Analyse ethnographique et sociologique du hacker

ANALYSE ETHNOGRAPHIQUE ET SOCIOLOGIQUE DU HACKER

Pour saisir la richesse des pratiques des hackers et des significations qui leur sont attribuรฉes, les รฉtudes portant sur leur milieu social, menรฉes par Steven Levy, Manuel Castells, Philippe Breton, Amaelle Guiton, Steven Weber, Eric von Hippel, Pekka Himanen, Nicolas Auray, Sebastien Broca ou Gabriella Coleman sont incontournables. Nous pouvons soutenir nos arguments par la documentation quโ€™ont offert ces nombreux travaux universitaires. Cependant, dans son ouvrage The Success of Open Source, Steven Weber met en garde contre lโ€™emploi trop frรฉquent de notions abstraites comme celle de ยซ systรจme auto-organisรฉ ยป. Il insiste sur la nรฉcessitรฉ de partir dโ€™une ยซ description minutieuse des conduites rรฉelles ยป.ย  En effet, pour comprendre le sens que donnent les hackers ร  la programmation, il semble, dans un premier temps, crucial dโ€™analyser les hackers individuellement puis au sein de leur communautรฉ afin de caractรฉriser leurs points communs et divergents au sein mรชme et en dehors de la programmation. Cโ€™est en rencontrant et discutant directement avec des hackers, en analysant leurs critรจres sociodรฉmographiques et psychographiques que nous pourrons avoir plusieurs clรฉs en main, pour savoir si les hackers forment un groupe social et tirer des conclusions sur la maniรจre, dont ces communautรฉs sโ€™organisent rรฉellement. Pourtant, comme lโ€™affirme Manuel Castells, ยซles hackers sรฉrieux nโ€™existent fondamentalement quโ€™en ligne ยป. Il a รฉtรฉ effectivement difficile de rencontrer physiquement des hackers. Ainsi, lโ€™essentiel de lโ€™analyse suivante est le fruit dโ€™un questionnaire mis en ligne le 28 juin 2018 et dโ€™entretiens tรฉlรฉphoniques.

CRITERES SOCIODEMOGRAPHIQUES ET PSYCHOGRAPHIQUESย 

Les critรจres sociodรฉmographiquesย 

Un critรจre sociodรฉmographique peut รชtre dรฉfini comme ยซ un critรจre de segmentation ou de ciblage reposant sur une caractรฉristique sociale ou dรฉmographique des individus. ยป Il en existe plusieurs mais nous allons nous consacrer sur les critรจres socio-dรฉmographiques les plus utilisรฉs, ร  savoir : le sexe, lโ€™รขge, le niveau dโ€™รฉtudes, la profession, la nationalitรฉ, et lโ€™habitat. Trรจs rapidement, on remarque que ces critรจres sont radicalement diffรฉrents dโ€™un hacker ร  lโ€™autre. Il semblerait donc ร  premiรจre vue quโ€™il nโ€™y ait pas un seul ยซ type ยป de hacker mais une multitude.

