Analyse linguistique des messages publicitaires dans les radios et télévisions

La diglossie et le bilinguisme dans la publicité au Sénégal

   Le Sénégal a une situation sociolinguistique dominée par deux langues : le wolof qui est considérée comme véhiculaire et la langue française considérée comme officielle. En effet, cette situation ne laisse pas indifférente la communication publicitaire surtout celle des messages oraux diffusés dans les radios et télévisions au Sénégal car de manière générale dans les messages publicitaires au Sénégal nous retrouvons le wolof et le français. Et cette dualité entre ces deux langues peut être qualifiée de diglossie. En effet, la diglossie en sociolinguistique peut se définir comme : « l’état dans lequel se trouvent deux variétés linguistiques coexistant sur un territoire donné ayant, pour des motifs historiques et politiques, des statuts et des fonctions sociales distinctes, l’un étant représenté comme supérieure et l’autre inférieure au sein de la population. Les deux variétés peuvent être des dialectes d’une même langue ou bien appartenir à deux langues différentes». Dès lors la diglossie est la cohabitation de deux langues dont l’une est pressentie comme formelle et l’autre comme informelle. Ainsi nous constatons que le wolof et le français occupent l’espace publicitaire au Sénégal car même si le wolof connait une légère domination le français reste privilégié dans certains lieux et contexte de communication publicitaire. Cette cohabitation entre les deux langues dans le secteur publicitaire au Sénégal oblige souvent les annonceurs à faire sur une même thématique deux spots différents dont l’un sera en wolof et l’autre en français pour mieux atteindre les cibles. De même, le Sénégal est un pays où un nombre très important de la population est bilingue. En d’autres termes la majorité de la population sénégalaise utilise au moins deux langues que sont le wolof et le français. Cette coexistence de ces deux langues chez les locuteurs sénégalais est à la fois historique, politique mais aussi une volonté populaire d’une communauté qui se veut deux codes de communication commune. Cette volonté est très manifeste dans la communication publicitaire et nous pousse à qualifier la situation qui prévaut dans l’espace publicitaire au Sénégal de bilinguisme car il se définit comme : «une situation linguistique dans laquelle les sujets parlants sont conduits à utiliser alternativement, selon les milieux ou les situations, deux langues différentes ». C’est le cas le plus courant du plurilinguisme. Mais William F. Mackey dans sociolinguistique concepts de bases le définit comme : « un phénomène mondial. Dans tous les pays, on y retrouve des personnes qui utilisent deux ou plusieurs langues à divers fins et dans divers contextes ». D’où le Sénégal s’inscrit dans un contexte de communication mondiale qui pousse le locuteur à parler deux ou plusieurs langues. Et nous concevons que la publicité au Sénégal est faite dans sa majorité en wolof et en français. Cette volonté de communication à travers deux langues dominantes ne laisse pas indifférente le secteur publicitaire de manière général et des messages publicitaires oraux en particulier. Ainsi la plupart des messages publicitaires radiophoniques et télévisuels se font soit en langue française soit en langue wolof. A la lumière de notre constant, nous pouvons dire que ces deux notions sociolinguistiques sont très proches mais différentes dans leur sens. C’est ainsi que Joshua Fishman les identifie en qualifiant la diglossie de phénomène sociale c’est-à-dire relatif à une société donnée et du bilinguisme comme individuel c’est-à-dire qui relève de la psycholinguistique de l’individu. Partant de ces définitions de Fishman nous nous apercevons de la complexité de la situation des langues wolof et français dans la publicité au Sénégal. Tantôt nous pouvons le concevoir comme un bilinguisme tantôt comme une diglossie et cela amène même les annonceurs des messages publicitaires au Sénégal en général et de publicité radiophoniques et télévisuels à faire recours à un changement ou mélange de code de communication.

