L’amélioration des performances des moteurs des aéronefs fait partie des grands enjeux de l’aéronautique. Snecma, motoriste aéronautique et spatial de premier rang, travaille actuellement sur le développement d’un turbopropulseur, système de propulsion dont la poussée est obtenue par la rotation d’une hélice, reliée à une turbine de puissance. Le rendement d’un turbopropulseur est supérieur à celui d’un turboréacteur, mais son utilisation est limitée par la baisse du rendement aérodynamique de l’hélice au delà d’une vitesse de 800 km/h et audelà d’une altitude de 8000 m. Les turbopropulseurs sont ainsi bien adaptés aux avions ayant des vitesses de vol et des altitudes modérées, car relativement peu gourmands en carburant.
Le fonctionnement d’un turbopropulseur est décrit par les étapes ci-après :
– Le flux d’air est tout d’abord aspiré dans une série de compresseurs. L’air est alors comprimé, dans le but d’atteindre des vitesses, pressions et températures optimales à l’entrée de la chambre de combustion.
– L’air pénètre ensuite dans la chambre de combustion où du carburant est vaporisé par une série d’injecteurs. Le mélange air-carburant brûle, ce qui produit de la chaleur et fournit de l’énergie aux gaz brûlés.
– Les gaz sortant de la chambre de combustion entraînent par détente différentes turbines liées aux compresseurs, ainsi que la turbine de puissance (également appelée turbine à gaz).
– Cette dernière entraîne l’hélice par l’intermédiaire d’un réducteur mécanique. Un système d’actionnement du pas permet de faire varier l’angle des pales de l’hélice afin d’obtenir différentes puissances hélice, tout en conservant une vitesse de rotation de l’hélice constante.
– L’hélice fournit alors plus de 90% de la poussée du turbopropulseur, la poussée restante provenant des gaz d’échappement.
Le turbopropulseur comporte un système de régulation dont l’objectif principal est de contrôler la puissance souhaitée, tout en conservant une vitesse de rotation de l’hélice constante et sans franchir certaines limites de température, pression et vitesse, quels que soient l’état du turbopropulseur et les conditions extérieures. Le dépassement de ces limites peut en effet entraîner de graves conséquences sur le moteur, allant de l’endommagement ou la fatigue prématurée des pièces, à la perte de contrôle du moteur. Le système de régulation fournit ainsi des fonctions de contrôle à tous les organes du turbopropulseur (gestion de la puissance, contrôle de la puissance et des boucles locales, gestion des températures, démarrage, protections diverses, health monitoring, gestion de la puissance électrique). D’un point de vue fonctionnel, un turbopropulseur est un système multivariable comprenant deux grandeurs de commande : le débit carburant à injecter dans la chambre de combustion et le pas de l’hélice, ainsi que deux grandeurs de sortie à asservir : la puissance délivrée par l’hélice et sa vitesse de rotation. Un aspect important de la régulation concerne les interactions entre la puissance et la vitesse de l’hélice. Ces variables sont en effet fortement couplées, ce qui signifie que des variations de l’une entraînent des écarts sur l’autre. Ces écarts sont préjudiciables au turbopropulseur d’un point de vue des performances. Ils entraînent par ailleurs des sur-couples importants qui endommagent les composants en fatigue. En dehors du découplage et d’objectifs de performances classiques (temps de réponse, dépassement, erreur statique), les lois de commande doivent être facilement ajustables et d’une complexité raisonnable.
Objectifs de l’analyse des interactions
Dans le cas où les interactions sont importantes, une commande décentralisée pure peut se révéler insuffisante, quelles que soient la configuration commandes-sorties sélectionnée et la méthode de synthèse des lois de commande adoptée. Il est toutefois possible d’utiliser des compensateurs, Ces derniers ont pour but de réduire les interactions, permettant ainsi d’appliquer une stratégie décentralisée sur le procédé muni des compensateurs. D’autres stratégies comme la commande partiellement décentralisée ou la commande décentralisée par blocs peuvent être adaptées lorsqu’une commande décentralisée pure est insuffisante. Le choix de ces stratégies, mais également leur mise en œuvre, requièrent une connaissance précise des interactions.
