La main de lโenfant et par extension ses doigts reprรฉsente une des parties du corps la plus mobile chez lโenfant en croissance. Elle est trรจs souvent exposรฉe aux traumatismes [30]. La curiositรฉ de lโenfant pour le monde qui lโentoure et quโil dรฉcouvre, lโignorance du risque et des dangers constituent la principale circonstance de survenue de ces accidents [56]. Les traumatismes par รฉcrasement des doigts sont frรฉquents dans les services dโurgences pรฉdiatriques. Ils reprรฉsentent 34 % des traumatismes de la main, 3 % des urgences traumatiques et 3,5 % de lโensemble des accidents domestiques [19, 35]. Ils peuvent associer des lรฉsions cutanรฉes pulpaires, osseuses et des lรฉsions de lโappareil unguรฉal [34]. Ces accidents surviennent principalement ร domicile, dans les terrains de jeux ou ร lโรฉcole [35]. Leur degrรฉ de gravitรฉ est variable : simple hรฉmatome sous-unguรฉal, fracture de phalange, voire amputation [3]. Bien que ces lรฉsions ne mettent pas en danger la vie de lโenfant, elles crรฉent des problรจmes immรฉdiats comme la douleur, la limitation voire lโincapacitรฉ ร participer ร des activitรฉs de la vie quotidienne. Elles sont psychologiquement traumatisantes pour les enfants et les parents [30]. Elles posent une problรฉmatique fonctionnelle, ร court et moyen terme puis esthรฉtique ร long terme [30]. La prise en charge thรฉrapeutique de ces lรฉsions impose donc une approche pรฉdiatrique qui doit tenir compte des particularitรฉs de cicatrisation, de croissance, de dรฉveloppement et de la psychologie de lโenfant. Une bonne connaissance de lโanatomie et de la physiologie du doigt de lโenfant est indispensable pour obtenir des rรฉsultats fonctionnels et esthรฉtiques satisfaisants .
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DES DOIGTSย
Le doigt reprรฉsente chacun des appendices articulรฉs qui termine la main de lโhomme [62]. On distingue le pouce (I), lโindex (II), le majeur (III), lโannulaire (IV) et lโauriculaire (V).
Squelette et arthrologie
Tรชte du mรฉtacarpien
De forme sphรฉrique, elle est aplatie dans le sens sagittal et comporte une face infรฉrieure articulaire avec la phalange proximale, deux faces latรฉrales oรน sโinsรจrent les ligaments collatรฉraux, des articulations mรฉtacarpo-phalangiennes, une face dorsale rugueuse et une face palmaire en continuitรฉ avec la surface articulaire infรฉrieure [15].
Phalanges
Elles forment le squelette des doigts et sโarticulent avec les mรฉtacarpiens. Chaque doigt, sauf le pouce, possรจde trois phalanges qui sont, en partant du mรฉtacarpe vers lโextrรฉmitรฉ distale, la phalange proximale (premiรจre phalange ou P1), la phalange moyenne (deuxiรจme phalange ou P2) et la phalange distale (troisiรจme phalange ou P3). Le pouce ne possรจde que deux phalanges, proximale et distale. Chaque phalange comporte une base, un corps et une tรชte [15].
Phalange proximale
Elle est plane sur sa face palmaire, convexe dorsalement et transversalement. Elle possรจde des bords rugueux et saillants pour lโinsertion des gaines fibreuses des tendons flรฉchisseurs. Sa base est articulaire avec la tรชte des mรฉtacarpiens et comporte deux saillies latรฉrales oรน sโinsรจrent les ligaments mรฉtacarpophalangiens. Sa tรชte articulaire avec la phalange moyenne, comporte deux dรฉpressions latรฉrales oรน sโinsรจrent les ligaments unissant les phalangesproximales et moyennes [15].
Phalange moyenne
Elle est plus petite que la phalange proximale. Elle prรฉsente ร sa base une crรชte qui assure sa congruence avec la tรชte de cette derniรจre [15].
Phalange distale
Cโest la plus petite des phalanges. Elle comporte un corps aplati et une tรชte en fer ร cheval [15].
