LIEU DU DEPART DES EMIGRES
D’une manière générale, les gens qui vont à Mayotte de façon clandestine se rendent toujours à Anjouan pour préparer le voyage tragique vers Mayotte. Les embarquements se font partout dans l’île d’Anjouan, plus précisément dans les villes de Domoni, Noumakele et Moya, car ces villes sont proches de Mayotte. Le choix de ces villes reste stratégique. En fait, lorsqu’il fait bon temps, les commandants (ceux qui amènent les kwassa-kwassa) observent les horizons de Mayotte pour prévoir leur voyage. On dit même que dans ces villes, lorsque le temps est bon, pendant la nuit, on peut voir les lumières à Mayotte ; c’est pour dire combien Mayotte est très proche d’Anjouan. C’est rare de trouver des vedettes qui assurent le trafic vers Mayotte de Ngazidja (grande-comore) ou de Mohéli (Mwali). Cela s’explique non seulement par la distance qui sépare ces deux îles de l’Île Mayotte, mais aussi par le coût trop élevé du voyage. Selon les enquêtes que nous avons effectuées, le frais de transport entre ces deux îles varie entre 500 à 600€, alors que, d’Anjouan, le frais de la traversée est de 200 à 300€. Les gens en provenance de Ngazidja et de Mohéli préfèrent descendre à Anjouan pour s’embarquer vers Mayotte. Les pilotes des vedettes de ces deux Îles ne connaissent pas très bien le chemin par rapport aux Anjouanais, ils se perdent toujours souvent en pleine mer. En ce qui concerne les émigrés clandestins de nationalité différente, ils viennent d’abord aux Comores pour prendre les vedettes vers l’ile Mayotte. Pour le cas des Malgaches, certains viennent d’abord aux Comores, d’autres embarquent directement à NOSY-BE pour rejoindre l’île française de Mayotte. D’après tout ce qu’on vu dans ce chapitre, les candidats à cette aventure dramatique sont à 90% comoriens. En plus, malgré l’énorme danger et le risque très élevé de ce voyage, le nombre de personnes candidates à ce voyage mortel augmente chaque jours. Les gens y sacrifient non seulement des montants énormes, mais aussi leur vie, tout en restant conscients des risques qu’ils encourent. Ce qui nous amène à nous poser la question : quelles sont les causes profondes qui poussent les gens à s’aventurer dans ce voyage tragique ? » Question à laquelle nous allons répondre dans le chapitre suivant.
LE CHOMAGE
Le chômage est un grand problème qui frappe presque tous les pays en développement. Il affecte un grand nombre de population. Sous le poids de l’application de la politique d’ajustement structurel et du désengagement de l’Etat, ce fléau a pris des dimensions inquiétantes, accentuant les inégalités et jetant dans la pauvreté de larges couches de la population. Cette situation est aggravée par l’importance du sous-emploi, en particulier en milieu rural. L’archipel des Comores n’est pas épargné par ce fléau, le chômage touche la majorité des jeunes, surtout les jeunes en milieu rural. Le départ des jeunes Comoriens vers Mayotte découle de la situation critique du pays à savoir le chômage et le sous-emploi et les opportunités que semble offrir l’île de Mayotte, et aussi son fort besoin en main d’œuvre. D’une manière générale, l’analyse du chômage, repose toujours sur l’hypothèse de triple lien (1) :
lien entre la demande et la production
lien entre la production et l’emploi
lien entre l’emploi et le chômage
Dans la plus part des cas, le chômage épargne les plus instruits. Aux Comores, le chômage touche presque toutes les couches. Ainsi, parmi les problèmes auxquels l’archipel des Comores est confronté, on peut citer l’emploi et le chômage. La fonction publique reste le seul secteur à offrir des emplois aux jeunes diplômés. La course à la fonction publique est dominée par le népotisme. Ce n’est pas tout le monde qui a accès à la fonction publique. Alors, les jeunes diplômés frappés par le chômage et la discrimination se trouvent dans l’obligation de migrer vers l’ile de Mayotte pour trouver un travail décent. En outre, certains fonctionnaires préfèrent même abandonner leur poste pour aller chercher une meilleure situation. En effet, les salaires médiocres et les arriérés que touchent les fonctionnaires comoriens les incitent à émigrer vers Mayotte. Tous ces problèmes ne font qu’aggraver la situation socio- économique précaire des Comores et favorisent l’émigration clandestine vers Mayotte.
LES MIGRATIONS INTERNES
A l’intérieur d’un pays, les mouvements humains les plus significatifs vont de la campagne vers la ville : c’est l’exode rural. Ce problème touche le monde entier. Par ailleurs, le continent africain est le plus touché par ce fléau, les Comores ne font évidemment pas exception. Selon Alfred SAUVY1, les migrations internes sont des déplacements volontaires durables qui s’effectuent à l’intérieur d’un pays. Pour le cas des Comores, les migrations internes ne se traduisent pas seulement par un simple déplacement de la campagne vers les grandes villes. Certes, cette catégorie de flux migratoire est sans doute fréquente et touche considérablement les grandes villes comme Moroni (Grande Comore) et Mutsamudu (Anjouan), mais les migrations inter-îles de la population comorienne restent un phénomène de grande envergure. Ces migrations internes répondent, le plus souvent, à une motivation économique (emploi, logement, instruction….). En effet, les échanges migratoires dans l’archipel touchent, sans exception, l’ensemble des îles, mais, la mobilisation à la migration se fait de manière différente selon le motif de la migration. Par exemple : La Grande-comore accueille surtout les candidats à la migration ayant trait aux activités commerciales (commerces ambulants). A Mohéli, les immigrés sont le plus souvent attirés par les activités agricoles (agriculture et pêche). Quant à Anjouan, c’est l’instruction qui attire le plus d’immigrés (éducation). Cependant, les mouvements de la population au sein de l’archipel des Comores ne sont pas tous des mouvements migratoires internes. C’est le cas précis des mouvements de la population entre Mayotte et les autres iles des Comores. En effet, bien que Mayotte fasse partie intégrante des quatre îles de l’archipel des Comores, les flux migratoires qui s’échangent entrent dans le cadre des migrations internationales.
Les associations villageoises
Les Comoriens qui sont à Mayotte, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, forment des associations villageoises. C’est-à-dire chaque village ou bien chaque ville forme des associations. L’objectif de ces associations est de collecter des fonds, d’une part pour les envoyer dans leur village ou bien leur ville d’origine, et d’autre part, en cas d’accident ou de décès, l’association contribue au financement de ces événements. Mais d’une manière générale, les associations, une fois les fonds nécessaire collectés, les envoient dans les iles pour financer les travaux villageois à savoir la construction de mosquées, d’infrastructures scolaires, d’infrastructures sanitaires, l’entretien des infrastructures se rapportant à l’eau etc.… Il est ici important de montrer la façon dont ces associations récoltent les fonds envoyés dans les villages et les villes de l’archipel des Comores. Durant notre passage à Mayotte nous avons constaté que dans ces associations des responsablesdes personnes qui sont en situation régulière se chargent de collecter l’argent. Tous les mois, ces derniers rendent visite aux adhérent pour récupérer leur par de cotisation annuelle qui varie de 5à7€ par personne. L’association n’ aide que pour ceux qui sont membres. Dans les îles de l’archipel des Comores, il y a aussi des associations. Ces associations sont indispensables pour l’aménagement communautaire et les fonds provenant généralement de la diaspora comorienne ou des bailleurs de fonds, dans le cadre du développement local ou de la protection de l’environnement. Ces associations collaborent pour contribuer énormément au redressement de l’économie Comorienne. L’Etat encourage leurs initiatives dans la vie socio-économique du pays. A titre d’exemple, l’Etat comorien contribue rarement à la construction et à l’instauration des infrastructures d’intérêt public comme les routes villageoises, les écoles, l’électricité des petits villages… le rôle de la diaspora est remarquable dans ces domaines.