Dans le cas d’interactions peu importantes, une stratégie décentralisée est généralement suffisante. Se pose alors la question de savoir comment relier les r commandes et les r sorties. En fait, r! configurations permettent de commander le procédé. Pour un système TITO par exemple, il existe deux configurations la configuration dite diagonale où la commande u1 est élaborée à partir de l’erreur e1, et où u2 est élaborée à partir de e2, et la configuration non diagonale où les commandes u1 et u2 sont respectivement élaborées à partir des erreurs e2 et e1 (cette seconde configuration peut également être représentée comme une configuration diagonale en inversant les transferts du procédé).
Il est alors nécessaire de trouver la meilleure configuration de commande, i.e. celle où les couplages sont les moins importants. Il s’agit de l’appairage commandes-sorties (ou input-output pairing). Dans l’industrie, cet appairage se fait généralement de manière empirique, ce qui conduit à des solutions ad hoc sans aucune garantie d’avoir la solution optimale (Arranz, 2012). Une analyse des interactions permet de déterminer un bon apparairage. Cette analyse peut être complétée en utilisant des critères pratiques de commandabilité (présence de zéros instables dans les fonctions de transfert, saturations sur certaines commandes).
L’analyse des interactions permet également d’estimer s’il est nécessaire de prendre en compte les interactions durant la synthèse des correcteurs monovariables (synthèse multiboucle) ou non (synthèse monoboucle). Les objectifs d’une analyse des interactions sont donc multiples :
– Choix de la stratégie de commande.
– Choix de la configuration commandes-sorties dans le cas de la commande décentralisée.
– Choix de la stratégie de réglage des correcteurs dans le cas de la commande décentralisée.
Méthodologie de comparaison des méthodes d’analyse des interactions
Il n’est pas évident de classifier ces méthodes selon leurs objectifs car nombre d’entre elles peuvent appartenir à plusieurs catégories. L’étude de ces méthodes a montré qu’il était possible de les classifier selon leur schéma de calcul. Cinq classes de méthodes sont distinguées dans ces travaux :
– Méthodes fréquentielles.
– Méthodes temporelles.
– Méthodes des grammiens.
– Méthodes liées aux perturbations.
– Méthodes d’analyse post-synthèse.
Afin de déterminer les méthodes d’analyse les plus efficaces et pertinentes selon les objectifs précédemment décrits, les performances et la complexité des méthodes vont être prises en compte au travers de différents critères. Pour les performances, les critères suivants sont considérés :
– Approche dynamique : certaines approches considèrent uniquement la matrice des gains statiques du procédé, tandis que d’autres s’appuient sur des informations dynamiques (comme les bandes passantes du procédé ou bien les réponses fréquentielles complètes de celui-ci). Les méthodes qui exploitent ces informations dynamiques seront considérées comme plus précises.
– Analyse des interactions : selon les méthodes, l’analyse des interactions permet de différencier le sens des interactions dans les boucles, i.e. de distinguer les interactions entre une référence yrefi (ou une commande ui) et la sortie yj, de celles entre yrefj ou (uj) et yi, ce qui est préférable afin de déterminer une stratégie de commande adaptée.
– Confiance / Fiabilité : certaines méthodes aboutissent à des résultats plus fiables que d’autres, dans le sens où elles s’appuient sur des hypothèses plus ou moins respectées. Par ailleurs, certaines méthodes ont pour vocation principale l’analyse des interactions dans le cas TITO. La généralisation de ces méthodes à un procédé quelconque ne conduit pas systématiquement à des résultats fiables.
La complexité des méthodes est prise en compte au travers des critères suivants :
– Dépendance vis-à-vis de la normalisation du système : certains indices dépendent de la normalisation des commandes, sorties et entrées de perturbation. D’autres indices peuvent être appliqués tels quels sur un procédé car ils sont invariants à la normalisation du procédé.
– Dépendance de la configuration commandes-sorties : certains indices permettent d’évaluer les interactions pour l’ensemble des configurations, tandis que d’autres ne donnent des informations que pour la configuration commandes-sorties considérée. Ces derniers doivent alors être calculés pour chaque configuration, ce qui devient fastidieux étant donné que le nombre de configurations augmente rapidement avec le nombre de commandes et de sorties.
