L’audition est une fonction sensorielle qui joue un rôle primordial dans les rapports entre les êtres vivants et leur environnement [9]. On estime que 40 % des informations qui parviennent au cerveau proviennent des oreilles, ce qui veut dire que l’audition est la clé d’une participation active de l’individu avec le monde qui l’entoure et qu’elle joue un rôle important dans les échanges entre l’homme et son environnement [9]. Par conséquent, la perte d’audition ne provoque pas seulement un handicap dans la capacité de la personne à percevoir des sons, mais apporte des difficultés psychosociales en privant l’individu de jouer son rôle dans la société, ce qui a un grand impact sur la qualité de vie [42].
Quatre cent soixante-six (466) millions, c’est le nombre de personnes qui souffrent de déficience auditive incapacitante selon une estimation de [l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rapportée le 3 mars 2018 lors de la Journée Mondiale de l’audition [19]. Un chiffre en augmentation depuis plusieurs années, et qui pourrait encore croître. En effet, toujours d’après l’OMS, si aucune mesure n’est prise, notamment en matière de prévention et de diagnostic précoce, c’est neuf cents (900) millions de personnes qui pourraient être concernées par la surdité d’ici l’an 2050, soit près d’un dixième de la population mondiale, conformément aux projections démographiques. Ceci est la conséquence de l’augmentation de la population mondiale et la proportion accrue de personnes âgées [19]. L’étymologie du mot « presbyacousie » vient du grec : « prebutès » =vieillard et « akouein » =entendre [56].La presbyacousie est donc une atteinte auditive liée au vieillissement normal, naturel et psycho-sensoriel de l’organe auditif dans son ensemble. Évoluant lentement et survenant chez des personnes de plus de cinquante (50) ans, elle touche pratiquement tout le monde après soixante-cinq (65) ans, mais à des degrés divers. Il s’agit d’une surdité de perception, bilatérale et symétrique, d’installation progressive. Toute évolution rapide du déficit auditif, en particulier unilatérale, implique de remettre en cause le diagnostic de presbyacousie et de rechercher une autre cause de surdité. La presbyacousie entraîne par ce fait une chute sélective sur les fréquences aiguës, c’est-à-dire le son des voyelles [53].
ANATOMIE DU LABYRINTHE ET DES VOIES NERVEUSES AUDITIVES
Le système auditif comprend deux parties : l’appareil de transmission des sons et l’appareil de perception. Ils sont responsables de la genèse et du traitement du message auditif. L’appareil de perception que nous décrirons est constitué du labyrinthe et des voies nerveuses auditives.
Labyrinthe
Le labyrinthe est situé dans le rocher en dedans de la caisse du tympan. Il comporte un ensemble de cavités osseuses, ou labyrinthe osseux, contenant des structures tubulaires formant le labyrinthe membraneux. Le labyrinthe peut être divisé en deux parties (figure 1) :
– le labyrinthe antérieur, responsable de l’audition
– le labyrinthe postérieur comprenant le vestibule et les canaux semi circulaires, responsable de l’équilibre. Par la suite, nous ne décrirons que l’anatomie du labyrinthe antérieur.
Labyrinthe antérieur
On distingue le labyrinthe antérieur osseux et le labyrinthe antérieur membraneux.
Labyrinthe antérieur osseux
Dénommé encore cochlée ou limaçon du fait de sa forme extérieure ressemblant à une coquille d’escargot, il est situé en avant du vestibule et de la première portion de l’aqueduc de Fallope, en dedans du promontoire, en dehors et en avant du fond du conduit interne (figure 2).
-Le tube limacéen ou lame des contours
Il comprend deux segments : le segment non enroulé et le segment enroulé (figure 2). Le segment non enroulé est rectiligne, il est placé sous le vestibule et prend le nom de cavité sous vestibulaire. Sa paroi latérale est creusée d’un orifice : la fenêtre de la cochlée ou fenêtre ronde. Le segment enroulé s’invagine autour de la columelle en décrivant deux tours et demi de spire. Le canal spiral de la cochlée est partiellement divisé sur toute sa longueur par une lame osseuse détachée : la lame spirale osseuse (figure 3).
-La lame spirale
Elle se détache de la columelle perpendiculairement à son axe et fait saillie dans le tube du limaçon où elle se termine par un bord libre (figure 3). Elle continue en arrière de la cochlée dans le vestibule et forme le plancher de cette cavité qu’elle sépare de la cavité sous-vestibulaire.
Labyrinthe antérieur membraneux
Le labyrinthe membraneux ou canal cochléaire est l’ensemble des parois conjonctivo-épithéliales qui tapissent le labyrinthe osseux antérieur. Il occupe dans le labyrinthe antérieur osseux l’espace compris entre le bord libre de la lame spirale et la partie correspondante de la lame des contours (figure 3). On reconnait au canal cochléaire trois parois (figure 4) :
➤ La paroi externe formée par la strie vasculaire, seul épithélium vascularisé de l’organisme dont le rôle est de sécréter l’endolymphe.
