Analyse économique du comportement bureaucratique

“Les politique publiques ne doivent pas seulement être décidées, elles doivent aussi être mises en oeuvre. Tous les Etats ont recours pour cela à une bureaucratie. Celle-ci a une très grande influence sur les politiques réellement appliquées et, avec l’accroissement du poids du secteur public depuis la Seconde Guerre mondiale, l’étude de son comportement est devenue un passage obligé pour comprendre le fonctionnement des économies contemporaines.” Cette introduction de Jean Dominique Lafay illustre bien l’esprit de la présente étude sur la bureaucratie. En effet, les gouvernement des pays en développement (PED) voient leurs efforts n’avoir aucun impact sur le niveau de vie de leur population. En retraçant le processus d’application d’une politique économique, on distingue nettement deux étapes: la prise de décision au niveau du Gouvernement et l’éxécution au niveau de la bureaucratie. La présente étude analyse donc les défaillances rencontrées au niveau de l’éxécution des politiques du Gouvernement et propose un éventail de solutions, tout en les applicant au cas de Madagascar.

La bureaucratie est un terme rarement employé car elle traduit une administration influente ou être sans ambition et sans âme . Cette “terminilogie ambigüe” mérite d’être explicitée préalablement dans cette introduction. D’une part, la bureaucratie représente une catégorie d’agents, celle des fonctionnaires publics, qu’on appelle aussi bureaucrates, avec leurs objectifs et leurs caractéristiques propres. D’autre part, elle est aussi un mode d’organisation, fondée sur une hiérarchisation des tâches et des procédures strictement définis. Bien que cette définition demeure vraie, le sens courant de la bureaucratie l’a très vite dépassé mettant en exergue le caractère inefficace des systèmes de bureaux. Le terme bureaucratie est ainsi devenu péjoratif dans le sens que l’administration considérée est vouée à une lenteur exaspérante et à un travail routinier stérile.

APPROCHE CONCEPTUELLE DE LA BUREAUCRATIE 

Le terme de Bureaucratie a été créé par le physiocrate Vincent de Gournay (1712 – 1759). La conscience d’un pouvoir effectif des bureaux en liaison avec le problème politique se dessine dès lors, comme on peut encore le voir en certains passages de l’oeuvre de Rousseau concernant la dégénérescence des Etats par développement continu d’un système administratif qui tend à devenir système de pouvoir. Cependant, c’est seulement à partir de Hegel que la bureaucratie se constitue en tant que concept politique. Ce phénomène de “pouvoir par la détention d’un bureau” a depuis fasciné aussi bien les sociologues que les économistes.

Naissance et évolution du concept de bureaucratie

L’administration politique de Friedrich Hegel et Karl Marx

L’Etat hégélien
L’Etat hégélien comprend trois étages hiérarchisés : au sommet, le pouvoir ; à la base la société civile ; entre ces deux niveaux: les relais administratifs qui constituent la nécessaire médiation et font passer le concept de l’Etat dans la vie de la société civile. Ce pourquoi Hegel déclare que “l’Administration est l’esprit de l’Etat”.

Les trois fonctions de l’administration
Chez Hegel, surveiller, anticiper et tolérer sont les trois fonctions de l’administration. On remarquera que ce ne sont pas des fonctions créatrices pour la société, mais des fonctions régulatrices. Un système administratif est là pour assumer des tâches de type fonctionnel, nullement pour produire. D’où le désengagement de l’Etat du point de vue de la création de richesse, privatisation etc. Mais, il ne faut pas confondre avec une idéologie privatiste où le secteur privé est naturellement plus efficace pour tout.

Une lignée hégélienne: l’administration politique
Marx réplique à la vision de Hegel sur la bureaucratie: “La Bureaucratie n’est pas l’esprit de l’Etat, mais son manque d’esprit”. Cette assertion résume l’essentiel de la critique marxiste. Ce que Hegel nommait Administration, Marx le nomme Bureaucratie et le changement de terme marque déjà le passage d’une qualification positive à une qualification négative. Mais ce renversement conserve de Hegel le  modèle structural des trois étages hiérarchisés, la bureaucratie occupant l’étage intermédiaire. D’où, chez Marx, cet autre héritage de la pensée hégélienne: sans être encore véritablement le pouvoir, la bureaucratie est liée au pouvoir dont elle est l’instrument.