Articulations mรฉtacarpo-phalangiennes
Ce sont des รฉnarthroses (tous les mouvements sont possibles ร ce niveau). Elles unissent la tรชte des mรฉtacarpiens aux bords des phalanges proximales [15].
Articulations inter-phalangiennes
Ce sont des articulations trochilidรฉs, donc ne possรฉdant quโun seul degrรฉ de mobilitรฉ. Il y a deux articulations inter-phalangiennes (proximales et distales) au niveau de chaque doigt, sauf au niveau du pouce oรน il y en a une seule. Les articulations ont des degrรฉs de mobilitรฉ variable mais elles nโeffectuent aucun mouvement ร lโabsence des muscles moteurs [15].
Centres dโossifications secondaires et cartilages de croissance
A la naissance, seules les diaphyses des mรฉtacarpiens et des phalanges sont ossifiรฉes, les รฉpiphyses รฉtant cartilagineuses. Les centres dโossification secondaires (ou noyaux dโossification รฉpiphysaire) apparaissent ร la partie distale des mรฉtacarpiens des doigts longs, ร la partie proximale du premier mรฉtacarpien ainsi quโร la partie proximale des phalanges [104]. Les centres dโossification secondaires apparaissent au niveau des phalanges entre 10 et 23 mois chez la fille et 15 et 32 mois chez le garรงon. Ils fusionnent avec la diaphyse vers 14 ans chez la fille et 16 ans chez le garรงon [104] .
Le cartilage de croissance peut avoir deux aspects morphologiques :
โ Un aspect sphรฉrique sur les รฉpiphyses et y est responsable de la croissance en volume (croissance centripรจte) [37] ;
โ Un aspect discoรฏde (cartilage de conjugaison ou physe) entre รฉpiphyse et mรฉtaphyse il y est responsable dโune croissance axiale.
Il se situe sur la base du premier mรฉtacarpien, sur les cols des mรฉtacarpiens 2โ3โ 4โ5 et sur les bases des phalanges [37]. La croissance en longueur est liรฉe ร la formation de tissu osseux du cรดtรฉ mรฉtaphysaire de la physe. Le pรฉrioste est responsable de la croissance en รฉpaisseur des diaphyses. Il est dโautant plus รฉpais que lโenfant est plus jeune [37].
Vascularisation et innervation de la pulpeย
La vascularisation artรฉrielle est assurรฉe par deux artรจres collatรฉrales. Elles forment une anastomose en regard de la phalangette. Celle-ci est profondรฉment ancrรฉe en regard de lโinsertion terminale du flรฉchisseur. De lร , de nombreuses artรฉrioles se dirigent longitudinalement vers lโextrรฉmitรฉ distale de la pulpe dont la plus volumineuse est appelรฉe artรจre centrale de la pulpe [69]. Ces artรฉrioles sont utilisรฉes au cours des replantations distales [97,99]. Grรขce aux anastomoses quโelles forment avec les artรฉrioles provenant des arcades dorsales, il nโy a thรฉoriquement aucune limite distale aux replantations [69]. Les veines sont รฉgalement impliquรฉes dans la rรฉalisation de lambeaux pulpaires ou replantations distales [98]. Elles sont plus nombreuses ร la face palmaire du doigt. En pratique, au-delร du sillon unguรฉal proximal, aucune veine dorsale ne peut รชtre retrouvรฉe qui soit dโun diamรจtre propice ร la rรฉalisation dโune micro anastomose vasculaire [107]. En revanche, les veines palmaires (ou pulpaires) peuvent, au prix dโune technique adaptรฉe, รชtre utilisรฉes pour assurer le retour veineux aprรจs replantation distale [107].
Lโinnervation est assurรฉe par les branches de division du nerf collatรฉral palmaire. Le plus souvent au niveau du pli de flexion palmaire de lโIPD, la division du nerf en ces branches terminales est dรฉjร acquise [18]. Toutefois ces branches restent accessibles ร une rรฉparation microchirurgicale .
Commissures interdigitales
A lโunion de ces deux faces, sont dโune grande souplesse avec une rรฉserve cutanรฉe qui leur permet dโassurer le jeu des articulations en flexion-extension mais aussi en adduction-abduction [100].
