent du volume d’éjection du ventricule droit en l’absence de fuite tricuspide ou de shunt intra-cardiaque.
Séquences ciné
Ce sont des séquences écho de gradient à l’état d’équilibre avec gradients équilibrés (bSSFP pour balanced Steady State Free Precession). Elles fournissent un contraste optimal pour différencier le myocarde(noir) et le sang(blanc), tout en offrant un bon ratio signal sur bruit. Les acquisitions sont synchronisées au rythme cardiaque de manière rétrospective au cours d’une apnée de 10 secondes environ. La résolution temporelle utilisée est de 20 phases par cycle pour permettre d’étudier la cinétique en retranscrivant les mouvements dynamiques du cœur, d’où leur appellation « ciné ».
Les plans de coupes réalisés de façon courante, voire systématique, sont issus de la pratique échographique, et sont standardisés pour l’étude du ventricule gauche:
– 4 cavités,
– long axe du ventriculaire gauche,
– petit axe (PA) perpendiculaire au long axe et couvrant le ventricule gauche en totalité.
– l’ajout d’une coupe LAVD est également recommandé pour l’analyse ventriculaire droite.
Des logiciels constructeurs et/ou des logiciels tiers sont utilisés pour le posttraitement des images. Le contour endocardique de la cavité sur les coupes permet d’extrapoler le volume en fonction de l’écart entre ces dernières selon la méthode des disques de Simpson.
Séquences en contraste de phase 2D
L’imagerie en contraste de phase permet la quantification des vitesses et des débits sanguins. Elle repose sur le déphasage des spins mobiles soumis à un gradient bipolaire de façon proportionelle à leur vitesse(45–47). La gamme de vitesse du flux que l’on désire explorer doit être choisie à priori pour éviter les phénomènes d’aliasing ou de sous estimation des vitesses si l’on encode avec des vitesses respectivement trop basse ou trop haute.
Les images sont acquises lors d’une seule apnée et synchronisées au rythme cardiaque de manière rétrospective. Chaque acquisition comporte trois séries de 20 phases :
1) La série dite « anatomique » ou de « magnitude » correspondant à l’acquisition en compensation de flux permettant d’éliminer la composante de signal due au tissus stationnaires.
2) La série paramétrique de vitesse ou de « phase ». Sur ces images, un encodage binaire du signal est réalisé en fonction de sa direction (en blanc et noir).
3) La reconstruction dite en « complex magnitude » utilisant la valeur absolue de la vitesse, avec un codage sur une échelle noir vers blanc du 0 aux hautes vitesses de l’échelle prédéfinie.
La quantification est réalisée sur les images de phase de manière semi-automatique. Une région d’intérêt(ROI) est dessinée afin de délimiter la tranche du vaisseau sur la séquence de magnitude et est propagée automatiquement à l’image de phase. La vitesse moyenne au sein de cette ROI est multipliée par sa surface afin de mesurer le débit au cours du cycle. Les courbes de débit sont automatiquement éditées et les valeurs suivantes sont automatiquement calculées:
1) Volume antérograde : correspond à l’aire sous la courbe de débit au-dessus du zéro (volume sanguin dont la direction est vers le plan de coupe).
2) Volume rétrograde : correspond à l’aire sur la courbe de débit au-dessous du zéro (volume sanguin dont la direction s’éloigne du plan de coupe).
3) Fraction de régurgitation telle que : fraction de régurgitation(%)
4) Vitesse maximum au sein de la ROI, donnée pour chaque phase.
Les images bénéficient également d’une correction du seuil des tissus stationnaires permettant de limiter les erreurs liées au bruit résiduel dans l’image, potentiellement générateur d’erreurs de mesure(48). On définit les tissus stationaires à l’aide d’un seuillage semi automatique en excluant le médiastin et les vaisseaux de la paroi thoraciques ainsi que les zones éventuelles de repliements et d’artefact. Ces tissus considérés comme stationnaires correspondent typiquement aux régions hypodermiques et aux muscles pariétaux. En l’absence d’insuffisance tricuspide significative et de shunt intra cardiaque, le volume antérograde est équivalent au volume d’éjection systolique du ventricule droit. En présence d’une insuffisance tricuspide ou d’un shunt, la différence entre ces deux mesures pourra être utilisée pour en donner une estimation quantitative et grader la sévérité.
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Table des matières
Introduction
I. Anatomie et physiologie du ventricule droit
II. Apport de l’exploration par IRM du ventricule droit
III. Techniques d’exploration par IRM
a. Séquences ciné
b. Séquences en contraste de phase 2D
IV. Méthode de quantification des paramètres fonctionnels en IRM
a. Méthodes semi-quantitatives
b. Analyse classique en orientation « petit axe »
c. Analyse en orientation « axiale »
d. Analyse avec repérage en référence croisée en orientation « petit axe »
e. IRM en contraste de phase
f. 3D Piecewise Smooth Subdivision Surface ( 3D PSSS)
V. Autres modalités d’exploration
VI. Notre étude
VII. Bibliographie
Annexe 1 : Pathologies pouvant bénéficier d’une évaluation ventriculaire droite par IRM cardiaque
Annexe 2 : Méthodologie de contourage selon des repères anatomiques prédéfinis
Annexe 3. Tableau bibliographique : précision de la mesure du volume d’éjection
Annexe 4. Tableau bibliographique : reproductibilité de la mesure du volume d’éjection
Annexe 5. Manuscrit en anglais