RUPTURE DES MARIAGES
Beaucoup de mariages aux Comores sont disloqués à cause du voyage vers Mayotte. La plupart du temps, les femmes se rendent à Mayotte pour se soigner ou bien passer de petites vacances. Aller visiter Mayotte, est une plaisir qu’aiment partager les femmes. Mais pour la plupart de ces dernières, c’est une aventure à la recherche d’une meilleure vie. C’est pourquoi, une fois à Mayotte, beaucoup de femmes abandonnent leurs maris et leurs enfants pour d’autres hommes. En fait, la plupart du temps, ces femmes se marient avec des Mahorais très âgés ou mariés. Il est regrettable de constater que ces femmes sont souvent maltraitées par leurs beaux enfants et ne fournissent souvent pas de la vie dont elles rêvaient. Ainsi, elles ont honte de retourner au pays parce qu’elles ont perdu leur mari. La seule solution pour elles, c’est de rester dans la souffrance et la misère que leur infligent leurs maris Mahorais. En principe, les femmes qui abandonnent leurs maris pour aller à Mayotte sont surtout celles qui ont des problèmes conjugaux ou celles qui se trouvent dans une situation misérable. Elles quittent donc leurs maris pour se libérer des problèmes conjugaux ou pour aller chercher une meilleure vie. Ce sont des impacts causés par l’émigration clandestine Comores- Mayotte et leurs conséquences pèsent lourd sur la vie socio- économique du pays.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : PRESENTATION GENERALE DES COMORES
SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE DES COMORES
I–1 aspect géographique
I-2 LA POPULATION
I-3 Le relief
I-4 Le climat
SECTION II : APERÇU HISTORIQUE DES COMORES
II-1 Histoire du peuplement
II-2 Histoire politique des Comores avant l’Indépendance
II-3 Histoire politique des Comores après l’indépendance (1975-2001)
SECTION III : SITUATION SOCIO -ECONOMIQUE DE L’ARCHIPEL DES COMORES
III 1 Caractéristiques économiques
III-1-1 Le secteur primaire
3-1 -1 L’agriculture
A- Les Cultures Vivrières
B – les cultures d’exportation
a-Vanille
b-Ylang- ylang
c-Girofle
3-1-2 La pèche
3-1-3 L’élevage
III-1-2 Secteur secondaire
III-1-3 SECTEUR TERTIAIRE
III-2 LA POLITIQUE ECONOMIQUE
a- Les dettes de l’union des Comores
b- Aides étrangères
C – Les investissements privés
d- Le secteur public
e – Le secteur semi-public
CHAPITRE II : ASPECTS GENERAUX DE L’EMIGRATION CLANDESTINE VERS MAYOTTE
SECTION I : CONTEXTE HISTORIQUE ET MONOGRAPHIQUE DE L’ILE DE MAYOTTE
I-1 Contexte historique de Mayotte
I-2 Le refus de l’indépendance (1974)
I-3 -Situation monographique de Mayotte
I-3-1 la Situation géographique de Mayotte favorise les flux migratoires
I-3-2 LA POPULATION MAHORAISE
A-Espérance de vie très élevée par rapport aux îles de l’archipel
B-Liens entre Mayotte et les Comores
SECTION II : MODALITE DE L’EMIGRATION CLANDESTINE COMORIENNE VERS MAYOTTE
II-1-DEFINITION
II 2- UNE EMIGRATION PAR VOIE MARITIME TRES RISQUEE
II-3 Analyse des conditions du voyage des migrants clandestins
A – Rentabilité de l’émigration clandestine
B Les sources de financement utilisées pour faire le voyage
SECTION III : POPULATION CONCERNEE
III-1 population en situation irrégulière
III-2 L’origine des clandestins à Mayotte
A Les clandestins comoriens
B- les autres populations concernées
III-3 LIEU DU DEPART DES EMIGRES
CHAPITRE III : PRINCIPALES CAUSES DE L’EMIGRATION CLANDESTINE COMORIENNE VERS MAYOTTE
SECTION I : CAUSES POLITIQUES
I-1 Instabilité politique aux Comores