L’alternance codique ou le code switching en anglais

   Le Sénégal est un pays marqué par une multitude de langues dont chacune cherche à se faire une place dans la communication quotidienne. En effet, cela aura des répercussions sur les interlocuteurs qui font souvent des mélanges de langues durant leur processus de communication. Cette situation de confusion ou de mélange de deux langues nommée alternance codique intervient souvent dans les messages publicitaires oraux au Sénégal. Considéré comme le changement d’au moins de deux codes linguistiques. C’est ainsi que J. Gumperz le définit comme : « la juxtaposition, à l’intérieur d’un même échange verbal, de passages ou le discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents  ». Ainsi selon l’auteur l’alternance codique peut concerner un discours, une phrase entière. Et dans la même logique P. Gardner définit le code switching comme : « changement/alternance de la langue ou de la variété linguistique dans un discours ou une conversation ». En effet, plusieurs définitions peuvent être prises en considération dans le cadre de notre travail. Comme P. Gardner Chloros nous fait le constat: « Il y a code switching parce que la majorité des populations emploie plus qu’une seule langue et que chacune de ces langues a ses structures propres, de plus chacune peut comporter des dialectes régionaux ou sociaux, des variétés études registres distincts dans un discours ou une conversation ». Dès lors, l’alternance codique est l’utilisation de codes multiples dont fait souvent recours le concepteur-rédacteur d’un message publicitaire audiovisuel au Sénégal pour mieux attirer l’attention des consommateurs ou cibles. En effet, il a tendance à mélanger le wolof et les autres langues étrangères vice versa. Cependant force est de constater que cette mélange est volontaire de la part du concepteur- rédacteur pour faire passer son message dans une communauté bilingue dont chaque langue joue un rôle capital. C’est comme dans un spot publicitaire en interaction de MNA concernant les pattes PASTAMIE et farines pâtissières où la première intervenante disait : « Waw cordon bleu Patisen pâtes poulet li lane la ci téranga ». Ainsi dans cette intervention nous avons une alternance codique entre le wolof à travers les mots (waw– li- lane –la- ci- téranga) et les mots français comme (cordon bleu-pâtes- poulet) Il faut aussi noter que cette alternance codique peut se faire avec deux voix dont l’une sera la langue principale et l’autre secondaire qui permet de répéter le même discours dans une autre langue. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette publicité tirée de notre corpus du produit laitier, vitalait dont deux voix alternent. En effet nous avons celui du narrateur qui s’exprime en français et l’alternance d’une autre voix en wolof.
– « Jay ju vitalait
– Dans mon village nous débutons la journée avec vitalait. Ce lait en poudre instantané nous donne sourire et la joie de vivre.
– Guisga li lep vitalait la, moy bourou méw yi. Man duma nane benen mew budul vitalait.
– Vitalait moko yor ».
Ainsi, partant de ces exemples on voit parfaitement le degré de complémentarité qui existe entre la langue française et wolof dans la communication de manière générale et dans la communication publicitaire des messages oraux en particulier qui bascule souvent le locuteur dans l’interférence linguistique.

La présence de la musique dans la publicité audiovisuelle sénégalaise

   Elle est présente dans presque toutes les publicités télévisuelles et radiophoniques au Sénégal. Et cette musique se présente sous différentes formes parfois même on retrouve deux sonorités musicales différentes dans la même publicité. C’est comme l’exemple de Tigo illimix où nous avons deux sonorités musicales (le rap sénégalais et une musique de la sous-région) et parfois on rencontre d’autres sonorités comme le Mbalax (musique sénégalaise rythmée par les sonorités de tam-tam) qui est présente dans la publicité de « color my » avec l’artiste Youssou Ndour. De la même manière, on note la présence des sons religieux dans la publicité de « khélcom bâche » avec l’utilisation de xassaide39. En effet, ce type de publicité dont la musique est faite en « xassaide » même s’il vise l’ensemble des consommateurs se veut une singularité qui s’identifie à la communauté Mouride car dès qu’on entend les « xassaides » on sait automatiquement que les propriétaires du produit appartiennent à cette communauté. Mais aussi force est de constater que dans certaines publicités cette musique est réalisée spécialement pour le lancement d’un produit. Dans ce contexte, c’est l’entreprise concernée qui prend des artistes souvent connus du public sénégalais dans le but de lancer un produit dont l’objectif sera la conception d’un chanson qui souvent chante le nom et la qualité du produit dans le but de faire sa promotion. C’est comme dans l’exemple de la publicité du thé « koutam » et de « poste one ». Dans ces deux spots publicitaires, nous avons respectivement des chansons conçues spécialement pour les produits misent en valeur. De même ces chansons peuvent aussi être de simple modification de certaines chansons qu’on cherche à harmoniser avec le nom et la qualité du produit pour en former une nouvelle chanson.

La tonalité ironique

   Elle peut se définir comme « une dénonciation au second degré de quelque chose d’inacceptable. Elle critique d’une manière indirecte. Une connivence s’établit entre l’auteur et le lecteur ». En effet, dans la publicité surtout dans celle des messages audiovisuels sénégalais, le concepteur-rédacteur utilise souvent l’idée de comparaison de son produit avec des concurrents qu’il cherche à interpeller indirectement. Dès lors il utilise souvent dans son processus d’argumentation des antiphrases, des juxtapositions, des mots à valeur négatif, des périphrases et appellations insolites. C’est comme l’exemple de cet extrait sur le stylo technique dont le narrateur cherche à établir un lien entre l’échec des élèves et les stylos qu’ils utilisent. « On connait tous un camarade de classe qui n’est pas forcément plus intelligent que nous mais pour une raison ou une autre parvient toujours à décrocher la meilleure note. »

