Analyses génomiques à haut débit dans les cancers avancés

Généralités

En 2018, près de 380 000 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués en France, avec 204 600 cas chez les hommes (soit 330.2 cas pour 100 000 hommes) et 177 400 cas les femmes (soit 274 cas pour 100 000 femmes), et un âge médian au diagnostic de 68 ans. On constate une diminution du taux d’incidence des cancers chez les hommes (- 1,4 % par an entre 2010 et 2018), liée à une diminution du nombre de cancers de la prostate, et à un ralentissement de la progression de ce taux chez les femmes (+ 0,7 % par an), en lien avec l’augmentation de l’incidence du cancer du poumon et dans une moindre mesure à celle du cancer du sein (1). Les principaux cancers en France sont, chez l’homme, le cancer de la prostate (25%), le cancer colo-rectal (15%) et le cancer du poumon (11%) ; chez la femme, le cancer du sein domine (33%), devant le cancer colorectal (11%) et le cancer du poumon (8.5%) (1). Malgré des avancées thérapeutiques considérables ces dernières années, les cancers représentent la première cause de décès chez l’homme, et la deuxième chez la femme en France avec 157 400 décès en 2018 (1). Le cancer reste ainsi une problématique de santé publique en France, comme dans le monde, avec une nécessité d’améliorer encore la prise en charge thérapeutique des patients, notamment par le développement de nouvelles stratégies de traitement.

Introduction à la médecine de précision en oncologie

L’identification des voies impliquées dans la physiopathologie de la carcinogenèse, des métastases et de la résistance aux médicaments, ainsi que l’émergence de technologies permettant l’analyse moléculaire des tumeurs ont stimulé la recherche axée sur l’utilisation de molécules ciblées dans le développement des cancers. La découverte de l’imatinib comme traitement efficace de la leucémie myéloïde chronique en 2003, basée sur la mise en évidence du rôle oncogénique du chromosome Philadelphie a été la première étape clé dans le développement de la médecine de précision (2).

Les thérapies ciblées sont définies par l’Institut National du Cancer (INCa) comme un « Ensemble de médicaments conçus pour bloquer la croissance ou la propagation des cellules tumorales en interférant avec des altérations moléculaires ou avec des mécanismes qui sont à l’origine de leur développement ou de leur dissémination. Cette action dite « ciblée » permet d’agir plus spécifiquement sur les cellules tumorales et ainsi de limiter les dommages induits aux cellules normales. Elles ont toutefois des effets indésirables spécifiques » (3). Plusieurs thérapies ciblées ont été développées et approuvées au cours des 15 dernières années. Ces traitements sont aujourd’hui prescrits dans la pratique médicale de routine avec une activité antitumorale encourageante dans un nombre croissant de types de cancer. Plusieurs inhibiteurs ont été ont été développés et ont prolongé la survie sans progression (PFS) et/ou la survie globale (OS) dans un large éventail de tumeurs avec des cibles thérapeutiques identifiées. Les principaux exemples en oncologie solide comprennent les thérapies anti-HER2 pour les cancers du sein HER2 amplifié (4,5), les inhibiteurs de la voie PIK3CA-AKTmTOR (6,7) également dans les cancers du sein RH+/HER2- ; les thérapies antiEGFR (8), ou anti-ALK (9) ou TRK (10) dans les tumeurs pulmonaires , les thérapies anti-BRAF/MEK dans les tumeurs BRAF mutées telles que le mélanome (11) ou les thérapies ciblant c-kit comme dans les GIST (12). A ce jour, les thérapies ciblées approuvées par les autorités de santé (EMA ou FDA) dans les cancers solides ciblent une cinquantaines de drivers oncogéniques. Les altérations protéiques correspondantes sont analysées le plus souvent au niveau génétique (amplifications, mutations, translocation…) et correspondent dans leur pathologie indiquée à un évènement relativement fréquent.