➤ La paroi supérieure appelée encore membrane de Reissner qui sépare l’endolymphe du canal cochléaire de la périlymphe de la rampe vestibulaire.
➤ La paroi inférieure formée par la lame basilaire qui est tendue entre le bord libre de la lame spirale osseuse en dedans et la lame des contours en dehors. Sur la lame basilaire repose l’organe spiral ou l’organe de Corti.
➤Organe spiral (de Corti)
Il est l’organe sensoriel noble de l’audition, il comprend des cellules sensorielles et des cellules de soutien. Les cellules sensorielles sont de deux types : les cellules ciliées internes,piriformes, et les cellules ciliées externes, rectangulaires. Il existe tout au long des deux tours et demi de spire de l’organe spiral, une unique rangée de cellules ciliées internes (environ 3500 chez l’homme) et trois rangées de cellules ciliées externes.
Chaque cellule ciliée supporte à son extrémité apicale une centaine de stéréocils rangés en taille décroissante de l’extérieur vers l’intérieur. La membrana tectoria couvre les stéréocils situés à l’apex des cellules ciliées (figure 6). Elle joue un rôle mécanique important. Les stéréocils des cellules ciliées externes sont ancrés dans la membrana tectoria tandis que ceux des cellules ciliées internes sont libres (figure 6). Le pôle basal des cellules ciliées est le siège de contacts synaptiques avec les fibres de la racine cochléaire du nerf vestibulo-cochléaire. Les cellules ciliées internes font synapse avec les neurones primaires de la voie auditive qui vont se terminer dans les noyaux cochléaires. Cette innervation est dite afférente car elle véhicule l’information de la périphérie vers les centres auditifs.
Les cellules ciliées externes font synapse essentiellement avec les neurones issus de la voie efférente cochléaire. L’information nerveuse est ici transmise des centres auditifs vers les cellules ciliées externes. Les cellules ciliées internes sont des classiques cellules transductrices : elles traduisent l’information sonore en une variation de potentiel intracellulaire qui permettra la genèse de potentiels d’action dans les fibres afférentes de la racine cochléaire du nerf vestibulo-cochléaire.
Labyrinthe postérieur
Il correspond à la moitié postérieure du labyrinthe. Il comprend une cavité centrale, le vestibule et trois canaux semi-circulaires (figure 2). Le vestibule est relié à la cochlée par le canal spiral. Le labyrinthe postérieur participe au système de contrôle de l’équilibre.
Voies nerveuses auditives
Nerf cochléaire
Le nerf cochléaire est formé de trente à trente-cinq mille neurones. Il comporte essentiellement des neurones de type I (95% des neurones) dont le corps cellulaire est contenu dans le ganglion spiral de la cochlée situé dans le canal spiral du modiolus. Ces neurones ont un prolongement dendritique qui fait synapse avec la cellule ciliée interne et un prolongement axonal qui se termine dans les noyaux cochléaires.
Voies auditives centrales
Les voies auditives centrales (figure 7) sont constituées par :
-Le noyau cochléaire C’est le premier relais sur la voie ascendante et toutes les fibres du nerf auditif y font synapse. Les propriétés fréquentielles des fibres du nerf auditif, reproduisant la tonotopie cochléaire, se retrouvent dans le noyau cochléaire.
-Le complexe olivaire supérieur
Le complexe olivaire supérieur est un ensemble de noyaux situés dans le tronc cérébral. Il est constitué de trois noyaux principaux : l’olive supérieure latérale, l’olive supérieure médiale et le noyau médial du corps trapézoïde. Autour de ces trois noyaux principaux, des neurones sont disséminés formant le système efférent olivo-cochléaire, c’est-à-dire à l’innervation partant des centres auditifs pour se projeter sur l’organe spiral.
-Le mésencéphale auditif : colliculus inférieur (ou caudal)
Le colliculus inférieur, est formé de plusieurs subdivisions : le noyau central du colliculus inférieur, le noyau dorso médian, le noyau latéral et le cortex dorsal. Cette structure se trouve au carrefour des voies auditives ascendantes et descendantes, et reçoit des afférences extra-auditives importantes. Le noyau central du colliculus inférieur est très impliqué dans la représentation spatiale, mais aussi fréquentielle, des paramètres sonores.
-Le diencéphale auditif : corps géniculé médial
Le corps géniculé médial constitue le relais auditif entre le colliculus inférieur et le cortex auditif. Cette structure thalamique est caractérisée par sa richesse en innervation descendante qui, parallèlement aux voies auditives ascendantes, permet la constitution de boucles auditives thalamo-corticales. Il est divisé en plusieurs noyaux, en fonction de leur structure cellulaire et de leur innervation.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. ANATOMIE DU LABYRINTHE ET DES VOIES NERVEUSES AUDITIVES
1.1. Labyrinthe
1.1.1. Labyrinthe antérieur
1.1.1.1. Labyrinthe antérieur osseux
1.1.1.2. Labyrinthe antérieur membraneux
1.1.2. Labyrinthe postérieur
1.2. Voies nerveuses auditives
1.2.1. Nerf cochléaire
1.2.2. Voies auditives centrales
2. PHYSIOLOGIE DE L’AUDITION
2.1. Introduction
2.2. Son : aspects physiques
2.3. Mécanisme de transmission sonore
2.4. Etape de la transduction ou le phénomène de l’onde propagée de Von Bekesy
2.5. Phénomènes dans les voies auditives et traitement de l’information
2.5.1. Traitement de l’information auditive
2.5.1.1. Perception de la hauteur
2.5.1.2. Détection de l’intensité
2.5.1.3. Localisation du son
2.5.1.4. Seuil audiométrique de surdité ou la gravité
3. PHYSIOPATHOLOGIE DE LA PRESBYACOUSIE
4. CLASSIFICATION DE LA PRESBYACOUSIE
4.1. Presbyacousie sensorielle
4.2. Presbyacousie neurale
4.3. Presbyacousie mécanique
4.4. Presbyacousie liée à l’atteinte de la strie vasculaire
4.5. Formes mixtes
4.6. Formes indéterminées
5. DIAGNOSTIC
5.1. Diagnostic positif
5.1.1. Circonstances de découverte
5.1.2. Examen clinique
5.1.2.1. Interrogatoire
5.1.2.2. Examen ORL
5.1.3. Audiométrie
5.1.3.1. Définition
5.1.3.2. Différents types d’audiométrie
5.1.3.2.1. Audiométrie subjective
5.1.3.2.1.1. Audiométrie tonale
5.1.3.2.1.2. Audiométrie vocale
5.1.3.2.2. Audiométrie objective
5.1.3.2.2.1. Impédancemétrie : étude du reflexe stapédien
5.1.3.3. Aspect audiométrique d’une presbyacousie
5.2. Etiopathogénie
5.2.1. Rôle de l’environnement, du mode de vie et des pathologies associées
5.2.1.1. Exposition au bruit et presbyacousie
5.2.1.2. Pathologies cardiovasculaires
5.2.1.3. Radicaux libres et presbyacousie
5.2.2. Influence des facteurs génétiques
5.3. Diagnostic différentiel
5.4. Diagnostic étiologique : cf. étiopathogénie
6. TRAITEMENT
6.1. Buts
6.2. Moyens et méthodes
6.2.1. Moyens médicamenteux
6.2.2. Moyens prothétiques
6.2.2.1. Prothèses auditives conventionnelles
6.2.2.2. Prothèses implantables
6.2.2.2.1. Implantation d’oreille moyenne
6.2.2.2.1.1. Différents types d’appareils implantables
6.2.2.2.2. Implantation cochléaire
6.2.3. Rééducation
6.2.3.1. Rééducation orthophonique
6.2.3.1.1. Différentes phases de la rééducation orthophonique
6.2.3.1.2. Bilan orthophonique
6.3. Indications
6.3.1. Bilan préthérapeutique
6.4. Résultats
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. PATIENTS ET METHODES
1.1. Cadre d’étude
1.1.1. Locaux
1.1.2. Personnel
1.2. Contexte
1.2.1. Différentes phases de la mission
1.2.2. Description des différentes stations
1.2.3. Personnel de la mission
1.3. Période et type d’étude
1.4. Méthodologie
1.4.1. Paramètres à étudier
2. RESULTATS : N=128
2.1. Données socio-démographiques
2.1.1. Sexe
2.1.2. Age
2.1.3. Ethnie
2.1.4. Profession
2.1.5. Milieu de résidence
2.1.6. Origine géographique
2.2. Données cliniques
2.2.1. Durée d’évolution de la presbyacousie
2.2.2. Facteurs de risque
2.2.3. Signes associés
2.3. Données de l’audiométrie
2.4. Données thérapeutiques
2.4.1. Appareillage auditif
2.4.2. Bilan de satisfaction
DISCUSSION
1. ASPECTS SOCIO-DEMOGRAPHIQUES
1.1. Sexe
1.2. Age
1.3. Ethnie
1.4. Milieu de résidence
2. DONNEES CLINIQUES
2.1. Durée d’évolution de la presbyacousie
2.2. Facteurs de risque
2.2.1. Exposition au bruit
2.2.2. HTA et Diabète
2.2.3. Surdité familiale et consanguinité
2.3. Signes associés
2.3.1. Acouphènes
3. DONNEES AUDIOMETRIQUES
4. DONNEES THERAPEUTIQUES
4.1. Appareillage auditif
4.2. Suivi et évaluation
5. PREVENTION, DEPISTAGE DE LA PRESBYACOUSIE
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE