CONTEXTE HISTORIQUE
L’exploitation organisée de la gomme arabique au Sénégal remonte à des temps très anciens. En effet, sous la colonisation, les autorités administratives d’alors avaient perçu l’importance des activités commerciales dans ce secteur et avaient jugé, compte tenu du niveau atteint, d’en organiser le circuit de commercialisation. C’est ainsi que les arrêtés gouvernementaux des années 1936, 1937, 1953, 1955 et 1956, organisant la commercialisation de ce produit, avaient été pris avec un dispositif juridique donnant un contour moderne à la distribution de la gomme arabique (Dabo, 1983). Les arrêtés, en effet, prévoyaient, entre autres mesures, l’obligation du respect des normes commerciales en matière de conditionnement, celle de suivre un circuit déterminé pour la circulation du produit et celle de ne vendre le produit qu’à des prix déterminés. C’est dire que le produit devait être de qualité loyale et marchande. Une telle organisation, outre qu’elle démontre l’intérêt qu’accordait l’Administration Coloniale pour ce produit, soustrait celui-ci du « commerce spontané » dominé généralement par les « bana-bana » où aucunes règles ou principes commerciaux ne sont respectés et caractérisés par une certaine anarchie. Cet intérêt prôné par le colonialiste français s’explique aisément par l’impact économique et social important de l’exploitation de la gomme arabique sur le pays et les populations.
Les arrêtés précités ont continué, pendant longtemps, à servir de base de réglementation des circuits de distribution de la gomme arabique, même après l’Indépendance. Ce n’est qu’en 1969 qu’un décret présidentiel (n° 69-522 du 29 avriI1969), réglementant la commercialisation et la circulation de la gomme arabique, de la gomme friable et des déchets de ces gommes, est intervenu. Dès l’intervention du décret de 1969, modifié en 1970, le Groupe SCIR et CHAIDIS obtenaient un monopole de fait pour l’exportation de la gomme, mais celui-ci ne devait durer que trois mois. La SENEGOMME, du très influent Khalil JIL VAN, professionnel de la gomme, devait faire opposition et obtenait gain de cause en prônant l’élargissement des agréments des opérateurs individuels, notamment Mamadou Diarra MBENGUE, comme des collecteurs de gomme. L’année 1973 allait être le point de départ d’une lutte sans merci pour la maîtrise du marché de l’exportation ; les prix, sur le plan mondial, ayant plus que triplés (800 F au lieu de 250 F le kg en moyenne). Ceci devait obliger l’administration à intervenir pour rationaliser la distribution.
Rationalisation des exportations
La rationalisation était devenue indispensable parce que le nombre de commerçants agréés devenait de plus en plus important et qu’en 1973, la tendance était plus à l’exportation qu’au souci d’approvisionner, en matière première, l’industrie locale. C’est ainsi qu’au sein de la Direction du Commerce Intérieur et des Prix, une commission regroupant les différents intervenants fixait un quota d’exportation à chaque distributeur, compte tenu de la réalité du marché intérieur notamment le niveau de la production locale, mais aussi et surtout des performances réalisées à l’exportation lors de la campagne précédente.
Une telle pratique a permis d’éliminer les opérateurs sans surface financière importante et de promouvoir les vrais professionnels de la filière.
Le duel entre industriel/commerçant
A ce niveau, l’Administration, durant toute la période de contrôle du circuit de distribution de la gomme arabique, a été obligée d’arbitrer pendant toute la durée de la campagne. En effet, tant que les prix intérieurs offerts par l’industrie locale, notamment VALDAFRIQUE, étaient intéressants par rapport au marché extérieur, aucun problème majeur ne se posait quant à son approvisionnement en gomme pour la fabrication de ses pastilles. Mais, depuis 1973, avec la flambée des prix de la gomme, l’offre de l’industrie locale est devenue dérisoire en matière de prix ainsi, les principaux exportateurs ont-ils refusé d’approvisionner en matière première notre industrie. Devant cette situation, l’Administration devait intervenir pour trouver une solution rapide et c’est ainsi que, durant toute la période allant de 1973 à 1980, des professionnels de la gomme, tels que Fahi Ould Dahi et Mamadou Diarra Mbengue, ont accepté d’approvisionner prioritairement l’industrie locale.
