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Cadre de lโรฉtude
Le prรฉsent travail se positionne sur la thรฉmatique de la modรฉlisation statistique des prรฉcipitations ร la mรฉso-รฉchelle. Lโรฉtude porte ร al fois sur la variabilitรฉ spatiale et temporelle de la pluie, et utilise des jeux de donnรฉes originaux et haute rรฉsolution disponibles au LATMOS (Laboratoire Ocรฉan Atmosphรจre Observations Spatiales) et reprรฉsentatifs de plusieurs climats. Plus particuliรจrement, nous nous intรฉresserons aux mesures dโun radar mรฉtรฉorologique, le RONSARD, ayant fonctionnรฉ en 2006 au Bรฉnin durant la mousson ouest-africaine. Nous รฉtudierons aussi des mesures effectuรฉes au sol ร Palaiseau ร lโaide dโun instrument spรฉcifique fournissant des donnรฉes ร trรจs haute rรฉsolution temporelle (infรฉrieure ร la minute).
On se propose dans cette รฉtude de quantifier certaines propriรฉtรฉs statistiques de la pluie et de vรฉrifier lโadรฉquation dโune reprรฉsentation stochastique particuliรจre aux propriรฉtรฉs empirique. Le modรจle mathรฉmatique choisi relรจve des ยซ cascadesmultiplicatives ยป, dont le principe est basรฉ sur la construction itรฉrative dโun champ par une suite de modulations alรฉatoires de rรฉsolution croissante. Cette suite de modulations est par construction autosimilaire et fait apparaรฎtre des propriรฉtรฉs fractales. Plus prรฉcisรฉment, les symรฉtries statistiques du modรจle peuvent รชtre associรฉes ร une infinitรฉ dโobjets fractals alรฉatoires sous-jacents: on parle de propriรฉtรฉs ยซ multifractales ยป. Les modรจles de cascades multiplicatives apparaissent comme des candidats rationnels pour la modรฉlisation de lapluie pour plusieurs raisons. Tout dโabord, ces modรจles sont issus de la mรฉcanique statistiquede la turbulence et des champs passifs advectรฉs oรน ils jouent un rรดle important. Dโautre part, il a รฉtรฉ prouvรฉ empiriquement que ces modรจles sont adaptรฉs ร la modรฉlisation de la variabil tรฉ de nombreux champs gรฉophysiques (vent, nuages, polluants, topographie). Ces modรจles prรฉsentent en outre lโavantage de prendre en compte explicitement les relations statistiques entre les รฉchelles et sont susceptibles de gรฉnรฉrer des extrema trรจs intenses. Dans le cadre de cette thรจse effectuรฉe au LATMOS, nous รฉtudions donc les propriรฉtรฉs statistiques de la pluie en nous appuyant sur les outils liรฉs au formalisme des cascades multiplicatives et des champs ยซ multifractals ยป.
But de la thรจse
Les travaux prรฉsentรฉs dans ce manuscrit visent ร amรฉliorer la connaissance des propriรฉtรฉs statistiques des prรฉcipitations ร la mรฉso-รฉchelle teร la sub-mรฉsoรฉchelle et ร faire ressortir lโexistence et la portรฉe de symรฉtries multifractales des processus prรฉcipitants dans ces gammes dโรฉchelles. Ce travail a pour ambition de recenser et de caractรฉriser les gammes dโรฉchelles spatiales et temporelles qui vรฉrifient des lois statistiques remarquables.
Par rapport aux rรฉsultats existants, nous souhaitons amรฉliorer lโadรฉquation du modรจle des cascades multifractales ร la description des prรฉcipitations en analysant les donnรฉes haute rรฉsolution disponibles au LATMOS, lesquelles offrent une information prรฉcieuse relative ร la variabilitรฉ sub-mรฉsoรฉchelle pour laquelle peu de sultatsrรฉ relatifs au symรฉtries dโรฉchelle (scaling) sont disponibles dans la littรฉrature. Nous nous proposons aussi de prendre en compte lโintermittence du phรฉnomรจne prรฉcipitant (pluie ouabsence de pluie) plus explicitement dans le modรจle.
Enfin, nous montrerons que lโexistence de ces propriรฉtรฉs peut impacter des domaines plus ยซ appliquรฉs ยป : en particulier, la multifractalitรฉ peut faire รฉmerger des comportements inattendus quant ร la distribution des valeurs extr รชmes de la pluie. Nous expliquerons รฉgalement comment les outils de simulation de champsmultifractals peuvent รชtre appliquรฉs ร la dรฉsagrรฉgation de champs prรฉcipitants.
Plan de la thรจse
Le chapitre 2 consiste en un รฉtat de lโart non technique recensant lโรฉvolution de lโapplication des modรจles fractals en modรฉlisation statistique dela turbulence et de la pluie.
Le chapitre 3 offre une prรฉsentation dรฉtaillรฉe duormalismef thรฉorique des multifractals utilisรฉ dans le cadre de cette รฉtude.
Dans le chapitre 4, nous exposons succinctement une mรฉthodologie dโanalyse de champs permettant de dรฉmontrer et de caractรฉriser lโexistence de propriรฉtรฉs multifractales.
Le chapitre 5 prรฉsente le rรฉsultat de lโapplicationde ces techniques aux jeux de donnรฉes disponibles au LATMOS, ainsi quโune interprรฉtation statistique et physique. En particulier, nous montrons que les techniques usuelles des techniques usuelles du chapitre 4 peuvent conduire ร des rรฉsultats erronรฉs lorsque les champs รฉtudiรฉs contiennent une trรจs grande proportion de valeurs nulles (ce qui est le cas de la pluie). Nous proposons une nouvelle paramรฉtrisation multifractale en considรฉrant des รฉvรฉnements de pluie continus non assujettis ร ce phรฉnomรจne.
Dans le chapitre 6, nous รฉtudions la sensibilitรฉ des techniques du chapitre 4 aux valeurs nulles au moyen de simulations et de calculs thรฉoriques. Entre autres, nous proposons un modรจle mathรฉmatique permettant dโestimer les erreurs de paramรฉtrisation.
Les applications de la multifractalitรฉ ร la dรฉsagrรฉgation de champs et ร la reprรฉsentation des valeurs extrรชmes font lโobjet du chapitre 7.
Le chapitre 8 prรฉsente les conclusions du travail.
L’atmosphรจre comme systรจme complexe
L’รฉvolution de l’รฉtat de l’atmosphรจre est caractรฉrisรฉe par le couplage d’un grand nombre de processus complexes couvrant une trรจs large gamme d’รฉchelles. De faรงon gรฉnรฉrale, l’atmosphรจre prรฉsente un certain nombre de propriรฉts rappelant la structure typique d’un systรจme complexe:
– son รฉtat รฉvolue du fait de trรจs nombreux processuset entitรฉs en interaction.
