La maladie veineuse thromboembolique englobe la thrombose veineuse profonde et lโembolie pulmonaire. Elle est la 3รฉme maladie cardiovasculaire le plus frรฉquente avec une incidence annuelle globale de 100-200 par 100.000 habitants [55]. Lโembolie pulmonaire (EP) est la manifestation la plus grave de la pathologie thromboembolique veineuse. Elle est dรฉfinit comme lโobstruction partielle ou totale des artรจres pulmonaires ou de leurs branches par des emboles, le plus souvent dโorigine fibrino-cruorique. EP aigue est la plus grave prรฉsentation de la MVTE et une cause majeure de mortalitรฉ, de morbiditรฉ et dโhospitalisation. Comme estimรฉe sur la base dโun modรจle รฉpidรฉmiologique, 317000 dรฉcรจs ont รฉtรฉ liรฉs ร la MVTE dans six pays de lโUnion Europรฉenne (avec une population 454,4 million) en 2004 [55].
Elle reste aujourdโhui lโune des premiรจres causes de dรฉcรจs dans la population gรฉnรฉrale et cette incidence nโaurait diminuรฉ au cours de ces 3 derniรจres dรฉcennies. La premiรจre cause semble รชtre une insuffisance diagnostique puisque les รฉtudes autopsiques longitudinales montrent que dans plus de 70% de dรฉcรจs par lโEP, le diagnostic nโa pas รฉtรฉ posรฉ du vivant du patient [94]. En Afrique si lโon parcourt la littรฉrature, les donnรฉes รฉpidรฉmiologiques ont prouvรฉ que la pathologie est par contre rรฉputรฉe rare chez le sujet de race noire. Pourtant, depuis 20 ans, les connaissances scientifiques sur lโembolie pulmonaire ont fait des progrรจs considรฉrables et rรฉpondent en se basant sur des preuves aux principales questions que se pose le clinicien confrontรฉ ร une suspicion dโembolie pulmonaire en urgence est possible. La stratรฉgie diagnostique choisie doit รชtre scrupuleusement adaptรฉe ร la situation plus prรฉcisรฉment ร lโรฉvaluation de la probabilitรฉ diagnostique et ร la gravitรฉ du patient.
En lโabsence de traitement, la mortalitรฉ des EP est รฉlevรฉe, de lโordre de 25 ร 30% et serait due le plus frรฉquemment ร des rรฉcidives [4]. Sous traitement, le pronostic est liรฉ ร lโexistence dโun รฉtat de choc du fait de lโimportance de lโobstruction vasculaire pulmonaire ou pour des EP plus modรฉrรฉes ร lโexistence dโune pathologie cardio-pulmonaire sous-jacente. Dans les EP minimes et moyennes, la mortalitรฉ reste faible de 1 ร 10%. Dans les EP massives, elle est en moyenne de 15 %. ร long terme, la mortalitรฉ des patients traitรฉs pour une EP de gravitรฉ variable est รฉlevรฉe de 25 ร 30%, liรฉe essentiellement ร lโexistence dโune nรฉoplasie sous-jacente ou ร une affection cardiorespiratoire associรฉe. La survenue dโune hypertension artรฉrielle pulmonaire chronique est rare, moins de 1% des cas; elle est le plus souvent la consรฉquence dโembolies pulmonaires rรฉpรฉtรฉes, non diagnostiquรฉes et non traitรฉes[75].
EPIDEMIOLOGIE
En Europe et aux รtats-Unisย
Lโembolie pulmonaire est une pathologie grave, frรฉquente et de diagnostic difficile [91]. Sa prรฉvalence en Europe est de 17- 42,6% des malades hospitalisรฉs et 8- 52% des vรฉrifications nรฉcrosiques [7, 74, 82]. Elle demeure une affection grave responsable 317000 dรฉcรจs dans six pays de lโUnion Europรฉenne (avec une population de 454,4 millions). Elle constitue la 3รฉme maladie cardiovasculaire la plus frรฉquente en France et aux Etats unis dโAmรฉrique, la 3รจme cause de mortalitรฉ [55].
En Asie
Les รฉtudes รฉpidรฉmiologiques et nรฉcropsiques menรฉes au Japon en 1967 [67], au Taiwan en 1996 [58] confirment ร lโunanimitรฉ, la raretรฉ de cette pathologie en comparaison avec son incidence en Europe et aux Etats-Unis. Une รฉtude rรฉalisรฉe au Japon en 1999[57] le confirme ร son tour, en rapportant une incidence annuelle de seulement 28 cas dโEP par million de Japonais.
