La Posidonie, espèce emblématique de la Méditerranée
La Posidonie, Posidonia oceanica (L.) Delile, est une plante Angiosperme qui peut constituer de véritables prairies sous marines . Espèce endémique de la mer Méditerranée, la Posidonie se développe entre 0 et 40 mètres de profondeur et occupe une surface restreinte : environ 2 % des fonds de la Méditerranée soit 3,5 à 3,7 millions d’hectares (Pasqualini, 1997 ; Rico-Raimondino et Pergent, 1995).
Les herbiers de Posidonie constituent la biocénose la plus complexe de Méditerranée et sont à la base de la richesse de ses eaux littorales (Boudouresque & Meinesz, 1982; Molinier & Picard, 1952; Peres & Picard, 1964). Leur rôle écologique est majeur : production primaire benthique, production d’oxygène (Bay, 1978; Bedhomme, Thélin, & Boudouresque, 1983; Boudouresque, Crouzet, & Pergent, 1983; Caye, 1980; Drew & Jupp, 1976), transparence des eaux par le piégeage des particules en suspension (Blanc et Jeudy De Grissac, 1984), base de nombreuses chaînes alimentaires (Velimirov, 1984), lieu de frayère, nurserie, abris vis-à-vis des prédateurs ou habitat permanent pour des milliers d’espèces animales et végétales (Boudouresque et al., 2006). Les exigences écologiques de l’herbier de Posidonie en font une bonne espèce bio-indicatrice de la qualité de l’eau. En effet, tout changement dans la distribution des herbiers de Posidonie (par exemple une réduction de la limite maximale de profondeur) traduit un changement de leurs conditions environnementales (Orth et al., 2006). C’est pourquoi l’herbier de Posidonie est un des organismes retenu par la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE, 2000/60/CE) pour mesurer l’état écologique des masses d’eaux côtières en mer Méditerranée. La Posidonie est aussi une espèce protégée par la législation française (arrêté interministériel du 19 juillet 1988) et l’herbier constitue un habitat d’intérêt communautaire prioritaire au titre de la directive Habitats (Directive 92/43/CEE).
Formation des banquettes de Posidonie
La Posidonie est constituée de faisceaux de 4 à 8 feuilles, longues de 20 à 80 cm en moyenne . Ces feuilles sont supportées par des racines et des rhizomes, qui sont des tiges rampantes ou dressées, généralement enfouies dans le sédiment (Boudouresque et al., 2006).
La floraison a lieu à l’automne mais ne se produit pas tous les ans. Elle serait provoquée par des températures élevées en été, autour de 20°C, qui se prolongeraient jusqu’en octobre (Caye & Meinesz, 1984; Pergent, Ben Maiz, Boudouresque, & Meinesz, 1989).
Les feuilles tombent toute l’année mais le rythme de chute s’accélère en automne, après la floraison. Ce phénomène, conjugué à des conditions agitées (tempêtes automnales), entraine le transport de quantités importantes de feuilles mortes sur les plages (Boudouresque et Meinesz, 1982 ; Pergent, Rico-Raimondino, et Pergent-Martini, 1997).
L’accumulation de vagues successives de feuilles mortes et leur compaction sur la plage constitue alors des amas appelés banquettes . Il s’agit de structures très résistantes qui peuvent rester en place plusieurs dizaines d’années (UICN, 2012) et qui peuvent atteindre plus de 2,5 mètres de hauteur et 20 m de large (Boudouresque et Meinesz, 1982 ; Mateo, Sánchez-Lizaso, et Romero, 2003). Les banquettes sont constituées principalement de feuilles mortes de Posidonie mais aussi, en proportions plus négligeables, de rhizomes (à différents stades de dégradation), de sédiments, dont la teneur peut varier de 0,5 à 85 % en fonction de l’exposition et de la situation de la plage, et d’eau dont la teneur est comprise entre 30 et 90 % (Boudouresque et al., 2006). Les banquettes s’accumulent et sont détruites successivement sous l’effet des coups de mer tout au long de l’année (Simeone, De Muro, et De Falco, 2013) et les feuilles sont alors naturellement réimmergées.