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DES DOIGTS
1. Squelette et arthrologie
1.1. Tรชte du mรฉtacarpien
1.2. Phalanges
1.2.1.Phalange proximale
1.2.2.Phalange moyenne
1.2.3.Phalange distale
1.3. Articulations mรฉtacarpo-phalangiennes
1.4. Articulations inter-phalangiennes
1.5. Centres dโossifications secondaires et cartilages de croissance
2. Revรชtement cutanรฉ
2.1. Face dorsale
2.1.1.Appareil unguรฉal
2.1.1.1. Tablette unguรฉale, ยซ ongle ยป
2.1.1.2. Lit unguรฉal
2.1.1.3. Hyponychium
2.1.1.4. Vascularisation et innervation de lโappareil unguรฉal
2.2. Face palmaire
2.2.1.Pulpe des doigts
2.2.1.1. Structure de la pulpe
2.2.1.2. Vascularisation et innervation de la pulpe
2.3. Commissures interdigitales
3. Physiologie
3.1. Physiologie digitale
3.1.1.Flexion-extension
3.1.2.Adduction et abduction
3.1.3.Mobilitรฉ du pouce
3.2. Physiologie Unguรฉale
3.3. Physiologie de la pulpe
II. EPIDEMIOLOGIE
III. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
1. Bilan lรฉsionnel
1.1. Bilan lรฉsionnel des parties molles
1.1.1.Hรฉmatome sous-unguรฉal
1.1.2.Lรฉsions pulpaires
1.1.3.Plaie du lit unguรฉal
1.1.4.Lรฉsion de la matrice
1.1.5.Avulsion simple de la tablette
1.1.6.Amputation distale
1.2. Bilan lรฉsionnel osseux
IV. DIAGNOSTIC
1. Positif
1.1. Critรจres anamnestiques
1.2. Critรจres physiques
1.3. Critรจres radiologiques
2. Diffรฉrentiel
V. CLASSIFICATIONS DES LESIONS
1. Classification de ROSENTHAL
2. Classification de DAUTEL
3. Classification de SALTER ET HARRIS
VI. TRAITEMENT
1. But
2. Moyens-Mรฉthodes
2.1. Mรฉdicaux
2.2. Orthopรฉdiques
2.2.1.Rรฉduction
2.2.2.Contention
2.3. Chirurgicaux
2.3.1.Prรฉparation opรฉratoire
2.3.2.Exploration chirurgicale du lit unguรฉal et de la matrice
2.3.3.Evacuation de lโhรฉmatome par trombonisation
2.3.4.Sutures des plaies latรฉrales du lit unguรฉal
2.3.5.Sutures des plaies de la matrice
2.3.6.Greffe du lit unguรฉal
2.3.7.Suture de la matrice aprรจs incision de Kanavel
2.3.8.Greffe de matrice et lambeau de translocation dรฉcrit par Johnson
2.3.9.Cicatrisation dirigรฉe
2.3.10. Rรฉgularisation
2.3.11. Lambeaux de couverture
2.3.11.1. Lambeaux dโavancement pulpaires
2.3.11.1.1. Lambeau dโATASOY
2.3.11.1.2. Lambeau de KUTLER
2.3.11.1.3. Lambeau de MOBERG
2.3.11.2. Lambeaux pรฉdiculรฉs
2.3.11.2.1. Lambeau thรฉnarien
2.3.11.2.2. Lambeau de cross finger (hรฉtero-digital)
2.3.11.3. Lambeau en รฎlot homo- digital
2.3.12. Replantation digitale
2.3.12.1. Anesthรฉsie
2.3.12.2. Ostรฉosynthรจse et raccourcissement osseux
2.3.12.3. Techniques pour les lรฉsions des nerfs, des artรจres, veines et des tendons
2.3.12.4. Pansement, immobilisation et durรฉe
2.3.13. Fixateurs externes dynamiques en distraction
3. Indications
4. Rรฉsultats
4.1. Elรฉments de surveillance
4.2. Modalitรฉs รฉvolutives
4.2.1.Suites favorables
4.2.2.Complications
4.2.2.1. Infection
4.2.2.2. Nรฉcrose
4.2.2.3. Cals vicieux
4.2.2.4. Pseudarthrose
4.2.2.5. Raideurs digitales
4.2.2.6. Troubles de croissance des phalanges
CONCLUSION