– les รฉquations dโรฉvolution de ces processus contiennent des termes non linรฉaires.
– lโhypothรจse isotrope nโest pas toujours valide (ne serait-ce quโen raison de lโaction de la force de gravitรฉ et de la force de Coriolis, etdes conditions aux limites).
– les processus impliquรฉs se dรฉveloppent sur une vaste gamme d’รฉchelles, s’รฉtendant des รฉchelles synoptiques aux รฉchelles (sub-)millimรฉtriques.
– le comportement de ces systรจmes est chaotique, malgrรฉ la connaissance d’รฉquations dรฉterministes locales. Notamment, il est bien connu depuis les travaux de Lorenz (1963) que mรชme un systรจme d’รฉquations diffรฉrentielles simples peut dรฉfinir un comportement chaotique, ร cause de la forte sensibi litรฉ de son รฉvolution aux perturbations sur les conditions initiales ร petite รฉchelle.
– les processus impliquรฉs dans ces systรจmes prรฉsententdes niveaux d’organisation hiรฉrarchiques ร diffรฉrentes รฉchelles (synoptique, mรฉso-รฉchelle, etc.). Il existe de plus des interactions entre les diffรฉrentes รฉchelles.
Pour caractรฉriser la complexitรฉ du systรจme atmosphรฉrique, il est souhaitable d’estimer l’ordre de grandeur de son nombre de degrรฉs de libertรฉ (Schertzer & Lovejoy, 1991). Considรฉrons donc une atmosphรจre acadรฉmique de taille (en ordrede grandeur) 10000 km x 10000 km x 10 km. Dans cette atmosphรจre, des processus d’รฉcoulements ร trรจs haut nombre de Reynolds vont dรฉfinir des cascades turbulentes d’รฉnergie qui vontse dissiper ร des รฉchelles infรฉrieures au millimรจtre. Nous pouvons donc considรฉrer comme un degrรฉ de libertรฉ chaque boรฎte รฉlรฉmentaire de volume 1 mm contenue dans notre atmosphรจre. Le calcul du nombre de ces boรฎtes donne 1010 x 1010 x 107 = 1027. Soit รฉvidemment un nombre gigantesque, supรฉrieur mรชme au nombre d’Avogadro qui reprรฉsente pourtantรฉjร d un ordre de grandeur de l’ ยซ infini en physique ยป. Le caractรจre chaotique de lโatmosphรจre apparaรฎt ร cause de ce nombre quasi-infini de degrรฉs de libertรฉ.
Consรฉquences sur la modรฉlisation numรฉrique
Lโapproche numรฉrique est รฉvidemment dโune importance fondamentale pour la prรฉdiction de lโรฉvolution de lโรฉtat de lโatmosphรจre. Cette approche nรฉcessite entre autres de discrรฉtiser sur une grille les รฉquations diffรฉrentielles rรฉgissantla dynamique atmosphรฉrique. Pourtant, cette approche, ne reprรฉsente pas ร elle seule une rรฉsolution exhaustive du systรจme atmosphรฉrique, et ce pour deux raisons principales :
1. Les conditions initiales du modรจle sont toujours insuffisamment connues pour effectuer une prรฉdiction dรฉterministe rigoureuse de lโรฉvolution dusystรจme (qui est chaotique). Cโest dans le but dโamรฉliorer la connaissance de cette information quโont รฉtรฉ dรฉveloppรฉes des procรฉdures dโassimilation de donnรฉes, qui ont pour but dโinclure lโinformation issue des observations pour corriger lโรฉvolution du modรจle numรฉrique. Pourune description des techniques et du vocabulaire de lโassimilation, il est possible de se rรฉfรฉrer ร (Talagrand, 1997).
2. Pour des raisons de temps de calcul, la maille des grilles des modรจles numรฉriques globaux, qui est de lโordre de quelques dizaines de km, est beaucoup plus grande que lโรฉchelle de dissipation des cascades turbulentes (moins dโun mm). Il en rรฉsulte une inadรฉquation dans la reprรฉsentation de la diffusion qui peut faire diverger le modรจle. Des techniques de paramรฉtrisation ont รฉtรฉ proposรฉes pour tenter demliter ce dรฉfaut – cf. (Sadourny & Maynard, 1995) pour une revue concernant la diffusion horizontale. De plus, la taille forcรฉment grossiรจre de la maille induit une ยซ troncature dโรฉchelle ยป qui implique un filtrage passe-bas trรจs sรฉlectif sur les rรฉsolutions. Ce filtrage estdoublement gรชnant car dโune part la reprรฉsentation des รฉvรฉnements mรฉtรฉorologiques extrรชmes et trรจs localisรฉs devient problรฉmatique, et dโautre part les effets des petites รฉchelles sur les grandes รฉchelles ne sont pas pris en compte. Surtout, ce filtrage rรฉduit artificiellement le nombre de degrรฉs de libertรฉ, qui peut รชtre approximรฉ par le nombre de mailles dumodรจle. Ce dernier peut รชtre estimรฉ, pour un modรจle global possรฉdant une rรฉsolution horizontale de 3x (kilomรจtres) et Nz niveaux sur la verticale, par la formule suivante : N = 20000 2 ร N z (Eq. 2.1).
Pour les modรจles de circulation gรฉnรฉrale,3x est de lโordre de 10 ร 100 km environ et Nz est de lโordre de 25 ร 100. Par consรฉquent, le nombre de degrรฉs de libertรฉ que peut reprรฉsenter le modรจle est trรจs fortement rรฉduit N: passe de 1027 ร 10 6 – 108. Il en rรฉsulte nรฉcessairement que le modรจle ne peut reproduire toute la complexitรฉ du systรจme et notamment certaines consรฉquences non triviales sur son รฉvolution et surร lโapparition des รฉvรฉnements extrรชmes.
Si nous prenons lโexemple du modรจle numรฉrique globa – lโun des plus performants au monde ร lโheure actuelle – du centre mรฉtรฉorologique europรฉen de Reading (ECMWF), ce modรจle a une rรฉsolution de 16 km et 91 niveaux sur la verticale, ce qui donne un nombre de mailles voisin de 108. Ce chiffre peut รชtre comparรฉ avec la taille du vecteur dโรฉtat du modรจle (1.5 x 109) qui est un peu plus grand du fait que plusieurs grandeurs physiques sont considรฉrรฉes en chaque point. Il est ร noter que si lโassimilation de donnรฉes aide ร dรฉterminer des conditions initiales plus rรฉalistes et plus prรฉcise, elle ne eutp rรฉsoudre ce problรจme de filtrage de la complexitรฉ. En effet, la plus grande partie des observations assimilรฉes sont satellitaires et leur nombre est dโenviron 25 millions par jour en 2010 (cours O. Talagrand, LMD/ENS, 2011), ce qui est dรฉjร considรฉrable et pourtant trรจs rรฉduitneregard des ordres de grandeur reprรฉsentatifs de la complexitรฉ atmosphรฉrique.