La bureaucratie comme un instrument de domination
Marx élabore ensuite une théorie de l’État qui implique une critique de la bureaucratie comme conséquence dérivée. On peut voir cette subordination et cette distinction relative des problèmes de I’Etat et de sa bureaucratie en plusieurs textes, et par exemple dans ce passage, de la Guerre civile en France : “…l’énorme parasite gouvernemental qui, tel un boa constrictor, enserre le corps social de ses replis multiples, l’étouffe de sa bureaucratie, de sa police, de son armée de métier, de son clergé établi et de son pouvoir judiciaire”. Dans la société que Marx analyse, la bureaucratie, la police, l’armée, l’Eglise et les Juges sont des moyens au service d’un Etat qui n’est lui-même qu’un moyen, un instrument d’oppression au service d’une classe dominante.

Ainsi, la bureaucratie se trouverait entre les mains d’une minorité afin d’assouvir leur soif de domination. L’efficacité se situe sur ce point dans la docilité de l’instrument considéré, mais pas dans un mécanisme oeuvrant pour l’intérêt général. Etant donné que l’Etat est lui même considéré comme un instrument, du point de vue de Marx, notre analyse ne le suivra pas dans ses détails. En effet, nous considérerons toujours un Etat bienveillant garant de l’intérêt général.

La bureaucratie dans la pensée socialiste

Evolution du problème avant Weber 

– La bureaucratie, détenteur de pouvoir
Un glissement de sens, lié à l’existence de masse, d’abord, puis des Etats dits socialistes, se produit dans les analyses de Lénine, de Trotsky, de Gramsci, de Rosa Luxemburg. Dans ces analyses s’effectue le passage de la bureaucratie, conçue comme un système de transmission à la bureaucratie considérée comme un système de décision ; de la critique d’une administration à la critique d’un pouvoir. En termes de structures : on ne distingue plus trois étages ; les deux étages du sommet sont maintenant confondus. L’analyse de la bureaucratie prend un nouvel élan avec ces auteurs socialistes. Chaque bureaucrate est maintenant une unité de décision, un détenteur de pouvoir.

– D’ un problème d’Etat au problème d’administration
Jusqu’à l’ère stalinienne, le problème se posait essentiellement au niveau de l’organisation des partis révolutionnaires. Avec l’Etat dit “socialiste”, le problème de la bureaucratie devient, dans les faits, le problème de l’Etat. Or, après le XXe Congrès, Khrouchtchev continue à distinguer, comme le faisaient Staline et Marx, l’Etat et la bureaucratie, dont le problème n’est pour lui celui du désordre administratif, du freinage dans l’édification du socialisme. Pour Khrouchtchev, le problème de la bureaucratie reste donc un problème d’administration ; il n’est pas fondamentalement le problème du pouvoir : la déstalinisation et la bureaucratisation ne se confondent pas.

– D’un problème administratif au problème organisationnel
Les faits ont cependant montré que le marxisme bute sur ce problème : l’organisation socialiste de l’économie et de la production, loin de supprimer le problème, l’a rendu au contraire plus aigu. On ne peut plus dissocier aujourd’hui le problème du pouvoir dans son ensemble de celui de la bureaucratie, ou de la techno-bureaucratie ; du lien de ce problème avec celui des méthodes modernes de l’organisation ; et notamment avec le principe du centralisme. Gramsci admet en effet, la possibilité d’un centralisme organique qui ne dégénère pas nécessairement en centralisme bureaucratique.

Cela conduit à la critique du marxisme. En effet, alors que dans la perspective marxiste, la bureaucratie n’est que le produit d’une dégénérescence qui altère un système de pouvoir hiérarchisé et centralisé, dans la perspective libertaire, au contraire, un tel pouvoir est déjà, au départ, celui d’une bureaucratie. On aperçoit par ce biais que le problème central de la bureaucratie n’est pas celui de l’administration, au sens classique de ce terme, mais bien celui de l’organisation. Or, c’est précisément par ce passage du problème administratif au problème organisationnel qu’on pourrait résumer l’histoire du concept de bureaucratie dans la sociologie contemporaine. En d’autres termes, l’histoire de l’administration est l’histoire de la naissance (Durkheim) et des modes de gestion correspondant (Hegel) de certains types de besoins sociaux. Ceux-ci renvoient à ce que Weber appelle la “rationalisation”.

