Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
les fentes syndromiques ou associées à d’autres malformations
Les fentes labiales ou labio-palatines sont isolées la plupart du temps (76,8%), mais peuvent parfois être associées à d’autres malformations ou s’intégrer dans un syndrome polymalformatif incluant une fente (nous en connaissons plus de 200).
Les fentes palatines s’inscrivent plus souvent dans le cadre d’un de ces syndromes polymalformatifs (27%) ou associées à d’autres anomalies (18%), elles ne sont isolées que dans 55% des cas.
Parmi ces fentes syndromiques, 8 à 20% sont dues à des aberrations chromosomiques (trisomie 13, trisomie 18, déletion 4p ou déletion 18p…).
Les principaux syndromes connus sont :
– ceux liés à une microdéletion 2q11 (environ 1/4000 naissances) : association CATCH 22 qui comprennent tous deux l’association CATCH 22.
– la séquence Pierre Robin (environ 1/2000, 1/9000 selon Burnstein) : le syndrome de Pierre Robin est une neurocristopathie combinant microrétromandibulie, glossoptose et troubles respiratoires. La fente vélopalatine est inconstante. Cette séquence peut être isolée ou s’intégrer dans un syndrome, comprenant encore plus de malformations.
– le syndrome de Van der Woude associe fente labiale, vélopalatine ou labiopalatine et fistules labiales inférieures avec une grande hétérogénéité clinique. Il représente 2% des fentes labiales et/ou palatines. D’autres anomalies sont parfois associées (anomalies dentaires, syngnathie, anomalie des extrémités, ptérygium poplité, anomalie cérébrale).
– le syndrome EEC qui comprend dysplasie ectodermique, ectrodactylie et fentes. Il comprend aussi parfois des troubles oculaires et des anomalies urogénitales.
Diagnostic et classifications
Le diagnostic anténatal
Le premier cas rapporté de diagnostic anténatal d’une fente labiale date de 1981 et était intervenu au troisième trimestre. De nos jours le diagnostic par échographie peut être fait dès 12 semaines intra-utérines, mais il est généralement posé entre 20 et 24 semaines lors de l’échographie morphologique.
Les pourcentages de fentes diagnostiquées dépendent du type de fente, les formes touchant la lèvre étant les plus simples à détecter (notamment en coupe frontale), les plus complexes étant celles ne touchant que le voile du palais. Ils varient également en fonction du centre où est conduite l’étude. Dans le cadre d’une grossesse suivie dans un centre classique, le dépistage est d’environ 20% des cas toutes fentes confondues. A titre d’exemple, il est d’environ 25% pour les fentes labiales isolées, alors qu’il est proche des 100% dans un centre de référence s’adressant à des populations à risque (et disposant de matériel d’échographie en 3D).
En cas d’antécédents familiaux, il existe un risque de récurrence et une vigilance particulière est nécessaire : chez un couple non porteur de fente, ayant déjà eu un enfant avec fente unilatérale, le risque de récurrence est d’environ 2,7%. Pour une forme bilatérale, il passe à 5,4% : plus la malformation est sévère, plus le risque de récurrence est élevé. Ce risque augmente également avec le nombre d’enfants de la fratrie atteints, ainsi que de parents atteints.
L’annonce anténatale de la malformation faciale est difficile car mal acceptée par les parents. Les réactions liées à cette annonce ne dépendent pas de la gravité « objective » de la malformation ou de son caractère éventuellement létal : les malformations faciales sont avec les malformations cérébrales celles dont l’impact est le plus important sur la famille, supérieur aux malformations cardiaques ou rénales qui peuvent pourtant compromettre à court-terme la survie du nouveau-né. Aucune réparation anténatale n’est possible, un diagnostic de fente ne justifie pas une interruption de grossesse et créé un trouble chez les parents lors de son annonce : la question se pose alors de l’intérêt et de la justification d’une telle annonce et d’un diagnostic aussi précoce. Cet intérêt se situe dans la possibilité de préparer les parents à accueillir un enfant atteint d’une fente, et de permettre un soutien psychologique durant la grossesse de manière à ce que la situation soit acceptée avant la naissance de l’enfant. En effet, la violence générée par la découverte par surprise de cette affection lors de l’accouchement semble difficile à supporter pour la mère, dans une période de post-partum immédiat déjà très sensible.