Il est donc clair que la modรฉlisation numรฉrique prise isolรฉment ne permet pas la rรฉsolution exhaustive de la dynamique et de la physique du systรจme atmosphรฉrique. Actuellement, il est possible dโeffectuer une rรฉsolution numรฉrique plusfine ร lโรฉchelle rรฉgionale en faisant tourner un modรจle rรฉgional conditionnรฉ aux limites de son omained par les sorties dโun modรจle global basse rรฉsolution. Cโest le principe du ยซ downscaling dynamique ยป qui permet dโaugmenter localement la rรฉsolution par emboรฎtement de modรจleset de prendre en compte certaines contraintes particuliรจres (relief…). Nรฉanmoins, cette approche, couramment utilisรฉe par les modรฉlisateurs, peut รชtre difficile ร implรฉmenter etcoรปteuse en temps de calcul. Surtout, elle ne permet pas un gain de rรฉsolution important (les modรจles rรฉgionaux ne descendent pas en dessous de ~ 10 km). Dโautres procรฉdรฉs, souvent qualifiรฉs de ยซ downscaling statistique ยป, visent ร prรฉvoir certaines propriรฉtรฉs statistiquesร fine rรฉsolution ร partir des sorties dโun modรจle global ร basse rรฉsolution. Des approches trรจs diverses ont รฉtรฉ considรฉrรฉes (e.g., Michelangeli, 2009) mais leur justification physique reste souvent floue. La difficultรฉ empirique rรฉside dans le fait que les grandeurs statistiques classiques sont trรจs dรฉpendantes de la rรฉsolution en gรฉophysique (par exemple, la variance dโun champ change avec lโรฉchelle ร laquelle on la calcule). Les liens entre รฉchelles et statistiques pourraient alors apparaรฎtre ร premiรจre vue comme extrรชmement difficiles ร dรฉcrire.Cependant, lโรฉtude de ces liens dans un formalisme adaptรฉ pourrait bien receler la clรฉ dโune rรฉduction de la complexitรฉ du systรจme atmosphรฉrique. Comme nous allons maintenant le voir, la dynamique atmosphรฉrique fait รฉmerger (au moins dans certaines gammes dโรฉchelles)des symรฉtries statistiques remarquables reliant les รฉchelles entre elles.
Lois dโรฉchelle pour les scalaires passifs
Considรฉrons maintenant un champ de vitesse turbulen vรฉrifiant une loi de type Kolmogorov (avec un flux dโรฉnergie homogรจne). Supposons que lโon y ait distribuรฉ initialement un traceur (scalaire) passif, cโest-ร -dire un ensemble de part icules supposรฉes infiniment lรฉgรจres et nโagissant pas sur lโรฉcoulement. Comment ce traceur est-il advectรฉ par lโรฉcoulement ? Il apparaรฎt que les propriรฉtรฉs du traceur vont dรฉpendrnon seulement de lโรฉcoulement, mais aussi des propriรฉtรฉs de sa concentration notรฉe1. Corrsin (1951) et Obukhov (1949) ont montrรฉ que cette concentration suit รฉgalement une oil dโรฉchelle, plus compliquรฉe en ce sens quโelle fait intervenir un second flux transmis vers les petites รฉchelles : .d ฮฯl = ฯ 1 / 2ฮต โ1 / 6 l1 / 3 (Eq. 2.7).
oรน ฯ est un flux de variance de concentration du traceur, supposรฉ homogรจne : ฯ = โ โ ฯ 2 (Eq. 2.8).
En particulier, le spectre de puissance de la concentration doit vรฉrifier une loi enk -5/3.
Si les flux dโรฉnergie et de variance de concentration sont supposรฉs inhomogรจnes, une loi ยซ scalante ยป reste valable (mais la pente spectrale peut changer lรฉgรจrement) :
d ฮฯl = ฯl 1 / 2ฮต l โ1 / 6 l1 / 3 (Eq. 2.9).
La pluie suit-elle des lois de type Kolmogorov-Obukhov-Corrsin (KOC)?
En revanche, les gouttes de pluie ne peuvent pas รชtre considรฉrรฉes comme des scalaires passifs. En effet, les gouttes prรฉsentent une inertie bien trop importante et sont fortement sujettes ร lโinfluence de la force de gravitation. De plus, les gouttes interagissent entre elles par des mรฉcanismes de collision, de coalescence et de breakup. Nรฉanmoins, on peut sโattendre ร ce que ces effets sโexercent principalement aux petites รฉchelles. Aux grandes รฉchelles, le taux prรฉcipitant dรฉpend principalement de la concentration dโeau liquide et de la vitesse verticale du vent. La concentration dโeau liquide suit-elle une loi fractale ร ces รฉchelles ?
Des travaux rรฉcents (Lovejoy & Schertzer, 2008) rรฉpondent par lโaffirmative ร cette question. En utilisant des donnรฉes 3D de positions et de masse de gouttes collectรฉes ร trรจs petite รฉchelle (volume de 10m3) au cours de quelques orages (expรฉrience HYDROP, Desaulniers-Soucy et al., 2001), ces auteurs ont montrรฉ empiriquement que la masse volumique dโeau liquide ฯ.