Le modèle bureaucratique après Weber 

– Formation et développement d’une bureaucratie
Parmi les facteurs de la bureaucratisation, on relève :
a) la composition sociale des organisations. C’est le type d’analyse qu’on a parfois tenté d’appliquer à la bureaucratisation des partis ouvriers ;
b) le système de distribution du pouvoir, et, par exemple la centralisation, ou encore la hiérarchisation verticale. De façon générale on voit se développer, dans les organisations qui se bureaucratisent, des tendances centralisatrices au “sommet” et inversement des tendances décentralisatrices à “la base” (tendances à l’autonomie) : par exemple dans une usine à l’intérieur du cadre plus large de l’entreprise, ou dans un établissement local placé sous le contrôle d’un organisme central. D’où des conflits de pouvoir qui peuvent soit amorcer un processus de débureaucratisation, soit au contraire se terminer au bénéfice du sommet ;
c) la taille ou dimension des organisations ;
d) la spécialisation des tâches. Par exemple : assumer des responsabilités syndicales implique des connaissances, techniques (juridiques, économiques) dont la possession et le maniement tendent à accentuer la séparation entre la base et les membres de l’appareil ;
e) l’accès à des fonctions de gestion. On voit se développer la bureaucratisation dans les syndicats qui assument ou partagent une gestion, dans des partis qui accèdent au pouvoir. Ces causes sont citées à titres d’exemples. Il reste que les conditions dans lesquelles une bureaucratie se forme et se développe, sont encore mal connues. On les trouve éparses dans des monographies correspondant aux différents secteurs étudiés par la sociologie ; mais il existe très peu d’essais en vue d’une systématisation.