Signes diagnostics directs
En échographie 2D, la face s’étudie classiquement selon deux plans frontal et transversal. Des signes directs et indirects de fentes labio-palatines sont recherchés :
Le diagnostic d’une fente labiale est généralement simple et réalisé lors de l’échographie du deuxième trimestre à 22 semaines d’aménorrhée, il est établi par la mise en évidence d’une rupture de continuité de la lèvre supérieure sur une coupe frontale. Cette coupe permet également de déterminer la largeur de la fente, son uni ou bilatéralité et la déformation nasale associée. Le diagnostic peut cependant être gêné par la position des mains, du cordon ou de la langue.
L’échographie en 3D, développée à partir de 1994, a permis d’améliorer le diagnostic des fentes labiales proche des 80-90% dans les meilleurs centres. L’imagerie tridimensionnelle est devenue un élément essentiel en échographie, de par les progrès technologiques qui ont eu lieu au cours de ces dernières années. Elle est complémentaire de l’échographie 2D, mais nécessite une formation spécifique pour éviter faux positifs ou faux négatifs. Parfois, elle peut même permettre de montrer aux parents demandeurs des images de cas identiques avec un résultat post-opératoire, la situation n’évoluant plus entre les images obtenues à la 22e semaine in utero et la naissance.
La fente palatine est de diagnostic beaucoup plus difficile et doit être systématiquement recherchée en cas de découverte d’une fente labiale. Lors de l’échographie, on va rechercher une interruption du maxillaire supérieur en coupe transversale, avec un aspect dédoublé de l’épine nasale postérieure. Pour cela, on visualise le bord postérieur du palais osseux : son intégrité signe l’absence de fente du palais secondaire. De plus, le mode Doppler couleur de l’échographie permet de mettre en évidence le flux du liquide amniotique, lequel devrait être retrouvé au niveau de la cavité buccale ou des fosses nasales mais pas entre celles-ci. Un flux coloré envahissant simultanément une ou les deux fosses nasales et la cavité buccale signe alors la présence d’une fente palatine.
En cas de fente labio-palatine bilatérale, le bourgeon médian peut former une masse centrale saillante visible sur une coupe sagittale ou transversale qu’il est possible de confondre avec d’autres pathologies (comme des tératomes).
La fente vélaire isolée, quant à elle, est quasiment indétectable en anténatal.
Signes diagnostics indirects
Au cours de la grossesse, la tolérance à cette malformation est bonne mais un excès de liquide amniotique lié à un trouble de la déglutition peut être retrouvé dans les larges fentes palatines, avec des risques d’accouchement prématuré par distension utérine.
Les signes indirects sont donc ceux qui traduisent une anomalie de la déglutition : excès de liquide amniotique et estomac mal visualisé, ou toujours dans le cadre des fentes palatines une ascension de la langue lors de la déglutition visible sur certaines coupes, avec parfois même des images de la structure linguale mobile au sein de la cavité nasale.
Les malformations associées
D’autres malformations associées à une fente labiopalatine sont retrouvées dans 15 à 20% des cas. Les plus fréquentes sont les anomalies du système nerveux central, puis les anomalies cardiaques, des membres et des extrémités.
La présence d’une anomalie associée à une fente implique la réalisation d’un bilan par caryotype : plus le nombre d’anomalies détectées est grand, plus le risque de trouver une cause chromosomique est élevé. Ce bilan n’est pas nécessaire en cas de fente labio-palatine isolée, le risque d’anomalie chromosomique étant quasi nul.
Selon la ou les malformations associées et le pronostic fœtal et post-natal correspondant, une interruption médicale de grossesse peut être envisagée.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
L’IRM est un examen non irradiant, non tératogène, non opérateur-dépendant, et non influencé par une éventuelle obésité de la mère. Les appareils actuels ont des temps d’acquisition très courts permettant de diminuer les aléas liés aux mouvements du fœtus.