Rôle écologique des banquettes
Les banquettes de Posidonie sont à l’origine d’un écosystème de bord de mer. Les feuilles mortes permettent de nourrir et d’abriter une faune et une flore qui se sont adaptées aux conditions difficiles de ce milieu : mitraillage du sable, embruns et insolation (Conservatoire du littoral et Rivages de France, 2010). Il s’agit majoritairement d’invertébrés (mollusques, crustacés ou insectes) qui décomposent la matière organique et la rendent ainsi assimilable par les végétaux présents en arrière plage (Colombini et al., 2009). Ces invertébrés représentent aussi une source de nourriture non négligeable pour de nombreux oiseaux (Bartoli et Holmes, 1997).
Une fois séchées, les feuilles de Posidonie peuvent être transportées par le vent vers le haut de plage et les dunes qu’elles enrichissent à leur tour. L’apport d’azote et de carbone organique permet l’installation de magnoliophytes halophiles et psammophiles et ainsi la stabilisation des dunes d’arrière plage (Boudouresque et al., 2012; Cantasano, 2011; Cardona & García, 2008; Simeone & De Falco, 2012).
Si elles ne sont pas emportées par le vent, les feuilles mortes peuvent repartir à la mer et finissent par se déposer tôt ou tard sur différents fonds marins. Ainsi, elles alimentent la chaine alimentaire détritivore et constituent un apport majeur de nutriments aux écosystèmes marins les plus profonds (Mateo, Sánchez-Lizaso, et Romero, 2003 ; Simeone, De Muro, et De Falco, 2013).A ce rôle fonctionnel s’ajoute un rôle structurel, celui de barrière de protection contre l’érosion (Boudouresque et Meinesz, 1982 ; Chessa et al., 2000 ; Jeudy de Grissac et Audoly, 1985). La mobilité du trait de côte est un phénomène naturel, relatif à plusieurs facteurs : nature des côtes, influence des vagues, influence du vent, courants, gel et pluie.
Or les activités anthropiques (et le changement climatique) semblent accentuer ce phénomène si bien que de nombreuses plages voient leur limite régresser. Les banquettes de Posidonie, accumulées au niveau du trait de côte, permettent de limiter l’érosion des plages. Soumis à l’érosion des vagues, les débris de feuilles mortes sont remis en suspension dans l’eau et jouent un rôle d’amortisseur de la houle (de par leur viscosité), préservant ainsi le rivage de l’assaut des vagues (Boudouresque et Meinesz, 1982).
La gestion des plages en réponses aux enjeux touristiques
Le tourisme : un secteur économique primordial
La Méditerranée, bassin à circulation fermée, supporte une population humaine dense le long de ses côtes, exposant grandement son écosystème à l’impact humain (Costello et al., 2010). En effet, environ 7 % de la population mondiale vit dans les pays côtiers méditerranéens, soit 460 millions d’habitants. Avec près de la moitié de la population méditerranéenne vivant près des côtes, le littoral méditerranéen figure parmi les secteurs les plus densément peuplés et les plus fortement urbanisés de la planète. D’ici 2025, ce pourcentage d’occupation des côtes devrait passer de 50 % à 88 % (PNUE/PAM, 2009).