Interprรฉtation en termes de fractals et de multifractals
Les lois dโautosimilaritรฉ รฉvoquรฉes ci-dessus constituent une variante ยซ statistique ยป de la thรฉorie des objets fractals, dรฉcrits notamment par(Mandelbrot, 1983). Ces objets prรฉsentent gรฉnรฉriquement des propriรฉtรฉs dโinvariance par zoom,telles quโune ou plusieurs portions de lโobjet ressemblent (ร une contraction prรจs) ร lโob jet entier. Nรฉanmoins, le cas des champs de turbulence modรฉlisรฉs via des ยซ cascades multiplicatives ยป diffรจre de la gรฉomรฉtrie fractale dans la mesure oรน ce sont ici de vรฉritables champs, dโintensitรฉ variable, et non de simples ensembles gรฉomรฉtriques, qui prรฉsentent ces symรฉtrieremarquables. La modรฉlisation des champs alรฉatoires produits par des cascades multiplicatives peut alors se faire dans un cadre
ยซ multifractal ยป pour lequel toute une hiรฉrarchie dโobjets fractals intervient, chaque objet รฉtant associรฉ ร un niveau dโintensitรฉ du champ. Ces outils peuvent servir ร modรฉliser des processus et champs extrรชmement variables prรฉsentant notammen des spectres dโรฉnergie et des fonctions dโautocorrรฉlation en loi puissance mais aussi des propriรฉtรฉs remarquables pour des statistiques de tout ordre. Dรจs la fin des annรฉes 80, les processus (mono)fractals et multifractals sont ainsi apparus comme trรจs pertinents voire incontournables pour une reprรฉsentation stochastique multi-รฉchelle de la turbulence ainsi que le montre la revue de (Sreenivasan, 1991), et semblent รฉgalement fournir un outil trรจs performant de caractรฉrisation de la dynamique atmosphรฉrique (Lovejoy et al., 2008 b,c,d; Lovejoy & Schertzer, 2010). Dโaprรจs un vaste ensemble de rรฉsultats empiriques, la fractalitรฉ et la multifractalitรฉ sont omniprรฉsents en gรฉophysique, notamment, les champsยซ advectรฉs ยป semblent vรฉrifier ces propriรฉtรฉs : tempรฉrature (Schmitt et al., 1996), nuages (Tessier et al., 1993), polluants (Lilley et al., 2004), ou, en ocรฉanographie, la concentration de chlorophylle (Seuront et al., 1996) .
Preuves empiriques des propriรฉtรฉs de ยซ scalingยป de la pluie
Des fractals aux multifractals
Les premiers rรฉsultats empiriques prouvant lโexistence de propriรฉtรฉs dโinvariance dโรฉchelle pour la pluie ont รฉtรฉ รฉtablis dans un cadre monofractal. En particulier, plusieurs รฉtudes (Lovejoy, 1981 ; 1982 ; Rhys & Waldvogel, 1986) ont montrรฉ que lโaire A et le pรฉrimรจtreP des rรฉgions prรฉcipitantes observรฉes par radar (etesd nuages) รฉtaient reliรฉs par une loi de type fractale : P โ A1 / D f . D f est une ยซ dimension fractale ยป non entiรจre (qui รฉtend la relation habituelle de la gรฉomรฉtrie ยซ classique ยป P โ A1 / 2 ) caractรฉrisant la structure complexe et irrรฉguliรจre de ces structures dโun point de vue multi-รฉchelle. Des modรจles monofractals stochastiques de pluie ont alors รฉtรฉ proposรฉs (Lovejoy & Mandelbrot, 1985, Lovejoy & Schertzer, 1985) pour tenter de reproduire les caractรฉristiques multi-รฉchelle de la pluie. Dans le domaine temporel, le caractรจre fractal et autosimilaire des processus de pluie a รฉtรฉ suggรฉrรฉ par la mise en รฉvidence de spectres dโรฉnergie suivant des lois puissances dรฉcroissantes dans une ou plusieurs gammes dโรฉchelles (Crane, 1990 ; Fraedrich & Lardner, 1993 ; Fabry ; 1996). Par la suite, les scientifiques ont abandonnรฉ lโhypothรจse restrictive de monofractalitรฉ pour se tourner vers des modรจles multifractals. Diffรฉrents modรจles multifractals de pluie ont รฉtรฉ proposรฉs dans la littรฉrature (Schertzer & Lovejoy, 1987 ; Gupta & Waymire, 1990 ; Over & Gupta, 1996 ; Veneziano et al., 1996 ; Schmitt et al., 1998 ; Deidda et al., 1999 ; Deidda, 2000 ; Gunter & Olsson, 2001 ; Paulson & Baxter, 2007; Rupp et al., 2009). Ces modรจles partagent un certain nombre de caractรฉristiques communes et sont basรฉs sur la phรฉnomรฉnologie des cascades multiplicatives. Nous llonsa maintenant dรฉcrire rapidement quelques rรฉsultats empiriques dรฉmontrant la validitรฉ de ces approches pour la pluie.
Multifractalitรฉ de la pluie : rรฉsultats empiriques
De nombreuses รฉtudes de donnรฉes de prรฉcipitations nto confirmรฉ la validitรฉ de lโapproche multifractale pour la reprรฉsentation de la variabilitรฉ spatiale et temporelle de la pluie. Les premiers rรฉsultats ont รฉtรฉ obtenus (ร mรฉso-รฉchelle)par lโanalyse multifractale (dans le domaine spatial) de cartes radar de rรฉflectivitรฉ oude taux prรฉcipitant (Schertzer & Lovejoy, 1987 ; Lovejoy & Schertzer, 1990 ; Gupta & Waymire, 1990 ; 1993 ; Tessier et al., 1993) et ont รฉtรฉ confirmรฉs par la suite (Macor et al., 2007;Gires et al., 2010). La caractรฉrisation de la variabilitรฉ spatiale a pu รชtre affinรฉe et รฉtenduedesร gammes dโรฉchelles plus larges que celles accessibles ร un radar sol au moyen des radars de p rรฉcipitation satellitaires (Lovejoy et al., 2008 ; Sun & Barros, 2010). En particulier, Lovejoy et al. (2008) ont montrรฉ que les statistiques des rรฉflectivitรฉs du radar du satellit TRMM obรฉissaient ร des lois multifractales valables entre les รฉchelles planรฉtaires (20000 km)et la sub-mรฉsoรฉchelle (~ quelques dizaines de km). Des rรฉsultats complรฉmentaires, ร des รฉchelles spatiales plus rรฉduites, ont รฉtรฉ obtenus ร lโaide dโautres types de mesures : lidars (Mandapak a et al., 2009) ou stรฉrรฉophotographie dans un volume rรฉduit (Lilley et al., 2006).
