Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont caractérisés par la survenue brutale d’un déficit neurologique focal. Ils demeurent un véritable problème de santé publique et constituent la deuxième cause de décès (9% des décès dans le monde), la première cause de handicap acquis chez l’adulte, la deuxième cause de démence et une cause fréquente de dépression [85]. Il existe 5 grands types d’AVC, qui sont par ordre de fréquence décroissante : l’infarctus cérébral, l’accident ischémique transitoire, l’hémorragie cérébrale, l’hémorragie sous-arachnoïdienne et la thrombose veineuse cérébrale. Les AVC ischémiques (transitoires et constitués) représentent 80% des accidents vasculaires cérébraux [16] et résultent de la survenue généralement brutale, d’une occlusion artérielle qui prive une zone plus ou moins étendue du cerveau de son apport normal en oxygène et en glucose. Ils touchent toutes les tranches d’âge avec une prédilection pour les personnes âgées. Ces dernières années ont vu l’incidence des AVC du sujet jeune croitre. L’AVC ischémique du sujet jeune âgé de moins de 45 ans, représente environ 5% de l’ensemble des AVC ischémiques [71, 75]. L’importance du pronostic fonctionnel, le nombre de récidives et la nécessité d’un traitement spécifique de chaque étiologie justifient un bilan étiologique rigoureux et approfondi, guidé par des données anamnestiques et cliniques. Dans notre propos, nous nous intéresserons aux infarctus cérébraux constitués d’origine artérielle survenant chez les patients âgés de 15 à 45 ans que nous considérons comme jeunes. Les infarctus veineux, les accidents ischémiques transitoires (AIT), les hémorragies cérébrales, et les hémorragies sous arachnoïdiennes (HSA) ne sont pas concernés.
Définition
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’AVC se défini comme « le développement rapide de signes localisés ou globaux de dysfonction cérébrales avec des symptômes durant plus de 24 heures, pouvant conduire à la mort, sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire ». Selon la durée de l’occlusion et l’importance de la baisse de perfusion en aval, l’ischémie cérébrale pourra n’être que fonctionnelle, responsable d’un déficit neurologique très bref et spontanément réversible, qualifié d’accident ischémique transitoire (AIT), ou à l’inverse être sévère et conduire à la constitution d’un IC. L’AIT est un épisode bref de dysfonction neurologique due à une ischémie focale, cérébrale ou rétinienne, dont les symptômes cliniques durent typiquement moins d’une heure, sans preuve d’infarctus aigu [6].
Anatomie de la vascularisation artérielle de l’encéphale
Le dispositif artériel cérébral
La vascularisation de l’encéphale provient de 2 systèmes artériels : le système carotidien et le système vertébro-basilaire. Leur réunion à la base du crâne constitue le polygone de Willis.
Le système carotidien
L’artère carotide interne naît de la carotide commune et entre dans la fosse moyenne de la boîte crânienne, par le canal carotidien. Son cours suit alors une série de courbures caractéristiques, constituant le siphon carotidien, après quoi elle passe dans le sinus caverneux puis remonte sur la partie médiane de l’apophyse clinoïde antérieure, atteignant la surface du cerveau latéralement au chiasma optique. Sur son chemin, la carotide interne donne naissance à plusieurs branches préterminales:
– l’artère ophtalmique
– l’artère communicante postérieure
– l’artère choroïdienne antérieure
– l’artère cérébrale antérieure
– l’artère cérébrale moyenne
Le système vertébro-basilaire
Il irrigue la partie postérieure de l’encéphale et la moelle spinale. L’artère vertébrale naît de l’artère sous-clavière, remonte par des trous transversaux des vertèbres cervicales et entre dans la boîte crânienne par le trou occipital, le long de la face ventrolatérale du bulbe. Dans leur parcours rostral, les deux artères vertébrales convergent, s’unissant à la jonction entre le bulbe et la protubérance annulaire pour former le tronc basilaire dans l’axe médian. Le long de son parcourt, l’artère vertébrale donne naissance à :
– l’artère spinale antérieure
– l’artère cérébelleuse postérieure et inférieure (PICA) .