Politique de prix
Elle reposait essentiellement sur les informations fournies par les opérateurs locaux sur la situation du marché extérieur. Ces sources étaient comparées à celles obtenues par l’Administration sur les marchés officiels. La structure de ce prix se formait à partir du prix CAF port européen (généralement France ou Allemagne) dont on déduisait les charges de fret et d’assurance pour la mise en FOB (Free On Board). Une opération de rapprochement des coûts se fait en déduisant du prix FOB les frais de transport, de sacherie et de triage pour obtenir, après réajustement, le prix au récoltant et, partant, les prix pour les différentes catégories de gomme. Cette technique a permis au Sénégal d’éviter toute distorsion sur les prix, car ces derniers étant très proches des réalités internationales. Aucun problème majeur ne s’est posé en matière de prix, mise à part l’année 1973 où la durée de sécheresse accompagnée d’une psychose de pénuries, a faussé la politique des prix. Ainsi, les pays européens, par crainte de se retrouver en rupture de stocks pour les années à venir ont accepté d’acheter au prix élevé pour constituer des stocks de réserves.
L’effet de la sécheresse sur l’application de la politique de distribution
Comme l’indique les statistiques de l’UNSO, on a assisté à une chute dramatique du niveau de production des gommes. Rien qu’en se référant au tableau des exportations, ce produit était exporté à 75 % à partir des pays soudano-sahéliens. Ainsi le Sénégal, de 1975 à 1981, a exporté respectivement 9 200 t, 400 t, 460 t, 640 t, 463 t, 420 t et 250 t (statistique de la Direction des Eaux et forêts).
A part le Soudan, premier producteur mondial avec 40.000 t par an en moyenne et le Nigéria où le niveau n’a baissé que de 10 %, tous les autres pays exportateurs de gomme arabique ont subi les effets négatifs de la sécheresse en termes de chute des productions. En effet, au fil des ans, l’impossibilité maintien du potentiel d’acacia senegal et de la régénération des peuplements liée à un déficit pluviométrique croissant, a fortement entamé les capacités de production et d’exportation du Sénégal. Cette capacité était d’autant plus limitée qu’il fallait satisfaire les besoins locaux (VALDAFRIQUE consomme en moyenne annuellement 120 tonnes de gomme et le marché domestique absorbe environ 150 tonnes). Les pertes en devises sont importantes pour le Sénégal si l’on considère que, depuis les temps coloniaux, l’une des images de marque du Sénégal est le label « Ferlo » très prisé sur le plan mondial et en concurrence avec la « Kordofan ». Sur le plan commercial, on assiste à la disparition des principaux distributeurs, la baisse d’intensité des échanges commerciaux et, partout, au non-respect des règles de distribution édictées. Il s’en suit un relâchement du contrôle administratif, la matière n’étant plus ce qu’elle était. Les répercussions sociales sont importantes dans la mesure où de nombreux collecteurs s’étaient enrichis dans ce secteur et faisaient vivre de nombreuses familles. Une telle situation militait déjà en faveur d’une politique de libéralisation du secteur.
La politique de libéralisation
La politique de libéralisation intervient à un moment où la faiblesse des récoltes est telle qu’une réglementation stricte n’aurait aucun intérêt. On assistait ainsi à :
– des recettes à tirer de la taxe sur la gomme et qui nécessitait un contrôle strict de la distribution sont présentement modiques,
– des rentrées de devises sont à leur plus bas niveau,
– des difficultés sont notées pour certains professionnels parmi les plus connus.