Sur les 14 personnes interrogรฉes, sept ont entre 17 et 23 ans, une personne ร  30 ans, quatre ont entre 39 et 42 ans et deux ont 50 ans. Il semblerait donc que tous les รขges soient ici reprรฉsentรฉs, hormis les enfants et les sรฉniors. On retrouve une lรฉgรจre supรฉrioritรฉ pour les 17- 23 ans, nous laissant croire que le hacking est davantage une activitรฉ de ยซ jeunes ยป mais rappelons que ce sont essentiellement des gens de notre entourage qui ont rรฉpondu ร  ce questionnaire et donc essentiellement des รฉtudiants entre 18 et 24 ans. En effet, lorsquโ€™on analyse lโ€™activitรฉ professionnelle de la personne interrogรฉe, sur quatorze, cinq sont รฉtudiants (un รฉtudiant en design graphique et lโ€™autre en informatique, nous nโ€™avons pas davantage de prรฉcisions pour les autres), trois sont dรฉveloppeurs informatique, quatre sont ingรฉnieurs dans un secteur diffรฉrent de lโ€™informatique, une personne est au chรดmage et une personne nโ€™a pas souhaitรฉ rรฉpondre ร  la question. Pour trois รฉtudiants sur cinq, nous ne savons pas quelle est leur spรฉcialitรฉ, si celle-ci est liรฉe ou non ร  lโ€™informatique. Sโ€™ils le sont, cela signifie que plus de la moitiรฉ des personnes interrogรฉes font de lโ€™informatique leur mรฉtier. Si ce nโ€™est pas le cas, nous pouvons tout de mรชme affirmer que plus de la moitiรฉ des sondรฉs sont des ingรฉnieurs (en informatique ou non). Il semblerait donc que le hacker ait un attrait pour lโ€™informatique ou du moins pour la ยซ chose scientifique ยป. Concernant le niveau dโ€™รฉtudes de la personne, deux ont le bac, deux ont un DUT, deux ont un niveau bac+3, six ont un niveau de master, dont deux personnes spรฉcifient quโ€™elles ont le titre dโ€™ingรฉnieur, une personne ร  un bac+6 et la derniรจre ne souhaite pas rรฉpondre ร  cette question. Majoritairement, les personnes interrogรฉes ont fait des รฉtudes supรฉrieures. Pourtant, lorsque Michel Lallemand interroge plusieurs hackers de San Francisco, il dresse un profil type du hacker comme รฉtant un individu heurtรฉ avec le systรจme scolaire. ร€ lโ€™inverse, les hackers que nous avons interrogรฉs ici ne semble pas รชtre indisposรฉs par le faire dโ€™aller en cours ou de faire des รฉtudes supรฉrieures.

Concernant leur lieu de vie, sur les quatorze personnes interrogรฉes, huit personnes habitent en France (Paris, Montpellier, Le Havre, Alรจs, Lille, Hรฉberville, Kremlin Bicรชtre), une au Quรฉbec, trois aux Pays-Bas, une au Maroc. Il y a aussi une personne qui considรจre vivre ยซ un peu partout ยป et une autre qui nโ€™a pas souhaitรฉ rรฉpondre ร  cette question. Pour les personnes interrogรฉes qui ont rรฉpondu la France, elles ne vivent pas seulement dans la capitale (seulement deux personnes habitent Paris et son agglomรฉration) mais plutรดt dans des villes de taille moyenne. Par ailleurs, ce critรจre quโ€™est le lieu de vie pose la question de la communication entre les hackers. Il semblerait que les hackers nโ€™ont pas besoin dโ€™un lieu physique pour se retrouver et รฉchanger leurs idรฉes. ยซ Globalement, la communautรฉ hacker est planรฉtaire et virtuelle. Sโ€™il y a des moments de rencontre physique, des fรชtes, des confรฉrences, des salons, les รฉchanges sont essentiellement รฉlectroniques. ยป Ainsi, ยซ la place du corps dans le systรจme de valeurs de la tribu informatique mรฉrite un instant dโ€™attention. ยป Lorsquโ€™on demande aux personnes interrogรฉes si elles se rendent dans des hackerspaces ou des confรฉrences liรฉes au hacking, la majoritรฉ rรฉpond par la nรฉgative. En outre, un rรฉpondant se justifie : ยซ je nโ€™ai pas besoin de me rendre dans des hackerspaces, รงa sert carrรฉment ร  rien dโ€™ailleurs, et pour les confรฉrences, sโ€™il y a des thรฉmatiques qui mโ€™intรฉressent, il existe internet, or les confรฉrences ne traitent quโ€™une partie de lโ€™informationโ€ฆ Quand jโ€™ai besoin dโ€™aide, je ne vais pas regarder une confรฉrence de deux heures qui parle de ce que je sais dรฉjร . ยป Deux autres rรฉpondants dรฉclarent prรฉfรฉrer regarder des confรฉrences en ligne plutรดt que de sโ€™y rendre personnellement. Ainsi, si les hackers forment un groupe social et culturel (ce que nous essayons ici de confirmer ou dโ€™infirmer), le fait de se voir ยซ de visu ยป nโ€™est pas le critรจre principal qui indiquerait le lien social. Peut-รชtre alors quโ€™une personne attachรฉe ร  son ordinateur et Internet ressent moins le besoin de socialiser ยซ physiquement ยป quโ€™une personne lambda. Ainsi, nous pourrions en venir ร  penser que lorsquโ€™une personne est trรจs attachรฉe ร  lโ€™ordinateur et Internet, elle se met ร  interagir seulement tel que le rรฉseau lui permet, cโ€™est-ร dire, en mettant de cรดtรฉ son corps. Cela pose aussi la question de la reprรฉsentation de soi : leur rapport au corps indique une certaine conception de lโ€™esprit. Philippe Breton donne lโ€™exemple de Steve Jobs qui ยซ nโ€™est apparu en public pendant de longues annรฉes que pieds nus, dโ€™une saletรฉ repoussante, et indiffรฉrent, ร  lโ€™รฉvidence, ร  ce qui pouvait bien arriver ร  son corps. ยป Lorsquโ€™on pose la question de la nationalitรฉ, elle semble concorder avec le lieu dโ€™habitation. En effet, ont rรฉpondu : sept franรงais, un canadien, un marocain, un portugais, deux nรฉerlandais, un tunisien et reste toujours une personne qui nโ€™a pas souhaitรฉ rรฉpondre ร  cette question.

Finalement, le critรจre du ยซ genre ยป nรฉcessite quโ€™on sโ€™y attarde un peu plus. Sur les quatorze personnes interrogรฉes, aucune ne sont des femmesโ€ฆ Constanze Kurz รฉvalue รฉgalement la proportion de femmes au Chaos Computer Club ร  un peu moins de 15%. Mรชme ratio pour le hackerspace berlinois C-base. Si dans les annรฉes 1950 et 1960, aucune femme ne se sโ€™est imposรฉe comme hacker, il semblerait que le phรฉnomรจne persiste. Steven Levy raconte : ยซ et ils restaient entre mecs. [โ€ฆ] Il y eut bien sur des femmes programmeuses, certaines trรจs compรฉtentes, mais aucune qui ait entendu lโ€™impรฉrieux appel de la foi ร  la maniรจre de Greenblat, Gosper ou dโ€™autres.ยป Cโ€™est รฉgalement ce quโ€™explique Josiane Jouรซt en analysant le phรฉnomรจne aujourdโ€™hui. Le chercheur affirme quโ€™il y a trรจs peu de femmes parmi les programmateurs passionnรฉs au point dโ€™en conclure que ยซ le plaisir et le dรฉsir investis dans la technique apparaissent comme des phรฉnomรจnes essentiellement masculinsยป. Selon Jouรซt, les femmes รฉtant plus pragmatiques, elles nโ€™arriveront pas ร  considรฉrer lโ€™ordinateur comme un partenaire de vie, ce qui semble รชtre lโ€™un des critรจres principaux pour devenir un hackerโ€ฆ Nous analyserons ce point un peu plus bas. Pourtant, Lagesen et Mellstrรถm rendent compte, dans un article dรฉdiรฉ ร  cette problรฉmatique, des diffรฉrences entre les pays. Si en France, il y a trรจs peu de femmes en informatique, et encore moins de femmes qui deviennent hacker, il semblerait que ce ne soit pas le cas en Malaisie. ร€ la facultรฉ dโ€™informatique et des technologies de lโ€™information de Kuala Lumpur, tous les responsables de dรฉpartement sont des femmes. A Penang, 65% des รฉtudiants en informatique sont des femmes.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
I. ANALYSE ETHNOGRAPHIQUE ET SOCIOLOGIQUE DU HACKER
A. CRITERES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES ET PSYCHOGRAPHIQUES
B. IDENTITร‰ GROUPALE DES HACKERS
C. HACKERS : CULTURE ALTERNATIVE ?
II. CODER LA LIBERTร‰ : Lโ€™ร‰THIQUE DERRIรˆRE LA PRATIQUE
A. HACKER OU MAKER : LA CULTURE DU FAIRE
B. LES HACKERS OU LE MYTHE DE Lโ€™INFORMATION LIBRE
C. LE HACKER COMME ENTREPRENEUR DE MORALE
III. LA CULTURE HACKER AU SEIN DES MODรˆLES DE REPRESENTATIONS AUTOUR D’INTERNET
A. VERS UNE NOUVELLE ร‰THIQUE DU TRAVAIL ?
B. Lโ€™ร‰CONOMIE DU DON HIGH TECH ET LA CULTURE DU ยซ REMIX ยป
C. FABRICATION DISCURSIVE Dโ€™UN ยซ ร‚GE Dโ€™OR ยป DU NUMร‰RIQUE ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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