Conclusion

   Au cours de notre travail, nous avons eu à faire une introduction générale avant d’entrée dans le vif de notre sujet. En somme ce travail est réparti en trois parties. Dans la première partie nous avons parlé du cadre théorique et méthodologique et dans la deuxième partie nous allons vu la situation sociolinguistique et les données lexicales. En fin, dans troisième partie, nous avons eu à étudier notre corpus. Cependant faire ce travail n’était pas une simple distraction intellectuelle. En effet, il faut signaler que durant ce travail, nous avons eu à rencontrer certaines difficultés comme la documentation car même si dans les bibliothèques fréquentées nous pouvons admettre qu’il y a des œuvres qui abordent le théme de la publicité, force est de reconnaitre qu’il existe peu d’ouvrages qui abordent les liens entre la publicité et la linguistique. Ensuite nous précisions aussi qu’il n’était pas facile de rencontrer les personnalités qui évoluent dans ce secteur. Malgré notre volonté et les multiples efforts, nous n’avions pas eu la chance de les rencontrer. Enfin, dans certains aspects de la linguistique nous n’avions pas pu en citer plusieurs exemples du fait de la forte présence des fautes qui couronnent ce secteur au Sénégal. D’autant plus la linguistique utilisée dans ce type de message n’est pas souvent audible car c’est un milieu qui manque de professionnalisme et n’importe quelle voix peut transmettre ce genre de message sans aucune formation préalable. Ce qui pousse notre réflexion vers des dialogues approfondie entre tous  les acteurs du secteur publicitaire pour des lendemains meilleurs. Et de notre humble avis, le secteur publicitaire audiovisuel sénégalais méritait des réformes surtout sur le plan linguistique. En effet, on devrait davantage harmoniser le secteur pour faciliter la réception du message.

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Table des matières

Introduction
Première Partie : le cadre théorique et méthodologique
Chapitre premier : le cadre théorique
1. Problématique et question de recherche
2.1 Problématique
1.2 Questions de recherche
2. Contexte et justification
2.1 Contexte
2.2 Justification
3. L’objectif de recherche
4. Revue de la littérature
Deuxième chapitre : Cadre Méthodologique
1. Présentation du sujet
2. choix du sujet
3. Collecte et gestion des données
Deuxième partie : La situation sociolinguistique et les données lexicales au Sénégal : définition et discussion des concepts
Chapitre I : Situation sociolinguistique au Sénégal
1. La diglossie et le bilinguisme dans la publicité au Sénégal
2. L’alternance codique ou le code switching en anglais
3. L’interférence linguistique
Chapitre II : Les données lexicales
1. Le néologisme publicitaire au Sénégal
1.1 La suffixation
1.2 la composition
3.1 L’emprunt
A. l’emprunt lexical
B. L’emprunt sémantique
Troisième partie : Exploitation du corpus proprement dite
Chapitre I : La manifestation de l’argumentation dans les messages publicitaires audiovisuels
1. L’argumentation descriptive
2. L’argumentation narrative
1.1. Un narrateur solitaire dans le spot
1.2. Un narrateur avec un allocutaire ou des interlocuteurs
2. Une argumentation commentée
4. Une argumentation informative
5. Le mélange de ces types d’argumentation
Chapitre II : Analyse stylistique des messages publicitaires
I. Certains aspects spécifiques à la publicité audiovisuelle sénégalaise
1. Rapport entre la parole et la visuelle
2. La présence de la musique dans la publicité audiovisuelle sénégalaise
3. Présence des embrayeurs
4. La présence de l’apostrophe
5. La présence d’une ponctuation sous entendue
6. L’emploie fréquent de l’impératif
II. Le registre ou niveau de langue dans la publicité audiovisuelle
1. Le langage soutenu
2. Le langage courant
3. Le langage familier ou argotique
III. La tonalité dans la publicité audiovisuelle sénégalaise
1. La tonalité comique
2. La tonalité ironique
3. La tonalité lyrique
4. La tonalité oratoire
5. La tonalité didactique
IV. Les fonctions du langage dans la publicité sénégalaise audiovisuelle
1. La fonction expressive ou émotive
2. La fonction conative
3. La fonction référentielle
La fonction phatique
4. La fonction métalinguistique
5. La fonction poétique
V. La rhétorique publicitaire ou les figures de style des messages publicitaires audiovisuels
1. Les figures de mots
1.1 La répétition
1.2 L’anaphore
1.3 La tautologie
1.4 La paronomase
1.5 La gradation
1.6 Le pléonasme
2. Les figures de sens
2.1 La rime
2.2 La comparaison
2.3 La métaphore
2.4 La personnification
2.5 L’hyperbole
VI. La connotation et la dénotation
7. La connotation
8. La dénotation
Conclusion
Bibliographie

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