En Afrique
Si lโon parcourt la littรฉrature, les donnรฉes africaines ont prouvรฉ que la pathologie est par contre rรฉputรฉe rare chez le sujet de race noire. Au Nigรฉria, il a รฉtรฉ rapportรฉ en 1967, 58 cas autopsiques dโEP recensรฉs sur une durรฉe de cinq annรฉes dans un hรดpital dโIbadan [6]. En Afrique du Sud, Joffre a montrรฉ en 1974 que lโincidence des TVP post-opรฉratoires รฉtait รฉlevรฉe chez les SudAfricains comparรฉe aux Europรฉens [49].
Au Sรฉnรฉgal
Au Sรฉnรฉgal, Ndiaye MB [71] a colligรฉ 8 patients ayant prรฉsentรฉ une embolie pulmonaire ร haut risque sur 32 cas dโEP soit une prรฉvalence hospitaliรจre de 25%. Par contre Bodian [12] dans sa sรฉrie rapporte une prรฉvalence hospitaliรจre de 23,3%.
ANATOMIE DE LA CIRCULATION PULMONAIREย
La circulation pulmonaire est branchรฉe en dรฉrivation sur la circulation systรฉmique (qui alimente les muscles, tube digestif…). Elle Part du cลur droit, traverse les poumons et revient au cลur gauche. Les vaisseaux pulmonaires suivent รฉtroitement l’arbre bronchique. Ils sont collรฉs aux parois des bronchioles et des alvรฉoles. Les capillaires pulmonaires recouvrent 75% de la surface des alvรฉoles soit 100m2. Cette circulation pulmonaire n’est au contact que des alvรฉoles et des bronchioles terminales. Tout le reste de l’arbre respiratoire (trachรฉe-> bronchioles) a une circulation propre systรฉmique qui vient du cลur gauche. La circulation pulmonaire qui a le rรดle fonctionnel d’รฉchange O2-CO2 n’alimente que les alvรฉoles et bronchioles terminales. Le lobule pulmonaire est la conjonction entre les alvรฉoles et le lit capillaire pulmonaire. La distance entre le globule rouge GR dans le plasma et l’alvรฉole est trรจs petite. Elle varie de 0,2 ร 1,4 microns. La distance que doit franchir l’O2 et CO2 est donc trรจs petite. Les parois capillaires sont minces pour favoriser les รฉchanges gazeux et elles sont suffisamment rรฉsistantes pour supporter la pression intravasculaire et intraalvรฉolaire qui va changer quand on fait un mouvement ventilatoire ample. La circulation est ร basse pression et le dรฉbit lent pour que la circulation ait le temps de se charger en oxygรจne et libรฉrer le gaz carbonique. Ce dรฉbit circulatoire va augmenter ร l’exercice : le dรฉbit cardiaque va augmenter, le dรฉbit circulatoire pulmonaire va aussi augmenter et le temps de contact va รชtre rรฉduit. Pour un sujet normal, sans pathologie pulmonaire, mรชme le dรฉbit le plus รฉlevรฉ au cours de l’exercice maximal, est suffisant pour รฉchanger O2 et CO2.
Ralentissement de la circulation sanguineย
Le systรจme veineux est un systรจme ร basse pression et a dรฉbit sanguin naturellement lent. Tout ralentissement circulatoire local lors dโune immobilisation prolongรฉe ou dโune compression extrinsรจque par une immobilisation plรขtrรฉe, un voyage rรฉcent > 6h ou dans le cadre du syndrome de cockett (compression contre le rachis lombaire de la veine iliaque primitive gauche par lโartรจre iliaque droite) ou gรฉnรฉral (insuffisance cardiaque, simple alitement prolonge, insuffisance veineuse chronique) favorise la formation de thrombi intravasculaires. Ces derniers sont constituรฉs de grandes quantitรฉs de fibrine avec un grand nombre dโรฉrythrocytes, leur contenu en plaquettes et en leucocytes reste variable. Ils se dรฉveloppent prรฉfรฉrentiellement dans les zones de stase importante : valvules veineuses, en raison du flux rotatoire de faible vรฉlocitรฉ. Les veines de prรฉdilection des thromboses sont les veines surales. La stase ร elle seule ne peut pas expliquer la survenue de thrombose [31].
La lรฉsion pariรฉtaleย
Lโendothรฉlium est une couche monocellulaire thrombo-rรฉsistante (propriรฉtรฉ anticoagulante). La sous endothรฉlium est par contre thrombogรฉne (propriรฉtรฉ procoagulante), toutes les altรฉrations de la paroi vasculaire, quโelles soient mรฉcaniques, infectieuses, inflammatoires ou chimiques ร savoir le tabac permettent le contact entre les fibres collagรจne du tissu sous-endothรฉlial et les plaquettes favorisant lโadhรฉsion plaquettaire. Une thrombose veineuse sรฉquellaire constitue par ailleurs un point dโappel de rรฉcidive ultรฉrieure .