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Table des matières

Introduction
PARTIE I ANALYSE ÉCONOMIQUE DU COMPORTEMENT BUREAUCRATIQUE
CHAPITRE 1: APPROCHE CONCEPTUELLE DE LA BUREAUCRATIE
Section A: Naissance et évolution du concept de bureaucratie
Paragraphe 1: L’administration politique de Friedrich Hegel et de Karl Marx
a- L’Etat hégélien
b- Les trois fonctions de l’administration
c- Une lignée hégélienne: l’administration politique
d- La bureaucratie comme un instrument de domination
Paragraphe 2: La bureaucratie dans la pensée socialiste
a- Evolution du problème avant Weber
– La bureaucratie, détenteur de pouvoir
– D’un problème d’Etat au problème d’administration
– D’un problème administratif au problème organisationnel
b- Le modèle bureaucratique après Weber
– Formation et développement d’une bureaucratie
– Caractères essentiels du fonctionnement bureaucratisé
– Les changements de but des bureaucrates, un danger permanent
Section B: La rationalité de l’organisation bureaucratique
Paragraphe 1: La forme la plus efficace de Max Weber (1864-1920)
a- Une légitimité rationnelle légale
b- Un modèle théorique
c- Les traits essentiels de l’organisation bureaucratique
Paragraphe 2: Un mode de fonctionnement segmenté: la standardisation
a- Les éléments perturbateurs d’une organisation
b- Principe de la standardisation
Section C: La première approche des économistes
Paragraphe 1: Analyse positive de Tullock des comportements stratégiques des bureaucrates
a- Vue à travers l’école du Public Choice
b- La bureaucratie, moins efficiente que le marché
– L’absence de concurrence
– Le problème de sur-coûts
– Le fonctionnaire n’est pas libre d’agir à sa guise
c- La solution bureaucratique, un second best
Paragraphe 2: Downs et ses théories organisationnelles
a- L’idéal-type administratif
– L’impersonnalité des règles
– Emplois à plein temps
– La progression hiérarchique au mérite
– Une production hors-marché
b- Les objectifs des agents publics
c- Analyse des interactions administratives
CHAPITRE 2: LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE ÉCONOMIQUE DE LA BUREAUCRATIE
Section A: Les déterminants de la fonction d’utilité bureaucratique
Paragraphe 1: La maximisation du budget total de William Niskanen (1971)
a- Un processus de révélation des préférences en deux temps
b- La maximisation de ses intérêts personnels
c- Les solutions avancées par Niskanen
– Promouvoir la compétition entre les bureaux
– Réintroduire le mécanisme de profit
– Solutions de marché et solutions politiques
Paragraphe 2: Les objectifs du budget discrétionnaire
a- Fondement
b- Formalisation
Paragraphe 3: Xavier Greffe (1981, 1994) et ses analyses des décisions publiques
a- Pour l’efficience de l’offre publique
b- Pour un revirement au système de profit
c- Pour une valorisation du facteur humain
Section B: Fondements des réformes de la gestion publique
Paragraphe 1: Approche institutionnelle
a- L’influence bureaucratique
b- Des contrôles et sanctions efficaces
c- Le recours à une institution adaptée
Paragraphe 2: Fondements normatifs des politiques de réforme de la gestion publique
a- Le consensus de Washington
b- La réforme managérial de l’Etat dans les PED
c- Spécialisation des tâches et concurrence des services
Paragraphe 3: Fondement théorique du réforme par le partenariat public-privé
a- Inefficience-x des organisations publiques
b- Coûts de transaction élevés
c- Le New public Management
PARTIE II ANALYSE DES POLITIQUES ADMINISTRATIVES DE L’ETAT MALGACHE
CHAPITRE 1: LA MOTIVATION DES AGENTS PUBLICS
Section A: Accroître leurs avantages monétaires
Paragraphe 1: Etat des lieux
a- Evolution globale du cadre malgache
b- Evolution des salaires des fonctionnaires
c- Evolution du Smig
Paragraphe 2: Enjeux d’une politique expansionniste
a- Sur la rémunération des agents de l’état
– Avantages de la hausse des salaires
– Les revers de la politique
b- Avantages et inconvénients de la concurrence en matière de budget
Paragraphe 3: Pour un système d’incitation des bureaucrates
a- La rémunération au mérite des agents publics
– Comparaison entre Salaire minimum public et le Smig
– La formation du salaire dans le secteur public
– Propositions de nouveaux systèmes incitatifs
b- L’arbitrage du budget ministériel
– Le budget de reconduction
– Procédure d’arbitrage
Section B: Les autres sources de motivation
Paragraphe 1: Moderniser l’environnement de travail
a- Intérêt de l’informatisation des activités
b- Organisation de sa mise en oeuvre pour chaque volet
Paragraphe 2: Assurer la formation du personnel
a- Intérêt de la formation
– Facteur de compétence
– Rentabilité de l’investissement
b- Organisation de la formation malgache
c- Possibilté de carrière
– Selon le processus: formation – mérite – carrière
– Selon le processus: ancienneté – formation – carrière
Paragraphe 3: Etablir des avantages en nature
a- Intérêt de la politique
b- Répartition selon les fonctions
c- Les retombées économiques
– Possibilté d’épargne
– Risque de free rider
CHAPITRE 2: ILLUSTRATION À PARTIR DU CAS DES ADMINISTRATIONS FISCALE ET DOUANIÈRE MALGACHES
Section A: Résoudre la corruption administrative
Paragraphe 1: Les impacts des actions déjà entamées
a- Intérêt de la lutte contre la corruption
– Dimension économique de la corruption
– Coût de la corruption
– Avantages de la lutte
b- Evolution de la corruption à Madagascar
– Au niveau national
– Au niveau de l’admnistration publique malgache
c- Création des agences spécialisées
d- Les stratégies du business-plan du MEFB
e- Résultats au niveau administratif
Paragraphe 2: Application du plan de lutte de Klitgaard
a- Séléction des agents
b- Structure des sanctions et récompenses
c- Collecte des informations
d- Restructuration des relations agent-principal-client
e- Attitude générale vis-à-vis de la corruption
Paragraphe 3: Ethique et anti-corruption
a- Objectifs du plan d’action de l’OFPA
b- Stratégies de sensibilisation
c- Lutte contre la fraude et les évasions fiscales
Section B: Résoudre la lenteur administrative
Paragraphe 1: La methode d’évaluation de Nioche
a- Les différents niveaux de l’évaluation
b- Plan d’action fiscal
c- Evaluation des politiques fiscales malgaches
Paragraphe 2: Réformer la structure de l’administration
a- Les difficultés liées au changement
b- Les stratégies du business plan du MEFB
Paragraphe 3: Application du e-gouvernance
a- Avantages de la réforme
b- Organisation de la réforme
c- Application dans le système administatif malgache
Conclusion
Bibliographie

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