Or la Méditerranée est aussi la première destination touristique au monde : elle comptabilise environ un tiers des arrivées internationales depuis plus de 40 ans. Selon les estimations, la Méditerranée devrait enregistrer une augmentation du nombre de touristes de l’ordre de 74 % entre 2000 et 2025 (soit un total de 637 millions de touristes en 2025). Certes l’intensité du tourisme est hétérogène selon les pays méditerranéen, mais tous bénéficient de l’attrait généré par le littoral. En France, le tourisme constitue un secteur économique très important pour la région méditerranéenne. Le littoral méditerranéen compte 1361 lits touristiques par km de côte (contre 881 en Manche-mer du Nord) et regroupe ainsi 45 % de l’offre d’hébergement touristique littoral en métropole (Colas, 2011). Le secteur touristique méditerranéen emploie environ 131 000 salariés en 2008, soit 40 % des effectifs salariés de l’ensemble des régions littorales (Guingand et Quintrie-Lamothe, 2012).
Une gestion des banquettes liée aux attentes des usagers
En plus des fonctions écologiques énoncées précédemment, la présence de banquettes sur une plage témoigne de la présence d’un herbier de Posidonie à proximité et constitue ainsi un signe de bonne qualité de l’eau (Boudouresque et al., 2006; Cantasano, 2011). Or, en dépit des avantages écologiques et géomorphologiques qu’elles confèrent, les banquettes de Posidonie sont à l’origine d’incompréhensions de la part des usagers. En effet, ces amas de feuilles mortes sont souvent associés à des déchets dans l’esprit des plaisanciers qui peuvent les juger inesthétiques, désagréables ou malodorantes. Ces réticences sont la conséquence de l’image préconçue que peuvent avoir les usagers des plages méditerranéennes : une plage de sable blanc immaculé comme on en trouve sur les cartes postales. Afin de répondre aux attentes des touristes, clientèle majeure de l’économie littorale, les communes sont amenées à enlever les banquettes sur les plages les plus fréquentées.
Plusieurs modes de gestion des banquettes ont vu le jour et sont mis en œuvre par les services municipaux ou par les prestataires auxquels les communes font appel. Les banquettes peuvent être repoussées à la mer si les conditions météorologiques s’y prêtent, elles peuvent être transportées sur un lieu de stockage, enfouies, recouvertes de sable, etc.
Cette gestion est généralement initiée en début de saison touristique. Une intervention d’enlèvement des banquettes accumulées pendant l’hiver est alors réalisée, puis répétée si de nouveaux arrivages ont lieux en été (ce qui est plus rare). Les plages sont ensuite nettoyées mécaniquement ou manuellement durant toute la saison estivale, ce qui participe à l’enlèvement des légers arrivages pouvant se produire tout au long de l’été.
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Table des matières
Introduction
1. Contexte
1.1. Importance écologique des banquettes de Posidonie
1.1.1. La Posidonie, espèce emblématique de la Méditerranée
1.1.2. Formation des banquettes de Posidonie
1.1.3. Rôle écologique des banquettes
1.2. La gestion des plages en réponses aux enjeux touristiques
1.2.1. Le tourisme : un secteur économique primordial
1.2.2. Une gestion des banquettes liée aux attentes des usagers
1.3. Cadre règlementaire
1.4. Organisme d’accueil et objectif de l’étude
2. Méthodologie
2.1. Construction des questionnaires et entretiens
2.1.1. Communes contactées
2.1.2. Réalisation du questionnaire
2.1.3. Déroulement des entretiens et collecte des données
2.2. Définition des coûts liés à la gestion des banquettes
2.3. Compléments de données
3. Résultats
3.1. Etat des lieux des pratiques
3.1.1. Etendue de l’étude
3.1.2. Gestion des banquettes de Posidonie
3.1.3. Nettoyage des plages
3.1.4. Rechargement des plages en sédiments
3.1.5. Sensibilisation des plaisanciers
3.2. Coût des différents modes de gestion des banquettes
3.3. Analyse multicritère
3.3.1. Dimension environnementale
3.3.2. Dimension touristique
3.3.3. Tableau comparatif
3.4. Analyse qualitative des entretiens
4. Discussion et leviers d’action
4.1. Modes de gestion des banquettes
4.2. Perception et sensibilisation
4.3. Mise en place d’un suivi des banquettes par les communes
Conclusion
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