Le cancer est la principale cause de mortalité au Canada. En effet, il est responsable d’environ 30 % de tous les décès [1]. En Suisse, 38’000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués annuellement [2]. Depuis quelques décennies, la recherche scientifique a permis la découverte de traitements qui ont grandement augmenté le taux de survie à certains types de cancers. Malgré cette avancée, la médecine ne dispose pas encore de solutions face à la plupart des cas.
Limiter l’accès à des substances métaboliques pourrait être un moyen efficace et sélectif pour bloquer la croissance du cancer. Les études récentes accréditent l’hypothèse que la limitation de substrat est une stratégie thérapeutique puissante pour efficacement affamer les cellules cancéreuses jusqu’à la mort [3]. Développer des thérapies nouvelles et sélectives qui exploitent les différences de métabolisme entre les cellules normales et transformées est un objectif prioritaire. En effet, de nombreux inhibiteurs d’enzymes anaboliques essentiels dans les cellules cancéreuses ont été évalués comme antinéoplasiques. Une stratégie à l’inhibition de l’enzyme anabolique est de limiter l’accès aux nutriments qui alimentent ces enzymes. Bloquer l’entrée des éléments nutritifs, essentiels pour les cellules cancéreuses, ciblerait la pyramide métabolique à son sommet. Les sphingolipides offrent une stratégie intéressante pour coordonner la régulation de plusieurs transporteurs de nutriments. Ces lipides réduisent le niveau de surface de certains transporteurs de nutriments. Chez les cellules mammifères, le sphingolipide céramide permet de tuer sélectivement les cellules cancéreuses en déclenchant le mécanisme d’affamation. La céramide induit la perte de nutriments en activant directement la protéine phosphatase 2A (PP2A). PP2A est un gène suppresseur de tumeur qui limite la prolifération des cellules cancéreuses [3]. La céramide elle même est extrêmement hydrophobe et est métabolisée rapidement dans les cellules ce qui en fait un mauvais candidat comme médicament.
Phosphorylation
La phosphorylation est l’une des formes les plus communes de modification de protéine. Il s’agit d’une modification réversible jouant un rôle important dans les cascades de signalisation intracellulaire [4]. L’analyse des protéines phosphorylées représente un intérêt majeur dans le domaine de la recherche. En effet, des études ont montrés que des maladies tels que le cancer, le diabète ou encore les maladies neurodégénératives peuvent être associées à une phosphorylation anormale des cellules touchées[4]. Bien que la phosphorylation soit une modification post traductionnel qui régule la fonction des protéines, elle se produit seulement sur un résidu de trois acides aminés : la sérine, la thréonine et la tyrosine dans les cellules eucaryotes. Il est estimé qu’environ 30 à 50 % du protéome est phosphorylé [5]. La phosphorylation est réversible et étroitement régulée par des centaines de protéines kinases et phosphatases qui reconnaissent des motifs spécifiques d’acides aminés sur les protéines.
Protéine phosphatase 2A
La protéine phosphatase 2A (PP2A) est une enzyme qui déphosphorylise les sérines et les thréonines. La famille des phosphatases PP2A regroupe plusieurs holoenzymes qui jouent un rôle important dans plusieurs processus cellulaires fondamentaux dont le contrôle du cycle cellulaire et du cytosquelette, la régulation de la transcription ou encore le contrôle de la survie cellulaire et du processus de transformation tumorale [9]. PP2A est composée de trois sous-unités, A, B et C. Les sous-unités catalytiques C (PP2AC) de 36 kDa et structurales A (PP2AA) de 65 kDa sont liées de façon constitutive. Chez les mammifères, les deux isoformes (α et β) sont codés pour chaque sous-unité (Aα, Aβ, Cα et Cβ). La structure de PP2A est composée d’une sous-unité régulatrice B. En ce qui concerne cette dernière, quatre différentes familles, avec un poids moléculaire allant de 50 à 130 kDa ont été identifiées, PP2AB, PP2AB’, PP2AB’’ et PP2AB- [10]. Avec toutes ces possibilités d’assemblage, plus de 75 holoenzymes distincts de PP2A peuvent être formés.
C2-Ceramide et SH-BC-893
Les sphingolipides représentent un groupe majeur de lipides membranaires. Ce sont des molécules indispensables au maintien et au développement des organismes vivants. Les sphingolipides jouent un rôle structural de récepteur et interviennent également dans des fonctions majeures de la vie cellulaire. De plus, de nombreuses maladies génétiques s’expliquent par un dysfonctionnement de leur métabolisme [13]. Les sphingolipides sont des dérivés de la sphingosine, un alcool aminé qui contient une longue chaîne hydrocarbonée insaturée [14].