Une étude de 2010 montre des pourcentages de diagnostic des fentes vélopalatines supérieurs à 95%, il s’agit donc d’une technique à évaluer soigneusement pour définir sa place dans le cadre du dépistage systématique. (5)
Anatomie et croissance du patient porteur de fente unilatérale
Altérations musculaires orbiculaires labiales et du voile (anomalies de type myopathie non neurogénique : fibres musculaires désorganisées, fines et en nombre réduit… dû à malformation ou anomalie primitive ? on ne sait pas pour l’instant) -> insuffisance vélopharyngée, persistence après réparation du sphincter.
Anatomie labio-nasale
Anomalies cutanéomuqueuses (figure 13) :
– dérive de la peau de la narine et de la columelle à cause des tractions des muscles labiaux et de l’absence de soutien du plancher narinaire fendu.
– affaissement de la peau du vestibule de la narine sur les moignons labiaux, mais avec des limites entre portions cutanées labiales et nasales nettes (la peau de la narine est légèrement granuleuse et plus poilue que la peau de la lèvre qui est finement striée. Sur le versant externe de la fente, la peau de la narine est plate, celle de la lèvre est bombée).
– rétraction de la lèvre par les insertions musculaires de part et d’autre de la fente : il en résulte une diminution de la hauteur labiale, plus marquée sur la berge interne, que l’on qualifie d’hypoplasie labiale.
– les longueurs de la lèvre, de la ligne cutanéomuqueuse et du limbe sont conservées.
– la peau est épaisse, surtout du côté externe où elle est bombée ; le vermillon est hypoplasique, trop fin car non doublé en profondeur par le muscle orbiculaire des lèvres, et trop sec car sans glandes salivaires dans sa face profonde.
Anomalies musculaires :
– dysfonction des muscles nasolabiaux, dont la fente a interrompu l’insertion normale au niveau de la ligne médiane.
– le muscle orbiculaire labial s’en trouve affaissé en bas, en arrière et latéralement, ses faisceaux sont hypotoniques et hypotrophiques (rétractés) ; de ce fait, les crêtes philtrales sont moins délimitées.
– en temps normal, les muscles labio-narinaires convergent pour s’insérer au niveau du bord antérieur du septum nasal, et forment alors le frein labial supérieur. Dans le cas du sujet porteur de fente, l’absence d’insertion du côté fendu provoque une déviation du bord antérieur du septum du côté opposé à la fente, une déformation du cartilage alaire du côté de la fente et un hypodéveloppement du maxillaire de part et d’autre de la suture interincisive médiane. En revanche lorsque la fente s’étend à moins d’un tiers de la hauteur de la lèvre, seule la partie labiale de l’orbiculaire est touchée et sa partie nasale intacte permet en principe une morphologie normale du seuil narinaire.
Anomalies cartilagineuses (figure 14) : elles résultent directement des anomalies liées aux muscles s’insérant sur les cartilages. Il n’y a pas d’hypoplasie cartilagineuse primaire mais un effet d’affaissement, lequel est accentué en cas d’atteinte de l’os alvéolaire sous-jacent, et d’autant plus en cas de fente totale.
– l’anomalie la plus importante est celle du cartilage alaire du côté fendu, dont la partie latérale est étalée et qui présente une torsion autour d’un axe reliant le pied de l’aile du nez au sommet de la columelle
– la pointe du nez est déviée du côté non-fendu.
– le pied de l’aile du nez est lui aussi en malposition du fait de la rupture dans la continuité musculo-labiale et du manque de soutien du complexe alvéolo-dentaire sous-jacent
– l’épine nasale antérieure et la partie antérieure du septum dévient eux du côté sain, déformant alors la partie postérieure de la cloison qui obstrue la narine du côté fendu dans environ 70% des cas.
– l’axe columellaire dévie également du côté sain.
Anomalies vasculaires : l’artère labiale du côté fendu ne peut s’anastomoser à sa controlatérale, elle suit donc le muscle orbiculaire des lèvres et s’anastomose dans cette hémi-lèvre avec des branches artérielles de la sous-cloison et du nez. L’artère labiale controlatérale fait de même avec un calibre plus fin, et l’une de ses collatérales s’anastomose avec l’artère septale au pied de la columelle.
Anatomie de l’arcade alvéolodentaire et du palais dur
La fente alvéolaire passe juste en-dehors ou au niveau du site de l’incisive latérale. Elle a une berge antérieure correspondant au grand fragment, et une berge postérieure correspondant au petit fragment. Ces berges sont globalement triangulaires, à sommet inférieur (la crête gingivale) et à base supérieure (plancher antérieur de la fosse nasale).