Dโautre part, lโanalyse multifractale de sรฉries chronologiques de prรฉcipitations mesurรฉes au moyen de pluviomรจtres a donnรฉ lieu ร une large littรฉrature, entre autres (Ladoy et al., 1993 ; Tessier et al., 1993 ; Svensson et al., 1996 ; Olsson & Niemczynowicz, 1996, Harris et al., 1996 ; Schmitt et al., 1998 ; de Lima & Grasman, 1999 ; Pathirana et al., 2004 ; de Montera et al., 2009) (voir aussi le tableau au dรฉbut du chapitre 5). Dans le domaine temporel, la ou les gammes dโรฉchelles oรน existent des propriรฉtรฉs multifractales se situent gรฉnรฉralement ร petite รฉchelle (au plus quelques jours ou quelques semaines). En effet, au-delร dโune รฉchelle allant de deux semaines ร un mois, le spectre de la pluie est (presque) plat : on est alors dans un rรฉgime de ยซ bruit mรฉtรฉorologique ยป (Fraedrich & Larnder, 1993). Une telle dรฉcorrรฉlation apparaรฎt comme assez logique car ces รฉchelles temporelles impliquรฉes correspondraient ร des รฉchelles spatiales plus grandes que la demi-circonfรฉrence du globe. Au contraire, ร petite รฉchelle, le spectre de la pluie semble prรฉsenter unou plusieurs rรฉgimes en loi puissance (Fraedrich & Lardner, 1993 ; Fabry , 1996) qui sont parfaitement compatibles avec les prรฉdictions des modรจles fractals ou multifractals.
Enfin, dโautres รฉtudes complรจtent les prรฉcรฉdentesnecherchant ร caractรฉriser la multifractalitรฉ de la pluie ร la fois en espace et en temps notamme nt ร partir de donnรฉes radar (Pavlopoulos et al., 1998 ; Deidda et al., 1999 ; Deidda, 2000).
La multifractalitรฉ ยซ universelle ยป
Parmi les diffรฉrents modรจles multifractals considรฉrรฉs pour la pluie, certaines reprรฉsentations stochastiques bรฉnรฉficient dโune justification mathรฉmatique fondรฉe sur la continuitรฉ des รฉchelles (Schertzer & Lovejoy, 1997). Entre autres,le modรจle log-Poisson et le modรจle log-beta qui vรฉrifient ces contraintes ont รฉtรฉ appliquรฉs pour lโรฉtude des prรฉcipitations (Deidda, 2000 ; Paulson & Baxter, 2007). Toutefois, cโest sans doute le modรจle dit des ยซ multifractales universelles ยป (Schertzer & Lovejoy, 1987 ; 1991) est celui qui a รฉtรฉ confirmรฉ empiriquement de la faรงon la plus convaincante. (cf. notamment le s rรฉfรฉrences Lovejoy et al. ; Tessier et al. ci-dessus). Ce modรจle est dit universel car les gรฉnรฉrateurs stochastiques qui lui sont sous-jacents constituent une classe dโattracteurs parmi les diffรฉrents gรฉnรฉrateurs possibles. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre suivant. Dโautre part, il est paramรฉtrรฉ par un jeu rรฉduit dโexposants fondamentaux (au plus 3). Enfin, un certain nombre dโรฉvolutions intรฉressantes sโinscrivent assez aisรฉment dans ce modรจle. En particulier, il est possible dโinclure des effets de stratification et de rotation (Schertzer & Lovejoy, 1985) ainsi quโune dynamique temporelle causale (Marsan et al., 1996). Notamment, cette derniรจre conduit ร des propriรฉtรฉs scalantes espace-temps intรฉressantes pour lโรฉtude de la prรฉdictibilitรฉ de la pluie, en dรฉfinissant sans ambiguรฏtรฉ la durรฉe de vie des structures de pluie imbriquรฉes en fonction de leur extension spatiale. Potentiellement, lโexistence espace-temps pourrait mรชme fournir un cadre permettant de dรฉfinir une approche de prรฉvision stochastique ร trรจs court terme (Macor, 2007 ; Macor et al., 2007).
Multifractalitรฉ et pluie : problรฉmatiques ร rรฉsoudre
Malgrรฉ son succรจs, lโapplication de lโapproche multifractale pour la pluie reste encore un sujet trรจs ouvert tant du point de vue de la modรฉlisation mathรฉmatique que de celui des applications. Durant mon travail bibliographique (voir notamment lโรฉtat de lโart, plus technique, au dรฉbut du chapitre 5), jโai pu remarquer que la littรฉrature existante, bien que constituรฉe dโun corpus dรฉjร assez vaste, prรฉsentaitencore des zones dโombre. Jโai donc cherchรฉ ร orienter mon travail de thรจse de faรงon ร pouvoir apporter des rรฉponses ou du moins des pistes vis-ร -vis des points suivants :
โข Le lien entre la physique et les propriรฉtรฉs multifractales de la pluie est un point trรจs dรฉlicat qui reste encore ร clarifier. Bien quโil paraisse trรจs vraisemblable que les propriรฉtรฉs multi-รฉchelle de la pluie soient une consรฉquence de celles de la turbulence qui sont caractรฉrisรฉes par la loi de Kolmogorov, ilnโexiste pas pour lโinstant de formalisation mathรฉmatique rigoureuse des champs prรฉcipitants du point de vue de la physique statistique. Les travaux de Lovejoy et al. (2008) รฉtablissant lโexistence de lois dโรฉchelle pour le nombre de gouttes et la masse volumique constituent une avancรฉe importante sur cette question, mais lโexistence de lois dโรฉchelle pour le taux prรฉcipitant (qui dรฉpend รฉgalement de la vitesse verticale des gouttes) reste ร dรฉmontrer dโun point de vue thรฉorique.
โข Les paramรจtres multifractals de la pluie sont trรจs diffรฉrents de ceux estimรฉs pour la turbulence. En particulier, lโun de ces paramรจtres (universels), notรฉ H, est fondamentalement liรฉ ร la physique car les lois de Kolmogorov et de Corrsin-Obukhov imposent la valeur de ce paramรจtre : ฮv โ l H et H = 1/3. Or dans le cas de la pluie, et contrairement ร celui du vent ou des polluants (qui sont des traceurs passifs), la plupart des รฉtudes concluent ร H = 0 (Lovejoy & Schertzer, 2010). Il semblerait que ce soit un rรฉsultat contradictoire car le choix dโune approche multifractale pour la pluie รฉtait fondรฉ sur le conditionnement de ses propriรฉtรฉs multi-รฉchelle par lโadvection turbulente.
โข Les rรฉsultats obtenus dans les รฉtudes existantes sont gรฉnรฉralement si diffรฉrents dans le domaine temporel et dans le domaine spatial (Lovejoy & Schertzer, 1995) quโil paraรฎt difficile de pouvoir proposer une approche unifiรฉe de cascades multifractales spatio-temporelles- on pourra cependant se rรฉfรฉrer ร (Biaou, 2004) pour un exemple dโรฉtude couvrant simultanรฉment les domaines spatialet temporel.