L’établissement de profils moléculaires à haut débit, notamment grâce au séquençage de nouvelle génération (NGS), a amélioré nos connaissances sur l’oncogenèse et révélé la complexité du paysage génomique des tumeurs. Aujourd’hui, plus de 400 oncogènes ont été décrit dans les cancers (13), mais seule une petite fraction d’entre eux est ciblée par les thérapies actuellement approuvées ; des efforts de recherche importants sont en cours pour développer des thérapies dirigés contre les facteurs non encore ciblés. La plupart des types de cancer, y compris les plus fréquents, présentent quelques drivers oncogéniques à fréquence relativement élevée, mais aussi de nombreux drivers très rares et partagés avec d’autres types de cancer. Ces altérations très rares potentiellement exploitables offrent des possibilités de ciblage thérapeutique communes dans différents types de cancer. Même si la valeur fonctionnelle d’une altération dépend du type de cancer (14), des réponses tumorales impressionnantes aux thérapies dirigées contre une altération rare ont été rapportées dans presque tous les cancers (14–17). Ces observations ont été à la base du développement de la médecine de précision en oncologie, dans laquelle la thérapie est délivrée en fonction de l’altération moléculaire identifiée dans la tumeur du patient (18). Depuis une décennie, le développement des thérapies ciblées et de la segmentation moléculaire des cancers a coïncidé avec des avancées technologiques dans le domaine du profilage moléculaire à haut débit qui sont devenues compatibles avec une utilisation clinique en temps réel, ce qui a encore renforcé le concept de médecine de précision (19). Les premiers essais prospectifs visant à évaluer la valeur du profilage moléculaire pour adapter la thérapie de manière indépendante de la pathologie ont montré sa faisabilité chez les patients atteints de cancer avancé (20–25). Ils ont utilisé des techniques moléculaires conventionnelles et/ou des ensembles de gènes limités et/ou des échantillons d’archives. En raison de leur complexité logistique, seuls quelques centres experts ont mis en ont mis en place des essais de dépistage basés sur le NGS (26–34). Aujourd’hui, le bénéfice clinique de la médecine de précision reste à prouver (35). Parmi les nombreux arguments évoqués, il y a le fait que les cellules cancéreuses dans les métastases développent souvent de nouvelles altérations moléculaires sous la pression sélective du traitement, du système immunitaire, ou d’un environnement défavorable (36,37), ce qui suggère que le profilage en temps réel de la métastase pourrait être préférable à celui d’une tumeur archivée. Un autre argument est le nombre relativement faible de gènes testés, avec un nombre médian de 209 (8-426) dans les études publiées études publiées (18). L’augmentation de ce nombre pourrait améliorer les résultats.

MATERIELS ET METHODES

Objectifs et design de l’étude

L’étude PERMED-01 était un essai clinique prospectif, monocentrique financé et conduit à l’Institut Paoli-Calmettes (IPC, Marseille, France). L’objectif principal de l’étude était d’évaluer le nombre de patients suivi pour un cancer avancé présentant une ou des altérations génomiques actionnables (AGA) au niveau tumoral en t-NGS et/ou CGH array (CGHa), conduisant à la prescription d’une thérapie dite «matchée». Les objectifs secondaires incluaient la description des patients avec AGA recevant une thérapie « matchée » et les résultats cliniques obtenus ; ainsi que la comparaison des AGA identifiées par t-NGS et CGHa versus whole-exome sequencing (WES). Les critères d’inclusion dans l’essai PERMED-01 étaient les suivants :
– Age ≥ 18 ans
– Diagnostic de cancer solide, localement avancé ou métastatique, histologiquement prouvé, ayant progressé après au moins une ligne de traitement
– Présence d’au moins une lésion accessible à une biopsie
– Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) Performance Status ≤ 2
– Affiliation à un régime de sécurité sociale
– Signature d’un consentement libre et éclairé .

Les critères de non-inclusion comportaient :
– Présence de métastases cérébrales ou leptoméningées symptomatiques ou en progression
– Présence de métastases cérébrales ou osseuses comme seul site métastatique
– Grossesse ou allaitement
– Personne en situation d’urgence ou faisant l’objet de mesure de protection judiciaire ou incapable de donner son consentement .

Une fois les patients inclus dans l’essai, un prélèvement de tumeur (biopsie ou résection chirurgicale) était planifié.

Biopsie et analyses du génome

L’ensemble des analyses génomiques a été réalisé sur du matériel obtenu de novo et non sur des échantillons archivés. Pour être retenu, les échantillons congelés devaient présenter plus de 30% de cellules tumorales. L’ADN tumoral et germinal (si disponible) a été extrait et le profil génomique réalisé par CGHa et NGS, selon une méthode préalablement décrite (38). La CGHa a été réalisé en utilisant des plaques microarrays de haute résolution 4 x 180K (Sure-Print G3 Human CGH Microarray Kit, Agilent Technologies, Massy, France). Les sondes ont été annotées selon la cartographie du génome humain hg19/NCBI. Le nombre de copies des gènes a été classé en amplification (Log2ratio > 1) ou délétion (Log2ratio < -1). Pour chaque tumeur, un score HRD, basé sur la perte d’hétérozygotie, a été calculé pour tous les gènes testés par CGHa : un score ≥ 10 est considéré comme élevé (39). Concernant le NGS, quatre panels développés sur l’IPC ont été successivement utilisés permettant l’analyse de 395, 494, 560 et 725 gènes impliqués dans le développement de cancers (Annexe 1). Ils incluaient également 49 à 67 gènes de prédisposition aux cancers du BROCA cancer risk panel (https://testguide.labmed.uw.edu/public/view/BROCA). Les échantillons tumoraux et leurs échantillons sains appareillés (disponibles pour 315 patients) ont été séquencés avec une profondeur médiane respective de 732x et 387x. Les séquences obtenues ont été alignées sur le génome humain (UCSC hg19) comme décrit préalablement (40). La charge mutationnelle (tumor mutational burden, TMB) ainsi que le statut MSIH ont été définis sur les 295 échantillons tumoraux avec tissu sain appareillé. Le seuil pour définir un score TMB élevé était de 10 mutations/Mb (41). L’instabilité microsatellite a été recherchée en utilisant le logiciel MSIsensor qui génère un score MSI et un seuil de 10% a été retenu pour définir les tumeurs MSI-H (42). Les données de WES étaient disponibles pour 112 métastases de cancers du sein de patients inclus dans PERMED-01 et ADN germinal correspondant. Ces données ont été collectés préalablement par technologie Illumina© (37), permettant la comparaison des AGA, score HRD et TMB. Le score HRD a été établi par WES selon une méthode préalablement décrite (43).

Rapport de médecine de précision et RCP moléculaire 

Deux biologistes moléculaires analysaient toutes les altérations moléculaires identifiées qui étaient consignées dans un rapport de médecine de précision. Ces données étaient discutées au cours de réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) moléculaire afin de recommander une ou plusieurs thérapie « matchée » aux altérations identifiées. Ces réunions étaient réalisées de façon hebdomadaire. Le caractère actionnable des altérations identifiées était défini pendant la RCP moléculaire par l’existence d’un traitement ciblant la protéine altérée, soit impactant directement ou indirectement la voie moléculaire activée. Outre le type d’altérations retenues selon le type de gènes touché (oncogènes et gène suppresseur de tumeur), le caractère prédictif de réponse au traitement était estimé en utilisant la classification OncoKB (44) (niveau de preuve de 1 à 4) et/ou les données d’essais cliniques ou pré-cliniques (suggérant un lien avec la réponse ou une résistance au traitement) et/ou l’existence d’essais clinique nécessitant ces altérations pour l’inclusion. Les AGA comprennent les altérations monogéniques, les score HRD ou TMB élevés, ainsi que le statut MSI-H. Les thérapies recommandées à l’issue de la RCP moléculaire étaient considérées comme « matchées » si leur prescription était basée sur les AGA identifiées dans le cadre de l’essai PERMED-01. Sinon, elles sont étiquetées comment « thérapies nonmatchées ». Les propositions de thérapies « matchées » sont indépendantes de l’existence d’Autorisation de Mise sur le Marché émises par l’Agence Européenne du Médicament, et la prescription d’un tel traitement restait soumise à l’appréciation de l’oncologue réfèrent prenant en charge le patient ainsi que celle du patient lui-même. Les patients débutant une thérapie systémique matchée ou non-matchée, selon la proposition de la RCP moléculaire, ont été suivi et la réponse tumorale au traitement évaluée. Lorsqu’une possible prédisposition génétique au cancer est identifiée chez un patient, ce dernier est orienté en consultation d’oncogénétique pour explications et explorations complémentaires.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
1. Généralités
2. Introduction à la médecine de précision en oncologie
3. Objectif de l’étude
II. MATERIELS ET METHODES
1. Objectifs et design de l’étude
2. Biopsie et analyses du génome
3. Rapport de médecine de précision et RCP moléculaire
4. Analyses statistiques
III. RESULTATS
1. Caractéristiques des patients
2. Altérations moléculaires somatiques
3. Altérations moléculaires somatiques actionnables
4. Patients traités par thérapie « matchée »
5. Efficacité clinique des thérapies « matchées »
6. Détection des AGA par WES versus t-NGS/aCGH
7. Altérations moléculaires germinales
IV. DISCUSSION
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE
VII. ANNEXES

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