La muqueuse gingivale crestale adhère intimement à l’os sous-jacent, très fin et fragile.
En vestibulaire, une muqueuse facilement mobilisable surplombe la muqueuse gingivale : elle sera utilisée lors des gingivo-périostéoplasties.
La fibromuqueuse palatine est épaisse du côté de la berge postérieure, plus fine et difficilement décollable du côté de la berge antérieure.
Le grand fragment est légèrement déplacé en avant et en direction du côté non-fendu, avec un décalage de la suture interincisive médiane. Son extrémité a un aspect globuleux, hypo-développé du fait du manque de sollicitation de la suture médiane et éventuellement de l’agénésie de l’incisive latérale. Ceci est le cas également pour l’extrémité antérieure du petit fragment.
Le vomer est soudé à la lame palatine du grand fragment (suture voméro-palatine), il se coude alors du côté opposé à la fente.
Les anomalies dentaires chez le patient porteur de fente (8) (9)
Les anomalies dentaires les plus fréquemment retrouvées sont les anomalies de nombre, à savoir les agénésies et les dents surnuméraires. Les plus fréquentes sont l’agénésie de l’incisive latérale du côté de la fente (environ 40% des cas) et l’agénésie de la seconde prémolaire (4,4% des cas). Elles surviennent au moment de l’odontogénèse, lors des phases d’initiation et de prolifération des bourgeons dentaires in utero, les odontoblastes provenant de la crête neurale antérieure. Ces anomalies sont d’autant plus fréquentes que la fente est étendue : elles sont donc plutôt rares dans les fentes labiales isolées, et bien plus courantes dans les fentes labio-palatines.
Les agénésies du côté non-fendu sont également plus fréquentes que dans la population générale, en particulier de l’incisive latérale. Il est intéressant de noter que l’on sait désormais que les gènes MSX1, TGF-α, PAX9, FGFR1 et IRF6 qui sont incriminés dans les fentes faciales sont aussi concernés dans les agénésies dentaires isolées dans la population générale.
Des anomalies de position sont possibles, essentiellement l’éruption ectopique des premières molaires permanentes maxillaires (45% des cas avec une fente large, 31% des cas avec une fente plus étroite).
On retrouve également des anomalies de forme (25,6% des cas), des microdonties (5,6% des cas) et des hypoplasies de l’émail (18,9% des cas) de l’incisive latérale du côté de la fente.
Enjeux fonctionnels (10)
Les enjeux sont multiples, et comprennent la réhabilitation :
– de la ventilation, et notamment le retour à une respiration nasale la plus précoce possible, ce qui aura une conséquence importante sur la croissance du maxillaire.
– de la mastication, fortement impactée par la perturbation des rapports osseux et dentaires.
– de la déglutition, souvent gênée par des parafonctions linguales.
– de la phonation, qui peut être particlièrement perturbée par les communications oro-nasales et l’atteinte du voile du palais.
De plus, l’appareil auditif peut également être fragilisé par la malformation, avec une sensibilité accrue et une possibilité d’otites à répétition. (11)
Le traitement de la fente palatine n’est donc pas qu’une affaire de dentisterie ou d’orthodontie. La réhabilitation complexe de toutes ces fonctions devra intervenir dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire et d’une collaboration étroite entre chirurgien maxillo-facial, orthodontiste, chirurgien-dentiste, orthophoniste et oto-rhino-laryngologiste (ORL), en prenant toutefois bien garde à inclure au maximum le patient et ses parents dans le processus de décisions thérapeutiques.
Greffe osseuse alvéolaire primaire et gingivo-périostéoplastie (15) (16)
La greffe osseuse primaire a pour but de reconstruire la fente alvéolaire en permettant le développement des tissus environnants, et notamment le parodonte et les germes dentaires (en particulier celui de l’incisive latérale). L’idée est de pratiquer une périostéoplastie en parallèle d’une greffe osseuse afin de favoriser l’ostéogénèse entre les deux berges de la fente. Elle est pratiquée sur le nouveau-né, en général au moment de la fermeture labiale, dans une phase précoce afin de permettre le développement du germe au sein du greffon.