Toutefois, se pose le problème de l’approvisionnement de l’industrie locale car, avec la libéralisation du secteur, aucune pression de la part de l’Administration n’est en principe possible. Cependant, des sociétés solides telles que la SIMEX ou la SACG approuvent de telles mesures. Ce rappel historique est indispensable, car il met en évidence la place de choix accordée à la gomme arabique, à une époque où l’organisation administrative des circuits commerciaux des produits autres que l’arachide était pratiquement inexistante.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I. LE CONTEXTE SOCIO ECONOMIQUE
1.1. Aspects Humains
1.2. Aspects économiques
CHAPITRE II. LE MLIEU BIO PHYSIQUE
2.1. Le sol
2.2. Le climat
2.3. La végétation
PREMIERE PARTIE: ANALYSE SOCIO-ECONOMIQUE DE LA FILIERE GOMME ARABIQUE
CHAPITRE I CONTEXTE HISTORIQUE
1.1.1. Rationalisation des exportations
1.1.2. Le duel entre industriel/commerçant
1.1.3. Politique de prix
1.1.4. L’effet de la sécheresse sur l’application de la politique de distribution
1.1.4. La politique de libéralisation
CHAPITRE II. LE CADRE INSTITUTIONNEL
2.1. Le cadre politique et réglementaire
2.1.1. Orientation politique
2.1.2. Textes législatifs et réglementaires
2.2. Administration de la filière gomme arabique
2.2.1. Le non contingentement
2.2.2. Le contrôle
CHAPTIRE III ORGANISATION DE LA FILIERE GOMME ARABIQUE
3.1. Caractérisation de la production de gomme arabique
3.2. Caractérisation des acteurs de la filière
– 3.2.1.LES PRODUCTEURS
-Les collecteurs villageois
– Les collecteurs ambulants
-Les grands commerçants (intermédiaires)
3.2.2.LES EXPORTATEURS
3.2.3. LES TRANSFORMATEURS EXPORTATEURS
-Société Valdafrique -Rufisque
-ASIYLA Gum Company
3.2.4. LES ACTEURS INSTITUTIONNELS
-Le service forestier
-Les Projets de développement
3.2.5. LES CIRCUITS
DEUXIEME PARTIE: LE MARCHE DE LA GOMME ARABIQUE
CONCEPT DE MARCHE
CHAPITRE I. L’OFFRE DE GOMME ARABIQUE
1.1. La production nationale de Gomme Arabique
1.2. La production internationale de Gomme Arabique
CHAPITRE II. LA DEMANDE DE GOMME ARABIQUE
2.1. La demande nationale de Gomme Arabique
2.2. La demande internationale de Gomme Arabique
2. 3. Le Système de fixation des prix
2. 4. Les facteurs déterminants le marché à long terme
2. 5. Détermination des profits directs par acteur engendrés par l’exploitation de la gomme arabique
– Les producteurs
– Les collecteurs(ambulants)
– Les grands commerçants (intermédiaires)
-Commerçants exportateurs
-Société Valdafrique -Rufisque
-FERLO Gum Company
TROISIEME PARTIE : LES FACTEURS LIMITANT LE DEVELOPPEMENT DE LA FILIERE
CHAPITRE I LES CONTRAINTES ENDOGENES
1.1. Les Contraintes anthropiques
1.2. Les contraintes techniques
1.3. Le contrôle
1.4. Les contraintes organisationnelles
CHAPITRE II. LES CONTRAINTES EXOGENES
2.1. L’accès au marché
2.2. Le manque de formation et d’information
2.4. Les contraintes financières
QUATRIEME PARTIE: PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DE LA FILIERE
CHAPITRE I LES AXES STRATÉGIQUES DE RELANCE
1.1. Organisation villageoises
1.2. Mise en place d’un secteur privé
1.3. L’assurance forestière
CHAPITRE II CREATION D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE AU DEVELOPPEMENT DE LA FILIERE
2.1. Mécanisme de financement spécialisé
2.2. Programme d’appui au développement de service non financier
2.3. Appui à la création d’un comptoir d’achat
2.4. Schéma de l’approche systémique de promotion et d’encadrement de la filière
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES