ANALYSE RHÉTORIQUE DES NOUVELLES DE GUY DEMAUPASSANT
NAISSANCE ET ÉVOLUTION
Le roman gothique anglais du XVIIIe siècle semble être le précurseur de cette littérature de l’étrange, en ce sens qu’il apparaît comme le premier courant dont de nombreux traits constitutifs sont réutilisés, par la suite, afin de définir le fantastique; notamment, le recours à certains décors, tels que des forêts sinistres, des orages nocturnes, des maisons abandonnées, des ruelles isolées ou à l’usage de la terreur et du surnaturel. Ces caractéristiques communes que se partagent ces deux littératures, développent chez le lecteur une attirance certaine pour les apparitions horrifiantes ainsi que pour les mises en scènes paroxystiques3. En France, pourtant, on attribue la paternité de ce genre littéraire tel que nous le connaissons à un écrivain allemand, Emst Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822). Sous l’influence de celui-ci, le fantastique trouve son véritable point de départ vers 1830, alors que ses œuvres sont traduites en français pour la première fois par Loève-Veimars. Rompant avec les figures gothiques et les contes populaires préexistants, Hoffmann enrichit la littérature fantastique d’un phénomène d’intériorisation de l’élément surnaturel tout à fait nouveau, il joue avec la frontière instable entre réalité et fiction.4 Dans le même esprit, vers 1850, le poète français Chartes Baudelaire fait découvrir à la France un nouvel auteur en traduisant l’œuvre de l’américain Edgar Allan Poe (1809-1849). L’influence de ce dernier est décisive. Plus pervers qu’Hoffmann, Poe rédige des nouvelles d’une extrême logique, où des personnages inquiétants évoluent dans un univers où la mort est omniprésente5. Nourrie de tout ce passé littéraire et après l’intégration de toutes ces modifications depuis le roman gothique, le fantastique trouve un terreau fertile dans la France du XIXe siècle. De nombreux auteurs de renom tels que Théophile Gautier6, Prosper Mérimée, Auguste Viiliers de L’isle Adam ou Charles Nodier se mettent au fantastique7 (selon des périodes distinctes du XIXe siècle qui possèdent chacune leurs caractéristiques propres). Pour notre part, nous nous intéresserons particulièrement à Guy de Maupassant, puisque son œuvre servira de cadre de référence à notre expérimentation par la création.
LE XIXe SIÈCLE FRANÇAIS
Certes, la France de la seconde moitié du XIXe siècle apparaît aujourd’hui comme le point culminant de la littérature fantastique, mais cela n’est pas arrivé par hasard. Succédant au XVIIIe siècle et à ses Lumières, alors que « le réalisme s’oppose aux excès entimentaux du romantisme »8, le fantastique a su tirer profit du mélange de ces divers courants. À l’heure des progrès de la science, de la psychiatrie et de la psychanalyse, l’intérêt des gens se porte au même moment vers des objets opposés tels que le spiritisme, l’occultisme et l’électromagnétisme. La société se trouve alors déchirée entre le rationnel et l’irrationnel, entre le « scientifiquement démontrable » et le surnaturel. Le contexte socioculturel est plus que propice à l’émergence du fantastique, il en émane
plusieurs thèmes que les « fantastiqueurs » utilisent brillamment. Mais, au-delà des intérêts de la société française pour les phénomènes inexplicables, un autre élément, encore plus déterminant pour l’avenir de cette littérature, devient de plus en plus influent, en l’occurrence, l’essor de la presse imprimée9. Paraissant dans divers supports journalistiques, la nouvelle fantastique doit se contraindre à prendre une dimension précise imposée par son support. La forme brève10 s’impose
donc (de 2500 à 3000 mots en général) à l’auteur qui y trouve pourtant son compte. En resserrant la nouvelle sur un instant ou un événement culminant, le texte gagne en intensité11. La contrainte formelle se transforme donc en une puissance à exploiter12. Se laissant lire de façon continue, le récit bref et rectiiigne permet au lecteur d’apprécier l’enîièreté de l’histoire, souvent condensée autour d’un personnage et d’un événement exacerbé. La forme brève de la nouvelle permet de aéer la tension nécessaire à ce genre de récit.Le fantastique a donc su tirer parti autant du contexte socioculturel dans lequel il a évolué que des innovations techniques, notamment en ce qui concerne les avancées technologiques liées aux divers procédés d’imprimerie. La forme qui en a découlé, c’est-à dire la nouvelle, a su donner de la force aux récits brefs, mais intenses, des « fantastiqueurs » français. Par le biais de la diffusion journalistique, ils se sont saisis d’un moyen efficace de toucher une large population qui est rapidement devenue adepte de ce nouveau genre. C’est donc dans la seconde moitié du XIXe siècle que le fantastique a connu son apogée13.
QU’EST-CE QUE LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE?
Nous savons désormais comment elle est née, comment elle s’est développée en France et a culminé durant (a seconde moitié du XIXe siècle ayant, pour porte-étendard,des auteurs de renom comme Maupassant. Nous devons toutefois nous interroger sur la véritable nature de cette littérature. Comment se définit-elie, en quoi consiste4-eSte14? Le discours populaire stigmatisant pendant longtemps ie « fantastique » comme une classe regroupant des «sous-classes» telles que ie merveilleux, ia fantasy, la science-fiction ou l’horror story, explique pourquoi il a été relégué au rang de paralittérature pendant longtemps. Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que de nombreux théoriciens se sont penchés sur ia question. Peut-être à cause de sa nature instable, ces derniers l’ont qualifié de différentes manières sans s’entendre sur le sujet, pariant à la fois de fantastique psychologique, réaliste ou de l’indétermination. Pour notre part, nous nous attarderons particulièrement au fantastique pur, tel que défini par Tzvetan Todorov dans Introduction à la littérature fantastique15. Pour ce théoricien, ces étranges récits n’existent que dans S’espace de l’hésitation, de l’incertitude intellectuelle. L’hésitation vécue par le personnage dans le récit doit être transmise au lecteur sans pour autant qu’il tranche entre une explication naturelle ou surnaturelle. Suivant le même point de vue, Rachel Bouvet, dans son essai sur l’effet fantastique, met l’accent sur le plaisir de l’indétermination. Le lecteur, au fsl de sa lecture, perçoit « les indéterminations du texte sans pour autant chercher à les résoudre »16. Elle constate chez ce dernier « un certain abandon du désir de tout comprendre »17, comme il le ferait dans le cadre de la lecture d’un roman policier par exemple, au profit du plaisir qu’il prend à baigner dans l’ambiance hésitante du fantastique. Le lecteur se complaît donc dans Se flou sémantique propre au genre
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Table des matières
VOLET THÉORIQUE
CHAPITRE 1 : LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE
1.1 Naissance et évolution
1.2 Le XIXe siècle français
1.3 Qu’est-ce que la littérature fantastique?
1.4 Voir plus loin
CHAPITRE 2 : LA RHÉTORIQUE
2.1 Définitions
2.2 De l’utilité de la rhétorique en littérature fantastique
CHAPITRE 3 : ANALYSE RHÉTORIQUE DES NOUVELLES DE GUY DEMAUPASSANT
3.1 L’inventio
a) Ethos…
b) Pathos
c) Logos
3.2 La dispositio
3.3 L’elocutio
CONCLUSION
VOLET CRÉATION
CHAPITRE 4 : APPELEZ-MOI DOCTEUR… (Recueil de nouvelles fantastiques)
PRÉAMBULE : RHÉTORIQUE ET CRÉATION
4.1 L’orage
4.2 Le secret
4.3 Le bracelet
4.4 La prédiction
4.5 L’album photos
4.6 Le somnifère
4.7 Le don
4.8 La chambre
4.9 L’écharpe
4.10 L’appartement
4.11 Le manuscrit
ANNEXES
I Lettre de Maupassant dans le journal Le Gaulois
II Étude sur Le Roman de Maupassant dans la préface de Pierre et Jean
BIBLIOGRAPHIE
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