Le concept de greffe osseuse primaire décrit par Schrudde et Stellmach en 1958 se fixe trois objectifs (17):
– rétablir la continuité de l’arcade et permettre l’éruption des dents en regard de la fente.
– stimuler la croissance du maxillaire.
– éviter une intervention supplémentaire plus tardive, la greffe primaire étant couplée à la chéiloplastie.
Malheureusement, les résultats à long terme de ce procédé ont rapidement montré de sérieuses perturbations dans la croissance du maxillaire, créant des malocclusions, (18) et dans la plupart des cas cette intervention n’empêche pas la nécessité d’une greffe osseuse secondaire. Au vu des mauvais résultats obtenus par cette technique, elle fut rapidement abandonnée par de nombreux centres spécialisés. (19)
La greffe alvéolaire primaire seule a donc un effet négatif à la fois sur la croissance verticale et horizontale de la face (20), et le risque potentiel lié à la complication d’une intervention lors de la première année de vie est à mettre en balance avec le bénéfice possible d’éviter une nouvelle intervention en denture mixte (21), même si une étude de 2018 conclut qu’une greffe précoce n’augmente pas les symptômes au niveau du site de prélèvement, la durée de l’acte ou le temps d’hospitalisation après chirurgie (22).
Cette procédure fut alors remplacée progressivement par la gingivo-périostéoplastie primaire, parfois accompagnée d’une greffe osseuse alvéolaire primaire et encore au moment de la chéiloplastie. (16) Le principe de cette technique est d’utiliser des lambeaux mucopériostés pour refermer la fente alvéolaire, en se reposant sur leurs propriétés ostéogéniques. Elle a pour but de rétablir la continuité osseuse et gingivale, vestibulaire et palatine, de la fente alvéolaire (12). L’avantage recherché avec cette méthode, comme pour l’alvéoloplastie primaire, est d’éviter une réintervention postérieure à la chéiloplastie, dans un contexte de soin déjà lourd pour le jeune patient.
Greffe osseuse alvéolaire secondaire (23)
Le terme même de greffe alvéolaire secondaire est discuté dans la littérature (24), certains auteurs arguant que le caractère primaire ou non de l’intervention n’a rien à voir avec l’âge du patient mais plutôt avec la chronologie des soins. Par conséquent, si la greffe alvéolaire secondaire correspond à la première greffe alvéolaire, il s’agit de facto d’une greffe primaire. Par soucis de clarté, nous parlerons ici de greffe osseuse alvéolaire secondaire ou alvéoloplastie secondaire malgré tout puisqu’il s’agit des termes actuellement employés par la majorité des acteurs concernés.
La greffe osseuse alvéolaire secondaire (ou alvéoloplastie secondaire) est aujourd’hui pratiquée par la plupart des équipes et fait partie intégrante du traitement des fentes labio-palatines. On la réalise entre 5 et 16 ans, même si le moment idéal de sa réalisation semble être entre 9 et 14 ans selon une étude rétrospective française menée sur 62 cas parue en 2003 (23).
Ses objectifs sont clairement définis, et ses bénéfices unanimement reconnus :
– apport osseux et amélioration du soutien au niveau des dents en regard de la fente.
– favorise l’éruption des dents et leur mobilisation orthodontique.
– fermeture des fistules bucco-nasales et lutte contre leur récidive.
– restauration de la continuité de l’arcade, facilitant la réhabilitation prothétique.
– amélioration de l’esthétique gingivale et de l’hygiène bucco-dentaire.
– stabilisation des segments maxillaires au niveau basal et alvéolaire (favorable à une future chirurgie orthognatique ou distraction osseuse).
– amélioration de l’esthétique du visage grâce à un meilleur support osseux de l’aile du nez.
Si ses bénéfices ne font plus de doute, les modalités de sa réalisation sont encore sujettes à discussion et varient d’une équipe de soin à une autre : indications et moment opératoire, technique chirurgicale, site de prélèvement.
Les indications :
En pratique, on peut déterminer non pas un mais trois types de greffes secondaires en fonction de leur objectif principal et pour lesquels l’âge le plus propice à leur réalisation va différer :
– la greffe interceptive, mise en place au début du traitement orthodontique pour en faciliter la réalisation et dont l’objectif est d’apporter de l’os aux dents en regard de la fente. Elle est faite après correction du sens transversal.
Dans l’étude précédemment citée (23), elle est réalisée à 12,8 ans ± 2,3
– la greffe de stabilisation, mise en place en fin de traitement orthodontique après correction de la dysharmonie dento-maxillaire, et dont l’objectif est le rétablissement de la continuité de l’arcade afin de stabiliser les fragments maxillaires réalisée à 15,2 ± 1,6 (23)
– la greffe de comblement, réalisée en fin de croissance à visée esthétique, son objectif étant d’améliorer le soutien des parties molles (lèvre supérieure et nez) et de restituer la continuité du tissu gingival en vue de la pose d’une prothèse sur implant réalisée à 17,3 ans ± 3,6 (23)
Par ailleurs, la réalisation de l’une de ces greffes n’est pas exclusive : en fonction des résultats obtenus, il est possible d’avoir à recourir à plusieurs interventions différentes.
Le critère majeur pour définir l’âge de l’intervention est l’éruption de la canine :
– si l’axe de la canine est correct, que l’os alvéolaire semble suffisant et que l’incisive latérale n’est pas un frein à son éruption, la greffe est réalisée après éruption ou aux ¾ de celle-ci.
– si au contraire la canine est en malposition, que les bords de la fente sont hypoplasiques, que le support alvéolaire est insuffisant et que l’on constate une agénésie de l’incisive latérale ou que celle-ci gène l’éruption de la canine, la greffe est réalisée avant cette dernière afin d’apporter un meilleur support osseux et de permettre un guidage orthodontique de cette éruption.
Dans la pratique, les greffes de comblement sont réalisées après éruption complète de la canine, les greffes interceptives sont réalisées avant (71% des cas (23))
Classiquement, le timing de la greffe osseuse alvéolaire est défini comme primaire entre 0 et 2 ans, secondaire précoce entre 2 et 5 ans, secondaire quand réalisée avant l’éruption complète des canines permanentes entre 6 et 13 ans, et secondaire tardive quand elle est réalisée après l’éruption des canines permanentes.
Des études de 2017 et 2018 démontrent que la greffe secondaire classique chez le préadolescent permet une meilleure consolidation de l’os marginal et de la continuité de l’arcade par rapport à une greffe secondaire tardive, mais que cela ne constitue pas un critère de contre- indication à cette dernière : si la consolidation osseuse n’est pas aussi probante, une greffe secondaire tardive peut tout de même permettre la pose d’implant et l’amélioration de l’esthétique des tissus mous et donc du visage (25), et permettre des résultats acceptables si l’intervention n’est pas possible au moment idéal (26).
La technique opératoire :
Elle est définie par Boyne et Sand (27) dès 1972. Elle consiste en la mise en place d’en greffon osseux au niveau de la fente, au sein d’une poche périostée délimitée en hauteur par la muqueuse nasale, laquelle doit donc être parfaitement étanche. Le but est de restaurer l’arcade de façon à rétablir l’anatomie physiologique des fibromuqueuses palatines et de permettre la continuité des fragments maxillaires.
Comme pour la greffe osseuse primaire, la technique la plus courante pour couvrir le greffon est la gingivo-périostéoplastie, qui présente l’avantage d’assurer la continuité du périoste et de la gencive attachée au niveau de la fente.
Le point sur ces différentes méthodes :
Les études récentes s’accordent à dire que la greffe osseuse alvéolaire primaire a des effets plus négatifs sur la croissance squelettique (20), là où la gingivo-périostéoplastie primaire seule et la greffe osseuse alvéolaire secondaire ont des résultats plus positifs pour les relations intra-craniales (revue de littérature de 2014 (13)). Aujourd’hui, la greffe osseuse alvéolaire primaire n’est donc plus vraiment pratiquée.
D’après une étude rétrospective de 2014 basée sur des analyses céphalométriques de radiographies latérales, le développement cranio-facial suite aux greffes alvéolaires secondaires est meilleur que dans les cas de gingivo-périostéoplastie primaire, avec une convexité faciale plus marquée, une proéminence améliorée du nez, et de meilleures relations intermaxillaires verticales. (28)
Aujourd’hui encore il n’existe pas de gold standard concernant la prise en charge des fentes labio-palatines (29), le débat persiste entre les différents centres spécialisés pour savoir quelle est la meilleure méthode entre gingivo-périostéoplastie primaire et greffe osseuse alvéolaire secondaire, certains préconisant la mise en place des deux méthodes. (30)
Une étude de 2017 menée sur 57 patients nés avec une fente unilatérale comparant les résultats entre gingivo-périostéoplastie primaire (selon la méthode de Skoog) et greffe osseuse alvéolaire secondaire conclut que la périostéoplastie primaire ne semble pas inhiber la croissance maxillaire à long terme, mais que cette technique est inefficace en tant que méthode pour reconstruire la fente alvéolaire (31).
Cette étude fut discutée et remise en perspective par des équipes pratiquant la périostéoplastie primaire, notamment avec une autre méthode opératoire (méthode de Massei), et elle fut au centre d’un débat constructif montrant bien que le sujet est loin d’être clos, et qu’aucun consensus n’a encore pu être atteint (32).
|
Table des matières
I° Les fentes labio-maxillo-palatines (FLMP)
A) Définition
B) Epidémiologie
C) Etiologie
C.1) Les fentes labio-palatines isolées
C.2) les fentes syndromiques ou associées à d’autres malformations
D) Diagnostic et classifications
D.1) Le diagnostic anténatal
D.2) Les classifications
E) Embryologie
E.1) Développement normal
E.2) Ethiopathogénie
F) Anatomie et croissance du patient porteur de fente unilatérale
F.1) Anatomie labio-nasale
F.2) Anatomie de l’arcade alvéolodentaire et du palais dur
F.3) Anatomie du palais mou
G) Les anomalies dentaires chez le patient porteur de fente
H) Enjeux fonctionnels
II° Reconstruction osseuse alvéolaire de la naissance à l’adolescence
II.1) La place de la chirurgie
A) Le traitement chirurgical primaire
B) Les greffes osseuses alvéolaires
B.1) Objectifs
B.2) Greffe osseuse alvéolaire primaire et gingivo-périostéoplastie
B.3) Greffe osseuse alvéolaire secondaire
C) Choix des matériaux
II.2) Le rôle de l’orthodontiste
A) Les plaques obturatrices
A.1) Les différents types de plaques palatines et leurs objectifs
A.2) La prise d’empreinte
B) Orthodontie et croissance maxillaire
B.1) Orthopédie pré-chirurgicale chez le nourrisson
B.2) Orthodontie de la denture mixte jusqu’à l’âge adulte
II.3) Le rôle du chirurgien-dentiste
A) Prise en charge des anomalies dentaires
B) Traitement des agénésies
B.1) Fermeture de l’espace et coronoplastie
B.2) Ouverture des espaces et traitement prothétique
B.3) L’abstention thérapeutique
C) Hygiène bucco-dentaire
D) Alimentation
II.4) Suivi et résultats
III° reconstruction alvéolaire et dentaire chez le patient adulte
III.1) Implantologie et fente labio-palatine
A) Principes généraux
A.1) Les principes de base
A.2) Le contexte de l’implantologie dans les fentes labio-palatines
B) Rapport aux structures osseuses
C) Matériaux et techniques
C.1) Protocole implantaire
C.2) Matériaux
C.3) Les implants zygomatiques avec prothèse implanto-portée
D) Le contexte parodontal particulier de la fente labio-palatine
D.1) Le bilan parodontal (clinique et radiographique)
D.2) Le protocole opératoire de la greffe de tissu conjonctif enfouie modifiée selon Molé et Stricker
III.2) La reconstruction osseuse
A) Contexte et objectifs
B) La greffe osseuse autogène
B.1) Matériaux
B.2) Techniques
C) La distraction osseuse alvéolaire
D) L’ingénierie tissulaire
III.3) Les alternatives à l’implantologie
A) Prothèse fixée
A.1) Le bridge collé
A.2) Le bridge scellé
A.3) La coiffe unitaire
B) Prothèse amovible
Conclusion
Références bibliographiques
Télécharger le rapport complet