Depuis le début du XXème siècle, la virologie a de plus en plus d’importance dans les disciplines médicales [1]. L’étude des virus à été rendue possible en 1950 grâce aux développements technologiques (microscope électronique) et à la possibilité d’obtenir aisément des particules virales in vitro en culture cellulaire [32]. L’état actuel de la connaissance virologique permet une classification des virus par famille, par groupe, par sous groupe et par type. Plus de 6 000 espèces virales sont actuellement identifiées, mais probablement beaucoup plus (> 30 000) sont encore à découvrir [66]. Les caractères épidémiologiques, sémiologiques et évolutifs permettent d’orienter l’enquête virologique vers tel ou tel agent viral.
La conjonctivite est la première cause de rougeur oculaire. L’étiologie infectieuse est la plus fréquente. En pédiatrie, la cause bactérienne représente 78%, l’étiologie virale 13% et les causes allergiques 2% [19].Chez les adultes l’étiologie est non seulement bactérienne (40%) mais aussi virale (36%) et seulement 24% des cas sont dus à une autre cause.[19].
De nombreuses maladies de la conjonctive à tableau clinique bien défini ainsi que certaines affections dont le type clinique reste mal déterminé , ont trouvé leur agent pathogène parmi les virus. La conjonctivite virale aigue existe dans certains pays sous forme endémique mais peut être épidémique comme celle apparue la première fois au Ghana en 1969 et surnommée “APOLLO disease“.La rumeur populaire voulait que les atteintes oculaires soient dues au fait que les Ghanéens cherchaient à découvrir dans le ciel la capsule APOLLO 11 [22]. Le premier virus responsable de conjonctivite aigue hémorragique(CAH) fut identifié lors d’une épidémie de plus de 300000 cas à Singapour en 1970, due à l’entérovirus 70 (EV70), identifié rétrospectivement comme responsable de l’épidémie du Ghana. En 1969, elle se répandit rapidement à la surface du globe à partir de l’Asie du sud Est, touchant la France et le Maroc [56, 12, 24, 46, 60]. Après une période faste allant du début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1980, les descriptions d’épidémie de CAH se sont espacées, pour ne connaitre qu’un bref sursaut en 1994 où deux épisodes furent rapportés en Israël et au Japon [87,79], puis de février à mai2012aux iles Mayotte avec une épidémie due au virus coxsackie A24 [47]. L’adénovirus est aussi impliqué dans des épidémies de kératoconjonctivite. D’autres virus peuvent être responsables de conjonctivite (herpes virus, varicelle zona virus, cytomégalovirus, etc…) .
Anatomie de l’œil et physiologie de la conjonctive
Anatomie de l’œil
L’œil est l’organe de la vision, qui a la forme d’une sphère de 23 mm de diamètre. Il pèse 9 grammes et à un volume de 6,5cm3 . Son diamètre transversal mesure23,5 mm et son diamètre antéropostérieur est de 25 mm. Il est situé dans la partie antérieure de l’orbite, maintenu par les muscles oculomoteurs et entouré de lobules graisseux. L’œil est relié au cerveau par le nerf optique.
Enveloppes
L’œil est formé de l’extérieur vers l’intérieur de 3 tuniques qui sont :
– La tunique externe
– La tunique moyenne
– La tunique interne .
Tunique externe ou coque cornéo-sclérale
La sclérotique
C’est un tissu conjonctif dense fibreux et inextensible. Elle entoure les 4/5 postérieurs du globe. Elle présente de nombreux orifices, pour le passage des nerfs et des vaisseaux destinés au globe. En arrière, elle livre passage au nerf optique par un orifice occupé par la lame criblée. La sclére se prolonge en avant sur les 1/5 restants, par la cornée.
La cornée
Elle est transparente, plus saillante que la sclére, dans laquelle elle est enchâssée comme « un verre de montre « . Elle est avasculaire, mais richement innervée. Leur zone d’union ou limbe sclérocornéen, est taillée en biseau aux dépens des couches profondes.
Tunique moyenne ou uvée
C’est une membrane musculo-vasculaire qui tapisse la partie interne de la sclère. En avant, elle s’en détache, au voisinage du limbe, pour former un rideau dans le plan vertical. Elle présente à décrire trois parties d’avant en arrière : l’iris, le corps ciliaire et la choroïde.