– Calcul – Analyse : la complexité des calculs et l’analyse des résultats sont plus ou moins appréhendables en fonction des méthodes. Le cas TITO sera distingué du cas général MIMO (Multiple Inputs Multiple Outputs) car certaines méthodes complexes deviennent relativement simples pour le cas TITO.
Les méthodes d’analyse seront brièvement présentées et le calcul des indices d’interaction sera explicité. Un tableau récapitulatif positionnera les différentes méthodes selon les critères préalablement définis. Les évaluations seront issues des outils théoriques mis en jeu et de tests en simulation effectués avec un système de cuves.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Analyse des interactions
I1. Introduction
I1a. Définition
I1b. Problèmes liés aux interactions
I1c. Objectifs de l’analyse des interactions
I1d. Méthodologie de comparaison des méthodes d’analyse des interactions
I2. Méthodes d’analyse des interactions
I2a. Méthodes fréquentielles
I2b. Méthodes temporelles
I2c. Méthodes des grammiens
I2d. Méthodes liées aux perturbations
I2e. Méthodes d’analyse post-synthèse
I2f. Étude comparative
I2g. Procédure d’analyse des interactions
I3. Application de la procédure d’analyse des interactions au système de cuves
I3a. Présentation du système de cuves
I3b. Analyse des interactions
I3c. Synthèse de régulateurs de type PI
I4. Conclusions sur l’analyse des interactions
Chapitre II. Synthèse d’une commande décentralisée
II1. Introduction
II2. Méthodes de réglage monoboucle
II2a. Généralités
II2b. Méthodes heuristiques
II2c. Commande par modèle interne PID-IMC
II2d. Méthode de réglage monoboucle proposée
II3. Méthodes de réglage multiboucle
II3a. Méthodes de detuning
II3b. Méthodes séquentielles et itératives
II3c. Méthodes simultanées
II3d. Méthodes indépendantes
II4. Application de commandes décentralisées au système de cuves
II4a. Méthode de synthèse monoboucle
II4b. Méthodes de detuning
II4c. Méthodes séquentielles et itératives
II4d. Méthodes simultanées
II4e. Méthodes indépendantes
II4f. Comparaison des méthodes sur le système de cuves
II5. Conclusions sur la synthèse d’une commande décentralisée
Chapitre III. Méthodes de Découplage
III1. Introduction
III1a. Principe du découplage
III1b. Méthodologie de comparaison des méthodes de découplage
III2. Méthodes de découplage statique
III2a. Méthodes avec pré-compensateur
III2b. Méthodes avec pré-compensateur et post-compensateur
III2c. Découplage par retour d’état
III2d. Conclusions de l’étude des méthodes de découplage statique
III3. Méthodes de découplage dynamique
III3a. Méthodes avec pré-compensateur
III3b. Méthodes avec pré-compensateur et post-compensateur
III3c. Conclusions de l’étude des méthodes de découplage dynamique
III4. Procédure de détermination des compensateurs
III5. Résultats de simulation dans le cas non linéaire
III6. Conclusions sur les méthodes de découplage
Chapitre IV. Application à un turbopropulseur
IV1. Principe de fonctionnement d’un turbopropulseur
IV1a. Description du turbopropulseur
IV1b. Modèles et lois de commande
IV1c. Objectifs
IV2. Identification et analyse
IV2a. Choix des points de fonctionnement
IV2b. Identification du turbopropulseur
IV2c. Analyse des modèles identifiés
IV2d. Conclusion sur l’identification et l’analyse des modèles identifiés
IV3. Application de la commande décentralisée
IV3a. Analyse des interactions
IV3b. Découplage du turbopropulseur
IV3c. Synthèse des régulateurs
IV3d. Mise en place d’une action par anticipation
IV3e. Interpolation des lois de commande
IV3f. Structure des lois de commande
IV3g. Résultats de simulation avec le modèle non linéaire
IV4. Étude de la robustesse des lois de commande
IV4a. Incertitudes et formes LFT du modèle de turbopropulseur
IV4b. Robustesse des lois de commande
IV5. Intégration dans le FADEC
IV5a. Implantation des lois
IV5b. Résultats
IV6. Conclusions de l’étude sur le turbopropulseur
Conclusions et perspectives
Bibliographie
Annexes