I-2 LA SITUATION POLITIQUE TENDUE A L’ILE D’ANJOUAN
I-3-MAYOTTE, ILE D’ACUEIL DES REFUGIES POLITIQUES COMORIENS
A – LE VISA BALLADUR
SECTION II : CAUSES ECONOMIQUES
II-1 situation économique à Mayotte par rapport à ses pays voisins
II-2-Le revenu annuel des mahorais par rapport aux Comoriens
II- 3- La pauvreté aux Comores
II-4 LE CHOMAGE
SECTION III : CAUSES SOCIALES
III-1 L’EDUCATION
III-2 LA SANTE
III-3 AUTRES CAUSES SOCIALES
DEUXIEME PARTIE : IMPACTS SOCIO-ECOMNOMIQUES DE L’EMIGRATION CLANDESTINE COMORIENNE VERS MAYOTTE
CHAPITRE I : ANALYSE ECONOMIQUE DE LA MIGRATION
SECTION I : QUELQUES THEORIES SUR LA MIGRATION
I-1 LES MIGRATIONS
I-1-1 LES MIGRATIONS INTERNES
I-1-2 LES MIGRATIONS INTERNATIONALES
I-2 -LES POLITIQUES DES MIGRATIONS INTERNATIONALES
I-2-1 Politiques régionales des migrations internationales
I-2-2 Accords bilatéraux et lutte contre les migrations clandestines
I-3- MIGRATIONS, DEVELOPPEMENT ET CROISSANCE ECONOMIQUE
I-3-1 Théorie de « répulsion-attraction » (push-pull theory)
I-3-2 Immigration et modèle de croissance économique
A -LE MODELE DE TODARO
B- Modèles de type keynésien
C- Modèles comptables
SECTION II : IMPACTS POSITIFS DE L’EMIGRATION CLANDESTINE VERS MAYOTTE
II-1 DIASPORA COMORIENNE A L’ETRANGER
II-2 PARTICIPATIONS DE LA DIASPORA A L’ECONOMIE COMORIENNE
A- Les associations villageoises
B-Ravitaillement en produits de première nécessité
SECTION III- AUTRES EFFETS POSITIFS DE L’EMIGRATION CLANDESTINE VERS MAYOTTE SUR LES COMORES
A Sur le plan sanitaire
B-SUR LE PLAN EDUCATIF
III-2 AUTRES IMPACTS POSITIFS
A – CREATION D’EMPLOI DANS LE PAYS
B – FINANCEMENT DES CEREMONIES CULTURELLES
CHAPITRE II : IMPACTS NEGATIFS DE L’EMIGRATION CLANDESTINE COMORIENNE VERS MAYOTTE
SECTION I – IMPACTS SOCIO-CULTURELS
I-1 CIMETIERE MARIN COMORIEN
I-2 RUPTURE DES MARIAGES
I-3 ABANDON SCOLAIRE
SECTION II- IMPACTS ECONOMIQUES
II-1 ACTIVITE AGRICOLE DELAISSEE
II-2 FUITE DES CERVEAUX
II-3 IMPACT LIE A LA PRODUCTION NATIONALE DU PAYS
SECTION III- AUTRES IMPACTS NEGATIFS DE L’EMIGRATION CLANDESTINECOMORIENNE VERS MAYOTTE
III-1 MAUVAIS TRAITEMENT DES COMORIENS EN SITUATION IRREGULIERE
III-2 CONDITIONS DE VIE TRES PRECAIRES DES CLANDESTINS A MAYOTTE
III-3 RELATIONS DIFFICILES ENTRE CLANDESTINS ET MAHORAIS
III-4 IMPACT DEMOGRAPHIQUE
CHAPITRE III : STRATEGIE DE LUTTE CONTRE L’EMIGRATION CLANDESTINE COMORIENNE VERS MAYOTTE
SECTION I : STRATEGIES MENEES PAR LE GOUVERNEMENT COMORIEN
I-1 LE GOUVERNEMENT CENTRAL
I-2 LES AUTORITES DE L’ILE D’ANJOUAN
SECTION II : MESURES PRISES PAR LES AUTORITES MAHORAISES
II-1 RAPATRIMENT DES CLANDESTINS
A – L’expulsion des adultes
B – LES EXPULSIONS DES MINEURS
II-2 LE BUDGET ALLOUE AUX EXPULSIONS ET LES AUTRES MOYENS DE LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE
A- LES COUTS ENGAGES DANS L’ARMEE MAHORAISE
B – LA PAF ET LA GENDARMERIE
a- la police de l’air et des frontières (PAF)
b- La gendarmerie
II3-LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE EN PLEINE MER
SECTION III : AUTRES MESURES DE LUTTE CONTRE L’EMIGRATION CLANDESTINE COMORIENNE VERS MAYOTTE
III-1 RENFORCEMENT DE LA COOPERATION ENTRE LA FRANCE ET L’UNION DES COMORES
III-2 AMELIORER LA CONDITION DE VIE DE LA POLUTATION
III-3 SENSIBILISER LES JEUNES SUR LE DANGER DU VOYAGE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
LISTE DES TABLEAUX,DES GRAPHES,DES FIGURES ET DES PHOTOGRAPHIES
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