L’iris
Il est disposé comme un diaphragme circulaire percé d’un orifice au centre appelé, la pupille. Il donne la couleur de l’œil, variable suivant les sujets et les races. La pupille est ordinairement circulaire. Ses dimensions sont variables car soumises à l’action des muscles dilatateurs et sphincter de l’iris, sous l’effet d’un stimulus lumineux.
Le corps ciliaire
Il est renflé en forme d’anneau, triangulaire en coupe transversale. Il est constitué du muscle ciliaire et des procès ciliaires. En dessous du muscle ciliaire, une couche vasculaire relie les vaisseaux choroïdiens aux procès ciliaires. Le corps ciliaire est responsable de la sécrétion de l’humeur aqueuse.
La choroïde
Elle recouvre les 2/3 postérieurs de la sclére, de la zone ciliaire en avant jusqu’au pourtour de la papille en arrière. Elle est richement vascularisée. Ses cellules renferment un pigment, la mélanine.
Le contenu ou milieux transparents
Il est constitué d’avant en arrière de : l’humeur aqueuse, du cristallin et de l’humeur vitrée.
L’humeur aqueuse
C’est un liquide limpide, incolore, contenu dans le segment antérieur. Elle est sécrétée par le corps ciliaire dans la chambre postérieure. Sa résorption se fait en grande partie par la voie principale trabéculo-canaliculaire constituée et accessoirement par la voie uvéo-sclérale.
Le cristallin
Situé en arrière de l’iris, le cristallin est une lentille biconvexe, transparente et élastique. Il est appendu au corps ciliaire par les ligaments de la zonule. Il divise le globe en deux segments, antérieur et postérieur. Le segment antérieur est divisé par l’iris en deux chambres, antérieure et postérieure. Il détient le 1/3 du pouvoir réfracteur de l’œil.
L’humeur vitrée
C’est une substance viscoélastique, transparente qui remplit tout le segment postérieur. Elle est constituée à plus de 95% d’eau et représente en volume les 2/3 du globe oculaire. Ses propriétés viscoélastiques sont dues au collagène et à l’acide hyaluronique qui en sont les composants majeurs.
Annexes
Les annexes de l’œil sont constituées par les paupières, les cils, l’appareil lacrymal et la conjonctive.
L’appareil lacrymal constitué de glandes lacrymales(les glandes à mucus, les glandes lacrymales accessoires, les glandes sébacées) et les voies lacrymales (elles comprennent les points lacrymaux, les canalicules lacrymaux superieur et inferieur, le canal d’union, le sac lacrymal et le canal lacrymo-nasal). Il permet la sécrétion et l’excrétion des larmes. Les larmes se répandent sur la cornée et la conjonctive sous forme d’un film très fin (8 µL devant la cornée), appelé le film lacrymal. Il est renouvelé lors des clignements des paupières. La composition de ce liquide varie légèrement en fonction des couches de ce-dernier. Il se compose de trois couches :
A la couche superficielle, se trouve une couche principalement aqueuse en abondance de corps gras. Elle est secrétée par les glandes de Meibomius situées sur la surface interne de la paupière. Puis il y a une couche intermédiaire aussi aqueuse, provenant des secrétions des glandes lacrymales séreuses. C’est la couche la plus épaisse dans laquelle se trouvent les solutés et les gaz dissous. La dernière couche, la couche interne qui est directement en contact avec la cornée, s’appelle la couche profonde.
Elle est visqueuse et contient un mucus riche en protéines. Son rôle est de répartir le film uniformément à la surface de la cornée. Elle est secrétée par les glandes muqueuses et les sécrétions des cellules à mucus de la conjonctive.
La conjonctive (de conjugere : réunir) est un des éléments constitutifs de l’appareil de protection du globe oculaire avec les paupières et l’appareil lacrymal. C’est une muqueuse transparente tapissant la face postérieure des deux paupières (conjonctive palpébrale). Elle se réfléchit sur la face antérieure du globe (conjonctive bulbaire).
La partie bulbaire et la partie palpébrale se réfléchissent l’une sur l’autre au niveau des culs-de-sac. En raison de sa situation anatomique la conjonctive est une voie d’entrée privilégiée des virus .
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Anatomie de l’œil et physiologie de la conjonctive
I.1. Anatomie de l’œil
I.1.1. Enveloppes
I.1.1.1. Tunique externe ou coque cornéo-sclérale
I.1.1.1.1. La sclérotique
I.1.1.1.2. La cornée
I.1.1.2. Tunique moyenne ou uvée
I.1.1.2.1. L’iris
I.1.1.2.2. Le corps ciliaire
I.1.1.2.3. La choroïde
I.1.1.3. Tunique interne ou rétine
I.1.2. Le contenu ou milieux transparents
I.1.2.1. L’humeur aqueuse
I.1.2.2. Le cristallin
I.1.2.3. L’humeur vitrée
I.1.3. Annexes
I.1.3.1. Anatomie descriptive et rapports de la conjonctive
I.1.3.1.1. La conjonctive palpébrale
I.1.3.1.1.1. La conjonctive marginale
I.1.3.1.1.2. La conjonctive tarsale
I.1.3.1.1.3. La conjonctive orbitaire
I.1.3.1.2. Les culs-de-sac conjonctivaux
I.1.3.1.2.1. Le cul-de-sac supérieur
I.1.3.1.2.2. Le cul-de-sac externe
I.1.3.1.2.3. Le cul-de-sac inférieur
I.1.3.1.2.4. Le cul-de-sac interne
I.1.3.1.2.4.1. La caroncule
I.1.3.1.2.4.2. Le repli semi-lunaire
I.1.3.1.3. La conjonctive bulbaire
I.1.3.1.3.1. La portion sclérale
I.1.3.1.3.2. La portion limbique
I.1.3.2. La vascularisation conjonctivale
I.1.3.2.1. La vascularisation artérielle
I.1.3.2.1.1. Les artères conjonctivales postérieures
I.1.3.2.1.1.1. L’arcade interne
I.1.3.2.1.1.2. L’arcade externe
I.1.3.2.1.2. Les artères conjonctivales antérieures
I.1.3.2.2. Vascularisation veineuse de la conjonctive
I.1.3.2.3. Vascularisation lymphatique
I.1.3.3. Anatomie microscopique de la conjonctive (Histologie)
I.1.3.3.1. L’épithélium
I.1.3.3.2. Le tissu conjonctif
I.1.3.3.3. La zone de transition
I.1.3.3.4. Les glandes de la conjonctive
I.2. Physiologie conjonctivale
I.2.1. Protection mécanique
I.2.2. Protection humorale (Sécrétions lacrymales)
I.2.3. Protection cellulaire (cellules immunitaires)
II. Conjonctivites
II.1. Définition
II.2. Conjonctivites de contact
II.3. Conjonctivites allergiques
II.4. Conjonctivites parasitaires
II.5. Conjonctivites bactériennes
II.6. Conjonctivites virales aigue
II.6.1. Conjonctivites à adénovirus
II.6.1.1. Historique
II.6.1.2. Aspects cliniques
II.6.1.2.1. Conjonctivites folliculaires
II.6.1.2.2. Keratoconjonctivites
II.6.1.2.3. Fièvre pharyngo-conjonctivale (PCF)
II.6.1.2.4. Conjonctivites papillaires chroniques
II.6.1.3. Diagnostic virologique des conjonctivites à ADV
II.6.1.4. Traitement
II.6.1.5. Prophylaxie
II.6.2. Conjonctivites à entérovirus
II.6.2.1. Historique
II.6.2.2. Aspects cliniques
II.6.2.3. Diagnostic virologique
II.6.2.4. Traitement-Prévention
II.6.3. Conjonctivites herpétiques
II.6.3.1. Historique
II.6.3.2. Conjonctivites herpétiques
II.6.3.3. Traitement-Prévention
II.6.4. Conjonctivites à VZV
II.6.4.1. Varicelle ophtalmique
II.6.4.2. Zona ophtalmique
II.6.5. Conjonctivites à CMV
II.6.6. Autres virus responsables de conjonctivites virales
CONCLUSION