Lโhypercoagulabilitรฉ
Elle fait suite ร des anomalies de lโhรฉmostase qui peuvent รชtre dโordre congรฉnital ou acquis : les anomalies congรฉnitales sont dominรฉes par les thrombophilies qui expliquent la survenue de la MTVE dans le tiers des cas, elles sont responsables de thromboses veineuses, ce sont les dรฉficits en inhibiteurs de la coagulation, dont trois sont responsables de thromboses veineuses, ce sont les dรฉficits en antithrombine III, en protรฉine C et en protรฉine S. Leur transmission sโeffectue sur le mode autosomique dominant expliquant lโexistence de thrombophilies familiales ; soit ร la rรฉsistance ร lโaction de la protรฉine C active, qui empรชche normalement un allongement du temps de cรฉphaline activรฉ (TCA), dans ce cas, il sโagit dโune cause frรฉquente de thrombophilie familiale, identifiรฉe en 1993 et qui se transmet selon le mode autosomique dominant. Les anomalies acquises sont reprรฉsentรฉes principalement par lโexistence dโanticorps anti phospholipides dont deux sont particuliรจrement impliquรฉs dans la survenue des thromboses veineuses : ce sont les anticoagulants circulants lupiques et les anticorps anticardiolipine [31]. En rรฉalitรฉ, les facteurs de la triade de VIRCHOW sont souvent intriquรฉs.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I. EPIDEMIOLOGIE
I.1. En Europe et aux รtats-Unis
I.2. En Asie
I.3. En Afrique
I.4. Au Sรฉnรฉgal
II. ANATOMIE DE LA CIRCULATION PULMONAIRE
III. PHYSIOPATHOLOGIE DE LโEMBOLIE PULMONAIRE
III.1. Pathogรฉnie de la thrombose veineuse
III.1.1. Ralentissement de la circulation sanguine
III.1.2.La lรฉsion pariรฉtale
III.1.3. Lโhyper coagulabilitรฉ
III.2. Formation et lโรฉvolution du thrombus
III.2.1. Formation du caillot
III.2.2. Origine du caillot
III.2.3. Le devenir du thrombus
III.3. Consรฉquences physiopathologiques de lโEP
III.3.1. Consรฉquences hรฉmodynamiques
III.3.2. Consรฉquences cardiaques
III.3.3. Consรฉquences pleuro-pulmonaires
IV. ETIOLOGIES
IV.1. Les facteurs de risque permanents (liรฉs au sujet)
IV.1.1. Lโรขge
IV.1.2. Les antรฉcรฉdents (ATCD) de la MVTE
IV.1.3. Lโimmobilisation
IV.1.4. La grossesse et le post-partum
IV.1.5. La fรฉcondation in vitro (FIV)
IV.1.6. Le traitement par ลstroprogestatif
IV.2. Les facteurs de risque transitoires (liรฉs ร la pathologie)
IV.2.1. La chirurgie
IV.2.2. Les nรฉoplasies
IV.2.3. Les traumatismes
IV.2.4. Les maladies neurologiques
IV.2.5. Lโinsuffisance veineuse chronique
IV.2.6. Le syndrome nรฉphrotique
IV.2.7. Les infections
IV.2.8. Les maladies gรฉnรฉrales
IV.2.9. Lโhรฉmoglobinurie paroxystique nocturne
IV.3. Les facteurs de risque biologiques : Les thrombophilies
IV.3.1. Le syndrome des anticorps anti phospholipides
IV.3.2. Les thrombophilies constitutionnelles
IV.3.3. La thrombophilie multigรฉnique
IV.3.4. Les anomalies de la fibrinolyse
IV.3.5. Les hyperhomocystinรฉmie
V. DIAGNOSTIC POSITIF
V.1. Elรฉments du diagnostic
V.1.1. Signes cliniques de lโembolie pulmonaire
V.1.1.1. Les signes fonctionnels
V.1.1.2. Les signes dโexamen
A. Les signes gรฉnรฉraux
B. Les signes physiques
C. Probabilitรฉ clinique
V.2. Signes cliniques de gravitรฉ de lโembolie pulmonaire
V.3. Diagnostic paraclinique
V.3.1. Examens biologiques
V.3.2. Electrocardiogramme
V.3.3. Radiographie thoracique
V.3.4. LโEcho-Doppler cardiaque
V.3.5. Echographie-doppler des membres infรฉrieurs
V.3.6. Lโangio-scanner thoracique
V.3.7. Lโangiographie pulmonaire
V.3.8. La scintigraphie de pulmonaire
V.3.9. Le cathรฉtรฉrisme droit
V.4. Classification selon la gravitรฉ de lโEP
V.5. Stratรฉgie diagnostique devant une suspicion dโEP
VI. LE DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
VI.1. Diagnostic dโune dyspnรฉe
VI.2. Diagnostic dโune douleur thoracique
VII. EVOLUTON ET PRONOSTIC
VII.1. Evolution
VII.2. Pronostic
CONCLUSION