โข La majoritรฉ des รฉtudes effectuรฉes dans le domaineemporelt nโexplorent pas les fines รฉchelles, i.e. de lโordre de la minute ou de quelques dizaines de minutes, en raison dโune rรฉsolution instrumentale insuffisante (voir le Tableau 5.1 dans le chapitre 5 de cette thรจse pour une revue dรฉtaillรฉe). Cette imitationl pourrait en outre รชtre accentuรฉe par le fait que les pluviomรจtres ร auget basculant peuvent donner des rรฉsultats biaisรฉs aux fines รฉchelles (< 15 min) enraison mรชme du principe de la bascule (Habib et al., 2001). Ces limitations posent problรจme : ces fines รฉchelles sont en effet intรฉressantes car ce sont elles qui correspondent ร la variabilitรฉ interne aux รฉvรฉnements de pluie dont la durรฉe typique, bien quevariable suivant le climat, est de lโordre dโune heure.
โข La grande majoritรฉ des รฉtudes existantes ne cherchent pas ร distinguer les contributions respectives de chacun des deux aspects de la variabilitรฉ des prรฉcipitations, ร savoir leur processus dโoccurrence (prรฉsence ou absence de pluie) et la variabilitรฉ des intensitรฉs ร lโintรฉrieur des รฉvรฉnements. Cette problรฉmatique commence ร focaliser lโattention des chercheurs (Mo lini et al., 2009 ; de Montera et al., 2009) car elle est liรฉe au fait que les modรจles multiplicatifs qui produisent des champs multifractals sont, ร moins de modifications appropriรฉes (Over & Gupta, 1996), assez mal adaptรฉs ร la construction de champs prรฉsentant une รฉcrasante majoritรฉ de zรฉros, ce qui est le cas de la pluie.
โข Sous certaines hypothรจses, les modรจles de cascades multiplicatives prรฉdisent des queues de distribution hyperbolique de probabilitรฉ en x โqD oรน qD est un exposant critique liรฉ aux paramรจtres du modรจle (plus de dรฉtails thรฉoriques sont donnรฉes dans le paragraphe 3.6). Ces queues de distribution ยซ multifractales ยป sont associรฉes ร un temps de retour nettement plus rรฉduit pour les รฉvรฉnements prรฉcipitants extrรชmes comparativement au temps de retour prรฉdits par les modรจles hydrologiques opรฉrationnels (qui prรฉsupposent des queues de distribution de type exponentielle dรฉcroissante ou รฉquivalent)Si,. actuellement, de telles distributions hyperboliques semblent correspondre assez bien aux observations (Hubert, 2001 ; Lovejoy et al., 2011), la valeur de lโexposant critique estimรฉe empiriquement semble assez peu cohรฉrente avec les paramรจtres multifractals de la ittรฉraturel. En outre, les conditions dโobservabilitรฉ du phรฉnomรจne en terme de longueur inimale de sรฉrie ne sont pas encore clairement รฉtablies. Nous y reviendrons au chapitre 7 du prรฉsent travail.
Vocabulaire : รฉchelles et rรฉsolutions
Lโobjet fractal รฉtant gรฉnรฉralement dรฉfini par un ocรฉdรฉpr itรฉratif infini qui considรจre des รฉchelles de plus en plus rรฉduites, nous lโรฉtudierons telle quโil se prรฉsente ร diverses รฉchelles. Si lโhyperespace contenant la fractale est de dimension (gรฉomรฉtrique) D, alors nous dรฉcouperons celui-ci en ฮปD cases, soit en ฮป intervalles le long dโune dimension dโespace. On dit alors que lโon considรจre la fractale ร la rรฉsolutionฮป . La rรฉsolution maximale est notรฉe8, cโest celle qui dรฉfinit le cรดtรฉ dโun pixel. On dรฉfinit lโ รฉchelle, qui est inversement proportionnelle ร la rรฉsolution : la rรฉsolution ร lโรฉchelle ln est ฮป๏ ๏ฝ L . Ainsi, la rรฉsolution la ln plus grossiรจre, oรน tout lโespace est considรฉrรฉ comme un seul bloc (soit ฮป =1), correspond ร lโรฉchelle la plus large (de valeur l = L pixels), tandis que la rรฉsolution la plus fine (soit ฮป =L), correspond ร lโรฉchelle la plus rรฉduite – soit un pixel (l = 1).
On peut alors dรฉfinir la dimension fractale D f dโun ensemble A, en accord avec la dรฉfinition box-counting, via lโรฉgalitรฉ suivante : โฮป, Card๏ปA3๏ ๏ฝโ ฮปDf . (Eq.3.5).
Cette dimension caractรฉrise bien une invariance dโรฉchelle puisque lโรฉquation ci-dessus caractรฉrise lโobjet ร toutes les rรฉsolutions.
Dans certains cas, et notamment pour un ensemble dรฉduit de donnรฉes expรฉrimentales reprรฉsentatives dโun processus physique quelconque, lโรฉchelle maximale disponible par lโobservation, L, nโest pas รฉgale ร lโรฉchelle maximale du processus. Nous parlerons dans ce cas dโ ยซ รฉchelle externe ยป, et nous utiliserons la notation lext. Il en rรฉsulte une multiplication par une constante dans la loi (Eq. 3.5), qui ne change bien entendu ni la loi dโรฉchelle ni la dimension fractale.
Notion de co-dimension fractale
Les considรฉrations prรฉcรฉdentes sโรฉtendent facilement aux objets fractals alรฉatoires. La notion de dimension fractale D f se dรฉfinit en effet de faรงon statistique : โฮป, Card๏ปA3๏ ๏ฝ๏ โ ฮปDf . (Eq. 3.6).
Ici et dans la suite, le symbole๏ โ dรฉsigne une รฉgalitรฉ ร des facteurs ร variations lentes prรจs.
Ci-dessus et dans toute la suite les crochets ๏ correspondent ร une moyenne statistique.
La dรฉfinition ci-dessus prรฉsente un inconvรฉnient dans le cas dโobjets ou de processus alรฉatoires : certains objets fractals alรฉatoires prรฉsentent en effet une intermittence si extrรชme que lโobjet intersecte en moyenne moins de un pixel quelque soit la rรฉsolution. Dans ce cas la dimension fractale sera nรฉgative (dimension latente). Cโest pourquoi dans le contexte des fractals alรฉatoires, on prรฉfรจre utiliser la notionde co-dimension.
Comme le nombre de cases total ร la rรฉsolution ฮป est de ฮปD , on peut en dรฉduire la probabilitรฉ quโune case alรฉatoire ร cette rรฉsolution soit dansla reprรฉsentation gรฉomรฉtrique de la fractale ร la rรฉsolutionฮป : Pr(case โA )๏ฝ Card๏ปAฮป๏ ๏ฝ โ ฮปD f ๏ฝ ฮปโC f , (Eq. 3.7) oรน C f = D โ D f dรฉsigne la co-dimension fractale de lโensemble A. Par construction, la co-dimension est toujours positive et elle est la plupart du temps infรฉrieure ร D, sauf dans le cas prรฉcรฉdemment รฉvoquรฉ des ยซ dimensions latentes ยป. Cecas peut tout ร fait avoir un sens physique dans un formalisme probabiliste : par exemple les รฉvรฉnements extrรชmes dโun processus gรฉophysique pourront รชtre localisรฉs surnuensemble fractal qui nโest ยซ visible ยป que sur un nombre trรจs restreint de rรฉalisations de ceprocessus.
Cascades continues en รฉchelle โ universalitรฉ
Nรฉcessitรฉ dโune approche universelle
Dans le cas gรฉnรฉral, la fonction dโรฉchelle des moments K(q) nโest contrainte que par sa convexitรฉ et ses valeurs particuliรจres en 0 et en 1et peut prendre nโimporte quelle forme respectant ces conditions. Ceci semble constituer un inconvรฉnient pour lโutilisation et lโinterprรฉtation de ces modรจles, qui ne devraient รชtre caractรฉrisรฉs par une infinitรฉ de paramรจtres (par exemple les statistiques pour tout ordre rรฉel positif). Ceci traduit la gรฉnรฉralitรฉ de lโapproche des cascades qui impose a priori peu de contraintes (essentiellement la conservativitรฉ) sur les lois des incrรฉments multiplicatifs. Au contraire, nous souhaiterions disposer de modรจles ยซ universels ยป paramรฉtrรฉs par nu nombre rรฉduit de paramรจtres ayant une signification physique prรฉcise. En fait, il est possible de faire apparaรฎtre ces propriรฉtรฉs pour les cascades ร รฉchelles continues. La raison en est que la continuitรฉ des รฉchelles contraint fortement le choix des gรฉnรฉrateurs alรฉatoires, comme nous allons le voir maintenant.
Cascades log – infiniment divisibles
Soit๏ ๏จฮฆฮป๏ ๏ฉฮปโฅ1 une cascade multiplicative multifractale supposรฉe tout dโabord ร รฉchelles discrรจtes. On peut exprimer une rรฉalisation de la ascade sur un pixel de rรฉsolutionฮปฮป’ ร partir de la valeur du pixel de rรฉsolution plus grossiรจreฮป ‘ qui lโenglobe en multipliant cette derniรจre par N tirages de la variable alรฉatoireยตฯ (oรน ฮป = ฮป1n ) : ฮฆฮปฮป ‘๏จ Bฮปฮป ‘๏ ๏ฉ =๏ ๏ โยตฯi ร ฮฆฮป ‘ N ๏จ Bฮป ‘๏ ๏ฉ (Eq. 3.22).
Si maintenant nous supposons que๏ ๏จฮฆฮป๏ ๏ฉฮปโฅ1 est en fait continue en รฉchelle, il y aura entre les deux รฉchelles 4โ et 44โ fixรฉes une diffรฉrence non plus deN mais une infinitรฉ dโincrรฉments multiplicatifs รฉlรฉmentaires, chacun associรฉ ร un rapport dโรฉchelle รฉlรฉmentaire tendant vers 1 (cf. Fig. 3.8 ci-dessus). โ ๏จ Bฮป ‘๏ ๏ฉ (Eq. 3.23).
Nous pouvons alors dรฉfinir un ยซ incrรฉment multiplicatif continu ยป ยตฯ , dรฉpendant du rapport dโรฉchelle: ฮฆฮปฮป ‘๏จBฮปฮป ‘๏ ๏ฉ = ยตฯ (ฮป) ร ฮฆฮป ‘๏จBฮป ‘๏ ๏ฉ (Eq. 3.24).
Or, si ยตฯ (ฮป) peut รชtre รฉcrit comme le produit dโune infinitรฉ devariables alรฉatoires, cela signifie que log๏จยตฯ (ฮป)๏ฉ admet la mรชme distribution que la somme dโune infinitรฉ de variables alรฉatoires. d โ โฮป โ๏ ๏จ X i๏ ๏ฉiโฅ1 t.q. log๏ยตฯ (ฮป)๏๏ฝ X i (Eq. 3.25).
Lโรฉquation (Eq. 3.25) exprime en fait que log๏จยตฯ (ฮป)๏ฉ est une variable alรฉatoire de distribution infiniment divisible. ยตฯ (ฮป) suit donc une loi log – infiniment divisible Il en est de mรชme pourฮฆฮป qui admet les mรชmes moments que ceux deยตฯ ฮป( ).
Lโinfinie divisibilitรฉ est une propriรฉtรฉ caractรฉrisant une classe plus restreinte de variables alรฉatoires et de lois de probabilitรฉ. Parmi cellesci,- on trouve la loi normale, les lois stables (qui sont gรฉnรฉralisent le cas des lois normales, etdont les propriรฉtรฉs sont dรฉcrites dans lโAnnexe A), la loi de Poisson, la loi de Poisson composรฉe, la loi exponentielle et la loi Gamma. Dans la littรฉrature gรฉophysique, les lois postulรฉes le plus frรฉquemment pour log๏จยตฯ (ฮป)๏ฉ sont la loi de Poisson et les lois stables (incluant le cas gaussien), ce qui conduit aux cascades log-Poisson, et log- stables dรฉcrites ci-dessous. Potentiellement, nโimporte laquelle de ces lois pourrait รชtre utilisรฉe mais lecas log-stable est peut-รชtre le plus vraisemblable vu quโil correspond au rรฉsultat dโune sorte de ยซ thรฉorรจme limite centrale multiplicatif ยป. Pour une discussion sur les degrรฉs dโuniversalitรฉ respectifs prรฉsentรฉs par de tels modรจles, on pourra se rรฉfรฉrer ร (Schertzer & Lovejoy, 1997 ; Gupta & Waymire, 1997).
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Table des matiรจres
1 INTRODUCTION
1.1 CONTEXTE GENERAL : LA VARIABILITE DES PRECIPITATIONS
1.2 CADRE DE LโETUDE
1.3 BUT DE LA THESE
1.4 PLAN DE LA THESE
2 APPLICABILITE DES MODELES FRACTALS AUX PRECIPITATIONS: JUSTIFICATION ET ETAT DE L’ART
2.1 SYMETRIES DโECHELLES DANS LโATMOSPHERE
2.1.1 L’atmosphรจre comme systรจme complexe
2.1.2 Consรฉquences sur la modรฉlisation numรฉrique
2.1.3 Lois dโรฉchelle de la turbulence et des รฉcoulements atmosphรฉriques
2.1.4 Lois dโรฉchelle pour les scalaires passifs
2.1.5 La pluie suit-elle des lois de type KOC?
2.1.6 Interprรฉtation en termes de fractals et de multifractals
2.2 PREUVES EMPIRIQUES DES PROPRIETES DE ยซ SCALING ยป DE LA PLUIE
2.2.1 Des fractals aux multifractals
2.2.2 Multifractalitรฉ de la pluie : rรฉsultats empiriques
2.2.3 La multifractalitรฉ ยซ universelle ยป
2.3MULTIFRACTALITE ET PLUIE : PROBLEMATIQUES A RESOUDRE
2.4 CONCLUSION
3 FRACTALS ET MULTIFRACTALS : FONDEMENTS THEORIQUES
3.1 INTRODUCTION
3.2 LES OBJETS FRACTALS
3.2.1 Introduction et premiers exemples
3.2.2 Notion de dimension fractale
3.2.3 Vocabulaire : รฉchelles et rรฉsolutions
3.2.4 Notion de co-dimension fractale
3.2.5 Exemple : dimension fractale de lโensemble de Cantor
3.3 PROCESSUS ET CASCADES MULTIFRACTALS
3.3.1 Introduction
3.3.2 Les multifractals comme limites de cascades alรฉatoires
3.3.3 Propriรฉtรฉs mathรฉmatiques gรฉnรฉrales des cascades multifractales
3.3.4 Exemples de cascades multiplicatives discrรจtes
3.4 CASCADES CONTINUES EN ECHELLE โ UNIVERSALITE
3.4.1 Nรฉcessitรฉ dโune approche universelle
3.4.2 Cascades log – infiniment divisibles
3.4.3 Illustration : le modรจle log-Poisson
3.5MULTIFRACTALES UNIVERSELLES (LOG-STABLES)
3.5.1 Cascades non intรฉgrรฉes
3.5.2 Cascades intรฉgrรฉes
3.6 LIMITATIONS DโECHANTILLON ET DIVERGENCE DES MOMENTS
3.6.1 Divergence de certains moments des quantitรฉs intรฉgrรฉes
3.6.2 Contraintes liรฉes ร la taille dโรฉchantillon
3.6.3 Consรฉquences pour lโobservation des valeurs extrรชmes
3.7 CONCLUSION
4 PROCEDURES DE SIMULATION ET DโANALYSE DE MULTIFRACTALS UNIVERSELSย
4.1 INTRODUCTION
4.2 SIMULATION DES MULTIFRACTALS UNIVERSELS
4.2.1 Principe gรฉnรฉral
4.2.2 Gรฉnรฉration des variables stables
4.2.3 Implรฉmentation des convolutions
4.2.4 Exemple de simulation
4.3 ANALYSE MULTIFRACTALE DE DONNEES
4.3.1 Aperรงu dโensemble
4.3.2 Analyse spectrale et fonction de structure du premier ordre
4.3.3 Estimation des moments empiriques
4.3.4 La technique du ยซ Double Trace Moment ยป (DTM)
4.4 CONCLUSION
5 ANALYSE MULTIFRACTALE DE DONNEES DE PRECIPITATIONS A HAUTE RESOLUTION SPATIALE ET TEMPORELLE
5.1 INTRODUCTION
5.2 PARAMETRES UNIVERSELS POUR LA PLUIE DANS LA LITTERATURE : ETAT DE LโART
5.3 DONNEES
5.4 ANALYSE MULTIFRACTALE DES DONNEES DE PRECIPITATIONS
5.4.1 Les rรฉgimes dโinvariance dโรฉchelle
5.4.2 Sรฉlection de sous-ensembles excluant les zรฉros de la pluie
5.4.3 Que vaut lโexposant H dans les zones de pluie ?
5.4.4 Rรฉsultats de lโanalyse multifractale avec et sans zรฉros (cas spatial)
5.4.5 Rรฉsultats de lโanalyse multifractale avec et sans zรฉros (cas temporel)
5.4.6 Correction empirique de lโeffet des zรฉros par analyse pondรฉrรฉe
5.5 BILAN SUR LโEFFET DES ZEROS DE LA PLUIE ET INTERPRETATION DES PARAMETRES ET C1 ยซ CORRIGES ยป
5.6 INTERPRETATION EN LIEN AVEC LES SCALAIRES PASSIFS
5.6.1 Introduction
5.6.2 Proposition dโune approche basรฉe sur KOC pour la variabilitรฉ spatiale des prรฉcipitations
5.7 CONCLUSION
6 MODELISATION ET CORRECTION DES EFFETS DโUN SUPPORT FRACTAL
6.1 INTRODUCTION
6.2 INCLUSION DES ZEROS DANS DES SIMULATIONS MULTIFRACTALES
6.3 SIMULATION DE LโEFFET DES ZEROS PRODUITS PAR UN MODELE A SEUIL
6.4 PROPRIETES SCALANTES DU SUPPORT DE LA PLUIE
6.5MODELISATION MATHEMATIQUE DE LโEFFET DES ZEROS
6.5.1 Rupture de scaling pour les multifractals seuillรฉs
6.5.2 Estimation thรฉorique des biais liรฉs aux zรฉros sur les paramรจtres multifractals
6.5.3 Validation des formules exprimant le biais sur les paramรจtres multifractals
6.6 CONCLUSION
7 APPLICATIONS : DOWNSCALING ET MODELISATION DES EXTREMES
7.1 INTRODUCTION
7.2MULTIFRACTALS ET DISTRIBUTION DES TAUX PRECIPITANTS EXTREMES
7.2.1 Principe
7.2.2 La distribution de probabilitรฉ de la sรฉrie DBS
7.2.3 Comparaison des valeurs thรฉoriques et empiriques de D q
7.3MULTIFRACTALS ET ALGORITHMES DE DOWNSCALING
7.3.1 Introduction
7.3.2 Cascades multifractales et downscaling
7.3.3 Limitations des algorithmes existants
7.3.4 Algorithme de ยซ downscaling multifractal universel ยป
7.4 CONCLUSION
8 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
A – RAPPELS SUR LES LOIS STABLES
A.1 Dรฉfinition
A.2 Fonctions caractรฉristiques des variables stables
A.3 Moments et fonction gรฉnรฉratrice des moments
A.4 Autres propriรฉtรฉs des variables stables
B – CONSTRUCTION MATHEMATIQUE DE CHAMPS MULTIFRACTALS ยซ UNIVERSELS ยป
B.1 Principe
B.2 Fonction de pondรฉration
B.3 Dรฉtermination de lโamplitude du bruit stable
RรFรRENCES
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