Des études montrent que les sphingolipides altèrent le transport des éléments nutritifs dans les cellules [15]. Ces dernièresse retrouvent donc en manque de nutriments. Les cellules cancéreuses, qui ont une croissance incontrôlée, réagissent à ce phénomène en augmentant l’expression des transporteurs de nutriments ainsi qu’en régulant de manière positive les voies anaboliques. Bien que l’accélération de l’absorption des nutriments permet une prolifération non-homéostatique, la demande toujours plus grande de substrats métaboliques des cellules cancéreuses devient problématique lors de conditions de limitation en nutriments. Lorsque les nutriments extracellulaires se font rares, les cellules saines, quant à elles, arrivent à s’adapter. Elles développent une voie métabolique plus performante comme par exemple, la réduction de la glycolyse ou encore l’augmentation de la phosphorylation oxydative. Elles sont également capables de baisser leur besoin énergétique en ralentissant leur prolifération et même d’augmenter leur processus catabolique en produisant des nutriments à partir de composés intracellulaires [15]. En conclusion, les cellules cancéreuses meurent lorsque l’apport de nutriments est limité alors que les cellules saines vont arriver à s’adapter.
La recherche a permis de découvrir de petites molécules, dont la structure s’apparente à celle des sphingolipides, qui altèrent le transport des éléments nutritifs dans les cellules [15]. Ceci permet d’élaborer une nouvelle stratégie efficace pour éliminer les cellules cancéreuses en réduisant leur apport en nutriments.
Par exemple : les composés C2-Ceramide et SH-BC-893 empêchent l’absorption des nutriments en perturbant le trafic intracellulaire des transporteurs du glucose et des acides aminés dont les fonctions requièrent l’activation de la protéine phosphatase 2A (PP2A) [16].
SILAC
La méthode SILAC ou « Stable Isotope Labelling with Amino acids in Cell culture » est utilisée afin de quantifier les peptides et les changements liés à la phosphorylation de protéines. SILAC est une méthode de marquage métabolique in vivo utilisée dans la culture cellulaire. SILAC est initialement appliquée dans le domaine de la protéomique en 2002 pour la quantification des protéines [18]. Depuis, la méthode SILAC a montré qu’elle pouvait être utilisée dans de nombreux domaines tels que l’élucidation des mécanismes moléculaires impliqués dans les grandes fonctions cellulaires ainsi que pour l’identification de biomarqueurs de maladies [19].
Le principe de SILAC est de cultiver une population de cellules dans un milieu particulier avec un ou plusieurs acides aminés essentiels contenant des isotopes lourds. Les acides aminés utilisés sont le plus souvent l’arginine et la lysine. Différentes études ont démontré que l’utilisation de ces milieux de cultures modifiés n’affectait en rien la croissance, la division, la morphologie ou la réponse biologique des cellules [20]. Généralement, il est considéré que la totalité des protéines cellulaires ont incorporés les acides aminés lourds après 6 à 8 générations [21]. L’utilisation des acides aminés arginine et lysine n’est pas un hasard. En effet, lors de la digestion de protéines, la Trypsine qui est la protéase la plus souvent utilisée, coupe spécifiquement au C-terminus de la lysine et de l’arginine [22]. Un autre avantage de l’utilisation de la Trypsine est l’abondance de lysine et arginine dans les protéines. Par conséquent, chaque peptide tryptique va contenir au moins un acide aminé marqué. De plus, les acides aminés lysine et arginine sont basique, chaque peptide va donc porter deux charges, ce qui permet un séquençage simplifié.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Phosphorylation
1.1.1 Protéine phosphatase 2A
1.1.2 C2-Ceramide et SH-BC-893
1.2 Stratégie
1.2.1 SILAC
1.2.2 Enrichissement en phosphopeptides
1.2.3 Séparation par échange d’ions
1.3 Spectrométrie de masse
1.3.1 Nano LC-MS
2. Matériels et Méthodes
2.1 Matériels
2.1.1 Equipement
2.1.2 Produits chimiques
2.1.3 Colonnes
2.1.4 Molécules biologiques
2.1.5 Culture cellulaire
2.2 Méthodes
2.2.1 Culture cellulaire
2.2.1.1 Culture cellulaire
2.2.1.2 Passage des cellules
2.2.1.3 Traitement des cellules
2.2.1.4 Collecte de cellules
2.2.2 Extraction et purification des protéines
2.2.2.1 Lyse des cellules et extraction des protéines
2.2.2.2 Digestion enzymatique
2.2.2.3 Purification et concentration
2.2.2.4 BCA Assay
2.2.2.5 Enrichissement des phosphopeptides
2.3 Méthodes analytiques
2.3.1 Chromatographie d’échange d’ion
2.3.2 Chromatographie liquide
2.3.2.1 Préparation d’échantillon
2.3.2.2 Colonne
2.3.2.3 Système de séparation LC
2.3.3 Spectrométrie de masse
2.3.3.1 Solution test: Promix
2.3.4 Software
3. Résultats et Discussion
3.1 Système de contrôle
3.2 Statistiques
3.3 Cinétique
3.4 Sites de phosphorylation dynamiques
3.5 SH-BC-893 vs C2-ceramide
4. Perspectives
5. Conclusion
6. Bibliographies
7. Annexes
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