Le tronc basilaire naît de la réunion des deux artères vertébrales. Il chemine le long de la protubérance annulaire, qu’il irrigue par le biais de petites branches et donne naissance à :
– l’artère labyrinthique
– l’artère cérébelleuse antérieure et inférieure
– l’artère cérébelleuse supérieure
– l’artère cérébrale postérieure .
Les territoires vasculaires
➤ Le système carotidien :
– La carotide interne vascularise la partie antérieure du cerveau, l’orbite et son contenu, et la conduit auditif externe.
– L’artère cérébrale antérieure vascularise en superficie, la région interne des lobes frontal et pariétal, et irrigue en profondeur, la partie antérieure des noyaux striés et de la capsule interne ainsi que l’hypothalamus antérieur.
– L’artère cérébrale moyenne perfuse en territoire cortico sous cortical, la convexité des hémisphères à l’exception des extrémités antérieures et postérieures ainsi que l’insula et une partie des radiations optiques. En profondeur, elle irrigue les noyaux gris centraux, la capsule interne dans leur partie moyenne et les autres capsules (par les artères lenticulostriées).
– L’artère choroïdienne antérieure irrigue la bandelette optique, la partie postérieure des noyaux gris centraux et de la capsule interne.
– L’artère communicante postérieure donne des branches au thalamus, à l’hypothalamus et au bras postérieur de la capsule interne.
➤ Le système vertébro-basilaire :
– Le tronc basilaire donne des artères perforantes pour le tronc cérébral, et l’artère cérébelleuse antérieure inférieure qui irrigue la partie antérieure et inférieure du cervelet.
– L’artère cérébrale postérieure donne des artères destinées au lobe occipital et en profondeur des artères perforantes irriguant le mésencéphale, le thalamus, et l’hypothalamus postérieur.
Epidémiologie
Epidémiologie descriptive
L’incidence des ischémies cérébrales augmente avec l’âge, y compris chez le sujet jeune, où la plupart des patients ont entre 40 et 45 ans [50, 98]. Elle est de 3 à 23 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants [12]. Cette incidence est plus élevée chez les hommes, les sujets noirs ou hispaniques et dans les pays non industrialisés [37, 68, 81]. L’incidence des ischémies cérébrales survenant pendant la grossesse est estimée à 3,8-18 pour 100 000 accouchements [12]. La grossesse augmente modérément le risque d’AVC mais l’incidence des ischémies cérébrales ne semble pas différer significativement de celle observée hors grossesse. En revanche, ce risque est augmenté en post-partum [118]. Selon l’OMS, le nombre annuel d’AVC incidents dans le monde passera de 16 millions en 2005 à 23 millions à l’horizon 2030 [122].
Epidémiologie analytique
Facteurs de risque non modifiables
● Age
L’âge est le facteur de risque non modifiable le plus puissant. En effet, on estime que le risque d’AVC double chaque décennie après 55 ans [56].
● Genre
Le taux d’incidence des infarctus cérébraux est un peu plus élevé chez l’homme de moins de 75 ans, mais cette tendance s’inverse ensuite [104]. Le nombre annuel de décès par AVC est plus important chez l’homme que chez la femme.
● Origine ethnique
Le sujet noir a un risque accru d’AVC. Aux Etats-Unis, le risque d’AVC est 2 fois plus élevé chez les sujets noirs, avec une incidence ajustée sur l’âge de 6,6 pour 1000 chez les hommes noirs, de 3,6 pour 1000 chez les hommes blancs, de 4,9 pour 1000 chez les femmes noires, et de 2,3 pour 1000 chez les femmes blanches [56].
● Facteurs familiaux
Un antécédent familial paternel ou maternel d’AVC multiplie par 2 le risque de survenue d’IC [28].
● Facteurs génétiques
Des généticiens ont fait l’hypothèse que l’AVC serait un modèle de maladie polygénique, dans lequel de nombreux gènes agiraient de façon synergique [83]. Plusieurs gènes de protéines ont été impliqués dans survenue d’IC. Il s’agit des protéines de l’hémostase, du système rénine-angiotensine, du métabolisme de l’homocystéine, du métabolisme lipidique et de l’inflammation [20].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. Définition
II. Anatomie de la vascularisation artérielle de l’encéphale
II.1 Le dispositif artériel cérébral
II.1.1 Le système carotidien
II.1.2 Le système vertébro-basilaire
II.2 Les territoires vasculaires
III. Epidémiologie
III.1 Epidémiologie descriptive
III.2 Epidémiologie analytique
III.2.1 Facteurs de risque non modifiables
III.2.2 Facteurs de risque modifiables
IV. Description clinique
IV.1 Syndromes carotidiens
IV.1.1 Infarctus de l’artère cérébral moyenne (ACM) ou artère sylvienne
IV.1.2 Infarctus dans le territoire de l’artère cérébrale antérieure (ACA)
IV.1.3 Infarctus de l’artère choroïdienne antérieure
IV.2 Syndromes vertébro-basilaires
IV.2.1 Infarctus de l’artère cérébrale postérieure
IV.2.2 Infarctus mésencéphaliques
IV.2.3 Infarctus protubérantiels
IV.2.4 Infarctus bulbaires
IV.2.5 Infarctus cérébelleux
IV.3 Syndromes lacunaires
V. Imagerie du parenchyme cérébral
V.1 Scanner
V.2 Imagerie par résonance magnétique
VI. Diagnostic différentiel
VII. Etiologies
VII.1 Cardiopathies emboligènes
VII.1.1 Valvulopathies
VII.1.2 Cardiopathies ischémiques
VII.1.3 Cardiopathies dilatées
VII.1.4 Troubles du rythme
VII.1.5 Tumeurs cardiaques
VII.1.6 Anomalies du septum
VII.1.7 Iatrogènes
VII.2 Artériopathies
VII.2.1 Athérosclérose
VII.2.2 Artériopathies non athéroscléreuses
VII.2.3 Causes des infarctus lacunaires
VII.3 Affections hématologiques
VII.3.1 Pathologies des éléments figurés du sang
VII.3.2 Coagulopathies
VII.4 Causes diverses
VII.4.1 Maladies métaboliques
VII.4.2 Embolies
VII.4.3 Fistules artérioveineuses pulmonaires
VII.4.4 Choriocarcinome
VII.4.5 Syndrome de Sweet
VII.5 Ischémies cérébrales de causes indéterminées et inconnues
VIII-Prise en charge des infarctus cérébraux
VIII.1 But
VIII.2 Moyens
VIII.2.1 Médicamenteux
VIII.2.2 Rééducation
VIII.2.3 Neurochirurgicaux
VIII.2.4 Mesures thérapeutiques générales
VIII.3 Indications
VIII.3.1 Phase aigue
VIII.3.2 Phase tardive
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. Patients et méthodes
I.1 Objectifs de l’étude
I.2 Type d’étude
I.3 Cadre d’étude
I.4 Population d’étude
I.5 Protocole
I.6 Analyse des données
I.7 Considération éthiques
II. Résultats
II.1 Taille de la population
II.2 Caractéristiques biographiques
II.3 Aspects cliniques
II.4 Neuro-imagerie de l’encéphale
II.4.1 Type d’imagerie
II.4.2 Topographie des infarctus
II.5 Bilan étiologique
II.5.1 Explorations cardiovasculaires
II.5.2 Examens biologiques
II.6 Facteurs de risque et étiologies
II.6.1 Facteurs de risque
II.6.2 Etiologies
II.7 Traitement
II.8 Evolution
III. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES